LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Met hors de cause la société Mutuelles du Mans venant aux droits de la société Azur assurances IARD ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 7 décembre 2010), que la société Fanim, maître d'ouvrage, a conclu un marché portant sur des travaux de couverture et bardage d'un bâtiment avec la société Soprema, laquelle a acheté des bacs en acier à la société Haironville qui a sous-traité l'application d'un revêtement sur ces bacs à la société Becker industrie (la société Becker), assurée par les Mutuelles du Mans assurances IARD (les MMA) ; qu'après réception des travaux le 15 novembre 1989, puis constatation en 1996 du décollement du revêtement des bacs, la société Becker a fait exécuter par la société Parisi des travaux de remise en état réceptionnés le 14 janvier 1999 ; qu'après réapparition des désordres le 28 août 2003 et une expertise ordonnée le 18 novembre 2003, la société Saint-Michel, acquéreur de l'immeuble, a assigné la société Soprema et M. X..., liquidateur de la société Parisi, et son assureur décennal en réparation de ses dommages ; que le 10 mars 2006, la société Soprema a appelé dans la cause la société Arcelor construction France (la société Arcelor), venant aux droits de la société Haironville, et la société Becker, laquelle, par assignation du 19 décembre 2006, a appelé en garantie les MMA, aux droits desquelles vient la société Covea Risks (la société Covea) ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal :
Vu l'article L. 114-1 du code des assurances ;
Attendu que pour accueillir l'action récursoire de la société Becker contre la société Covea, son assureur, l'arrêt retient que l'assureur en prenant la direction du procès renonçait à invoquer la prescription de l'action jusqu'à l'issue du procès qui s'était poursuivi devant le juge du fond ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne suffisent pas à caractériser la direction du procès par l'assureur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour débouter la société Girbau Robotics, anciennement dénommée société Jean-Michel, de sa demande en paiement du coût des travaux de réfection formée contre la société Soprema, l'arrêt retient que l'entrepreneur principal n'est pas responsable envers les tiers des dommages causés par son sous-traitant dont il n'est pas le commettant ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'entrepreneur principal est responsable à l'égard du maître de l'ouvrage ou des propriétaires successifs de l'ouvrage des fautes de ses sous-traitants à l'origine des désordres, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi principal :
CASSE ET ANNULE l'arrêt mais seulement en ce qu'il condamne la société Covea Risks in solidum avec la société Arcelormittal, la société Parisi et la société Becker industrie à verser une somme à la société Jean-Michel, condamne solidairement avec la société Becker à garantir la société Arcelormittal des condamnations prononcées contre elle et condamne la société Covea Risks in solidum avec la société Parisi à garantir la société Becker industrie et en ce qu'il déboute la société Girbau Robotics de sa demande en paiement à l'encontre de la société Soprema, l'arrêt rendu le 7 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Becker industrie et la société Soprema aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Becker industrie à verser la somme de 2 500 euros à la société Covea Risks ; condamne la société Soprema à verser la somme de 2 500 euros à la société Girbau Robotics ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze juin deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits au pourvoi principal par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Covea Risks
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR condamné la société COVEA RISKS, in solidum avec la société ARCELOR, la société PARISI et la société BECKER, à payer à la société JEAN-MICHEL la somme de 80.871,13 € ; D'AVOIR condamné la société COVEA RISKS, solidairement avec la société BECKER, à garantir la société ARCELOR des condamnations prononcées contre elle ; et D'AVOIR condamné la société COVEA RISKS, in solidum avec la société PARISI à garantir la société BECKER des condamnations prononcées contre elle ;
AUX MOTIFS QUE l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable, de sorte que l'action de la société JEAN-MICHEL contre cet assureur n'est pas prescrite ; que l'assureur fait valoir ajuste titre qu'il ne doit pas sa garantie pour les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile incombant personnellement aux sous-traitants (page 15 des clauses particulières) ; qu'il en résulte que la garantie de l'assureur ne peut être recherchée à raison de l'intervention de la société BECKER ; mais qu'à défaut d'explications contraires, cette garantie est due pour les dommages résultant de la mise en oeuvre du procédé PLASTISOL, de sorte qu'il convient de condamner la société COVEA RISKS à indemniser la société JEAN-MICHEL ; que par suite d'une erreur matérielle qui doit être rectifiée, les premiers juges ont opéré une confusion entre les MUTUELLES DU MANS aux droits de AZUR et COVEA RISKS au droit des MUTUELLES DU MANS ASSURANCES ; que la société PARISI doit être condamnée à garantir la société BECKER INDUSTRIE des condamnations prononcées contre elle à raison de la mauvaise mise en oeuvre des travaux de reprise ; que les exceptions visées par l'article L.113-17 du Code des assurances, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernent ni la nature des risques garantis ni le montant de cette garantie, qu'il en résulte qu'il est inutile que l'assureur fasse part de ses réserves sur sa garantie ; que par contre en prenant la direction du procès, l'assureur renonce à invoquer la prescription jusqu'à l'issue du procès ainsi que l'ont décidé ajuste titre les premiers juges ; que toutefois que les premiers juges ne pouvaient sans méconnaître ce principe décider que la prescription de l'action avait recommencé de courir à partir du janvier 2004, date de l'ordonnance de référé ayant déclaré opposables les opérations d'expertise, notamment, à la société BECKER, l'instance s'étant poursuivie devant le juge du fond ; qu'il en résulte que la prescription n'était pas acquise ;
1°) ALORS QUE la direction du procès par l'assureur suppose que soient constatés de sa part des actes témoignant d'une direction effective du procès ; et qu'en présence de réserves explicites de garantie et de responsabilité, la seule assistance juridique de l'assuré n'établit nullement la direction du procès par l'assureur ; qu'en l'espèce, la société COVEA RISKS, venant aux droits de la société MMA IARD faisait valoir qu'elle ne pouvait être considérée comme ayant dirigé le procès, puisqu'elle s'était bornée à missionner son avocat pour assister la société BECKER au cours des opérations d'expertise ordonnées en référé, ce tout en multipliant à l'adresse de son assuré « les plus expresses réserves de garantie et de responsabilité», la société MMA IARD, ayant fait savoir à son assuré qu'elle estimait d'ores et déjà que « les circonstances déclarées lui laissaient penser que son contrat n'aurait pas vocation à intervenir, s'agissant de reprise de bardages en toiture », et ayant effectivement, devant le juge du fond, assistée de son propre conseil, demandé, sa mise hors de cause sur les demandes en garantie dirigées à son encontre, notamment par son assuré ; que dès lors en postulant que la société MMA IARD avait pris la direction du procès et que ses réserves étaient inopérantes, sans s'expliquer sur ces circonstances, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.114-1 du Code des assurances ;
2°) ALORS, en toute hypothèse, QUE l'assureur cesse de diriger le procès lorsque, alors que celui-ci continue entre son assuré et le tiers lésé, l'assureur adopte une position incompatible avec les intérêts de son assuré ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que la société MMA IARD avait formulé des réserves sur sa garantie, la société COVEA RISKS rappelant en effet dans ses conclusions que la société MMA IARD n'avait accepté de mandater son avocat dans le cadre de l'expertise judiciaire que « sous les plus expresses réserves de garantie et de responsabilité », la société MMA IARD ayant alors fait savoir à son assuré qu'elle estimait d'ores et déjà que « les circonstances déclarées lui laissaient penser que son contrat n'aurait pas vocation à intervenir, s'agissant de reprise de bardages en toiture » ; qu'au demeurant, dans le cadre de la procédure qui a suivi sur le fond, la société BECKER et son assureur ont pris des positions antagonistes, la société BECKER ayant sollicité la garantie de la société MMA IARD qui s'est opposée à cette demande ; que dès lors en déclarant, pour affirmer que la prescription n'était pas acquise, qu'en prenant la direction du procès, l'assureur renonçait à invoquer la prescription jusqu'à l'issue du procès, et que l'instance s'était poursuivie devant le juge du fond, ce qui induisait que, selon la Cour d'appel, l'assureur était réputé avoir pris la direction du procès jusqu'à la fin de la procédure au fond, la Cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales et a violé l'article L.114-1 du Code des assurances ;
3°) ALORS, également, QUE l'assureur cesse de diriger le procès lorsque, alors que celui-ci continue entre son assuré et le tiers lésé, l'assureur adopte une position incompatible avec les intérêts de son assuré ; qu'en l'espèce, non seulement la Cour d'appel a constaté que la société MMA IARD avait formulé des réserves sur sa garantie, mais de plus, que dans le cadre de la procédure qui a suivi sur le fond, la société BECKER et son assureur ont pris des positions antagonistes ; que dès lors en déclarant, pour affirmer que la prescription n'était pas acquise, qu'en prenant la direction du procès, l'assureur renonçait à invoquer la prescription jusqu'à l'issue du procès et que l'instance s'était poursuivie devant le juge du fond, sans rechercher, ainsi qu'elle y était conviée par les conclusions d'appel de la société COVEA RISKS, si et à partir de quel moment l'assureur pouvait être considéré comme ayant soutenu une position incompatible avec les intérêts de son assuré, ce qui déterminait la fin de la direction du procès, et la fin de la période de suspension de la prescription biennale, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.114-14 du Code des assurances.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué :
D'AVOIR condamné la société COVEA RISKS, in solidum avec la société ARCELOR, la société PARISI et la société BECKER, à payer à la société JEAN-MICHEL la somme de 80.871,13 € ; D'AVOIR condamné la société COVEA RISKS, solidairement avec la société BECKER, à garantir la société ARCELOR des condamnations prononcées contre elle ; et D'AVOIR condamné la société COVEA RISKS, in solidum avec la société PARISI à garantir la société BECKER des condamnations prononcées contre elle ;
AUX MOTIFS QUE l'action de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable, de sorte que l'action de la société JEAN-MICHEL contre cet assureur n'est pas prescrite ; que l'assureur fait valoir ajuste titre qu'il ne doit pas sa garantie pour les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile incombant personnellement aux sous-traitants (page 15 des clauses particulières) ; qu'il en résulte que la garantie de l'assureur ne peut être recherchée à raison de l'intervention de la société BECKER ; mais qu'à défaut d'explications contraires, cette garantie est due pour les dommages résultant de la mise en oeuvre du procédé PLASTISOL, de sorte qu'il convient de condamner la société COVEA RISKS à indemniser la société JEAN-MICHEL ; que par suite d'une erreur matérielle qui doit être rectifiée, les premiers juges ont opéré une confusion entre les MUTUELLES DU MANS aux droits de AZUR et COVEA RISKS au droit des MUTUELLES DU MANS ASSURANCES ; que la SARL PARISI doit être condamnée à garantir la société BECKER INDUSTRIE des condamnations prononcées contre elle à raison de la mauvaise mise en oeuvre des travaux de reprise ; que les exceptions visées par l'article L.113-17 du Code des assurances, en ce qu'elles se rapportent aux garanties souscrites, ne concernent ni la nature des risques garantis ni le montant de cette garantie, qu'il en résulte qu'il est inutile que l'assureur fasse part de ses réserves sur sa garantie ; que par contre en prenant la direction du procès, l'assureur renonce à invoquer la prescription jusqu'à l'issue du procès ainsi que l'ont décidé ajuste titre les premiers juges ; que toutefois que les premiers juges ne pouvaient sans méconnaître ce principe décider que la prescription de l'action avait recommencé de courir à partir du janvier 2004, date de l'ordonnance de référé ayant déclaré opposables les opérations d'expertise, notamment, à la société BECKER INDUSTRIE, l'instance s'étant poursuivie devant le juge du fond ; qu'il en résulte que la prescription n'était pas acquise ;
ALORS QUE la société COVEA RISKS, aux droits de la société MMA IARD, faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 8) qu'à supposer même que les dommages invoqués par la société JEAN MICHEL ne soient pas de nature décennale, le contrat souscrit par la société BECKER auprès de son assureur excluait de la garantie « les dommages subis par les ouvrages ou travaux effectués par l'assuré, y compris ceux dont il serait responsable par application des articles 1792 à 1792-4 et 2070 du Code civil (pièce n° 3 – article 10 B alinéa 6 des condi tions spéciales 800b) » ; que dès lors en affirmant qu'à défaut d'explications contraires, la garantie de la société MMA IARD était due pour les dommages résultant de la mise en oeuvre, par la société BECKER, du procédé PLASTISOL, sans expliquer en quoi les travaux de mise en oeuvre de ce procédé n'entraient pas dans les exclusions visées à l'article 10 des conditions spéciales susvisées, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du Code civil et L.124-3 du Code des assurances.
Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Peignot et Garreau, avocat aux Conseils pour la société Girbau Robotics
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé les dispositions du jugement qui ont condamné la SA Soprema à payer à la SA Jean-Michel le coût des travaux de réfection chiffrée à 80.971,13 € TTC et, statuant à nouveau, débouté la société Jean-Michel de sa demande contre la SA Soprema ;
AUX MOTIFS QUE « l'entrepreneur principal n'est pas responsable envers les tiers des dommages causés par son sous-traitant dont il n'est pas le commettant (Cassation 3ème civ. – 22 septembre 2010 – N° de pourvoi : 09-11.007) ;
Qu'il résulte des explications de l'expert que la SA SOPREMA n'a commis aucune faute, de sorte qu'il y a lieu de débouter la SA Jean-Michel de sa demande contre elle » (arrêt attaqué, p. 6, 3ème et 4ème §).
ALORS QUE l'acquéreur jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose contre les locateurs d'ouvrage d'une action contractuelle fondée sur un manquement à leurs obligations ; qu'en l'espèce, la société Jean-Michel avait acquis du maître de l'ouvrage – la société Fanim – la propriété de l'ouvrage litigieux de sorte que l'action contractuelle de droit commun de cette dernière à l'encontre de la société Soprema - entrepreneur principal – lui avait été transmise ; qu'en retenant que la société Jean-Michel était un tiers au contrat de louage d'ouvrage, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1165 du Code civil.
ALORS QUE l'entrepreneur principal est responsable envers l'acquéreur de l'ouvrage des fautes de ses sous-traitants ; qu'en déboutant la société Jean-Michel, acquéreur de l'ouvrage, de sa demande à l'encontre de la société Soprema, entrepreneur principal, fondé sur les fautes de ses sous-traitants, au motif erroné que cette dernière n'avait pas commis de faute, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1er de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975.