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05/06/2013 | FRANCE | N°12-81698

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 juin 2013, 12-81698


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq juin deux mille treize a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller rapporteur RACT-MADOUX, les observations de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Ettore Y...,- La société Financière Fideuram, anciennement dénommée Banque privée Fideuram Wargny, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de

PARIS, chambre 5-13, en date du 1er février 2012, qui les a déboutées de l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le cinq juin deux mille treize a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller rapporteur RACT-MADOUX, les observations de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIÉ, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LACAN ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Ettore Y...,- La société Financière Fideuram, anciennement dénommée Banque privée Fideuram Wargny, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 5-13, en date du 1er février 2012, qui les a déboutées de leurs demandes après relaxe de M. Gérard Z... des chefs d'abus de pouvoirs et dénonciation calomnieuse ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 242-6, 4°, du code de commerce, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel, infirmant le jugement de condamnation, a relaxé M. Z... du chef d'abus de pouvoirs et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"aux motifs que le délit d'abus des pouvoirs sociaux prévu et réprimé par l'article L. 246-6, 4°, du code de commerce prévoit qu'est puni d'un emprisonnement de cinq ans et d'une amende de 375 000 euros le fait pour le président, les administrateurs ou les directeurs généraux d'une société anonyme de faire, de mauvaise foi, des pouvoirs qu'ils possèdent ou des voix dont il disposent, en cette qualité, un usage qu'ils savent contraire aux intérêts de la société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle ils sont intéressés directement ou indirectement ; qu'en application de ce texte, pour que cette infraction soit constituée, deux éléments matériels doivent être réunis à savoir un usage des pouvoirs sociaux et le caractère contraire de celui-ci aux intérêts de la société ;que ce texte exige en outre que le dirigeant ait eu connaissance du fait que l'usage reproché était contraire aux intérêts de la société et qu'il ait agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;qu'il résulte des pièces de la procédure et des débats qu'après les opérations de cession de 2002, Banque privée Fideuram Wargny et Financière Fideuram, sociétés soumises au contrôle de la commission bancaire, étaient dirigées conjointement par M. Z... qui devait assurer la transition et par M. A... qui représentait le nouvel actionnaire de référence, Banca Fideuram ; que les services de Banque privée Fideuram Wargny étaient composés de la façon suivante à savoir un service comptable dirigé par M. B..., un service de contrôle interne dirigé par M. C... et un service juridique dirigé par M. D... et son adjointe Mme E... ; que le 11 avril 2002, une assignation devant le tribunal de commerce de Paris, matérialisée par un acte d'huissier remis à Mme E... du service juridique, a été délivrée à la banque privée Fideuram Wargny à la requête de la société groupement prive de gestion ; que le 16 avril 2002, le service juridique de Banque privée Fideuram Wargny a désigné un avocat qui, après l'envoi d'une note de provisions sur honoraires, a préparé des conclusions qui ont été régularisées à l'audience du tribunal de commerce de Paris du 20 novembre 2002 ; qu'après avoir été informé de son existence par le service juridique, M. Z... a déclaré avoir transmis lui-même cette assignation par télécopie à la Banca Fideuram puis avoir demandé au service juridique de préparer une note à ce sujet pour la présenter au conseil d'administration du 9 mai 2002 ; que ces déclarations ont été confirmées par le directeur du service juridique de Banque privée Fideuram Wargny, M. D..., devant le juge d'instruction puis également par le directeur du service comptable de la banque, M. B... devant le tribunal ; qu'elles n'ont pas été sérieusement contestées par les parties civiles ; qu'il ne résulte pas, en conséquence, de l'information et des débats que M. Z... ait abusé de ses pouvoirs de président du conseil d'administration en dissimulant sciemment et de mauvaise foi à la Banca Fideuram l'existence du litige opposant la banque qu'il dirigeait à la société groupement privé de gestion ; qu'il ne peut être également sérieusement reproché à M. Z... de ne pas avoir informé l'assureur de la Banque privée Fideuram Wargny de l'existence de ce litige avant sa révocation intervenue le 14 octobre 2002 ; qu'en effet, la déclaration de sinistre à l'assurance n'étant encadrée dans aucun délai de forclusion, il convenait d'être plus amplement informé sur le caractère sérieux du litige et de connaître la position des autres sociétés de bourse concernées ; que d'ailleurs, M. Y... a déclaré à ce sujet devant le magistrat instructeur le 23 mai 2007 qu'il s'interrogeait toujours sur l'opportunité de déclarer ce litige à l'assureur de la Banque privée Fideuram Wargny ; que la lettre d'affirmation du 18 novembre 2002 par laquelle la Banque privée Fideuram Wargny aurait omis d'informer les commissaires aux comptes de l'existence du litige l'opposant à la société groupement privé de gestion est postérieure à la révocation de M. Z..., intervenue le 14 octobre 2002 ; qu'elle a été adressée aux commissaires aux comptes par la nouvelle équipe dirigeante alors que le service juridique de la Banque privée Fideuram Wargny avait été destinataire le 22 octobre 2002 d'un courrier émanant du courtier d'assurance Aon qui attirait son attention sur le litige concerné et lui demandait de préciser sa position à l'égard de cette très importante réclamation ; que, selon une note interne du service juridique, datée du 29 octobre 2002 et faisant référence à ce courrier d'Aon, la question de savoir si la somme demandée par la société groupement privé de gestion devait être provisionnée ou non a été posée à M. A... qui exerçait toujours à cette époque les fonctions de directeur général de la Banque privée Fideuram Wargny ; qu'il n'est pas également démontré que M. Z... ait agi à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ; qu'en effet, il est indiqué dans un courrier adressé par Financière Fideuram à la Société générale le 10 novembre 2003 que la garantie de passif a été mise en oeuvre au motif de vingt litiges correspondant à un montant total maximal de pertes de 148 500 000 d'euros ; que parmi ces vingt litiges, celui concernant la société groupement privé de gestion portait sur 140 000 000 d'euros et les dix-neuf autres sur 8 500 000 euros ; que le seuil de déclenchement de la garantie de passif prévu dans le contrat du 26 septembre 2000 étant de 3 000 000 d'euros, la prétendue dissimulation du seul litige concernant la société groupement privé de gestion ne présentait donc aucun intérêt pour M. Z... pour préserver ses intérêts personnels de garant ; que les éléments constitutifs du délit d'abus de pouvoir ne sont donc pas réunis en l'espèce ; que la cour, en conséquence, infirmera le jugement entrepris en déclarant le prévenu non coupable de ce chef et en le renvoyant des fins de la poursuite ;
1°) "alors qu'il appartient aux juges du fond de se prononcer sur l'ensemble des faits dont ils sont saisis ; que M. Z... était poursuivi pour abus de pouvoir, pour avoir dissimulé l'assignation délivrée le 11 avril 2002 à la requête de la société groupement privée de gestion (GPG) aux actionnaires, au conseil d'administration, aux commissaires aux comptes ainsi qu'à l'autorité de tutelle ; qu'il ne résulte d'aucune des mentions de l'arrêt attaqué que la cour d'appel ait examiné si le prévenu avait sciemment dissimulé cette assignation à la commission bancaire ; qu'en s'abstenant de procéder à un tel examen, la cour d'appel a méconnu les termes de son office ;
2°) "alors que la cour d'appel a retenu que la lettre d'affirmation du 18 novembre 2002, par laquelle la Banque privée Fideuram Wargny aurait omis d'informer les commissaires aux comptes de l'existence du litige l'opposant à GPG était postérieure à la révocation de M. Z..., intervenue le 14 octobre 2002, pour juger que le prévenu n'avait pas dissimulé aux commissaires aux comptes l'assignation du 11 avril 2002, lorsqu'il résultait des pièces de la procédure que deux comptes rendus de réunion du 30 juillet 2002, adressés le 31 juillet aux commissaires aux comptes, mentionnent au titre des faits marquants l'absence de nouveaux litiges significatifs avec les clients ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur cette circonstance, qui caractérise une abstention délibérée de M. Z... de signaler l'assignation délivrée le 11 avril 2002, laquelle avait été expressément avancée par le tribunal correctionnel pour entrer en voie de condamnation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
3°) "alors qu'en outre, pour juger que M. Z... n'a pas dissimulé aux actionnaires l'assignation du 11 avril 2002, la cour d'appel ne pouvait retenir que les déclarations du prévenu, selon lesquelles il aurait transmis, par télécopie l'assignation à Banca Fideuram, ont été confirmées par M. D..., sans répondre au moyen de défense selon lequel M. F... n'a jamais reçu cette télécopie, et que la remise de cette assignation au service juridique de la banque Fideuram Wargny ne démontre pas que l'actionnaire de référence en ait été avisé ;
4°) "alors qu'en relevant, pour juger que M. Z... n'a pas agi à des fins personnelles, que le prévenu n'avait pas d'intérêt à dissimuler le seul litige concernant GPG pour préserver ses intérêts personnels de garant dès lors que le seuil de déclenchement de la garantie de passif était dépassé même sans tenir compte de ce litige, sans s'expliquer sur la circonstance qu'en ne signalant pas cet événement, M. Z... a obtenu la libération du deuxième tiers de la somme séquestrée en septembre 2002 et pouvait penser obtenir la libération du solde en septembre 2003, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 226-10 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que la cour d'appel a relaxé M. Z... du chef de dénonciation calomnieuse et débouté les parties civiles de leurs demandes ;
"aux motifs que le tribunal a justement considéré que la présomption de fausseté prévue à l'article 226-10, alinéa 2, du code pénal ne pouvait pas s'appliquer aux faits dénoncés par M. Z... puisque l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris du 10 mai 2006 avait admis la véracité du fait dénoncé en relevant que l'existence du litige concernant la société groupement privé de gestion répondait à la définition du passif éventuel devant être mentionnée dans l'annexe des comptes annuels en application des normes comptables applicables ; qu'entre la date de sa révocation le 14 octobre 2002 et la date de son dépôt de plainte le 13 janvier 2004, M. Z... n'avait reçu aucune information concernant l'évolution du litige opposant la Banque privée Fideuram Wargny et la société Groupement privé de gestion ; qu'en revanche, il avait bien été informé le 10 novembre 2003 que Banca Fideuram avait bloqué le solde du prix de vente des actions du groupe Wargny entre les mains de la Société générale en évoquant un risque de pertes de plus de 148 000 000 euros ; qu'il avait alors adressé à M. Y... un courrier daté du 22 décembre 2003, dans lequel il lui demandait d'expliquer au cours de l'assemblée générale qui devait se tenir le lendemain, pourquoi le risque de pertes de 148 000 000 d'euros n'avait fait l'objet d'aucune provision dans les comptes de la banque ; que n'ayant reçu aucune réponse sur ce point, il avait alors décidé de porter plainte ; qu'avant d'être révoqué le 14 octobre 2002, M. Z... ne disposait que d'une information très incomplète sur le caractère sérieux du litige, l'assignation devant le tribunal de commerce n'ayant été délivrée que le 11 avril 2002 ; qu'il avait ainsi pu de bonne foi, comme il le prétend, considérer que ce litige faisait l'objet d'un suivi suffisant par les services concernés des directions juridiques et comptables ; que la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris dans son arrêt précité du 10 mai 2006 a d'ailleurs considéré que seul l'élément intentionnel de l'infraction dénoncée par M. Z... n'était pas constitué à l'encontre de M. Y... ; que cette analyse de l'élément intentionnel par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 10 mai 2006 ne pouvait être connu de M. Z... lorsqu'il avait déposé plainte plus de deux ans auparavant le 13 janvier 2004 ; qu'il ne résulte donc pas de l'information et des débats que M. Z... ait agi de mauvaise foi en adressant sa plainte au doyen des juges d'instruction le 13 janvier 2004 ; que les éléments constitutifs du délit de dénonciation calomnieuse ne sont donc pas réunis en l'espèce ; que la cour, en conséquence, infirmera le jugement entrepris en déclarant le prévenu non coupable de ce chef et en le renvoyant des fins de la poursuite ;
"alors qu'il appartient à la juridiction saisie de poursuites pour dénonciation calomnieuse d'apprécier la pertinence des accusations portées par les dénonciateurs ; qu'il résulte des pièces de la procédure que le 10 mai 2006, saisie de l'appel interjeté par M. Z... contre l'ordonnance de non-lieu rendue au bénéfice de M. Y... du chef de présentation de comptes infidèles, la chambre de l'instruction, tout en admettant que l'existence du litige GPG aurait dû être mentionnée, a également relevé que M. Z... n'avait pas jugé utile d'en aviser M. Y..., son successeur à la tête de la Banque privée Fideuram et de la Financière Fideuram, lorsqu'il en avait pourtant été lui-même avisé par son directeur juridique et qu'il avait, dans son assignation des 9 et 16 mars 2004 devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir le déblocage des sommes mises sous séquestre, développé son argumentation relative au procès GPG sous le titre "Litiges dépourvus de fondement" ; qu'en relevant, pour relaxer le prévenu, qu'il ne disposait que d'une information très incomplète sur le caractère sérieux du litige, sans s'expliquer sur les circonstances qui résultent de l'arrêt de la chambre de l'instruction confirmant le non-lieu, selon lesquelles le prévenu s'est abstenu d'informer M. Y... de cette assignation, accusant ainsi son successeur d'avoir dissimulé un litige dans l'ignorance duquel il l'avait lui-même laissé et dont il n'avait lui-même donné aucune traduction comptable, circonstances caractérisant sa mauvaise foi et qui avaient été expressément retenues par le tribunal correctionnel pour entrer en voie de condamnation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et en répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, exposé les motifs pour lesquels elle a estimé que la preuve des infractions reprochées n'était pas rapportée à la charge du prévenu, en l'état des éléments soumis à son examen, et a ainsi justifié sa décision déboutant la partie civile de ses prétentions ;
D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que M. Ettore Y... et la société Financière Fideuram devront payer à M. Gérard Z... ;
Ainsi prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-81698
Date de la décision : 05/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 01 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 jui. 2013, pourvoi n°12-81698


Composition du Tribunal
Avocat(s) : Me Spinosi, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.81698
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