LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Axel X...,
- La société Microsoft Corporation, partie civile,
contre l'arrêt de la cour d'appel de DOUAI, 6e chambre, en date du 24 novembre 2011, qui, dans la procédure suivie notamment contre le premier des chefs de contrefaçon, reproduction ou diffusion non autorisée de programme, vidéogramme ou phonogramme, importation ou exportation de phonogramme ou vidéogramme non autorisée et recel, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande, en défense, en réplique et les observations complémentaires produits ;
I-Sur le pourvoi de M. X... :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, des articles 16 et 160 du code de procédure civile, des articles 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que les rapports d'expertise de M. Y...des 14 janvier 2009 et 12 juillet 2010 étaient opposables à M. X... ;
" aux motifs que M. Axel X... expose qu'il n'a jamais été convoqué aux opérations d'expertise ni rendu destinataire des écritures de M. Y..., documents dont il n'a pris connaissance qu'une fois terminées les diligences de l'expert de sorte qu'il n'a pu discuter les méthodes et les conclusions de ce dernier, ce qui à ses dires le prive d'un procès équitable au sens des dispositions de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ; qu'il faut toutefois noter à la lecture des rapports de l'expert et notamment de celui en date du 12 juillet 2010 que l'expert cite systématiquement M. X... dans la liste des prévenus à convoquer et qu'il a bien adressé une convocation à Me Z...représentant MM. A..., B...et X... mais que l'avis de délivrance est revenu avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » ; qu'il ne peut, au vu de ce qui précède, être conclu comme le fait M. X... que l'expert judiciaire a omis de le convoquer de sorte que les rapports de M. Y...lui sont bien opposables ;
" 1°) alors que le juge doit déclarer le rapport d'expertise judiciaire inopposable à la personne qui n'a pas été effectivement informée de la mesure d'instruction ; qu'au cas précis, la cour d'appel a constaté, pour convoquer M. X..., que l'expert judiciaire s'était borné à adresser à son avocat une lettre qui lui était revenue avec la mention « n'habite pas à l'adresse indiquée » ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des mentions de l'arrêt que M. X... ait été personnellement convoqué ; qu'ainsi, le demandeur ne pouvait être considéré comme ayant été utilement informé de l'existence de la mesure d'expertise ; qu'en décidant le contraire, pour déclarer les rapports litigieux opposables à M. X..., la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen.
" 2°) alors que le juge doit en toutes circonstances observer et faire observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur une expertise judiciaire à laquelle une partie n'a été ni effectivement appelée, ni effectivement représentée ; qu'en se fondant sur l'expertise judiciaire réalisée par M. Y..., après avoir pourtant constaté que M. X... n'avait pas été utilement informé de l'existence des opérations d'expertise de sorte qu'il n'avait pu ni y assister ni s'y faire représenter, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés " ;
Attendu que, pour dire opposables à M. X... les rapports d'expertise judiciaire des 14 janvier 2009 et 12 juillet 2010, l'arrêt attaqué prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors qu'il résulte de la procédure que M. X... ne réclamait pas l'annulation des rapports d'expertise dont les contenus ont été débattus contradictoirement devant elle, la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à son examen, a pu tenir compte des appréciations de l'expert pour fixer l'indemnisation des parties civiles ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 480 du code de procédure civile, 1235, 1351 et 1382 du code civil, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à payer différentes indemnités solidairement avec les autres personnes condamnées ;
" aux motifs que c'est en cela que la juridiction du second degré, en son arrêt du 12 juin 2009, rejetait la demande de huit prévenus tendant à voir déclarer irrecevables les constitutions de parties civiles en question, la cour prenant soin de motiver comme suit sa décision : « dans son arrêt du 3 mars 2005, la cour n'ayant ni infirmé ni annulé les dispositions du jugement concernant la condamnation provisionnelle des prévenus, celles-ci ont été confirmées implicitement et ont acquis l'autorité de la chose jugée »/ en définitive il importe de condamner solidairement MM. A..., C..., B..., D..., X..., E..., F..., G..., H..., I..., J..., K...et L...à payer à la société Microsoft Corporation la somme globale de 78 747, 78 euros en réparation de son préjudice patrimonial et celle de 5 500 euros au titre de la réparation globale de ses préjudices extrapatrimonial et moral ; qu'en effet, il doit être constaté qu'aucun des prévenus appelants n'a entendu quereller au cours de l'audience de la cour du 20 janvier 2005 la condamnation solidaire au paiement d'une provision de 1 euro à chaque partie civile ; qu'il faut donc en conclure que le principe de la solidarité prononcé par les premiers juges et qui n'a été remis en cause par aucune des précédentes décisions de cette cour est aujourd'hui définitif et revêtu de l'autorité de la chose jugée de sorte qu'aucune discussion ne peut être utilement engagée aujourd'hui à ce propos ;
" alors que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche ; que l'autorité de la chose jugée n'a cependant lieu qu'à l'égard de ce qui a été tranché dans le dispositif ; que le dispositif de l'arrêt du 3 mars 2005 ne statue par sur le principe de la solidarité assortissant la condamnation des prévenus à indemniser les parties civiles ; qu'il ne confirme ni n'infirme le jugement du tribunal correctionnel de Lille en date du 29 novembre 2004 sur ce point ; qu'il se borne à ordonner une expertise judiciaire ; que l'arrêt du 12 juin 2009 de la cour d'appel de Douai ne statue pas plus sur cette question qui restait donc à trancher ; qu'en énonçant que le principe de la condamnation solidaire à indemniser les parties civiles des personnes condamnées aurait acquis l'autorité de la chose jugée pour n'avoir fait l'objet d'aucune contestation à l'audience du 20 janvier 2005 et n'avoir pas été condamné par l'une de ses précédentes décisions, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen " ;
Attendu que, pour condamner solidairement M. X... à payer diverses sommes à certaines parties civiles, la cour d'appel prononce par les motifs repris au moyen ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que la solidarité énoncée par l'article 480-1 du code de procédure pénale est applicable aux infractions connexes, l'arrêt attaqué n'encourt pas le grief visé au moyen, lequel dès lors ne saurait être accueilli ;
II-Sur le pourvoi de la société Microsoft Corporation :
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 1er du protocole additionnel n° 1 à ladite convention, 1382 du code civil, 2, 10, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil, et violation du principe de réparation intégrale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a réduit le préjudice patrimonial subi par la société Microsoft Corporation à la somme de 78 747, 78 euros et lui a alloué la somme de 5 500 euros au titre du préjudice extrapatrimonial et moral ;
" aux motifs que le préjudice patrimonial de la société Microsoft Corporation sera indemnisé au vu des seules contrefaçon analysées et reprises par l'expert judiciaire en son rapport, les éléments de l'enquête n'étant pas suffisamment précis pour établir qu'un logiciel saisi lors des perquisitions aux domiciles des prévenus et dont Microsoft est titulaire a été assurément contrefait ; que le préjudice extrapatrimonial comme celui moral seront indemnisés globalement par une seule indemnité arrêtée sur la base du nombre de contrefaçons et de la nature du logiciel contrefait, soit : logiciel système d'exploitation (35 euros), logiciel applicatif (15 euros), logiciel encyclopédique (15 euros) et logiciel de jeux (10 euros) ;
" 1°) alors que les décisions pénales devenues irrévocables ont au civil l'autorité absolue de la chose jugée quant à l'existence des faits incriminés ; qu'en décidant que devaient être écartés de l'évaluation du préjudice patrimonial les contrefaçons caractérisées par les OPJ au cours de l'enquête judiciaire qui ne figuraient pas dans le rapport d'expertise au motif inopérant que ces constatations ne seraient pas suffisamment précises pour caractériser la faute délictuelle quand les prévenus avaient, de ces chefs, été reconnus coupables du délit de contrefaçon par un jugement irrévocable du tribunal correctionnel de Lille du 29 janvier 2004, la cour d'appel a méconnu l'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil ;
" 2°) alors que le profit résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en s'abstenant d'évaluer l'importance réelle du préjudice moral subi par la société Microsoft Corporation en l'englobant purement et simplement dans le préjudice extrapatrimonial, la cour d'appel a méconnu les texte et principe susvisés " ;
Attendu qu'en évaluant, comme elle l'a fait, d'une part, la réparation du préjudice patrimonial, et, d'autre part, globalement, la réparation des autres chefs de préjudice, la cour d'appel n'a fait qu'user de son pouvoir d'apprécier souverainement, dans la limite des conclusions des parties, les indemnités propres à réparer les dommages nés des infractions ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, article 1 du protocole additionnel numéro 1 à ladite convention, 1382, 2, 10 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale, ensemble violation des principes de réparation intégrale ;
" en ce que la cour n'a pas ordonné la remise des scellés à la partie civile requérante ;
" alors que, la partie civile ayant expressément sollicité que soit ordonnée, à titre de réparation, la remise des scellés contrefaisants ayant porté atteinte à sa propriété intellectuelle, la cour ne pouvait légalement garder silence sur la demande indemnitaire dont elle était saisie en réparation de la contrefaçon qu'elle avait par ailleurs constaté dans le cadre de l'action publique " ;
Attendu que l'arrêt n'encourt pas le grief du moyen, dès lors que la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'accorder la remise des scellés à la partie civile, a apprécié souverainement l'étendue des réparations qu'elle lui a allouées ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que M. X... devra payer à la SACEM et à la SDRM au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 000 euros la somme que M. X... devra payer à la Société civile des producteurs phonographiques, à 2 000 euros la somme globale que M. X... devra payer aux sociétés représentées par la société civile professionnelle Roger-Sevaux, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale au profit de la société Microsoft Corporation ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Pers conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Couffrant ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;