LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... de ce qu'il se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre M. Y..., ès qualités ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a engagé une action en responsabilité contre la SCP d'avocats Delplancke Lagache et autres et M. Z... qui en était alors associé et qu'il avait consulté à l'occasion de la création d'une société destinée à exploiter un fonds de commerce qu'il avait pour projet d'acquérir ;
Attendu que pour écarter des débats des correspondances que l'avocat consulté ou l'un de ses associés avaient adressées soit à des confrères soit au client et que celui-ci entendait produire au soutien de ses prétentions, l'arrêt énonce que le secret professionnel est une obligation générale et absolue pour les lettres dont l'avocat est l'auteur et en déduit que si M. X... n'était pas personnellement tenu au secret professionnel, pas plus qu'au secret des lettres dont il est l'auteur, il n'était pas fondé à soutenir que les lettres dont l'avocat est l'auteur ne seraient pas couvertes par la confidentialité ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la confidentialité des correspondances adressées par l'avocat à des confrères ou à son client ne s'impose pas à ce dernier qui, n'étant pas tenu au secret professionnel, peut les produire en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Vincent et Ohl, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a dit que les pièces n° 12, 13 et 15 produites par M. X... sont écartées des débats et a débouté Monsieur X... de toutes ses demandes ;
Aux motifs que c'est à juste titre que les premiers juges ont écarté des débats, en vertu des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, les lettres couvertes par le secret professionnel, obligation au caractère général et absolu, dès lors que l'avocat en était l'auteur, peu important à cet égard que Monsieur X... ne soit lui-même pas tenu au secret professionnel (arrêt, p. 5, § 3) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que par application des dispositions de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, les correspondances échangées entre le client et son avocat et entre l'avocat et ses confrères, à l'exception de celles portant la mention « officielle » sont couvertes par le secret professionnel ; que les pièces contestées par la SCP sont constituées de lettres adressées par Me Z... ou son associé, soit à M. X..., soit à un confrère ; que dès lors, si M. X... n'était effectivement pas tenu personnellement au secret professionnel et n'était donc pas tenu au secret pour les lettres dont il est l'auteur, il ne peut en revanche légitimement soutenir que les lettres litigieuses, et dont l'avocat est l'auteur, ne seraient pas couvertes pas la confidentialité ; qu'il doit dès lors être constaté que les pièces n° 7, 12, 13 et 15 sont couvertes par le secret professionnel ; que la production de la dernière de ces pièces à la procédure en comblement du passif n'est pas de nature à justifier son admission à la présente procédure ; qu'en conséquence les pièces suivantes devront être écartées des débats :
- lettre de Me Z... à Me B... du 19 février 1999
- lettre de Me C...à M. X... du 19 janvier 1999
- lettre de Me Z... à M. X... du 28 janvier 1999
- lettre de Me Z... à M. X... du 3 décembre 1999 (jugement dont appel, p. 5) ;
Alors que la confidentialité des correspondances échangées entre l'avocat et son client ne s'impose qu'au premier et non au second qui, n'étant pas tenu au secret professionnel, peut les rendre publiques ; qu'en décidant le contraire et en écartant des débats les lettres échangées avec un avocat, produites pour faire la preuve des manquements allégués, par le motif inopérant que ce dernier en était l'auteur, la cour d'appel a violé l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a débouté Monsieur X... de toutes ses demandes ;
Aux motifs propres premièrement que les premiers juges ont également écarté par des justes motifs le grief selon lequel Maître Z... aurait fait perdre à la société Ovosud des droits déjà acquis en faisant renoncer son client au bénéfice de la levée d'option et en formant auprès du liquidateur une offre d'acquisition du fonds de la société Ovostar, alors qu'il est constant que M. X... ne peut se prévaloir du droit acquis qu'il invoque dès lors que la levée d'option ne pouvait avoir d'effet en l'absence à la date de la levée d'option d'accord sur la chose et sur le prix entre les parties (arrêt attaqué, p. 6, 1er §) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges sur l'irrégularité de la levée d'option du 23 juillet 1999, que M. X... soutient que la levée d'option notifiée le 23 juillet 1999 à la société Ovostar n'aurait pas été régulière du fait qu'il n'aurait pas été notifié d'acquisition pour l'immeuble situé quartier Peyraube et du fait que la société 2D avait déclaré intervenir aux droits de la société Avisud alors que le bénéficiaire de la promesse était la société Ovosud ; qu'il est cependant constant que l'échec de la cession envisagée par les parties n'a jamais été imputé à la défaillance alléguée du locataire-gérant dans la levée d'option relative aux biens immobiliers, seule la cession envisagée du fonds de commerce ayant donné lieu à contentieux ; qu'il est au demeurant contradictoire pour M. X... de soutenir d'une part que la levée de l'option formulée par Me Z... était irrégulière, d'autre part que la vente devait être considérée comme parfaite de sorte que la société Ovosud avait acquis des droits que Me Z... aurait méconnus ; que sur la méconnaissance des droits de la société Ovosud, M. X... soutient, sur le fondement des dispositions de l'article 1583 du Code civil que la promesse de vente faite le 25 janvier 1999 et modifiée selon avenant du 16 juin 1999, avait été acceptée par la société Ovosud selon acte du 23 juillet 1999, qu'elle valait vente, et engageait à ce titre le mandataire liquidateur de la société Ovostar ; qu'il soutient en conséquence qu'en formant par la suite auprès du liquidateur une offre d'acquisition du fonds, Me Z... aurait fait perdre à la société Ovosud des droits déjà acquis ; que la condition essentielle de la validité de la vente est l'accord sur la chose et sur le prix ; que la promesse initiale de vente portait sur le fonds de commerce objet du contrat de location-gérance « dans son état actuel, que le preneur déclare parfaitement connaître pour l'avoir visité et examiné », pour le prix principal de 2 500 000 francs, sous diverses conditions suspensives parmi lesquelles « l'obtention par le bénéficiaire de toutes autorisations administratives nécessaires pour l'activité de casserie d'oeufs » ; que par écrit du 16 juin 1999, Mme Kim Hye D..., président du conseil d'administration de la société Ovostar, acceptait, que le prix de cession de 2 500 000 francs soit réduit à 1 500 000 francs, cette réduction intervenant « en contrepartie de la renonciation par la société Ovosud, bénéficiaire de la promesse, de toutes procédures à l'encontre de la société Ovostar au titre de la réalisation des travaux de régularisation visés dans la sommation objet de l'acte de la SSPP R. Bonnaud et C. Bonnaud, huissiers de justice associés à Avignon en date du 26 mars 1999. » ; que la notification de levée d'option adressée le 23 juillet 1999 à la société Ovostar par la société Ovosud en réponse à la promesse de vente et à son avenant mentionne que « le règlement du prix de cession devra être réduit des sommes réglées par la société Ovosud pour le compte de la société Ovostar et celles liées à la mise aux normes du fonds cédé afin que celui-ci puisse conserver la destination de casserie d'oeufs » ; qu'il ressort de la confrontation entre l'avenant et la levée d'option qu'il n'y avait pas à cette date d'accord sur la chose et sur le prix entre les parties ; que M. X... ne peut légitimement soutenir que la clause relative à la réduction du prix de cession n'affecterait que les modalités de règlement et non le prix lui-même, puisqu'il s'agissait seulement, selon lui, de procéder au règlement par compensation avec des dommages et intérêts dus par le vendeur, alors que de telles modalités reposaient sur la prise en compte d'une indemnisation dont ni le principe ni le montant n'avaient été acceptés par le vendeur ; qu'en effet, la réduction de prix déjà consentie par la société Ovostar dans l'avenant du 16 juin 1999 avait été expressément opérée en contrepartie de la renonciation par la société Ovosud à toutes procédures au titre de la réalisation de travaux ; qu'en conséquence, la notification effectuée le 23 juillet 1999 ne pouvait valoir levée d'option puisque le prix auquel le bénéficiaire de la promesse entendait acheter le fonds restait pour une large part indéterminé ; que dès lors, la notification du 23 juillet 1999 n'a pu opérer transfert de droits, ce dont il résulte que M. X... ne peut reprocher à Me Z... de lui avoir fait renoncer au bénéfice du transfert de propriété en formulant de nouvelles offres d'acquisition auprès du mandataire liquidateur (jugement dont appel, p. 7 et 8) ;
1°/ Alors que l'avocat, rédacteur d'un acte juridique, est tenu d'en assurer l'efficacité ; que critiquant les motifs des premiers juges, Monsieur X... faisait valoir que s'il fallait admettre que la levée d'option n'avait pu opérer transfert de droits dès lors que ses mentions auraient fait apparaître l'absence d'accord des parties sur la chose et sur le prix, alors la faute de maître Z... devait être retenue pour l'erreur commise dans la rédaction de l'acte de levée d'option qui l'avait rendue inefficace (conclusions d'appel de M. X..., p. 7) ; de sorte qu'en se bornant à adopter les motifs des premiers juges sans répondre à ce moyen des écritures de l'exposant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Aux motifs, deuxièmement, que contrairement à ce qu'affirme M X..., il n'est pas établi que les investissements engagés par la société Ovosud dans le fonds de commerce de casserie d'oeufs dont elle était seulement locataire gérante ont été perdus en raison d'un quelconque manquement imputable à Maître Z... et c'est à juste titre, et par des motifs adoptés, que les premiers juges ont écarté le grief invoqué par M X... alors que ces investissements relevaient du pouvoir de gestion du chef d'entreprise et de son appréciation personnelle des risques liés à l'acquisition d'une affaire et non de la responsabilité de l'avocat rédacteur des actes ; qu'il convient par voie de conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M X... de ses demandes, alors qu'aucune faute ne peut être imputée à Maître Z... (arrêt, p. 5, § 5) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que la société Ovosud a pris la décision d'engager des investissements dans un fonds de commerce de casserie d'oeufs dont elle était seulement locataire-gérante, sans faire suivre cette décision d'une levée d'option efficace que ce soit dans le délai contractuel de la première offre, ou en réponse à l'avenant du 16 juin 1999, préférant attendre la liquidation judiciaire de la société Ovostar pour formuler une offre de reprise du fonds de commerce au prix de 1 franc, offre portée à 250 000 francs le 25 janvier 2000, mais refusée comme insuffisante par le juge commissaire ; que ces décisions qui concernaient tant l'investissement dans le fonds loué que la définition du seuil de rentabilité pour la reprise du fonds, relevaient du pouvoir de gestion du chef d'entreprise dans le cadre de l'appréciation des risques liés à l'achat d'une affaire, et non de la responsabilité de l'avocat rédacteur des actes (jugement dont appel, p. 9, § 1 et 2).
2°/ Alors qu'en statuant par ces seuls motifs sans répondre au moyen des écritures de Monsieur X... (p. 7) par lequel il faisait valoir que Maître Z..., en négociant une réduction de prix rejetée par le juge commissaire avait reconnu qu'il y avait lieu de faire valoir la créance indemnitaire de sa cliente et que dès lors que le débiteur de cette créance indemnitaire était en liquidation judiciaire, la déclaration de créance s'imposait, la cour d'appel a derechef violé l'article 455 du code de procédure civile.