LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen relevé d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :
Vu l'article L. 1231-1 du code du travail, ensemble l'article R. 1455-6 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, statuant en référé, que M. X..., engagé à compter du 4 octobre 2006 par la société Unibéton en qualité de responsable clientèle, a signé le 29 novembre 2006 un avenant à son contrat de travail contenant une clause de non-concurrence ; que le salarié ayant démissionné le 14 mars 2011 et s'étant engagé au service de la société A M Béton, la société Unibéton a saisi la juridiction prud'homale pour qu'il soit condamné cesser sa collaboration avec le nouvel employeur ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que le recrutement de M. X..., intervenu en violation de la clause de non-concurrence, constitue un trouble manifestement illicite ;
Attendu, cependant, que, pas plus que le juge du principal, le juge des référés n'a le pouvoir, à la demande d'un tiers, d'ordonner la résiliation d'un contrat de travail ni de prendre une mesure entraînant la rupture de celui-ci ;
Qu'en ordonnant une mesure contraignant un ancien salarié à rompre le contrat de travail conclu avec un nouvel employeur, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, par voie de retranchement, en ses seules dispositions ordonnant à M. X... de cesser toute activité auprès de la société A M Béton, l'arrêt rendu le 16 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Condamne la société Unibéton aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Unibéton à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que Monsieur X... devait mettre fin à la violation de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail qui le liait à la société Unibéton en cessant toute activité auprès de la société AM Béton ;
AUX MOTIFS QUE l'article R. 1455-6 du code du travail dispose que «la formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ; qu'à la société Unibéton qui fait valoir que la violation par Monsieur X... de la clause de non-concurrence insérée dans l'avenant du 29 novembre 2006 constitue un trouble manifestement illicite qu'il appartient au juge des référés de faire cesser, le salarié réplique qu'aucun trouble ne peut résulter du non-respect d'une telle clause qui encourt la nullité dans la mesure où elle n'est assortie d'aucune contrepartie financière véritable ; qu'il précise à cet égard que, contrairement à ce qui est prévu en cas de licenciement, la contrepartie stipulée en cas de démission dépend du niveau de rémunération servie par son nouvel employeur, et qu'elle équivaut en l'espèce à une absence de contrepartie ; que la société appelante soutient à cet égard que le juge des référés ne peut se prononcer sur la validité d'une clause de nonconcurrence, et que les premiers juges ont, ce faisant, excédé leurs pouvoirs ; que si le juge des référés, qui est le juge de l'évidence, peut constater l'absence de contrepartie financière propre à vicier une clause de non-concurrence, il ne lui appartient pas en revanche d'interpréter une telle clause et d'en prononcer la nullité après avoir considéré que la contrepartie financière stipulée dans le contrat de travail équivalait à une absence de contrepartie ; qu'en l'espèce, l'avenant du 29 novembre 2006 contient une clause de nonconcurrence qui, limitée dans le temps, deux ans à compter de la cessation effective de la relation de travail, et dans l'espace, les quatre départements de la région Lorraine, et assortie d'une contrepartie financière calculée différemment en cas de licenciement et de démission, remplit en apparence les trois conditions dont dépend la validité d'une telle clause ; que les pouvoirs du juge des référés ne peuvent lui permettre, au-delà de cette simple constatation, d'analyser la clause de non-concurrence et de l'interpréter pour décider que la contrepartie financière qui est stipulée est dérisoire ou ne correspond en réalité à aucune contrepartie véritable ; que les premiers juges qui ont procédé à cette analyse ont donc excédé leurs pouvoirs ; qu'en conséquence, il y a lieu de constater que Monsieur X..., qui était tenu par une clause de non-concurrence, a été embauché, le 19 avril 2011, soit un peu plus d'un mois après sa démission, par la société AM Béton, société concurrente de la société Unibeton qui a son siège social à Longeville-les-Saint-Avold, dans le département de la Moselle ; que cette situation étant constitutive d'un trouble manifestement illicite au sens du texte sus-visé, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance déférée et de dire que Monsieur X... devra mettre fin à la violation de la clause de non-concurrence insérée dans le contrat qui le liait à la société Unibéton en cessant toute activité auprès de la société AM Béton, sans qu'il soit toutefois nécessaire d'assortir cette obligation d'une astreinte ;
1°) ALORS QUE les dispositions d'une clause de non-concurrence qui minorent la contrepartie financière en cas de rupture imputable au salarié sont réputées non écrites ; que ne peut, dès lors, constituer un trouble manifestement illicite le non respect d'une clause de non-concurrence comportant de telles dispositions ; qu'en jugeant néanmoins que le nonrespect par Monsieur X... de la clause de non-concurrence le liant à la société Unibéton constituait un trouble manifestement illicite et en décidant ainsi de faire application des dispositions de cette clause minorant la contrepartie financière de l'obligation de non concurrence en cas de démission, pour dire que ce dernier devait cesser toute activité auprès de la société AM Béton, la cour d'appel a violé le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle, ensemble les articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, le juge des référés ne peut ordonner à un salarié de cesser toute activité avec un nouvel employeur en application d'une clause de nonconcurrence qui nécessite d'être interprétée, en ses dispositions relatives à la contrepartie financière, notamment ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait constaté qu'il ne lui appartenait pas d'analyser et d'interpréter la clause de non-concurrence en ses dispositions relatives à la contrepartie financière, afin de déterminer si elle était ou non dérisoire, a néanmoins dit que Monsieur X... devait cesser toute activité auprès de la société AM Béton, en considérant que la clause de non-concurrence, qui était limitée dans le temps, et dans l'espace, quoique assortie d'une contrepartie financière calculée différemment en cas de licenciement et de démission, remplissait en apparence les trois conditions dont dépendait la validité d'une telle clause, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la formation de référé était saisie d'un litige n'entrant pas dans ses pouvoirs, violant ainsi les articles L. 1121-1 et R. 1455-6 du code du travail, ensemble le principe fondamental de libre exercice d'une activité professionnelle.