LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en toutes ses branches, tel que reproduit en annexe :
Attendu que la cassation de l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 15 mai 2008, intervenue le 10 décembre 2009 (pourvoi n° 08-17. 756), au double visa de l'article 1147 et du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, ayant laissé subsister le dispositif de cet arrêt en ce qu'il déclare l'Etablissement français du sang (EFS), garanti par la société Axa IARD, responsable à l'égard de Mme X..., contaminée par le virus de l'hépatite C à la suite de deux transfusions, la substitution de l'ONIAM à l'EFS dans les instances en cours en vertu de l'article 67- IV de la loi du 17 décembre 2008 n'étant pas de nature à remettre en cause ce qui a été irrévocablement jugé, l'arrêt attaqué (Bordeaux, 21 mars 2012), retient exactement, d'une part, que s'il revient à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM) d'indemniser les victimes, celui-ci, du fait de la substitution légale, est subrogé dans les droits et obligations de l'EFS et qu'il a donc à l'égard de l'assureur, les mêmes droits que ceux de l'EFS qu'il substitue, de sorte que la société Axa IARD doit sa garantie à l'EFS et doit relever l'ONIAM de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre et, d'autre part, que si la société d'assurance ne peut pas être tenue au-delà de ce qu'elle doit, elle ne peut cependant pas agir en répétition de l'indu à l'encontre de la victime pour réclamer des sommes auxquelles cette dernière a droit, qu'il lui appartient donc d'agir contre l'assuré ou son substitué dans les limites établies de sa garantie pour recouvrer le cas échéant les sommes qui auraient été trop versées ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir condamné l'ONIAM substitué à l'EFS à payer à Madame X... les sommes de 26. 544 € au titre du déficit fonctionnel temporaire, de 24. 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent, et de 65. 000 € au titre du préjudice spécifique de contamination, et à la CPAM la somme de 22. 668, 48 € en remboursement de sa créance, D'AVOIR dit que la compagnie AXA FRANCE IARD devait sa garantie à l'EFS et devrait relever indemne l'ONIAM substitué à l'EFS de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre et ce en deniers ou quittances et dans les limites de sa garantie, et D'AVOIR rejeté la demande de la compagnie AXA FRANCE IARD tendant à la restitution des sommes versées à Madame X... et à la CPAM ;
AUX MOTIFS QU'« il sera rappelé au préalable que la saisine de la cour de renvoi est limitée aux dispositions relatives à la réparation du préjudice de Madame X... selon les termes de l'arrêt de cassation : « seulement en ce qu'il a condamné l'Etablissement Français du Sang, avec la garantie de son assureur la société Axa France IARD, à payer à Mme X... la somme de 115. 544 € en réparation de son entier préjudice ». Il en résulte que toutes les autres dispositions de l'arrêt du 15 mai 2008 y compris celles résultant de la confirmation partielle du jugement du tribunal de grande instance ne sont pas remises en cause. Ainsi les questions portant sur la responsabilité de l'EFS, sur le principe de la garantie due par son assureur la compagnie AXA ainsi que sur la fixation de créance de la CPAM au titre de ses débours à la somme de 22. 668, 48 € ont déjà été tranchées et ne sont pas incluses dans la saisine de la cour de renvoi après cassation partielle. Sur l'intervention de l'ONIAM et l'appel en garantie d'AXA : Il convient cependant de prendre en compte les conséquences de l'entrée en application des dispositions de l'article L1221-14 du code de la santé publique selon lequel les victimes de préjudices résultant d'une contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang sont à compter de juin 2010 indemnisées par l'ONIAM, par l'effet de la substitution légale. L'ONIAM est intervenu volontairement à la procédure en application des dispositions de l'article 67 IV de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, il lui sera donné acte de son intervention volontaire. Concernant la garantie de la compagnie AXA, contrairement à ce qui est soutenu par cette dernière pour dénier sa garantie, l'EFS n'est pas mis hors de cause du fait de la substitution de l'ONIAM. En effet, s'il revient à l'ONIAM d'indemniser les victimes, l'EFS qui en l'espèce a été déclaré responsable de la contamination, est bénéficiaire de la couverture d'assurance souscrite et en qualité de créancier de la garantie due par son assureur, il est fondé à maintenir ses demandes contre la société AXA. L'ONIAM, du fait de la substitution légale, est subrogé dans les droits et obligations de l'EFS, il a donc à l'égard de l'assureur les mêmes droits que ceux de l'EFS qu'il substitue. Il n'est pas contesté que la garantie d'assurance était en cours de validité lors de la survenance du sinistre. La charge de l'indemnisation étant dévolue à l'ONIAM par l'effet de la substitution légale, celui-ci est fondé à appeler en garantie l'assureur de l'EFS. Il en résulte que la compagnie AXA devra relever l'ONIAM indemne des condamnations prononcées contre lui au titre de la substitution à l'EFS dont la responsabilité a été établie à l'égard de la contamination subie par Madame X... et ce dans la limite des obligations contractuelles et notamment du plafond de garantie. Il résulte du contrat dans l'annexe intitulée " Montant des garanties ", la garantie B " Responsabilité après livraison " couvre les dommages matériels et immatériels pour un montant de 3. 000. 000 francs par sinistre et par année d'assurance. En l'espèce la seule pièce produite est un tableau établi par la compagnie AXA, listant 5 sinistres dont celui concernant Madame X... dont le total atteint la somme de 553. 212, 86 €. Il sera observé qu'outre le fait que cette pièce a été établie par la compagnie elle-même, elle est imprécise quant à la nature des sinistres et n'est de surcroît est accompagnée d'aucun justificatif de paiement des sommes reportées dans la colonne Total, de sorte qu'il n'est pas possible de déterminer s'il s'agit d'un prévisionnel ou de sommes réellement acquittées. Il incombe à la compagnie AXA dans ses rapports avec l'EFS et l'ONIAM de justifier du dépassement du plafond. Il n'y a pas lieu en conséquence de mettre la compagnie AXA hors de cause. Concernant la créance de la CPAM au titre de ses débours engagés dans le cadre des soins relatifs à la contamination, il sera rappelé qu'elle a été fixée conformément à sa demande à la somme de 22. 668, 48 €, ceci résultant des dispositions non cassées de l'arrêt du 15 mai 2008. Il résulte de l'article 67, IV de la loi du 17 décembre 2008 selon lequel l'ONIAM se substitue à l'EFS dans les procédures tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article L 1221-14 du Code de la Santé Publique en cours à la date d'entrée en vigueur de cet article et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, que l'ONIAM est substitué à l'EFS tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs. Ceci n'est pas contesté par l'ONIAM. Il convient de dire que la créance fixée comme ci-dessus indiqué sera mise à la charge de l'ONIAM, la compagnie AXA devant également le relever indemne de cette condamnation dans la limite de sa garantie » ;
ET AUX MOTIFS QUE « Sur la demande de remboursement des sommes versées par la compagnie AXA Il sera donné acte à la compagnie AXA de ce qu'elle a versé les sommes allouées à Madame X... et à la CPAM dans le cadre de l'exécution des précédents décisions. Pour obtenir le remboursement des sommes versées tant auprès de Madame X... que de la CPAM, la compagnie AXA se prévaut de ce qu'elle n'est tenue que dans les limites de sa garantie laquelle est contractuellement plafonnée. Si la compagnie d'assurance ne peut être tenue au-delà de ce qu'elle doit, elle ne peut cependant pas agir en répétition de l'indu à l'encontre de la victime et de la CPAM pour réclamer des sommes auxquelles ces dernières ont droit. Il appartient donc à la compagnie AXA de se retourner contre l'assuré ou son substitué dans le cadre et dans les limites établies de sa garantie pour recouvrer le cas échéant les sommes qui auraient été trop versées. En conséquence la compagnie AXA sera déboutée des demandes de remboursement formées à l'égard de Madame X... et de la CPAM » ;
1°/ ALORS QUE la garantie de l'assureur de responsabilité suppose l'existence d'une dette de responsabilité de l'assuré à l'égard d'un tiers victime ; qu'il résulte du IV de l'article 67 de la loi n° 200 8-1330 du 17 décembre 2008 que dans les procédures tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable, l'ONIAM est substitué à l'EFS à l'égard des victimes et des tiers payeurs ; que cette substitution intervenant au titre de la solidarité nationale, et impliquant la mise hors de cause de l'EFS, la garantie d'AXA ne pouvait être mobilisée en l'espèce faute de dette de responsabilité de l'assuré dont AXA aurait eu à répondre, soit du chef de l'ONIAM, soit du chef de l'EFS auquel l'ONIAM s'est substitué ; qu'en retenant néanmoins, pour condamner la Compagnie AXA à garantir l'ONIAM des condamnations prononcées à son encontre, que « l'EFS n'est pas mis hors de cause du fait de la substitution de l'ONIAM », et que « la charge de l'indemnisation étant dévolue à l'ONIAM par l'effet de la substitution légale, celui-ci était fondé à appeler en garantie l'assureur de l'EFS » la Cour d'appel a violé les textes susvisés, ensemble l'article L. 124-1 du Code des assurances ;
2°/ ALORS QUE selon l'article 67- IV de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, l'ONIAM se substitue à l'EFS à l'égard des victimes et des tiers payeurs, dans les contentieux tendant à l'indemnisation des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, en cours à la date d'entrée en vigueur de la loi et n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable ; que cette « substitution » n'a pas pour effet d'attribuer à l'ONIAM la qualité de partie à un contrat d'assurance qu'elle n'a pas conclu, les articles L. 1221-14 et L. 3122-4 du code de la santé publique lui conférant seulement la faculté d'agir en qualité de subrogé dans les droits des victimes ou des tiers payeurs contre le tiers responsable, à la condition d'établir l'existence d'une faute de celui-ci ; qu'en jugeant, pour condamner la société AXA FRANCE IARD à garantir l'ONIAM des condamnations prononcées contre ce dernier au profit de Madame X..., que « l'ONIAM, du fait de la substitution légale, est subrogé dans les droits et obligations de l'EFS », pour en déduire qu'il avait « à l'égard de l'assureur les mêmes droits que l'EFS qu'il substitue », la Cour d'appel a violé l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, ensemble les articles 1134 et 1165 du code civil, ensemble les textes susvisés ;
3°/ ALORS QUE selon le IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008, « à compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable » ; que le septième alinéa de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, auquel renvoie l'article précité, dispose que l'ONIAM peut exercer un recours subrogatoire contre le tiers responsable de la contamination, dans les conditions de l'article L. 3122-4 du code de la santé publique, lequel subordonne l'exercice de ce recours à l'existence d'une faute du tiers responsable ; que la preuve de l'imputabilité de la contamination, lors d'une transfusion, établie au moyen du mécanisme probatoire prévu par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ne permet pas d'établir pour autant une faute de l'EFS, faute qui doit être positivement rapportée suivant les règles du droit commun de l'article 1382 du Code civil, et donc en dehors de toute présomption d'imputabilité ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la Cour d'appel de BORDEAUX du 15 mai 2008, confirmant sur ce point le jugement du tribunal de grande instance de BORDEAUX du 22 février 2006, n'a retenu la responsabilité de l'EFS à l'égard de Madame X... qu'au bénéfice du doute, faute pour l'EFS de rapporter la preuve, conformément à l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, que la contamination de cette dernière par le virus de l'hépatite C n'était pas imputable à une transfusion de produits sanguins ; qu'en jugeant néanmoins que la compagnie AXA devrait relever l'ONIAM indemne des condamnations prononcées contre l'office substitué à l'EFS « dont la responsabilité a été établie à l'égard de la contamination subie par Madame X... », sans caractériser l'existence d'une faute de l'EFS dans la survenance du dommage, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles L. 1221-14 et L. 3122-4 du code de la santé publique, ensemble l'article 1382 du code civil ;
4°/ ALORS QUE la présomption simple d'imputabilité édictée par l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ne bénéficie qu'aux victimes ; qu'en l'espèce, l'arrêt de la Cour d'appel de BORDEAUX du 15 mai 2008, confirmant sur ce point le jugement du tribunal de grande instance de BORDEAUX du 22 février 2006, n'a retenu la responsabilité de l'EFS à l'égard de Madame X... qu'au bénéfice du doute, faute pour l'EFS de rapporter la preuve, conformément à l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, que la contamination de cette dernière par le virus de l'hépatite C n'était pas imputable à une transfusion de produits sanguins ; que l'ONIAM, ne pouvait obtenir la garantie de la compagnie AXA FRANCE IARD contre laquelle il exerçait son recours subrogatoire qu'à la condition de rapporter la preuve d'une faute de l'EFS ; qu'en se bornant à retenir, pour condamner la société AXA FRANCE IARD à garantir l'ONIAM des condamnations mises à sa charge, que l'Office, étant intervenu dans une instance en cours à la date de promulgation de la loi du 17 décembre 2008, était fondé à bénéficier de la garantie de la société AXA France IARD, dans la mesure où la responsabilité de l'EFS avait été établie, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé l'existence d'une faute de l'EFS ouvrant droit à un recours de l'ONIAM à son encontre, a méconnu les articles 102 de la loi du 4 mars 2002, 67 de la loi du 17 décembre 2008 et 1382 du code civil.
5°/ ALORS, ENFIN, QUE l'EFS auquel l'ONIAM était substitué de plein droit en vertu de l'article 67- IV de la loi du 17 décembre 2008 ne pouvait plus faire l'objet d'aucune condamnation à l'égard de la victime ou des tiers payeurs et devait être mis hors de cause ; qu'il en résulte qu'en l'absence de toute dette de son assuré, la compagnie AXA FRANCE IARD était fondée à obtenir restitution des sommes qu'elle avait versées à Madame X... et à la CPAM, pour le compte de l'EFS, en exécution du jugement du 22 février 2006 puis de l'arrêt du 15 mai 2008 ; qu'en rejetant néanmoins cette demande de remboursement, la Cour d'appel a violé le texte précité, ensemble l'article 1235 du code civil.