LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que suivant offres préalables acceptées les 21 et 29 décembre 2004, la société Sofinco a consenti à Mme X... deux contrats de crédit accessoires à une vente, d'un montant respectif de 40 000 euros et 15 000 euros, remboursables au taux effectif global de 5,012 % pour le premier et de 7,122 % pour le second, destinés à financer l'achat d'un piano ; qu'après avoir prononcé la déchéance du terme, la société Sofinco, devenue la société Consumer Finance, a assigné Mme X... en paiement du solde ;
Sur les premier et troisième moyens du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que pour limiter à la somme de 15 000 euros le montant du préjudice subi par Mme X... pour manquement par la société de crédit à son devoir de mise en garde, l'arrêt énonce que si la société Sofinco a agi avec une légèreté blâmable, l'emprunteuse ne pouvait pour sa part ignorer le caractère excessif du prêt de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas alloué à l'appelante l'intégralité des sommes réclamées par elle ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une faute imputable à Mme X..., susceptible d'entraîner un partage de responsabilité, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite à la somme de 15 000 euros le montant des dommages-intérêts alloués à Mme X..., l'arrêt rendu le 13 décembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;
Déclare non admis le pourvoi incident de la société Consumer Finance ;
Condamne la société Consumer Finance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mai deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné Mme X... à payer à la société Sofinco la somme de 36.619,83 € outre les intérêts conventionnels postérieurs au 8 juin 2007 au titre du contrat du 21 décembre 2004, et la somme de 13.179,30 € outre les intérêts conventionnels postérieurs au 15 janvier 2008 au titre du contrat du 29 décembre 2004 ;
AUX MOTIFS QUE les décomptes produits par l'intimée sont conformes aux dispositions contractuelles et laissent apparaître un solde de 36.619,83 € euros pour le premier prêt et de 13.179,30 € pour le deuxième prêt, indemnités de 8% non comprises ; que ces décomptes laissent apparaître des paiements à hauteur de 14.599,64 € ; que l'appelante soutient avoir effectué des versements plus importants ; qu'il lui appartient de l'établir ; qu'elle verse aux débats des relevés de ses comptes et copies de chèques ; que l'examen de ceux-ci permet d'établir qu'elle a payé à SOFINCO la somme de 14.133 € euros ; que pour les autres versements invoqués par elle, les pièces produites ne permettent pas de connaître le destinataire de ces versements, comme l'avaient justement relevé les premiers juges et ne peuvent donc être pris en compte par la Cour ; qu'elle ne démontre donc pas que SOFINCO n'aurait pas pris en compte comme elle le soutient l'intégralité de ses paiements ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a condamné Mme X... à payer à la société SOFINCO la somme de 36.619,83 € outre les intérêts conventionnels postérieurs au 8 juin 2007 au titre du contrat du 21 décembre 2004, et celle de 13.179,30 € outre les intérêts conventionnels postérieurs au 15 janvier 2008 au titre du contrat du 29 décembre 2004 ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en l'état, le Tribunal ne dispose pas d'éléments suffisants pour connaître le montant versé par Mme X... et le montant restant dû à la société Sofinco, la somme réclamée étant contestée par la défenderesse, qu'il n'appartient pas au Tribunal de faire lui-même le décompte des sommes dues ; qu'il y a lieu dans ces conditions de condamner Madame X... à payer en deniers ou quittances, les sommes réclamées par la société Sofinco ;
ALORS, D'UNE PART, QUE si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire ; qu'en l'espèce, Mme X..., emprunteur profane, faisait valoir qu'elle ne pouvait faire la preuve de ses paiements qu'au moyen de ses relevés bancaires et demandait à l'établissement de crédit de fournir le décompte exact des sommes restant dues au titre des prêts, actualisé en fonction des règlements intervenus, ce qu'il a toujours refusé de faire ; qu'en écartant les prétentions de Mme X... aux motifs qu'elle n'en rapportait pas la preuve, sans rechercher si l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait de produire d'autres pièces comptables, ne justifiait pas que soit enjoint à l'établissement de crédit la production des décomptes en sa possession, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 11 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE bien que constatant que Mme X... avait remboursé la somme de 14.599,64 € à l'établissement de crédit, la Cour d'appel a néanmoins fait droit aux demandes de celui-ci qui prétendait pourtant que l'emprunteur n'avait réglé que la somme de 9.146,91 € ; qu'en statuant de la sorte, sans expliquer comment elle parvenait au même solde que l'établissement de crédit, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité à la somme de 15.000 €le montant de la condamnation de la société Sofinco en réparation du préjudice subi par Mme X... ;
AUX MOTIFS QUE les premiers juges ont justement retenu un manquement de l'intimée à son devoir de conseil et de prudence ; que si la société de crédit a agi avec une légèreté blâmable, l'emprunteuse ne pouvait pour sa part ignorer le caractère excessif du prêt de sorte que c'est à bon droit que les premiers juges n'ont pas alloué à l'appelante l'intégralité des sommes réclamées par elle ; qu'au regard des faits ci-dessus rappelés et de l'octroi excessif du deuxième prêt, il convient d'augmenter le montant des dommages et intérêts alloués en le portant à la somme de 15.000 euros ;
ALORS, D'UNE PART, QUE le fait de la victime ne constitue une cause d'exonération partielle que s'il présente un caractère fautif ; qu'en limitant le montant de l'indemnité allouée à l'emprunteuse, au seul motif qu'elle ne pouvait ignorer le caractère excessif du prêt, sans relever de faute de sa part, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'ayant constaté que les échéances du prêt demeuraient bien inférieures aux ressources mensuelles de l'emprunteuse profane, la Cour d'appel ne pouvait reprocher à celle-ci d'avoir contracté malgré le caractère manifestement excessif du prêt, information qu'il appartenait justement au professionnel de lui donner ; qu'en décidant au contraire un partage des responsabilités, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1147 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande en délais de paiement de Mme X... ;
AUX MOTIFS QUE comme en première instance, Mme X... ne justifie pas que sa situation lui permette d'apurer sa dette dans un délai de deux ans ; que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délais de paiement ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'article 1244-1 du Code civil prévoit que des délais de paiement peuvent être accordés au débiteur en considération de sa situation financière et des besoins du créancier ; qu'en l'espèce, Madame Alicja Y... ne justifie pas que sa situation financière lui permettra de payer ses dettes dans un délai de deux ans ;
ALORS QUE le refus d'accorder un délai de paiement ne saurait se motiver par les difficultés de paiement mêmes qui en justifient la demande ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que les échéances mensuelles de 681,56 € prévues au contrat de crédit, étaient disproportionnées face à la capacité de remboursement de Mme X... ; qu'en la déboutant néanmoins de sa demande de délai de paiement des condamnations qu'elle a prononcées à son encontre, s'élevant à la somme de 34.799,13 € qu'elle ne pouvait manifestement pas payer comptant, au motif inopérant qu'elle ne justifiait pas pouvoir apurer sa dette dans un délai de deux ans, la Cour d'appel a méconnu le sens de l'article 1244-1 du Code civil, qu'elle a violé.Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Célice, Blancpain et Soltner pour la société Consumer Finance.
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la Société CONSUMER FINANCE à payer à Madame Alicja Y... la somme de 15.000 € à titre de dommages-intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les deux parties critiquent soit l'octroi soit le montant des dommages et intérêts alloués par les premiers juges à l'appelante, en raison d'une faute du prêteur. L'organisme de crédit est tenu d'une obligation de conseil et de prudence à l'égard des emprunteurs profanes. La qualité de profane de Mme X... qui est retraitée n'est pas contestée. Il appartenait à la SOFINCO lors de l'octroi des crédits de rechercher si les revenus de l'emprunteuse étaient suffisants pour assurer le remboursement. En l'espèce, SOFINCO a fait consentir à huit jours d'intervalle deux prêts d'un montant respectif de 40.000 et 15.000 euros destinés à l'achat d'un ou deux pianos. Les parties sont en désaccord sur ce nombre mais cette circonstance est sans influence sur les capacités contributives de l'emprunteuse. Le montant total des remboursements mensuels de ces deux prêts s'élève à la somme de 681,56 euros. La fiche de renseignements signée par l'appelante mentionne qu'elle est retraitée, propriétaire de son logement, que ses ressources s'élèvent à 1.300 euros et 400 euros de ressources supplémentaires de son fils à charge. Il en résulte que les prêts et plus particulièrement le second sont disproportionnés à la situation financière déclarée de l'appelante » ;
ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTÉS QU'« en application des dispositions de l'article 1135 du code civil, l'organisme de crédit est tenu à une obligation de conseil et de prudence à l'égard de l'emprunteur, obligation d'autant plus renforcée quand l'emprunteur n'est pas un professionnel ; que cette obligation lui impose de rechercher si les revenus de l'emprunteur sont suffisants pour en assurer le remboursement ; qu'en l'espèce la société SOFINCO a fait souscrire deux contrats de crédit accessoires à hauteur de 40.000 € et 15.000 € à Madame Alicja Y..., emprunteur non averti, pour financer l'achat d'un seul et même piano d'une valeur de 60.000 €. Que la société SOFINCO devait vérifier in concreto la réalité des ressources déclarées de Madame Alicja Y..., son éventuel endettement et ses charges et non se contenter des seules déclarations de cette dernière ; que même en retenant les ressources déclarées d'un montant de 1.700 € par mois pour deux personnes, puisque celle-ci avait son fils étudiant à charge, le montant des remboursements mensuels atteignant 682,04 € par mois dépassait sa capacité de remboursement ; que c'est la raison pour laquelle la société SOFINCO, consciente de la difficulté, a proposé un montage financier prenant la forme de deux crédits souscrits à huit jours d'intervalle, et ce, afin de pouvoir lui prêter les 55.000 € nécessaires à l'achat du piano et dissimuler un taux d'endettement excessif, qu'elle aurait dû au contraire dissuader Madame Alicja Y..., seule emprunteuse, de contracter, l'argument selon lequel son fils étudiant non contractant aurait rapidement un travail et prendrait le relais n'étant pas sérieux. Qu'en conséquence, la société SOFINCO a commis une faute grave en manquant à son devoir de conseil et de prudence à l'égard de Madame Alicja Y... de nature à entraîner sa responsabilité contractuelle » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'établissement qui se conforme à un usage bancaire constant ne commet pas de faute ; qu'en l'espèce, la banque exposante indiquait s'être conformée à l'usage bancaire en vertu duquel le taux d'endettement d'un emprunteur doit au maximum se situer autour de 1/3 de ses revenus ; que la Cour qui ne s'est pas expliquée sur cet usage, et a retenu une « légèreté blâmable » de la banque a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la fraude de se présume pas ; qu'en retenant par motifs éventuellement adoptés et de manière péremptoire que la Société SOFINCO a proposé un « montage financier » « afin (…) de dissimuler un taux d'endettement excessif », sans aucunement préciser de quels éléments se déduirait une telle stratégie frauduleuse, la Cour a présumé l'intention frauduleuse de la banque en violation du principe précité et de l'article 1315 du Code civil ;
ALORS, ENFIN, QUE le préjudice né du manquement par un établissement de crédit à son obligation de mise en garde s'analyse en la perte d'une chance de ne pas contracter ; qu'en conséquence, la Cour ne pouvait condamner la banque à raison « de l'octroi excessif du deuxième prêt » (p. 4§ 10) à l'intégralité du montant de ce crédit, soit la somme de 15.000 €, sans violer l'article 1147 du Code civil.