La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/05/2013 | FRANCE | N°12-23300

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 mai 2013, 12-23300


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 mai 2012), que par un acte instrumenté par Mme X..., notaire associé, les époux
Y...
ont fait l'acquisition d'un immeuble appartenant à Mme D..., veuve Z..., domiciliée au Canada et présentée comme ayant pour mandataire M. A...aux termes d'une procuration établie par M.
B...
, notaire ; que le bien a, ensuite, été revendu à la SCI Dounere que dirigeait M. C..., en exécution d'un acte dressé par un troisième notaire assisté de Mme X...

; que victime d'une escroquerie qui a été sanctionnée pénalement, Mme D... a eng...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 29 mai 2012), que par un acte instrumenté par Mme X..., notaire associé, les époux
Y...
ont fait l'acquisition d'un immeuble appartenant à Mme D..., veuve Z..., domiciliée au Canada et présentée comme ayant pour mandataire M. A...aux termes d'une procuration établie par M.
B...
, notaire ; que le bien a, ensuite, été revendu à la SCI Dounere que dirigeait M. C..., en exécution d'un acte dressé par un troisième notaire assisté de Mme X... ; que victime d'une escroquerie qui a été sanctionnée pénalement, Mme D... a engagé une action indemnitaire contre M. A...et les époux C..., tout en recherchant la responsabilité de la SCP G...-X...-H...(la SCP) et du notaire associé en charge du dossier, ainsi que celle du rédacteur de la procuration, reprochant aux officiers publics d'avoir, par leurs négligences, permis la vente frauduleuse de son bien ;
Sur le premier moyen :
Attendu que Mme D... fait grief à l'arrêt de statuer au visa de conclusions qui ne sont pas les dernières, alors, selon le moyen, que si, pour exposer les prétentions respectives et les moyens des parties, les juges du fond choisissent de viser leurs conclusions, ils doivent impérativement viser les dernières écritures déposées ; qu'en l'espèce, la SCI Dounere et les époux C... avaient déposé leurs dernières conclusions le 23 janvier 2012 ; que M.
B...
avait déposé ses dernières écritures le 17 avril 2012 ; que dès lors, en visant les conclusions déposées le 7 décembre 2011 par la SCI Dounere et les époux C..., et celles déposées le 27 mars 2012 par M.
B...
, la cour d'appel, qui a visé des conclusions antérieures aux dernières écritures des parties, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'une partie n'est pas recevable à invoquer un défaut de réponse aux conclusions d'une autre partie ;
D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que Mme D... reproche, encore, à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées contre la SCP et Mme X..., alors, selon le moyen :
1°/ que le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes authentiques de vente qu'il rédige ; qu'il doit à ce titre s'assurer de l'identité du vendeur, peu important qu'un autre notaire lui ait transmis une procuration légalisée du vendeur ; que dès lors, en jugeant que le fait que Mme X... n'ait pas vérifié l'identité du vendeur ne suffisait pas à caractériser une faute de sa part, aux motifs qu'elle s'était appuyée sur la procuration légalisée que lui avait transmise M.
B...
, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que le notaire, tenu d'assurer la validité et l'efficacité des actes qu'il rédige, doit faire preuve d'une prudence accrue et opérer des vérifications supplémentaires si certains éléments confèrent à la vente un caractère suspect ; qu'en l'espèce, Mme D... soutenait que Mme X... n'avait pas effectué toutes les vérifications qui s'imposaient à lui au regard des circonstances suspectes de la vente ; qu'elle insistait sur le caractère anormalement bas du prix de vente de 750 000 francs, au regard du redressement opéré par l'administration fiscale à hauteur de 1 660 000 francs, sur le caractère « particulier » de l'opération effectuée grâce au truchement d'un notaire établi en Corse, sur les incohérences évidentes entre les adresses des vendeurs figurant respectivement dans la procuration et dans l'acte de vente, et sur les modalités de paiement du prix de vente pour le moins inhabituelles ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'ensemble de ces éléments que la vente présentait un caractère suspect, qui aurait dû conduire Mme X... à effectuer des vérifications approfondies et en tout état de cause à vérifier l'identité et l'adresse des vendeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir estimé que la modicité du prix de vente annoncé n'était pas établie et que le précédent acte de 1957 qu'invoquait Mme D... pour établir la négligence de Mme X... n'était pas probant puisqu'il ne permettait pas de procéder à une comparaison de signatures, l'intéressée y étant représentée par mandataire, la cour d'appel a retenu que le notaire instrumentaire de la vente, auquel les époux Z... n'avaient jamais été présentés, avait pu légitimement croire aux pouvoirs d'un mandataire qui résultaient, en apparence, de la procuration notariée dressée par M.
B...
, seul parmi les deux officiers publics à avoir rencontré les personnes se présentant faussement comme le couple de vendeurs ; qu'en l'absence, ainsi constatée, d'éléments de nature à faire suspecter l'usurpation d'identité commise en présence du rédacteur de la procuration, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire que Mme X... n'avait pas commis de faute ; que par ces seuls motifs, l'arrêt est légalement justifié de ce chef ;
Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :
Attendu Mme D... reproche, enfin, à l'arrêt de la débouter de ses demandes formées contre M.
B...
, alors, selon le moyen :
1°/ que commet une faute engageant sa responsabilité le notaire qui légalise une procuration destinée à une vente, sans vérifier l'identité et l'adresse des parties ; qu'en l'espèce, Mme D..., veuve Z... soutenait que M.
B...
n'avait pas opéré les vérifications qui s'imposaient s'agissant de l'identité et de l'adresse des « vendeurs » ; qu'elle invoquait, en premier lieu, l'adresse des vendeurs figurant sur la procuration qui correspondait en réalité à un squat à Marseille, en deuxième lieu, les incohérences entre cette adresse, l'adresse de la propriété vendue – supposée constituer la résidence principale des vendeurs selon l'acte de vente –, et l'adresse figurant sur les fausses cartes d'identité présentées au notaire, et en troisième lieu, l'absence d'indication du département de résidence sur les cartes d'identité des faux époux Z... révélant la falsification de ces documents ; que les premiers juges avaient eux-mêmes constaté que M.
B...
n'avait pas vérifié l'adresse des vendeurs ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas de ces éléments que M.
B...
n'avait pas procédé aux vérifications nécessaires pour s'assurer de l'identité et de l'adresse des vendeurs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
2°/ que commet une faute engageant sa responsabilité le notaire qui légalise une procuration destinée à une vente, sans vérifier l'identité et l'adresse des mandants ; qu'il est indifférent que le projet de procuration ait été établi par un autre notaire ; que dès lors, en constatant elle-même, par motifs réputés adoptés, que M.
B...
n'avait pas vérifié l'adresse des mandants, puis en excluant toute faute de sa part aux motifs qu'il avait eu confiance dans le travail préalablement effectué par Mme X..., choisie comme notaire rédacteur de l'acte de vente, pour établir le projet de procuration, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté que le notaire ayant établi la procuration avait procédé à une vérification de l'identité des prétendus mandants au vu de cartes nationales d'identité dont il avait conservé la photocopie et qui n'avaient pas l'apparence de faux, mais au contraire de documents authentiques ; qu'ayant, par ailleurs, estimé qu'il n'était pas démontré que M.
B...
eût été au courant de versements effectués en espèces et que le choix, pour l'instrumentation de la vente, d'un notaire de Haute-Corse était plausible puisque les prétendus mandants avaient indiqué y séjourner pendant leurs vacances, elle a pu en déduire que le rédacteur de la procuration, en l'absence d'éléments de nature à éveiller ses soupçons, n'était pas en faute pour n'avoir pas décelé la fraude, justifiant ainsi légalement sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme D..., veuve Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

.
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme D..., veuve Z....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit et jugé que Mme D...veuve Z... ne démontrait pas que Me
B...
ait commis une faute, de L'AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes à l'égard de ce dernier, D'AVOIR, infirmant de ce chef le jugement entrepris, débouté Mme D... de ses demandes à l'encontre de Me X..., et D'AVOIR dit n'y avoir lieu à mesure d'instruction ;
ALORS QUE les juges du fond ne peuvent statuer que sur les dernières conclusions déposées ; que si, pour exposer les prétentions respectives et les moyens des parties, les juges du fond choisissent de viser leurs conclusions, ils doivent impérativement viser les dernières écritures déposées ; qu'en l'espèce, la SCI DOUNERE et les époux C... avaient déposé leurs dernières conclusions le 23janvier 2012 (production n° 3) ; que Me
B...
avait déposé ses dernières écritures le 17 avril 2012 (production n° 4) ; que dès lors, en visant les conclusions déposées le 7 décembre 2011 par la SCI DOUNERE et les époux C..., et celles déposées le 27 mars 2012 par Me
B...
, la Cour d'appel, qui a visé des conclusions antérieures aux dernières écritures des parties, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à I'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR débouté Mme D... de ses demandes à l'encontre de Me X..., et D'AVOIR dit n'y avoir lieu à mesure d'instruction
AUX MOTIFS QUE « s'il n'est pas contesté que Mme D... n'avait pas consenti aux ventes litigieuses, il lui incombe de démontrer que le vendeur avait toutes les apparences du propriétaire aux yeux de l'acquéreur (sic) ; que, pour caractériser la mauvaise foi de la SCI DOUNERE et des époux C..., Mme D... invoque en premier lieu le caractère dérisoire du prix de vente, soit 850. 000 francs ; qu'elle fait notamment valoir qu'un agent immobilier, M. F..., lui avait précédemment proposé un prix de 5 millions de francs ; mais qu'il ressort du procès-verbal d'audition qu'eIle verse elle-même aux débats que ce dernier avait fait cette proposition car il croyait que le POS lui permettrait de créer trois lots sur la propriété ; qu'il précise qu'ultérieurement soit en mai 1998, il a refusé d'acquérir au prix de 1, 2 millions de francs dans la mesure où, renseignement pris auprès de la mairie, seul était possible un agrandissement de la maison de l'ordre de 60 m2 ; qu'ainsi à supposer même que le versement en espèce allégué par la SCI DOUNERE ne soit pas justifié, il n'est pas établi que le prix réglé par celle-ci était dérisoire, que c'est également en vain que Mme D... reproche à M. C... son attitude au cours de l'instruction, en ce que le seul fait d'estimer opportun de préparer son audition avec son conseil ne saurait à l'évidence suffire à établir sa mauvaise foi ; qu'elle ne peut davantage lui reprocher d'avoir répondu à la sommation interpellative par l'intermédiaire de son avocat ; qu'elle ne peut non plus sérieusement s'étonner de ce que M. C... connaisse son nom et qu'elle se prétende légitime propriétaire de l'immeuble acquis par lui puisque c'est elle qui a fait délivrer la sommation interpellative du 28 juillet 1999, laquelle mentionne expressément sa qualité de propriétaire de la villa « les Syrtes » ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal a débouté Mme D...de son action en revendication, étant ici rappelé que ni les époux Y...ni les époux C...n'ont été condamnés ni même poursuivis au cours de l'instance pénale ; que sur la responsabilité des notaires, Mme D...reproche en premier lieu à Me X...de ne pas avoir vérifié l'identité du vendeur ; à savoir Mme Z..., son conjoint étant intervenant à l'acte, et qu'eIle ne peut s'abriter derrière le fait que la procuration a été reçue par Me B...et non par elle-même dès lors que c'est elle qui l'avait préparée ; mais que ce fait, au demeurant non contesté et conforme à la pratique notariale ne suffit pas à caractériser une faute à son encontre ; qu'en effet ce n'est pas elle mais son confrère de Calenzana qui a reçu le couple prétendument Z...et qui a eu en mains leur carte d'identité, dont il a fait une photocopie, avant de leur faire signer la procuration ; que dans ces conditions, rien ne permettait à Me X...de penser que s'étaient présentées devant son confrère des personnes qui n'étaient pas M. et Mme Z...alors que, par hypothèse, elle n'a jamais été en présence de ceux-ci ; que de même, Mme D...est mal fondée à lui reprocher de ne pas voir communiqué plus tôt l'acte de vente de 1957 alors que, se prétendant légitime propriétaire, elle devait elle-même en détenir un exemplaire ; qu'il est vrai que cet acte ne manque pas d'intérêt puisque Mme D...n'était pas présente lors de sa signature (sic), s'étant fait représenter par un clerc de l'étude notariale ; qu'ainsi quand bien même Me X...se serait-elle procuré cet acte avant de recevoir celui des 30 juin et 2juillet 1998, elle n'aurait pas été en mesure de comparer les signatures de Mme D..., que pour les motifs exposés plus haut, le prix de vente n'était pas davantage susceptible d'attirer son attention et qu'enfin les conditions de paiement, qualifiées d'anormales par Mme D..., sont à l'évidence sans incidence sur l'usurpation d'identité du vendeur et ce d'autant plus que les anomalies alléguées émanaient de l'acquéreur ; qu'il convient dans ces conditions de réformer la décision querellée » ;

ALORS QUE le notaire est tenu de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes authentiques de vente qu'il rédige ; qu'il doit à ce titre s'assurer de l'identité du vendeur, peu important qu'un autre notaire lui ait transmis une procuration légalisée du vendeur ; que dès lors, en jugeant que le fait que Me X... n'ait pas vérifié l'identité du vendeur ne suffisait pas à caractériser une faute de sa part, aux motifs qu'elle s'était appuyée sur la procuration légalisée que lui avait transmise Me
B...
, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil ;

ALORS, en toute hypothèse, QUE le notaire, tenu d'assurer la validité et l'efficacité des actes qu'il rédige, doit faire preuve d'une prudence accrue et opérer des vérifications supplémentaires si certains éléments confèrent à la vente un caractère suspect ; qu'en l'espèce, Mme D... soutenait que Me X... n'avait pas effectué toutes les vérifications qui s'imposaient à lui au regard des circonstances suspectes de la vente ; qu'elle insistait sur le caractère anormalement bas du prix de vente de 750. 000 francs, au regard du redressement opéré par l'administration fiscale à hauteur de 1. 660. 000 francs, sur le caractère " particulier " de l'opération effectuée grâce au truchement d'un notaire établi en Corse, sur les incohérences évidentes entre les adresses des vendeurs figurant respectivement dans la procuration et dans l'acte de vente, et sur les modalités de paiement du prix de vente pour le moins inhabituelles ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'ensemble de ces éléments que la vente présentait un caractère suspect, qui aurait dû conduire Me X... à effectuer des vérifications approfondies et en tout état de cause à vérifier l'identité et l'adresse des vendeurs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit et jugé que Mme D...veuve Z... ne démontrait pas que Me
B...
ait commis une faute, et de L'AVOIR en conséquence déboutée de ses demandes à l'égard de ce dernier, et D'AVOIR dit n'y avoir lieu à mesure d'instruction ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « s'il n'est pas contesté que Mme D... n'avait pas consenti aux ventes litigieuses, il lui incombe de démontrer que le vendeur avait toutes les apparences du propriétaire aux yeux de l'acquéreur (sic) ; que, pour caractériser la mauvaise foi de la SCI DOUNERE et des époux C..., Mme D... invoque en premier lieu le caractère dérisoire du prix de vente, soit 850. 000 francs ; qu'elle fait notamment valoir qu'un agent immobilier ; M. F..., lui avait précédemment proposé un prix de 5 millions de francs ; mais qu'il ressort du procès-verbal d'audition qu'elle verse elle-même aux débats que ce dernier avait fait cette proposition car il croyait que le POS lui permettrait de créer trois lots sur la propriété ; qu'il précise qu'ultérieurement, soit en mai 1998, il a refusé d'acquérir au prix de 1, 2 millions de francs dans la mesure où, renseignement plis auprès de la mairie, seul était possible un agrandissement de la maison de l'ordre de 60 m2 ; qu'ainsi à supposer même que le versement en espèce allégué par la SCI DOUNERE ne soit pas justifié, il n ‘ est pas établi que le prix réglé par celle-ci était dérisoire, que c'est également en vain que Mme D... reproche à M. C... son attitude au cours de l'instruction, en ce que le seul fait d'estimer opportun de préparer son audition avec son conseil ne saurait à l'évidence suffire à établir sa mauvaise foi ; qu'elle ne peut davantage lui reprocher d'avoir répondu à la sommation interpellative par l'intermédiaire de son avocat ; qu'elle ne peut non plus sérieusement s'étonner de ce que M. C... connaisse son nom et qu'elle se prétende légitime propriétaire de l'immeuble acquis par lui puisque c'est elle qui a fait délivrer la sommation interpellative du 28 juillet 1999, laquelle mentionne expressément sa qualité de propriétaire de la villa « les Syrtes » ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, c'est à bon droit que le tribunal a débouté Mme D...de son action en revendication, étant ici rappelé que ni les époux Y...ni les époux C...n'ont été condamnés ni même poursuivis au cours de l'instance pénale ; que sur la responsabilité des notaires, (...) s'agissant de Me B..., c'est en vain que Mme D...soutient qu'il aurait dû faire preuve d'une plus grande prudence compte tenu de la réputation de M. I...de l'apparence des fausses pièces d'identité produites, de la législation de la signature de la fausse Mme Z...pour un règlement de 130. 000 francs en espèce (sic) et du choix d'un notaire en Corse ; que s'agissant du chevauchement de la signature du délégué du préfet sur la « Marianne » apposée sur les CNI, il convient de relever que cette affirmation n'est vraie que pour la fausse CNI au nom de M. Z...mais non pour la fausse CNI au nom de Mme D...et qu'il en va de même pour leurs vrais documents d'identité ; que cette première affirmation est donc sans valeur probatoire ; que par ailleurs Mme D...n'établit pas que Me B...connaissait la réputation de M. I... qui ressort seulement de l'enquête pénale diligentée postérieurement ; qu'elle ne démontre pas davantage que le notaire savait, au moment où il a légalisé la signature de Mme D..., que le versement de 130. 000 francs avait été effectué en espèce ; qu'enfin l'intervention d'un notaire de Haute-Corse a pu apparaître plausible à Me B...dès lors qu'il lui avait été indiqué que les mandants étaient en vacances à Calvi » ;
ET AUX MOTIFS éventuellement ADOPTES QUE « que s'agissant de la responsabilité des notaires, l'article 1382 du code civil énonce que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ; qu'en recherchant la responsabilité de Maître
B...
et de Maître X..., en leur qualité de notaires rédacteurs d'actes, la demanderesse doit rapporter la triple démonstration de l'existence d'une faute, d'un préjudice et d'un lien causal entre eux ; que le notaire a l'obligation d'assurer l'efficacité et la sécurité juridiques des actes qu'il dresse ; que force est de constater qu'en l'espèce, l'intervention de deux officiers ministériels, en la personne de Maître
B...
et de Maître X..., n'a pas suffi loin s'en faut, à assurer la sécurité juridique de l'acte de vente établi ; que plus particulièrement, la vérification de l'identité des parties et de leur domicile s'avère, pour le notaire, élémentaire et indispensable ; qu'il doit y être procédé sur la base de documents ne permettant aucune méprise ; que Maître
B...
est intervenu pour établir une procuration, à la demande de Maître X..., et sur la foi d'un modèle que cette dernière lui a fait parvenir ; que la procuration pour vendre établie le 26 juin 1998 par-devant Maître
B...
mentionne bien, en page 5 : " Dont acte, en brevet sur modèle émanant de Maître X..., Notaire associé à ANTIBES (Alpes Maritimes) ..., comprenant... " suivent le nombre de pages, de renvois, de mots et lignes nuls etc. et la signature des personnes présentes ; que ce point n'est pas contesté ; que de l'audition de Maître
B...
devant les services de police, il ressort que le modèle de procuration lui a bien été adressé par Maître X... ; qu'il est d'usage que le notaire rédacteur de l'acte adresse un tel modèle à son confrère ; qu'il n'a jamais eu de contact téléphonique avec Maître X... ; que le couple qui s'est présenté à son étude n'est pas le vrai couple Z... ; que les faux époux Z... lui ont présenté leurs cartes d'identité en original ; que tout lui a paru normal ; qu'il ignore tout des raisons pour lesquelles il a été nécessaire d'établir cette procuration ; qu'il a recueilli les signatures après avoir vérifié l'identité sur la base des deux cartes d'identité, qu'il a fait un seul original qu'il a transmis aux intéressés ; qu'il n'a pas vérifié l'adresse des époux Z... sur MARSEILLE et s'est contenté de l'adresse donnée par Maître X... ; que tous les éléments de cette opération (prix de vente, identité et adresse des vendeurs, modalités de règlements du prix) lui ont été communiqués par maître X... ; qu'il a perçu la somme de 123 francs hors taxes à titres d'honoraires fixes ; que le recours à une procuration est un processus présenté par Maître X... comme étant classique, ce que Maître
B...
ne dément pas ; que cependant, en l'espèce, il est avéré que la procuration a été sollicitée et obtenue par des imposteurs, à l'insu de la demanderesse ; qu'il est difficile pour le tribunal de savoir si Maître
B...
a été suffisamment diligent en vérifiant l'identité du faux couple Z... ; que les originaux des fausses cartes d'identité n'ont pas pu être retrouvés au cours de l'enquête pénale ; que Maître
B...
en a fait des photocopies qui figurent au dossier ; que néanmoins, à défaut des originaux, la qualité " de la confection de ces faux documents ne peut être appréciée et il est difficile de dire si un officier ministérie normalement diligent, aurait pu facilement se laisser abuser ou, au contraire, éviter la substitution de personnes ; que Maître
B...
prétend quant à lui que tout lui a paru normal ; qu'on peut aussi concevoir qu'il ait eu entièrement confiance dans le travail préalable effectué par sa consoeur choisie comme notaire rédacteur de l'acte de vente, ainsi que cela sera étudié plus loin ; que l'examen de ces deux cartes d'identité permet toutefois de noter que le faux couple Z... est domicilié à ANTIBES, chemin du Calvaire, sans indication, ni du nom du département (Alpes Maritimes), ni de son numéro (06) ; qu'il ressort, par ailleurs, de l'audition de Maître
B...
et de l'examen de la police de caractères de la procuration, que celle-ci a été transmise par Maître X... et que certaines indications étaient déjà pré-remplies par cette dernière ; qu'en effet, outre la rédaction du texte général de la procuration, Maître X... avait déjà mentionné le prix de la vente, les modalités de règlement ainsi que l'identité et les coordonnées des prétendus vendeurs ; que dans ses écritures, Maître X... se retranche derrière le fait que la procuration qui lui a été présentée émanait déjà d'un officier ministériel, qu'elle faisait donc foi jusqu'à inscription de faux et que n'ayant pas les moyens de déceler les difficultés en cause, elle ne pouvait pas voir sa responsabilité engagée ; (...) que le notaire a l'obligation de s'assurer en particulier, de la véracité des mentions obligatoires de l'acte qu'il dresse ; qu'il en est ainsi par exemple, des noms, prénoms et domiciles des parties que s'ils ne sont pas connus ou pas établis avec certitude, doivent être corroborés par la production de tous documents justificatifs ou, plus rarement, être attestés par deux témoins (article 5 du décret du 26 novembre 1971) ; (...) qu'il est établi par l'enquête pénale que l'adresse du faux couple Z... à MARSEILLE correspond à un " squat " et Maître
B...
confirme ne pas avoir vérifié cette adresse, se contentant de l'indication écrite par Maître X... ; que sachant par ailleurs que cette " adresse marseillaise " ne figure pas sur les faux documents d'identité présentés à Maître
B...
pour l'établissement de la procuration ; qu'il est de jurisprudence constante que le notaire doit procéder à la vérification du domicile du vendeur et Maître X... ne démontre pas y avoir satisfait ; que c'est bien par le biais de cette procuration que l'acte de vente a pu être passé par Maître X... les 30 juin et 2 juillet 1998, en fraude totale des droits de la demanderesse ; (...) qu'aucune faute ne peut (...) être imputée à Maître
B...
à l'encontre duquel aucun manquement n ‘ est démontré, le seul recours à un notaire " extérieur " n'étant pas, en son constitutif d'une fraude ; qu'en conséquence, Madame D...épouse Z... sera déboutée des demandes formées à l'encontre de Maître
B...
» ;
ALORS, D'UNE PART, QUE commet une faute engageant sa responsabilité le notaire qui légalise une procuration destinée à une vente, sans vérifier l'identité et l'adresse des parties ; qu'en l'espèce, Mme D...veuve Z... soutenait que Me
B...
n'avait pas opéré les vérifications qui s'imposaient s'agissant de l'identité et de l'adresse des « vendeurs » ; qu'elle invoquait, en premier lieu, l'adresse des vendeurs figurant sur la procuration qui correspondait en réalité à un squat à Marseille, en deuxième lieu, les incohérences entre cette adresse, l'adresse de la propriété vendue — supposée constituer la résidence principale des vendeurs selon l'acte de vente —, et l'adresse figurant sur les fausses cartes d'identité présentées au notaire, et en troisième lieu, l'absence d'indication du département de résidence sur les cartes d'identité des faux époux Z... révélant la falsification de ces documents ; que les premiers juges avaient eux-mêmes constaté que Me
B...
n'avait pas vérifié l'adresse des vendeurs (jugement entrepris, p. 19 § 9, et p. 20 avant-dernier §) ; que dès lors, en s'abstenant de rechercher s'il ne résultait pas de ces éléments que Me
B...
n'avait pas procédé aux vérifications nécessaires pour s'assurer de l'identité et de l'adresse des vendeurs, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil
ALORS, D'AUTRE PART, QUE commet une faute engageant sa responsabilité le notaire qui légalise une procuration destinée à une vente, sans vérifier l'identité et l'adresse des mandants ; qu'il est indifférent que le projet de procuration ait été établi par un autre notaire ; que dès lors, en constatant elle-même, par motifs réputés adoptés, que Me
B...
n'avait pas vérifié l'adresse des mandants, puis en excluant toute faute de sa part aux motifs qu'il avait eu confiance dans le travail préalablement effectué par Me X..., choisie comme notaire rédacteur de l'acte de vente, pour établir le projet de procuration, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-23300
Date de la décision : 16/05/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 29 mai 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 mai. 2013, pourvoi n°12-23300


Composition du Tribunal
Président : M. Charruault (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.23300
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award