LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-provence, 1er février 2012), que Mme X... a été victime d'un accident de la circulation le 8 juin 1987, alors qu'elle était passagère d'un véhicule conduit par M. Y..., assuré auprès de la société d'assurances mutuelles la Garantie mutuelle des fonctionnaires (la GMF), que, très grièvement blessée, Mme X... a été opérée à diverses reprises, plusieurs poches de sang lui étant transfusées, qu'un bilan sanguin réalisé en mars 1992 a révélé qu'elle avait été contaminée par le virus de l'hépatite C ; que Mme X... ayant recherché la responsabilité de l'Etablissement français du sang (EFS), auquel a été substitué en cours de procédure l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), intervenu volontairement à l'instance, la cour d'appel a fixé à 28 275 euros les sommes dues à Mme X... du fait de sa contamination et dit, sur la demande de celle-ci, qu'elles seraient supportées pour 50 % par l'ONIAM et pour 50 % par la GMF ;
Attendu que l'ONIAM fait grief à l'arrêt de statuer ainsi, alors, selon le moyen :
1°/ que le montant des indemnités dues par l'ONIAM qui reviennent à la victime est calculé déduction faite des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'en condamnant l'ONIAM conjointement avec l'assureur de M. Y..., dont la faute avait causé l'accident à l'origine des blessures de Mme X... et de la nécessité de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie et qui a donné lieu aux transfusions de produits sanguins, à réparer le préjudice subi par Mme X... du fait de sa contamination par le VHC, la cour d'appel, qui a ainsi fait peser l'obligation de cette réparation sur l'ONIAM, a violé l'article L. 1142-17 du code de la santé publique ;
2°/ que les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins sont indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, ce qui exclut tout partage, entre cet Office et le responsable d'un accident, de la contribution à la dette d'indemnisation de la victime de cet accident qui a nécessité une transfusion sanguine à la suite de laquelle a été transmis le virus de l'hépatite C ; qu'en décidant que l'indemnisation de Mme X..., victime d'une contamination par ce virus, incombe pour moitié à l'ONIAM et pour moitié à l'assureur de M. Y..., responsable de l'accident qui a nécessité la transfusion sanguine à la suite de laquelle a été transmis ce virus, la cour d'appel a violé les articles L. 1221-14 et L. 1142-22 du code de la santé publique, ensemble l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;
Mais attendu que la cour d'appel, faisant application des dispositions de l'article 67, IV, de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 substituant, l'ONIAM à l'EFS dans les instances en cours à la date du 1er juin 2010, pour lui permettre d'indemniser, au titre de la solidarité nationale, les victimes de contaminations transfusionnelles par le virus de l'hépatite C, desquelles il résulte que l'ONIAM vient en lieu et place du débiteur, sans pouvoir opposer à quiconque le fait qu'il n'est pas l'auteur de la contamination, quand bien même la transfusion aurait été rendue nécessaire par un accident dont un tiers a été déclaré responsable, en a exactement déduit que la répartition de la charge de la dette entre l'assureur du conducteur fautif et l'ONIAM serait fonction des fautes commises respectivement par l'auteur de l'accident et par l'EFS, auquel est substitué l'ONIAM ; qu'aucun des griefs n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'ONIAM aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales
Il est fait grief à l'arrêt attaqué, après avoir fixé l'indemnisation de Mademoiselle X... et celle de la CPAM et alloué à Mademoiselle X... la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile, d'avoir dit que ces sommes seraient supportées pour 50 % par l'ONIAM et pour 50 % par la GMF et partagé entre ceux-ci les dépens ;
Aux motifs qu'il est définitivement jugé par le jugement du 24 juin 2004 ayant force de chose jugée que l'EFS est responsable de la contamination de Mademoiselle X... par le virus de l'hépatite C ; que cependant, en application de l'article 67- IV de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, les victimes contaminées par le virus de l'hépatite C suite à une transfusion de produits sanguins ou à une injection de produits dérivés du sang sont indemnisées par l'ONIAM aux lieu et place de l'EFS, dans les contentieux en cours qui n'ont pas donné lieu à une décision irrévocable à la date du 1er juin 2010, date de l'entrée en vigueur de ce texte ; que dans ces contentieux en cours cette substitution s'opère tant au bénéfice des caisses que des victimes ; que de là il découle que l'EFS est bien fondé à soutenir que Mademoiselle X... et la CPAM, subrogée dans les droits de son assurée, ne sont pas fondées à demander sa condamnation, fût-ce conjointement avec celle de l'ONIAM ; qu'en l'état de la déclaration de responsabilité de l'EFS, mais sachant que la contamination de Mademoiselle X... est consécutive à des transfusions rendues nécessaires par l'accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule de Monsieur Y..., la circonstance que la loi, pour des considérations de solidarité nationale, substitue l'ONIAM à l'EFS dans son obligation à réparation ne peut avoir pour effet de faire obstacle à la détermination à proportion des fautes respectives des coresponsables, de la charge finale de l'indemnisation de la victime ; que la seule conséquence de la loi est que la réparation du dommage de Mademoiselle X... imputable à l'EFS sera mise à la charge de l'ONIAM, sans qu'il soit possible de prononcer de condamnation in solidum entre l'ONIAM, qui n'est pas co-responsable, et la GMF, assureur du co-responsable ; qu'il ressort des procès-verbaux établis ensuite de l'accident de la circulation du 8 juin 1987 que Monsieur Y..., conducteur du véhicule dans lequel Mademoiselle X... était passagère transportée, qui circulait sur la route nationale 113 à double sens de circulation dans le sens Saint Martin de Crau-Arles, a entrepris d'effectuer un demi-tour pour prendre la direction de Fos sur Mer-Marseille ; que pour ce faire il a traversé la voie de gauche de la RN 113 pour atteindre le terre-plein central séparant cette route de la voie rapide allant en direction de Fos-Marseille qu'il voulait rejoindre ; que selon les militaires de la gendarmerie, il n'a pas averti de son changement de direction ne s'est pas assuré qu'il pouvait le faire sans danger, n'a pas respecté la priorité due au véhicule qui circulait dans le sens inverse, Arles-Saint Martin de Crau et qui l'a percuté au moment où il abordait le terre-plein central ; que sont ainsi caractérisées la manoeuvre dangereuse et les différentes fautes de conduite qui ont été à l'origine de l'accident ayant rendu nécessaires les transfusions causes de la contamination de Mademoiselle X... ; que compte tenu de la gravité de ces fautes et de celle de l'EFS qui n'a pas satisfait à son obligation de fournir des produits sanguins exempts de vice, il apparaît que le premier juge a exactement décidé que chacun des co-responsables avait concouru pour moitié à la réalisation du dommage de Mademoiselle X... ;
Alors, de première part, que le montant des indemnités dues par l'ONIAM qui reviennent à la victime est calculé déduction faite des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice ; qu'en condamnant l'ONIAM conjointement avec l'assureur de Monsieur Y..., dont la faute avait causé l'accident à l'origine des blessures de Madame X... et de la nécessité de l'intervention chirurgicale qu'elle a subie et qui a donné lieu aux transfusions de produits sanguins, à réparer le préjudice subi par Madame X... du fait de sa contamination par le VHC, la Cour d'appel, qui a ainsi fait peser l'obligation de cette réparation sur l'ONIAM, a violé l'article L. 1142-17 du Code de la santé publique ;
Alors, de seconde part, que les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins sont indemnisées par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale, ce qui exclut tout partage, entre cet Office et le responsable d'un accident, de la contribution à la dette d'indemnisation de la victime de cet accident qui a nécessité une transfusion sanguine à la suite de laquelle a été transmis le virus de l'hépatite C ; qu'en décidant que l'indemnisation de Madame X..., victime d'une contamination par ce virus, incombe pour moitié à l'ONIAM et pour moitié à l'assureur de Monsieur Y..., responsable de l'accident qui a nécessité la transfusion sanguine à la suite de laquelle a été transmis ce virus, la Cour d'appel a violé les articles L. 1221-14 et L. 1142-22 du Code de la santé publique, ensemble l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;