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15/05/2013 | FRANCE | N°12-18860

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 mai 2013, 12-18860


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Toulouse, 27 avril 2012), que par une lettre du 15 février 2012, le syndicat CGT Airbus opérations Toulouse a informé la société Airbus opérations de la désignation de M. X... en qualité de représentant syndical au comité d'établissement ;
Attendu que le syndicat et M. X... font grief au jugement d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit de mener les négociations collectives constituant un

élément essentiel du droit de fonder des syndicats et de s'affilier à des synd...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Toulouse, 27 avril 2012), que par une lettre du 15 février 2012, le syndicat CGT Airbus opérations Toulouse a informé la société Airbus opérations de la désignation de M. X... en qualité de représentant syndical au comité d'établissement ;
Attendu que le syndicat et M. X... font grief au jugement d'annuler cette désignation, alors, selon le moyen :
1°/ que le droit de mener les négociations collectives constituant un élément essentiel du droit de fonder des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts tel que garanti de manière effective par l'article 11 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être appliqué de façon discriminatoire ; que l'article L. 2324-2 du code du travail qui subordonne la possibilité pour un syndicat représentatif de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise à la condition d'avoir des élus dans cette institution porte atteinte au principe d'égalité de traitement entre syndicats représentatifs qui impose que ces syndicats puissent exercer les mêmes prérogatives, selon les mêmes modalités, et donc qu'ils aient un accès identique aux informations délivrées par le comité d'entreprise ; qu'en annulant la désignation de M. X..., par le syndicat CGT Airbus opérations, en qualité de représentant syndical au comité d'établissement, au motif inopérant que les Etats sont libres d'organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial au syndicat représentatif, le tribunal d'instance a violé les dispositions combinées des articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2°/ qu'en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'il y était invité, si la situation d'inégalité entre organisations représentatives instaurée par l'article L. 2324-2 du code du travail tenant à la possibilité ou non de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise en fonction de l'existence et du nombre de représentants élus dans cette institution, répond à un but légitime et si elle ne constitue par une atteinte disproportionnée au principe de libre exercice du droit syndical, d'égalité de traitement des organisations syndicales et au droit de mener des négociations collectives, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles 11 et 14 de la CEDH, ensemble de l'article L. 2324-2 du code du travail ;
3°/ que pour annuler la désignation de M. X... par le syndicat CGT Airbus, représentatif dans l'entreprise, en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, en application de l'article L. 2324-2 du code du travail -subordonnant cette désignation à la présence d'au moins deux élus dans cette institution-, le tribunal d'instance a retenu que les dispositions du droit européen ou international relatives à l'exercice de la liberté syndicale et au droit à la négociation collective, ne prohibent nullement l'existence de règles spécifiques à la représentativité syndicale ; qu'en statuant ainsi quand ces conventions ne permettent qu'une atteinte proportionnée aux droits qu'elles garantissent, le tribunal qui n'a pas recherché si la condition posée par le législateur constituait une mesure légitime, justifiée et proportionnée eu égard à l'atteinte portée à la liberté syndicale, à l'égalité entre organisations syndicales représentatives et au droit de mener des négociations collectives, a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la charte sociale européenne, 5 de la convention n° 135 de l'OIT, 3 et 8 de la convention n° 87 de l'OIT, 4 de la convention n° 98 de l'OIT et 12 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Mais attendu que les articles 11 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales laissent les Etats libres d'organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial à certains syndicats en fonction de la nature des prérogatives qui leur sont reconnues, ce que ne prohibent ni les articles 5 et 6 de la charte sociale européenne, ni l'article 5 de la convention n° 135 de l'OIT, ni les articles 3 et 8 de la convention n° 87 de l'OIT, ni l'article 4 de la convention n° 98 de l'OIT ni l'article 12 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne ; qu'il en résulte que le choix du législateur de réserver aux seules organisations syndicales ayant des élus la possibilité de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise ne méconnaît aucun des textes visés au moyen ;

Et attendu qu'ayant constaté que le syndicat CGT Airbus opérations n'avait au terme des dernières élections professionnelles organisées au sein de l'établissement de Toulouse, obtenu aucun élu au comité d'entreprise, le tribunal a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. X... et le syndicat CGT Airbus opérations Toulouse
Il est fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé la désignation de monsieur Georges X... par le syndicat CGT Airbus Opérations en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, en date du 15 février 2012 au sein de la Sas Airbus Opérations.
AUX MOTIFS QUE selon requête enregistrée le 24 février 2012, la Sas Airbus Opérations a saisi le tribunal d'une demande d'annulation de la désignation par le syndicat CGT Airbus Opérations de monsieur Georges X... en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, portée à sa connaissance le 15 février 2012 ; que la Sas Airbus Opérations, comprenant un effectif supérieur à 300 salariés, invoque les dispositions de l'article L. 2324-2 du code du travail et fait valoir que seuls les syndicats ayant des élus au comité d'entreprise peuvent y nommer un représentant syndical, condition non remplie par le syndicat CGT Airbus Opérations ; que le syndicat CGT Airbus et monsieur Georges X... reconnaissent avoir délibérément violé les dispositions de l'article L. 2324-2 du code du travail, estimant que celles-ci sont notamment contraires aux articles 11 et 14 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'ils font valoir que le comité d'entreprise constitue un lieu privilégié d'informations d'ordre économique données par l'employeur et que, priver ainsi un syndicat d'informations aussi stratégiques peut entraîner une perte de capacité d'influence du syndicat (cf. jugement p. 2 § 1 à 3) ; qu'aux termes de l'article L. 2324-2 du code du travail, l'organisation syndicale ayant des élus au comité d'entreprise peut y nommer un représentant ; qu'en droit interne, les nouvelles règles établies par la loi du 20 août 2008, modifiant les critères de la représentativité syndicale, suivant les préconisations initiales du conseil économique et social, ont été en partie soumises à la Cour de cassation et plus précisément, un arrêt de la chambre sociale en date du 8 juillet 2009 a souligné la nouvelle condition exigée par le législateur relativement aux dispositions de l'article L. 2324-2 du code du travail (société Groupe 4 sécuricor) ; que par ailleurs, il a été jugé que le fait pour les salariés, à l'occasion des élections professionnelles, de participer à la détermination des syndicats aptes à les représenter dans les négociations collectives n'a pas pour effet d'affaiblir les représentants syndicaux au profit des représentants élus, chacun conservant les attributions qui lui sont propres (arrêt Cour de cass, Ch. sociale du 14 avril 2010) ; que de son côté, le Conseil Constitutionnel a affirmé que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur y déroge pour des raisons d'intérêt général pourvu que la différence de traitement soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ; que dans sa décision n° 2011-216 du 3 février 2012, le conseil a considéré qu'en subordonnant la désignation d'un représentant syndical au comité d'entreprise à la condition pour un syndicat d'y avoir des élus, le législateur n'a méconnu ni le principe d'égalité entre les organisations syndicales, ni la liberté syndicale, ni aucune autre exigence constitutionnelle ; que le fait qu'une organisation syndicale n'ayant pas d'élus au comité d'entreprise ne puisse y nommer un représentant relève directement d'une telle dérogation, de la compétence du législateur en application de l'article 34 de la constitution du 4 octobre 1958, lequel fixe les principes fondamentaux en matière de droit syndical ; que s'agissant du droit européen ou international, les dispositions de la Charte sociale européenne, de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de la convention de l'OIT n° 135, relatives à l'exercice de la liberté syndic ale et au droit à la négociation collective, ne prohibent nullement l'existence de règles spécifiques à la représentativité syndicale, la limite fixée étant la situation monopolistique ; que la liberté pour les Etats d'organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial au syndicat représentatif a été reconnue ; qu'en conséquence, au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'annuler la désignation litigieuse de monsieur Georges X... en qualité de représentant syndical ;
1) ALORS QUE le droit de mener les négociations collectives constituant un élément essentiel du droit de fonder des syndicats et de s'affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts tel que garanti de manière effective par l'article 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être appliqué de façon discriminatoire ; que l'article L. 2324-2 du code du travail qui subordonne la possibilité pour un syndicat représentatif de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise à la condition d'avoir des élus dans cette institution porte atteinte au principe d'égalité de traitement entre syndicats représentatifs qui impose que ces syndicats puissent exercer les mêmes prérogatives, selon les mêmes modalités, et donc qu'ils aient un accès identique aux informations délivrées par le comité d'entreprise ; qu'en annulant la désignation de monsieur X..., par le syndicat CGT Airbus Opérations, en qualité de représentant syndical au comité d'établissement, au motif inopérant que les Etats sont libres d'organiser leur système de manière à reconnaître, le cas échéant, un statut spécial au syndicat représentatif, le tribunal d'instance a violé les dispositions combinées des articles 11 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
2) ALORS QUE (subsidiairement), en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'il y était invité, si la situation d'inégalité entre organisations représentatives instaurée par l'article L. 2324-2 du code du travail tenant à la possibilité ou non de désigner un représentant syndical au comité d'entreprise en fonction de l'existence et du nombre de représentants élus dans cette institution, répond à un but légitime et si elle ne constitue par une atteinte disproportionnée au principe de libre exercice du droit syndical, d'égalité de traitement des organisations syndicales et au droit de mener des négociations collectives, le tribunal d'instance a privé sa décision de base légale au regard des articles 11 et 14 de la CEDH, ensemble de l'article L. 2324-2 du code du travail ;
3) ALORS QUE (subsidiairement) pour annuler la désignation de monsieur X... par le syndicat CGT Airbus, représentatif dans l'entreprise, en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise, en application de l'article L. 2324-2 du code du travail - subordonnant cette désignation à la présence d'au moins deux élus dans cette institution-, le tribunal d'instance a retenu que les dispositions du droit européen ou international relatives à l'exercice de la liberté syndicale et au droit à la négociation collective, ne prohibent nullement l'existence de règles spécifiques à la représentativité syndicale ; qu'en statuant ainsi quand ces conventions ne permettent qu'une atteinte proportionnée aux droits qu'elles garantissent, le tribunal qui n'a pas recherché si la condition posée par le législateur constituait une mesure légitime, justifiée et proportionnée eu égard à l'atteinte portée à la liberté syndicale, à l'égalité entre organisations syndicales représentatives et au droit de mener des négociations collectives, a privé sa décision de base légale au regard des articles 5 et 6 de la charte sociale européenne, 5 de la convention n° 135 de l'OIT, 3 et 8 de la convention n° 87 de l'OIT, 4 de la convention n° 98 de l'OIT et 12 de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-18860
Date de la décision : 15/05/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal d'instance de Toulouse, 27 avril 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 mai. 2013, pourvoi n°12-18860


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Fabiani et Luc-Thaler

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18860
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