LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie du Gers de ce qu'elle se désiste de son pourvoi ;
Sur les trois moyens réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 23 février 2012), que Mme X..., salariée intérimaire de la société Manpower France (la société), a été victime, le 15 décembre 2002, d'un accident dont le caractère professionnel a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg (Haut-Rhin) et dont les conséquences ont été prises en charge par les caisses primaires d'assurance maladie de Sélestat (Bas-Rhin) puis du Gers ; que, contestant l'opposabilité de la décision de prise en charge à son égard, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours ;
Attendu que la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin fait grief à l'arrêt de dire que, dans les relations entre la société et elle-même, la consolidation de l'état de la salariée Mme X... était fixée au 1er février 2004 consécutivement à l'accident de travail, puis de déclarer inopposable à la société la prise en charge au titre de ce dernier des arrêts de travail prescrits au-delà du 1er février 2004, alors, selon le moyen :
1°/ que, si en cas d'expertise médicale au sens des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale, l'avis émis par l'expert, dès lors qu'il est clair et précis, s'impose tant aux juges qu'aux parties, il en va différemment, l'avis de l'expert n'étant qu'un élément d'appréciation, lorsque l'expertise est prescrite en dehors du cadre fixé par ce texte ; qu'en l'espèce, il résulte du dispositif de l'arrêt du 9 septembre 2010, tel qu'éclairé par les motifs de la décision que l'expertise médicale prescrite au dispositif l'a été non pas sur le fondement de l'article L. 141-1, lequel a été écarté, mais sur le fondement des dispositions du code du procédure civile permettant au juge de prescrire une mesure d'instruction lorsque les faits figurant au dossier sont insuffisants ; qu'en décidant que les conclusions claires et précises de l'expert s'imposaient quand il n'était pas en présence d'une expertise médicale au sens des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale, les juges du fond ont violé l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 9 septembre 2010 et partant les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
2°/ qu'en opposant les conclusions claires et précises de l'expert, comme s'ils étaient en présence d'une expertise médicale au sens des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale quand ils étaient en présence d'une expertise de droit commun, prescrite selon les dispositions du code de procédure civile, les juges du fond ont à tout le moins violé l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale ;
3°/ que, s'il fallait considérer, par impossible, qu'on était en présence d'une expertise médicale, au sens des articles L. 141-1 et L. 141-2, en tout état, dès lors que l'expert constatait qu'il n'avait pas obtenu les éléments nécessaires, il devait constater l'échec des opérations d'expertise et il était par suite exclu que le juge puisse se considérer comme lié par la formulation de ses conclusions ; qu'ainsi, l'arrêt doit être regardé en tout état de cause comme rendu en violation des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale ;
4°/ que, lorsque le juge prescrit une expertise de droit commun, conformément aux règles du code de procédure civile, les parties sont en droit de contester les conclusions de l'expert et notamment la manière dont il a procédé ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 4 du code civil, 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code ;
5°/ que, quelle qu'ait été l'attitude d'une partie au cours de l'expertise, en toute hypothèse, cette partie est en droit, une fois le rapport déposé, d'en contester la méthode ou les conclusions ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 4 du code civil, 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code ;
Mais attendu que l'arrêt retient que toutes les critiques que les caisses adressent au rapport d'expertise médicale procèdent de leur propre carence ; que, faute pour celles-ci d'avoir soumis à l'expert désigné, alors qu'elles y ont été expressément invitées, les éléments d'appréciation qu'elles considéraient pertinents, elles ne peuvent reprocher au rapport établi de n'avoir pas pris en compte des informations qu'elles ont conservées ; que les conclusions du rapport sont claires, argumentées et dénuées d'équivoque ;
Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, la cour d'appel a pu décider qu'il n'y avait pas lieu à nouvelle expertise et, au vu des conclusions de l'expert, que la prise en charge au titre de l'accident de travail, au-delà du 1er février 2004, était inopposable à la société ;
D'où il suit que le moyen, manquant en fait en ses trois premières branches, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ; la condamne à payer à la société Manpower France la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils pour la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit que dans les relations entre la société MANPOWER et la CPAM du BAS RHIN la consolidation de l'état de la salariée Claudine X... est fixée au 1er février 2004 consécutivement à l'accident de travail du 15 décembre 2002 , puis déclaré inopposable à la société MANPOWER la prise en charge au titre de l'accident de travail du 15 décembre 2002 des arrêts de travail prescrits au-delà du 1er février 2004 ;
AUX MOTIFS QUE « Toutes les critiques que les caisses intimées adressent au rapport d'expertise médicale procèdent de leur propre carence ; faute pour les caisses intimées d'avoir soumis à l'expert désigné, alors qu'elles y ont été expressément invitées, les éléments d'appréciation qu'elles considéraient pertinents, elles ne peuvent reprocher au rapport établi de n'avoir pas pris en compte des informations qu'elles ont conservées ; les conclusions du rapports sont claires, argumentées et dénuées d'équivoque ; il n'y a donc pas lieu à nouvelle expertise, et les conclusions doivent être homologuées. »
ALORS QUE, premièrement, si en cas d'expertise médicale au sens des articles L 141-1 et L 141-2 du code de la sécurité sociale, l'avis émis par l'expert, dès lors qu'il est clair et précis, s'impose tant aux juges qu'aux parties, il en va différemment, l'avis de l'expert n'étant qu'un élément d'appréciation, lorsque l'expertise est prescrite en dehors du cadre fixé par ce texte ; qu'en l'espèce, il résulte du dispositif de l'arrêt du 9 septembre 2010, tel qu'éclairé par les motifs de la décision que l'expertise médicale prescrite au dispositif l'a été non pas sur le fondement de l'article L 141-1, lequel a été écarté, mais sur le fondement des dispositions du code du procédure civile permettant au juge de prescrire une mesure d'instruction lorsque les faits figurant au dossier sont insuffisants ; qu'en décidant que les conclusions claires et précises de l'expert s'imposaient quand il n'était pas en présence d'une expertise médicale au sens de l'article L 141-1 et 141-2 du code de la sécurité sociale, les juges du fond ont violé l'autorité de chose jugée attachée à l'arrêt du 9 septembre 2010 et partant les articles 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, et en tout cas, en opposant les conclusions claires et précises de l'expert, comme s'ils étaient en présence d'une expertise médicale au sens des articles L 141-1 et L 141-2 du code de la sécurité sociale quand ils étaient en présence d'une expertise de droit commun, prescrite selon les dispositions du code de procédure civile, les juges du fond ont à tout le moins violé l'article L 141-1 du code de la sécurité sociale.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit que dans les relations entre la société MANPOWER et la CPAM du BAS RHIN la consolidation de l'état de la salariée Claudine X... est fixée au 1er février 2004 consécutivement à l'accident de travail du 15 décembre 2002, puis déclaré inopposable à la société MANPOWER la prise en charge au titre de l'accident de travail du 15 décembre 2002 des arrêts de travail prescrits au-delà du 1er février 2004 ;
AUX MOTIFS QUE « Toutes les critiques que les caisses intimées adressent au rapport d'expertise médicale procèdent de leur propre carence ; faute pour les caisses intimées d'avoir soumis à l'expert désigné, alors qu'elles y ont été expressément invitées, les éléments d'appréciation qu'elles considéraient pertinents, elles ne peuvent reprocher au rapport établi de n'avoir pas pris en compte des informations qu'elles ont conservées ; les conclusions du rapports sont claires, argumentées et dénuées d'équivoque ; il n'y a donc pas lieu à nouvelle expertise, et les conclusions doivent être homologuées. »
ALORS QUE, s'il fallait considérer, par impossible, qu'on était en présence d'une expertise médicale, au sens des articles L 141-1 et L 141-2, en tout état, dès lors que l'expert constatait qu'il n'avait pas obtenu les éléments nécessaires, il devait constater l'échec des opérations d'expertise et il était par suite exclu que le juge puisse se considérer comme lié par la formulation de ses conclusions ; qu'ainsi l'arrêt doit être regardé en tout été de cause comme rendu en violation des articles L 141-1 et L 141-2 du code de la sécurité sociale.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit que dans les relations entre la société MANPOWER et la CPAM du BAS RHIN la consolidation de l'état de la salariée Claudine X... est fixée au 1er février 2004 consécutivement à l'accident de travail du 15 décembre 2002 , puis déclaré inopposable à la société MANPOWER la prise en charge au titre de l'accident de travail du 15 décembre 2002 des arrêts de travail prescrits au-delà du 1er février 2004 ;
AUX MOTIFS QUE « Toutes les critiques que les caisses intimées adressent au rapport d'expertise médicale procèdent de leur propre carence ; faute pour les caisses intimées d'avoir soumis à l'expert désigné, alors qu'elles y ont été expressément invitées, les éléments d'appréciation qu'elles considéraient pertinents, elles ne peuvent reprocher au rapport établi de n'avoir pas pris en compte des informations qu'elles ont conservées ; les conclusions du rapports sont claires, argumentées et dénuées d'équivoque ; il n'y a donc pas lieu à nouvelle expertise, et les conclusions doivent être homologuées ».
ALORS QUE, premièrement, lorsque le juge prescrit une expertise de droit commun, conformément aux règles du code de procédure civile, les parties sont en droit de contester les conclusions de l'expert et notamment la manière dont il a procédé ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 4 du code civil, 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code ;
ALORS QUE, deuxièmement quelle qu'ait été l'attitude d'une partie au cours de l'expertise, en toute hypothèse, cette partie est en droit, une fois le rapport déposé, d'en contester la méthode ou les conclusions ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles 4 du code civil, 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l'article 16 du même code.