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23/04/2013 | FRANCE | N°12-18119

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 23 avril 2013, 12-18119


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu les articles 1147et 1937 du code civil ;
Attendu qu'en l'absence de faute de la part du déposant ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par courrier du 12 janvier 2006, la société C

aisse régionale de Crédit agricole de Lorraine (la caisse) a reçu l'ordre de vi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :
Vu les articles 1147et 1937 du code civil ;
Attendu qu'en l'absence de faute de la part du déposant ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds quand il se défait de ces derniers sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par courrier du 12 janvier 2006, la société Caisse régionale de Crédit agricole de Lorraine (la caisse) a reçu l'ordre de virer une certaine somme du compte ouvert dans ses livres par M. X... sur celui d'un tiers ; que, contestant avoir donné cet ordre, M. X... a assigné la caisse en remboursement de cette somme ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de M. X..., l'arrêt relève que l'ordre de virement est parvenu à la banque par lettre revêtue d'une signature comparable à celle portée sur la copie du passeport de M. X... joint à cette missive et qu'en tête du document, sous son nom, étaient mentionnées une adresse au Cameroun et une boîte postale identiques à celles figurant sur ses demandes de virement précédentes ; qu'il relève encore que M. X... exerçait effectivement une activité professionnelle dans ce pays et que le montant du virement était en adéquation avec les sommes détenues sur le compte ; qu'il en déduit qu'en l'absence de faute de la part de la caisse, sa responsabilité ne saurait être engagée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que M. X... contestait avoir établi l'ordre de virement litigieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Lorraine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes tendant à ce que le CREDIT AGRICOLE soit condamné à lui verser la somme de 30.500 euros, outre intérêts ;
AUX MOTIFS ADOPTES QU'aux termes de l'article 1147 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'exécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ; qu'en l'espèce, il convient de déterminer si le CREDIT AGRICOLE a commis une faute dans la tenue du compte sur livret que M. X... avait ouvert auprès de lui ; qu'il résulte des pièces versées aux débats que, le 12 janvier 2006, l'agence de Guénange du CREDIT AGRICOLE a reçu, par Chronopost, un ordre de virement établi au nom de M. Christian X... et portant une signature presque identique à celle qui figure sur le contrat de carte bancaire de ce dernier, ainsi que sur son passeport, dont une copie était jointe à l'ordre de virement ; que par ailleurs, l'ordre de virement comportait l'adresse de l'agence gestionnaire, le nom et le prénom du chargé de clientèle, le numéro et la nature du compte concerné ; que le CREDIT AGRICOLE indique encore, sans être démenti, que le montant du virement était en adéquation avec les sommes inscrites au crédit du compte ; qu'au vu de l'ensemble de ces circonstances, le CREDIT AGRICOLE pouvait très légitimement penser que l'ordre de virement émanait de M. X... ; qu'en l'absence de faute de sa part, sa responsabilité ne saurait être engagée ; que M. X... sera donc débouté de sa demande ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'une banque est tenue à l'égard du client, dont elle gère les comptes ouverts en ses livres, d'une obligation de moyens impliquant qu'elle s'attache à prendre les dispositions propres à lui permettre d'exécuter de manière utile les ordres de son client, sans pouvoir, sauf stipulation conventionnelle expresse, se prévaloir de contraintes d'exploitation pour prétendre échapper à sa responsabilité ; qu'en sa qualité de débitrice d'une telle obligation, c'est à la banque qu'il incombe de rapporter la preuve qu'elle a effectué toutes les diligences requises à cet effet et qu'elle n'a pas fait preuve de négligence ; qu'en l'espèce, un ordre de virement est parvenu à la banque par la voie d'un Chronopost international, sans que l'utilisation de ce procédé et son admission par la banque puisse constituer en soi la manifestation d'une quelconque négligence ; que cet envoi par Chronopost comprenait une lettre en date du 12 janvier 2006 établie au nom de M. Christian X... et revêtue d'une signature tout à fait comparable à celle portée sur la photocopie du passeport au nom du client jointe à cette missive ; que la circonstance que ce passeport soit périmé doit être regardé comme inopérante, dès lors que M. X... n'a pas contesté qu'il s'agissait bien de son passeport et que la signature figurant sur cette photocopie était bien la sienne ; qu'en tête du document, sous l'indication du nom de M. X..., est en outre mentionné une adresse au Cameroun et l'indication d'une boîte postale, ces données étant tout à fait identiques à celles figurant sur les demandes de virement adressées à la banque par M. X... courant 2006, ces documents faisant partie de ceux remis par la banque aux enquêteur à la suite de la plainte déposée par le client ; qu'ainsi, puisque ce client exerçait son activité professionnelle au Cameroun et y demeurait, la banque n'avait pas à soupçonner l'existence d'une escroquerie du type de celles qui sont effectivement mises en oeuvre depuis les pays d'Afrique ; que par ailleurs, cette lettre valant ordre de virement comprenait des indications très précises et exactes quant au numéro de compte de M. X..., au type de compte en cause et quant à l'identité de la personne chargée au sein de l'agence de la gestion de ce compte ; que d'autre part, la somme de 30.500 euros, qu'il était demandé à la banque de virer sur un compte ouvert dans une banque espagnole en vue de financer une opération immobilière dans ce pays, était en adéquation avec le montant des sommes effectivement détenues sur ledit compte, alors qu'une demande de virement d'un montant excédant le disponible aurait rendu cette opération impossible, ce qui suppose que l'auteur de cet ordre de virement connaissait également le montant précis des disponibilités de M. X... ; qu'il ne peut être reproché à la banque de s'être abstenue de toute diligence et d'avoir exécuté cet ordre de façon précipitée, puisqu'au contraire elle n'a pas immédiatement effectué le virement demandé mais qu'en raison de l'importance des sommes en jeu, elle a effectué une première vérification par comparaison entre la signature figurant sur ce courrier et les spécimen de signature dont disposait l'agence et que l'employé chargé de cette opération a interrogé son supérieur ; que s'agissant plus particulièrement de la signature, la banque avait en sa possession pour effectuer son contrôle, en sus de la photocopie du passeport joint à cet envoi, du spécimen de signature donné par M. X... le 3 février 1976 lors de l'ouverture du compte, avec cette indication que M. X... a admis lui-même dans ses écritures qu'une signature pouvait comporter des modifications sur une durée aussi longue (1976/2006) et que depuis 1988 sa signature était plus tremblée que sur l'original de 1976 compte tenu de problèmes à la main rencontrés par lui ; que la banque, avant d'exécuter cet ordre de virement, s'est conformée aux instructions qui lui étaient adressées dans cette lettre du 2 janvier 206, instructions consistant à lui demander d'accusé réception de cet ordre et à aviser le client de la date d'exécution de transfert par courriel à une adresse électronique, que M. X... dit n'être pas son adresse habituelle, sans pour autant fournir d'indication sur son adresse électronique réelle, ni soutenir que la banque était détentrice de son adresse électronique exacte, de sorte que la Caisse de Crédit Agricole n'avait aucun moyen de déceler que cette adresse n'était pas celle du donneur d'ordre ; que la banque a affirmé, par la voie d'une compte rendu rédigé par l'un de ses employés, avoir cherché à plusieurs reprises, mais sans succès, à joindre M. X... au téléphone, cette affirmation démontrant effectivement qu'elle considérait devoir effectuer des vérifications, mais n'étant pas assortie des justificatifs correspondants délivrés par son opérateur téléphonique ; que toutefois, la banque a pu valablement considérer qu'en s'adressant au client par courrier électronique, elle avait valablement rempli ses obligations ; qu'enfin les documents recueillis ultérieurement par les enquêteurs, outre le fax émis par M. X... en 2006, savoir les courriers de réclamations de M. X... à la banque, sa plainte et sa signature à l'issue de son audition par la gendarmerie de Neuves Maisons, mettent en évidence une similitude entre ces différents exemplaires de sa signature et la signature apposée sur l'ordre de virement litigieux du 12 janvier 2006 ; que par suite, la Cour estime devoir confirmer le jugement dont appel et rejeter les demandes de M. X... ;
ALORS QU'en l'absence de faute du déposant, et même s'il n'est pas lui-même fautif, le banquier reste tenu envers le client qui lui a confié des fonds quand il s'en défait sur présentation d'un faux ordre de paiement revêtu dès l'origine d'une fausse signature ; qu'en relevant pour écarter la condamnation du CREDIT AGRICOLE qu'aucune faute ne pouvait lui être imputée pour avoir exécuté l'ordre de virement litigieux quand le déposant soutenait que cet ordre n'émanait pas de lui, la Cour d'appel qui n'a par ailleurs retenu aucune faute du déposant, a violé les articles 1147 et 1937 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-18119
Date de la décision : 23/04/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 21 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 23 avr. 2013, pourvoi n°12-18119


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : Me Ricard, SCP Boré et Salve de Bruneton

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18119
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