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17/04/2013 | FRANCE | N°12-11527

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 17 avril 2013, 12-11527


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 novembre 2011), que M. X..., engagé par la fondation Le Phare par contrat du 20 septembre 2005 en qualité de moniteur d'atelier, a été licencié par lettre du 20 mai 2008 avec dispense de préavis et rémunération de la période de mise à pied conservatoire ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 8 novembre 2011), que M. X..., engagé par la fondation Le Phare par contrat du 20 septembre 2005 en qualité de moniteur d'atelier, a été licencié par lettre du 20 mai 2008 avec dispense de préavis et rémunération de la période de mise à pied conservatoire ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le seul fait que l'employeur ait accepté, dans l'intérêt du salarié, de taire, dans la lettre de licenciement, la gravité du motif invoqué et qu'il ait décidé de lui verser une indemnité compensatrice de préavis ne peut le priver du droit d'invoquer une faute grave dès lors qu'il ne l'a pas autorisé à revenir dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il s'évinçait tant des faits constants de l'espèce que des constatations de l'arrêt lui-même que, dès la notification de sa mise à pied conservatoire, M. X... n'avait pas été autorisé à revenir dans l'entreprise mais qu'au contraire, il en avait été définitivement écarté ; que, dès lors, en se fondant, pour considérer que l'employeur ne pouvait pas se prévaloir d'une faute grave, sur les seules circonstances tirées de ce que l'employeur n'avait pas expressément prononcé son licenciement pour « faute grave » et avait versé une indemnité compensatrice de préavis, la cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient des faits constants de l'espèce et de ses propres constatations et a violé, de ce fait, l'article L. 1234-1 du code du travail ;
2°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en conséquence, lorsque la lettre de licenciement ne vise pas expressément la faute grave, le juge ne peut retenir une telle faute que si le salarié n'est pas maintenu dans l'entreprise ; qu'en retenant que, dans un tel cas, la faute grave ne pourrait être retenue que si la lettre prononce une rupture immédiate du contrat de travail, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles L. 1232-6 et L. 1234-1 du code du travail, combinés ;
3°/ qu'en matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige concernant les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués ; qu'en l'espèce, en se fondant sur les seules modalités de la rupture du contrat de travail de M. X... pour refuser de rechercher s'il y avait lieu de qualifier de faute grave les faits qui étaient invoqués à son encontre à la lettre de licenciement, la cour d'appel a méconnu son office et a violé les articles L. 1232-6 et L. 1234-1 du code du travail, combinés ;
Mais attendu qu'ayant constaté que l'employeur, qui n'avait pas invoqué la faute grave dans la lettre de licenciement, avait accordé au salarié un préavis de deux mois, ce dont il résultait qu'il ne considérait pas que son maintien dans l'entreprise était impossible, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur n'avait pas notifié une rupture immédiate du contrat de travail et ne pouvait dès lors plus revendiquer l'existence d'une faute grave ; que le moyen, inopérant en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la fondation Le Phare aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la fondation Le Phare à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Spinosi, avocat aux Conseils, pour la fondation Le Phare
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. X... ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'avoir condamné son employeur, la FONDATION LE PHARE, au paiement de 13. 400, 00 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'avoir ordonné le remboursement à PÔLE EMPLOI des indemnités de chômage servies à M. X... dans la limite de six mois d'indemnités et d'avoir condamné la FONDATION LE PHARE aux dépens ainsi qu'aux frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d'appel ;
Aux motifs propres que « la relation de travail en cause était soumise, comme l'admettent les deux parties, à la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but non lucratif.
Selon l'article 05. 03. 02 de cette convention collective, sauf en cas de faute grave, il ne peut y avoir de licenciement disciplinaire si le salarié n'a pas précédemment fait l'objet d'au moins deux sanctions d'observation, d'avertissement ou de mise à pied.
A titre principal, la Fondation appelante tente d'échapper à l'application de ces garanties conventionnelles en soutenant que le licenciement de Monsieur Marcel X... était justifié par une faute grave du salarié.
Mais la lettre de licenciement fixe les limites du litige (Ch. Soc. 13 novembre 1991). Lorsque la lettre de licenciement ne vise pas expressément la faute grave, la juridiction ne peut retenir une telle faute que si la lettre prononce une rupture immédiate du contrat de travail (Cass. Soc. 20 juin 2002 n° 00-43. 746).
Or dans le lettre de licenciement du 20 mai 2008, non seulement la Fondation appelante n'a pas qualifié de faute grave les trois faits qu'elle reprochait au salarié et elle a expressément invoqué une cause réelle et sérieuse, mais elle n'a pas même donné d'effet immédiat à sa décision de rupture et elle a admis Monsieur Marcel X... au bénéfice d'une période de préavis de deux mois qu'elle l'a dispensé d'exécuter.
Il s'ensuite que la Fondation appelante ne peut plus revendiquer l'existence d'une faute grave, même si elle affirme avoir renoncé à alléguer d'une telle faute à la demande de la déléguée syndicale qui assistait le salarié lors de l'entretien préalable.
A titre subsidiaire, la Fondation appelante prétend que les conditions de l'article 05. 03. 02 de la convention collective étaient réunies en ce que le salarié aurait préalablement fait l'objet d'au moins deux sanctions disciplinaires.
Une sanction disciplinaire est caractérisée, selon l'article L 1331-1 du code du travail, par toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif.
En premier lieu, la Fondation appelante tente de se prévaloir de sa lettre du 18 décembre 2006 relative à l'évaluation des connaissances linguistiques du salarié à l'issue d'un stage de deux semaines en langue des signes. Dans sa lettre, elle indique au salarié que son investissement avait été insuffisant lors de la formation et que l'évaluation reflétait ses réelles difficultés d'apprentissage. Mais elle a conclu en invitant le salarié à une discussion avec le directeur de l'établissement, sans reprocher au salarié un comportement fautif. La lettre du 18 décembre 2006 n'est donc pas constitutive d'une sanction disciplinaire.
En deuxième lieu, la Fondation appelante invoque sa lettre du 8 février 2007 qui faisait suite à la discussion à laquelle le salarié avait été invité, et par laquelle elle lui a imparti un délai, jusqu'à la fin du mois de juin 2007, pour développer par ses propres moyens son niveau en langue des signes. Elle lui a certes annoncé une nouvelle évaluation sur la base de laquelle il serait discuté de la poursuite des relations contractuelles, mais elle n'a fait aucun grief au salarié intimé. La lettre du 8 février 2007 ne constitue pas non plus une sanction disciplinaire.
En troisième et dernier lieu, la Fondation appelante se réfère avec plus de pertinence à l'observation qu'elle a adressé à Monsieur Marcel X... par lettre recommandée du 7 févier 2008 et dont le salarié intimé reconnaît le caractère disciplinaire.
Il en résulte qu'une seule sanction disciplinaire a précédé le licenciement contesté.
Dès lors que la Fondation appelante a néanmoins prononcé le licenciement, alors que n'étaient pas réunies les conditions énoncées à la convention collective qui a institué des garanties de fond au bénéfice des salariés, elle a privé sa décision de cause réelle et sérieuse » ;
Et aux motifs éventuellement adoptés que « M. X... a fait l'objet d'un licenciement motivé pour une cause réelle et sérieuse.
La défenderesse soutient que ce licenciement aurait pu faire l'objet d'un licenciement pour faute grave, mais peu importe, cette sanction suprême (sic) revêt bel et bien le caractère d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Pour ce faire, l'employeur se devait, et ce en vertu des dispositions de la convention collective applicable, en l'occurrence la FEHPASI, d'avoir adressé au moins deux sanctions à M. X....
Le Conseil relève que le demandeur a fait l'objet d'une « observation » datée du 7 février 2008.
Cette observation revêt bien le caractère imposé par la convention collective (sanction).
La partie défenderesse soutient que le courrier adressé à son salarié le 8 février 2007 relève d'une « observation ».
Le Conseil constate que ce courrier ne comporte aucunement la mention « observation » pourtant indispensable si la défenderesse veut s'en prévaloir.
En l'absence de cette mention, le Conseil ne pourra considérer ce courrier en tant qu'« observation » relevant d'une sanction.
En effet, la direction ne pouvait ignorer cette disposition de la convention collective et les conséquences de sa non-application.
L'observation datée du 7 février 2008 est parfaitement conforme à l'esprit des dispositions de la convention collective. Le courrier du 8 février 2007 ne répond pas à l'exigence des dispositions conventionnelles.
La Fondation LE PHARE soutient que Mme Z..., déléguée syndicale ayant assisté M. X..., est intervenue auprès de la direction afin qu'elle requalifie le licenciement envisagé pour faute grave en un licenciement dépourvu (sic) de cause réelle et sérieuse.
Lors de son audition par le Conseil en date du 28 avril 2010, Mme Z... dit n'avoir jamais proposé à la direction de licencier M. X... sur la base d'une cause réelle et sérieuse afin qu'il puisse bénéficier du paiement de la mise à pied et de l'indemnité de licenciement.
Elle affirme être intervenue afin d'éviter à M. X... d'être pénalisé au niveau financier et précise que la décision finale appartenait à la direction.
La partie défenderesse produit une attestation (non-conforme aux dispositions du CPC) délivrée par M. Y..., président de la Fondation LE PHARE, qui dit avoir autorisé M. A... à requalifier le licenciement pour faute grave imputable à M. X... en cause réelle et sérieuse suite aux arguments développés par Mme Z... qui demandait un traitement humanisé de la situation du salarié.
Il n'est jamais fait état d'une demande formelle de requalifier un licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La partie défenderesse soutient également que le différend opposant actuellement Mme Z... et M. X... repose sur le non respect du demandeur des termes d'une négociation visant à le faire bénéficier d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Lors de sa déposition, Mme Z... précise qu'elle ne s'était pas engagée pour M. X... afin que celui-ci respecte les termes d'une négociation.
La partie défenderesse ne peut donc s'autoriser une telle supposition.
Interrogée par le bureau d'enquête, la déléguée syndicale a dit qu'à son sens, les faits reprochés au demandeur pouvaient faire l'objet d'un licenciement pour faute grave ou cause réelle et sérieuse. Peu importe son opinion.
Au cas où Mme Z... serait bien intervenue en faveur de M. X... comme soutenu par la défenderesse, celle-ci ne pouvait donner une suite favorable à une telle demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse sans s'exposer aux conséquences découlant d'une non-observation des dispositions conventionnelles régissant un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Et si la Fondation LE PHARE a voulu « humaniser » une sanction qu'elle entendait prononcer sur la base d'une faute grave, mal lui en a pris au regard des éléments dont elle disposait.
Il n'appartient pas au Conseil de se prononcer sur le caractère gravement fautif ou non des faits reprochés à M. X....
Son licenciement a été établi sur la base d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse. Et la direction n'a pas rempli les obligations nécessaires permettant l'autorisation d'un licenciement pour cause réelle et sérieuse.
Le Conseil ne pourra que requalifier le licenciement prononcé à l'encontre de M. X... en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse » ;
1. Alors que, d'une part, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que le seul fait que l'employeur ait accepté, dans l'intérêt du salarié, de taire, dans la lettre de licenciement, la gravité du motif invoqué et qu'il ait décidé de lui verser une indemnité compensatrice de préavis ne peut le priver du droit d'invoquer une faute grave dès lors qu'il ne l'a pas autorisé à revenir dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, il s'évinçait tant des faits constants de l'espèce que des constatations de l'arrêt lui-même que, dès la notification de sa mise à pied conservatoire, M. X... n'avait pas été autorisé à revenir dans l'entreprise mais qu'au contraire, il en avait été définitivement écarté ; que, dès lors, en se fondant, pour considérer que l'employeur ne pouvait pas se prévaloir d'une faute grave, sur les seules circonstances tirées de ce que l'employeur n'avait pas expressément prononcé son licenciement pour « faute grave » et avait versé une indemnité compensatrice de préavis, la Cour d'appel n'a pas tiré les conclusions qui s'évinçaient des faits constants de l'espèce et de ses propres constatations et a violé, de ce fait, l'article L. 1234-1 du Code du Travail ;
2. Alors que, d'autre part, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en conséquence, lorsque la lettre de licenciement ne vise pas expressément la faute grave, le juge ne peut retenir une telle faute que si le salarié n'est pas maintenu dans l'entreprise ; qu'en retenant que, dans un tel cas, la faute grave ne pourrait être retenue que si la lettre prononce une rupture immédiate du contrat de travail, la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles L. 1232-6 et L. 1234-1 du Code du Travail, combinés ;
3. Alors qu'enfin, en matière de licenciement disciplinaire, si la lettre de licenciement fixe les limites du litige concernant les griefs articulés à l'encontre du salarié et les conséquences que l'employeur entend en tirer quant aux modalités de rupture, il appartient au juge de qualifier les faits invoqués ; qu'en l'espèce, en se fondant sur les seules modalités de la rupture du contrat de travail de M. X... pour refuser de rechercher s'il y avait lieu de qualifier de faute grave les faits qui étaient invoqués à son encontre à la lettre de licenciement, la Cour d'appel a méconnu son office et a violé les articles L. 1232-6 et L. 1234-1 du Code du Travail, combinés.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12-11527
Date de la décision : 17/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 08 novembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 17 avr. 2013, pourvoi n°12-11527


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Haas, Me Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.11527
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