LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- Le procureur général près la cour d'appel d'Orléans,- La société anonyme de crédit immobilier la Ruche,- Le GIE La ruche services, parties civiles,
contre l'arrêt de ladite cour d'appel, chambre correctionnelle, en date du 31 janvier 2012, qui a relaxé M. Guy X..., des chefs d'abus de biens sociaux, faux et usage, Mme Sylvie Y..., des chefs de faux et usage, MM. Philippe
Z...
et Thierry
A...
, des chefs de non révélation de faits délictueux par un commissaire aux comptes, et a débouté les deux dernières de leur demandes ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que la société de crédit immobilier La ruche a embauché en qualité de directeur salarié, à compter du 1er juillet 1969, M. Guy X..., nommé directeur général l'année suivante, des contrats successifs, signés les 20 décembre 1990 et 12 décembre 1997 par le président en exercice du conseil d'administration, fixant sa rémunération et un complément de retraite ; que, le 14 décembre 2000, M. X...a été nommé administrateur délégué et confirmé dans ses fonctions de directeur général, dont il a démissionné le 20 décembre suivant, atteint par la limite d'âge ; que le même jour, il s'est fait nommer administrateur délégué avec tous les pouvoirs du directeur général, Mme Sylvie Y..., qui lui succédait, différant sa prise de fonctions au 17 décembre 2001 ; que, le 31 juillet 2001, M. X...a été mis à la retraite avec une prime de départ de 722 146 euros et une retraite complémentaire provisionnée par un capital de 1 085 412 euros ;
Attendu que, le 4 décembre 2006, le ministère du logement a dénoncé au procureur de la République les conclusions d'un rapport de la mission interministérielle d'inspection du logement social du 8 novembre 2006, contestant le montant de l'indemnité de départ à la retraite, cette somme ayant été comptabilisée, pour partie et à tort, comme indemnité de licenciement ; qu'à l'issue de l'enquête préliminaire ordonnée le 24 janvier 2007, M. X...est poursuivi, des chefs de faux, d'usage de faux et d'abus de biens pour avoir, d'une part, falsifié un procès-verbal de délibérations du conseil d'administration de la société La ruche, en date du 29 mai 2001, en y ajoutant, après la signature des administrateurs, une mention lui attribuant une prime de départ équivalente à trois années de salaire, sans lien avec le contenu de la résolution adoptée, d'autre part, fait usage de ce document falsifié, enfin, étant directeur général de la société anonyme de crédit Immobilier La ruche, fait, de mauvaise foi, des biens ou du crédit de cette société, un usage qu'il savait contraire à l'intérêt de celle-ci, soit à des fins personnelles, soit pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle il était directement ou indirectement intéressé ; qu'il lui est notamment reproché de s'être fait attribuer et verser en juillet 2001, une prime de départ à la retraite d'un montant de 722 146 euros, allouer la quasi totalité d'un fonds de retraite additionnelle, soit la somme de 1 085 412 euros, afin d'avoir l'assurance de percevoir, jusqu'à son décès, des rentes d'un montant annuel de 75 000 euros, enfin d'avoir signé au profit de Mme Sylvie Y..., devenue son épouse, des contrats de travail incluant des clauses inhabituelles permettant à cette dernière de prétendre au versement d'une indemnité de 321 160 euros ;
Attendu que Mme Y...est poursuivie en qualité de coauteur des délit de faux et d'usage de faux et pour avoir sciemment recélé des fonds qu'elle savait provenir des abus de biens sociaux, commis au préjudice de la société La ruche, la citation ayant été annulée de ce dernier chef, par un arrêt du 26 octobre 2011 devenu définitif en l'absence de pourvoi en cassation ; que les commissaires aux comptes, MM.
Z...
et
A...
, ont été convoqués à comparaître pour avoir omis de révéler au procureur de la République des faits délictueux dont ils avaient eu connaissance, en s'abstenant de signaler la prime de 722. 146 euros perçue par M. Guy X..., la connaissance de son illégalité résultant de l'absence de mention de cette prime dans le rapport spécial établi pour l'exercice 2001 ;
En cet état :
Sur le moyen unique de cassation proposé par le procureur général, pris de la violation des articles 8, 591, 593 du code de procédure pénale, L. 225-33 à L. 225-42, L. 225-51-1, L. 225-53 et L. 242-6, 3°, du code de commerce ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour les parties civiles, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l ‘ homme, 1er du premier protocole additionnel à cette convention, L. 242-6, 3°, du code de commerce, 2, 3, 6, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la cour d'appel a relaxé M. X...du chef d'abus de biens sociaux au titre des sommes payées en exécution des clauses visées au contrat de travail de Mme Y...et a déclaré irrecevables les demandes du GIE Ruche Services venant aux droits de la SACI La Ruche tendant à l'allocation d'une somme de 321 160 euros en réparation de son préjudice ;
" 1°) alors que la contradiction entre les motifs et le dispositif ne peut qu'entraîner la cassation d'une décision de justice et que la cour d'appel n'ayant, dans son dispositif, déclaré prescrits que deux des abus de biens sociaux reprochés par la prévention à M. X..., à savoir l'abus de bien social concernant la prime de départ à la retraite de 722 146 euros et l'abus de bien social concernant la retraite complémentaire de 1 085 412 euros, ne pouvait, en contradiction avec cette décision, déclarer prescrit dans ses motifs l'abus de bien social relatif aux sommes payées en exécution des clauses visées au contrat de travail de Mme Y...(321 160 euros), exposant ainsi sa décision à une censure inéluctable ;
" 2°) alors qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour d'appel a statué par motifs propres sans s'approprier les motifs des premiers juges et qu'elle a relaxé dans son dispositif M. X...pour l'abus de bien social concernant la somme de 321 160 euros sans que, dans ses motifs, elle ait formulé, s'agissant de cet abus de bien social, aucune appréciation sur le fond du droit ;
" 3°) alors qu'il en résulte que la Cour de cassation n'est pas en mesure de vérifier la cohérence de la décision qui lui est soumise " ; Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour les parties civiles, pris de la violation des articles 6 de la convention européenne des droits de l'homme, 1er du premier protocole additionnel à cette convention, L. 223-23, L. 225-254 et L. 242-6 3° du code de commer ce, préliminaire, 2, 3, 6, 8, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé M. X...du chef d'abus de biens sociaux eu égard à la prescription de l'action publique et a déclaré irrecevables les demandes du GIE Ruche services et de la SACICAP La Ruche ;
" aux motifs que sur les trois délits d'abus de biens sociaux, la chambre criminelle de la Cour de cassation a fixé le point de départ du délai de prescription de l'action publique, pour ces délits, au jour où ils sont apparus et où ils ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que c'est le rapport de la Miilos qui les a mis en lumière dans son rapport de novembre 2006 communiqué au procureur de la République ; qu'il convient de procéder à une analyse pour les trois délits considérés :- Sur les faits concernant la prime de départ à la retraite de 722 146 euros que cette prime apparaît – dans le contrat de travail de M. X...du 20 décembre 1990, à l'article 4 intitulé rupture : « en cas de rupture du présent contrat par la société, celle-ci devra verser à M. X..., à titre d'indemnité de licenciement et indemnité de préavis, une somme égale à trois fois celle à laquelle il aurait eu droit pendant l'année qui aura précédé la rupture, à titre d'appointements fixes et proportionnels, congés payés, gratifications, primes, etc ; que cette indemnité sera exigible, en son entier le jour où il cessera ses fonctions du fait de la rupture, sauf accord des parties sur la modalité du paiement … » ; que ce contrat a été signé par M. B..., à l'époque président du conseil d'administration de la SACI ; que dans l'avenant au contrat de travail du 12 décembre 1997, signé par M. C..., président du conseil d'administration de l'époque, et qui était particulièrement averti de ces questions, puisqu'il avait été président de la société des HLM de Montargis, il était stipulé : « en cas de rupture pour quelque cause que ce soit, en particulier mise à la retraite par l'employeur et départ volontaire à la retraite, il sera versé à M. X...à titre d'indemnité, une somme égale à trois fois celle qu'il aura perçue pendant les douze mois précédant la rupture au titre de sa rémunération (soit salaires et primes à caractère fixe, y compris l'indemnité de frais d'emploi) ; que cette indemnité sera exigible en son entier, le jour où il cessera d'exercer ses fonctions, du fait de la rupture. Elle sera payable en une seule fois, sauf accord dérogatoire entre les parties … » ; que c'est le même président C...qui reconnaître avoir lui-même signé, en juillet 2011, le chèque de 5 millions de francs au titre du virement de salaire de M. X...incluant cette prime de départ à la retraite dont l'équivalent en euros est de 722 146 euros ; qu'aux termes des statuts de la SACI, c'est le président du conseil d'administration qui est le maître de l'ordre du jour et il lui appartient, au besoin, de faire inscrire à cet ordre du jour des conseils d'administration ou des assemblées générales l'information complète sur ce sujet et de communiquer ces informations à ses collègues du conseil d'administration ; que, par ailleurs, la Miilos avait déjà fait une inspection de plusieurs jours au début de l'année 1997 et était en mesure de s'émouvoir, au besoin, de la clause « exorbitante » contenue dans le contrat de travail de 1990, même si son audit n'a pas porté de manière spécifique sur cet aspect des choses ; qu'en effet, un tableau avait été adressé le 16 janvier 1997 à la Miilos, précisant nominativement le coût prévisible des départs à la retraite des collaborateurs de plus de 55 ans (cote 10 du dossier) ;- Sur les faits concernant la retraite complémentaire de 1 085 412 euros ; que la provision pour l'engagement nécessaire destiné à constituer le capital représentatif de cette retraite figure dans les comptes annuels présentés dans le rapport du conseil ‘ administration du 23 mai 1996 à l'article 2-53 ; que l'article 3-26-1 s'intitule provisionnement retraite et prévoit 3 337 000 francs à cet effet, pour les collaborateurs ayant plus de 55 ans en 1995 ; qu'à l'annexe aux comptes sociaux de l'exercice clos le 31 décembre 1995 à l'article 2-53 provisions pour engagements de retraite, il est précisé que pour évaluer l'indemnité de départ à la retraite, il est calculé une provision retraite à compter de 55 ans pour les collaborateurs, dans le but d'étaler la charge que la société sera amenée à verser aux dates de départ des collaborateurs concernés ; que l'annexe aux comptes sociaux de l'exercice clos le 31 décembre 1997 mentionne la provision pour l'engagement de la retraite à l'article 2-63 ; que le conseil d'administration du 14 décembre 2000 évoque ce régime de retraite supplémentaire à prestations définies pour les cadres. Il est proposé de verser une prime unique de 979 592, 00 francs pour couvrir intégralement les droits potentiels acquis en 2001 ; qu'au 30 juin 2001 Mmes D...et Y...seront les seules concernées par cette retraite après le départ de M. X..., y est-il précisé ; que le conseil d'administration approuve et verse une prime unique de 979 592, 00 francs ; qu'il convient d'ajouter que ce régime ne pourra s'appliquer à Mme D..., licenciée pour inaptitude ;- Sur celle de 321 160 euros constituée au profit de Mme Y...; que si c'est bien M. X...qui a constitué ce dossier pour parvenir à ce que son épouse perçoive une somme de 321 160 euros lors d'une rupture éventuelle de son contrat de travail, c'est bien M. C...qui a signé le contrat de travail de celle-ci qui devenait directeur général de la SACI et qui ainsi, en a avalisé toutes les clauses stipulées entre la société et cette salariée ; qu'il est ainsi acquis que les conditions de réalisation de ces trois faits ont évolué dans le temps et que les présidents successifs du conseil d'administration, voire même le conseil d'administration lui-même, ont été tenus au courant de telle manière qu'un délit éventuel pouvait apparaître et être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; que ce qui est connu n'est plus dissimulé, même si ceux qui savent s'abstiennent de dénoncer les faits ; qu'il est piquant, aujourd'hui, de constater que c'est le successeur du président C...qui a porté plainte au nom de la SACI, alors que son prédécesseur avait participé à tous les stades de ce processus en faveur de M. X..., sans rien trouver à redire ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence de dissimulation, la prescription de ces trois abus de biens sociaux n'a pas pu être prolongée de manière quelconque, qu'elle était donc acquise au mois de mai 2005, alors que les actes de poursuites sont intervenus seulement en décembre 2006 ; que ce prévenu devra donc être renvoyé des fins de la poursuite ;
" 1°) alors qu'en ce qui concerne les trois délits d'abus de biens sociaux – prime de départ à la retraite de 122 146 euros, retraite complémentaire de 1 085 412 euros, signature de contrats de travail incluant des clauses contractuelles permettant à Mme Sylvie Y...de pouvoir prétendre au versement d'une indemnité de 321 160 euros – la cour d'appel, qui avait liminairement rappelé que la chambre criminelle de la Cour de cassation avait fixé le point de départ du délai de prescription de l'action publique pour ces délits au jour où ils sont apparus et ont pu être constatés dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique, et avait expressément constaté que « c'est le rapport de la Miilos (mission interministérielle d'inspection du logement social) qui les avait particulièrement mis en lumière dans son rapport de novembre 2006 communiqué au procureur de la République » ne pouvait, sans se contredire, affirmer que la prescription était acquise en mai 2005 pour les trois abus de biens sociaux susvisés ;
" 2°) alors que la prescription de l'action publique du chef d'abus de biens sociaux court, sauf dissimulation, à compter de la présentation des comptes annuels par lesquels les dépenses litigieuses sont mises indument à la charge de la société ; que cette règle générale suppose, pour que la prescription puisse commencer à courir, que les comptes annuels aient été effectivement présentés à l'approbation du conseil d'administration ou de l'assemblée générale, obligation qui incombe au président du conseil d'administration, et que l'arrêt attaqué qui laisse incertain le point de savoir si le président du conseil d'administration de la SACICAP La Ruche avait effectivement, comme il en avait l'obligation, mis à l'ordre du jour du conseil d'administration ou de l'assemblée générale de ladite société l'approbation du versement, en juillet 2001, de la prime de départ à la retraite d'un montant de 722 146 euros à M. X..., mise à l'ordre du jour explicitement contestée par les parties civiles dans leurs conclusions régulièrement devant la cour d'appel, n'est pas légalement justifiée ;
" 3°) alors qu'en matière d'abus de biens sociaux, l'inscription en comptabilité ne peut marquer le point de départ de la prescription qu'en l'absence de toute clandestinité, ce qui suppose que les charges indues figurent dans les comptes annuels à la rubrique où elles doivent trouver leur place ; que dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les parties civiles la SACICAP La Ruche et le GIE Ruche Services faisaient valoir que l'indemnité de départ à la retraite allouée à M. X...n'était jamais apparue explicitement dans la comptabilité ; qu'en effet, alors que la comptabilité prévoyait une ligne comptable pour les « indemnités de licenciement », non seulement aucune ligne n'était consacrée à « l'indemnité de départ en retraite » mais qu'en outre cette indemnité avait été scindée en deux lignes comptables – une somme de 3 561 973 francs (543 019 euros) noyée dans la ligne « traitements et salaires » et une somme de 1 175, 88 francs (179 127, 73 euros) noyée dans le poste dédié aux « indemnités de licenciement » dont le montant total s'élevait à 2 171 559, 39 francs (331 052, 09 euros) comprenant l'ensemble des indemnités versées aux six salariés licenciés en 2001 et qu'en omettant d'examiner ce moyen péremptoire par lequel les parties civiles invoquaient l'existence d'une dissimulation comptable précise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 4°) alors que, dans leurs conclusions régulièrement déposées, les parties civiles faisaient en outre valoir que l'opacité de l'inscription en comptabilité de l'indemnité de départ à la retraite dont avait bénéficié M. X...avait été renforcée par les agissements des commissaires aux comptes MM.
Z...
et
A...
, qui avaient certifié les comptes sociaux 2001 sans mentionner cette indemnité dans leur rapport, ce qui avait concouru à la dissimulation de l'infraction d'abus de biens sociaux et qu'en omettant de s'expliquer sur ce chef péremptoire de conclusions, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 5°) alors qu'en matière d'abus de biens sociaux, seule une information complète de l'organe délibérant peut faire échec à la prolongation de la prescription ; que dans leurs motifs expressément repris par les parties civiles dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les premiers juges avaient souligné que le prévenu avait constitué le fonds de retraite additionnel à son profit exclusif sous couvert d'un contrat collectif bénéficiant à un ensemble de salariés et que la cour d'appel, qui n'a nullement constaté que le conseil d'administration de la SACICAP La Ruche ait été informé de cette dissimulation du détournement de l'objet du fonds de retraite, n'a pas légalement justifié sa décision de faire bénéficier M. X...de la prescription en ce qui concerne l'abus de biens sociaux relatif à la retraite complémentaire de 1 085 412 euros ;
" 6°) alors que, tout comme les motifs de l'arrêt laissent incertain le point de savoir si le président du conseil d'administration de l'époque, M. C..., avait effectivement, comme il en avait l'obligation légale, mis à l'ordre du jour du conseil d'administration et de l'assemblée générale de la SACICAP l'approbation du versement à M. X...de la prime de départ à la retraite de 722 146 euros, prime dissimulée dans les comptes sociaux, les motifs de l'arrêt laissent tout aussi incertain le point de savoir si les clauses du contrat de travail de Mme Y...signé par M. C...au vu du dossier constitué par M. X..., futur époux de celleci, lui allouant une indemnité de 321 160 euros ont été mises à l'ordre du jour du conseil d'administration et de l'assemblée générale en sorte qu'en déclarant – dans ses motifs – ce délit d'abus de biens sociaux prescrit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour déclarer prescrits les faits d'abus de biens sociaux reprochés à M. X..., l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, qui établissent, sans insuffisance ni contradiction, l'absence, d'une part, de toute dissimulation de nature à permettre le report du point de départ du délai triennal de prescription, d'autre part, d'abus commis postérieurement à la date du 23 juillet 2004 à laquelle la prescription était acquise, la cour d'appel, qui a répondu, comme elle le devait, aux conclusions dont elle était saisie, a justifié sa décision ;
Que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour les parrties civiles, pris de la violation des articles 457 (devenu L. 820-7 du code de commerce) de la loi du 24 juillet 1966, préliminaire, 8, 203, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré prescrit le délit de non révélation de faits délictueux reprochés à MM. Philippe Z...et Thierry A..., commissaires aux comptes ;
" aux motifs que le délit de prescription du délit de non dénonciation, prévu par l'article 457 de la loi du 24 juillet 1966, court à compter du jour où le commissaire aux comptes a eu connaissance des faits délictueux et, au plus tard le jour de la certification des comptes ; qu'en l'espèce, il ne s'agit pas d'un délit continu mais d'une infraction instantanée et la prescription a commencé à courir au plus tard à compter du 6 mai 2002, jour de la certification des comptes de l'année 2001 ; que la période de prescription s'achève, ainsi le 7 mai 2005, alors que pendant cette période aucun acte de poursuite ou d'instruction n'est intervenu ; qu'il s'ensuit que ce délit est prescrit ;
" 1°) alors que le point de départ de la prescription pour non révélation par le commissaire aux comptes de faits délictueux au procureur de la République ne court à compter de la certification des comptes qu'autant que cette certification ne s'est pas accompagnée de manoeuvres de dissimulation notamment d'une omission volontaire de mentionner dans le rapport spécial de l'année considérée l'existence de l'opération illicite ; que la prévention précisait expressément que les commissaires aux comptes, MM.
Z...
et
A...
, avaient omis de signaler dans leur rapport spécial 2001 la somme de 722 146 euros perçue par M. X...alors même qu'il la savait illicite ; que dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, les parties civiles reprenaient expressément cet élément déterminant de la prévention et qu'en l'occultant et en affirmant que la prescription du délit de non révélation de faits délictueux au procureur de la République avait commencé au jour de la certification des comptes de l'année 2001, la cour d'appel a méconnu le principe susvisé ;
" 2°) alors que dans la mesure où, selon la prévention, les deux infractions d'abus de biens sociaux reprochées à M. X...et de non révélation des faits délictueux reprochée aux commissaires aux comptes, MM.
Z...
et
A...
, étaient connexes dès lors que le délit de non révélation des faits délictueux ne pouvait avoir été commis que pour assurer l'impunité du délit d'abus de biens sociaux, la dissimulation qui faisait obstacle à la prescription de la première infraction comme démontré au deuxième moyen, produit nécessairement ses effets concernant la prescription de la seconde infraction et qu'en ignorant cette règle procédurale, la cour d'appel a violé les dispositions combinées des articles 8 et 203 du code de procédure pénale " ;
Attendu que, le délai de prescription du délit de non-dénonciation, prévu par l'article L. 820-7 du code de commerce courant à compter du jour où le commissaire aux comptes a connaissance des faits délictueux et l'obligation de les révéler au procureur de la République, et dès lors qu'un acte interruptif, à le supposer établi, ne peut avoir d'effet lorsque la prescription est déjà acquise, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé pour les parties civiles, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-6 et 121-7 du code pénal, L. 242-6, 3°, du code de commerce, préliminaire, 2, 3, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé de requalifier les faits de non révélation des faits délictueux au procureur de la République reprochés aux commissaires aux comptes MM.
Z...
et
A...
en complicité d'abus de biens sociaux et a déclaré irrecevables les demandes des parties civiles, le GIE Ruche services et la SACICP La Ruche ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne les poursuites contre Mme Y...et la requalification requise par le parquet général en complicité d'abus de biens sociaux, la cour constate que les réquisitions orales intervenues alors que l'instruction d'audience était close ont un caractère tardif et qu'il était impossible à l'avocat de procéder à une défense sérieuse de sa cliente sur cette nouvelle incrimination, ce qui incontestablement aurait nui à celle-ci, ne permettant pas un procès équitable pour ce point là et qu'en ce qui concerne MM.
Z...
et
A...
, la cour reprend ici l'analyse développée plus haut ayant trait à la requalification des délits reprochés à Mme Y...;
" aux motifs que, d'autre part, l'infraction de non-révélation ne se superpose pas au délit d'abus de biens sociaux, dont la complicité n'existe qu'en raison d'une participation en connaissance de cause c'est-à-dire avec l'intention de s'associer à l'acte incriminé ; qu'en outre, les faits de non-révélation concernent une période postérieure au délit alors que les faits de complicité d'abus de biens sociaux ont trait à une période antérieure au délit d'abus de biens sociaux ; que le tribunal correctionnel a procédé à une requalification, non parce que les éléments constitutifs du délit poursuivi n'étaient pas réunis, mais pour contourner la prescription entachant les poursuites pour le premier délit ; qu'or, les éléments constitutifs des deux délits s'avèrent totalement différents et ne peuvent être substitués l'un à l'autre ; que, de surcroît, le délit de non-révélation de faits délictueux d'un délit spécial est autonome alors que le délit d'abus de bien social est un délit général ; qu'il s'ensuit que la requalification s'avère impossible juridiquement, en sorte que la cour constatera la prescription de l'action publique pour ce délit de non-révélation de faits délictueux au procureur de la République et renverra des fins de la poursuite ces deux commissaires aux comptes ;
" 1°) alors que les premiers juges ayant disqualifié les faits de non révélation des faits délictueux au procureur de la République reprochés aux commissaires aux comptes en complicité d'abus de biens sociaux et MM.
Z...
et
A...
ayant expressément discuté cette requalification dans leurs conclusions régulièrement déposées devant la cour d'appel, celle-ci ne pouvait, sans contredire les actes de la procédure et faire une fausse application du principe du contradictoire, refuser d'opérer cette requalification, motif pris des prétendues réquisitions tardives du ministère public devant la cour d'appel ;
" 2°) alors que les juges correctionnels, qui ne sont pas liés par la qualification donnée par la prévention aux faits qui leur sont soumis, ont le pouvoir et le devoir de requalifier les faits poursuivis à la condition d'être saisis par le titre de poursuite initiale de tous les éléments du délit qu'il s'agit de substituer à celui qui était poursuivi ; que la prévention du chef de non dénonciation de faits délictueux précisait expressément que MM. Z...et A..., commissaires aux comptes, avaient omis dans leur rapport spécial 2001 de signaler la prime de 722 146 euros perçue par M. X...alors même qu'ils la savaient illicite ; que les juges répressifs étaient donc saisis par la prévention d'un acte précis par lequel les commissaires aux comptes avaient, par aide et assistance, facilité la consommation du délit d'abus de biens sociaux reproché à M. X...et que dès lors, en affirmant que la requalification s'avérait juridiquement impossible, la cour d'appel a contredit l'acte de la procédure auquel elle a prétendu se référer et a, ce faisant, méconnu ses pouvoirs " ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé pour les parties civiles, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-6 et 121-7 du code pénal, L. 242-6, 3°, du code de commerce, préliminaire, 2, 3, 388, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé de requalifier les faits de faux et usage de faux reprochés à Mme Y...en complicité d'abus de biens sociaux et a déclaré irrecevables les demandes des parties civiles, le GIE Ruche services et la SACICAP La Ruche ;
" aux motifs que, sur la requalification requise par le parquet général en complicité d'abus de biens sociaux, la cour constate – que sur la question de la cour, en début d'audience, le 14 décembre 2011, vers 10 heures 00, le parquet général a confirmé l'abandon des poursuites pour les délits de faux et usage, sans que ce point de droit ait été à nouveau abordé au cours de l'audience qui a duré toute la journée,- que, cependant, lors des réquisitions orales intervenues après 19 heures 00, ce jourlà, alors que l'instruction d'audience était close, le parquet général a demandé à la cour de requalifier les délits de faux et usage de faux en complicité d'abus de biens sociaux pour Mme Y..., sans avoir mis, au préalable, cette incrimination nouvelle dans les débats ; qu'en application de l'article 388 du code de procédure pénale, les juridictions correctionnelles ne peuvent légalement statuer que sur les faits relevés par la citation qui les a saisies, à moins que le prévenu accepte le débat sur les faits non dénoncés dans la poursuite ; qu'en l'espèce, Mme Y...n'a pas pu s'expliquer sur le délit de complicité d'abus de biens sociaux requis, dont la cour n'était pas saisie et dont les éléments constitutifs se distinguent du délit de faux et usage ; qu'or, le juge répressif ne peut prononcer une culpabilité sans avoir relevé, au préalable, tous les éléments constitutifs retenus et sans qu'il ait été permis au prévenu d'organiser sa défense ; qu'il en résulte que le principe du contradictoire, énoncé à l'article préliminaire du code de procédure pénale a été manifestement violé, et que l'article six de la Convention européenne des droits de l'homme, qui vise le procès équitable, a été bafoué, puisqu'à cette heure-là et après près de 10 heures d'audience il était impossible à l'avocat de procéder à une défense sérieuse de sa cliente sur cette nouvelle incrimination, ce qui incontestablement aurait nui à celle-ci, ne permettant pas un procès équitable pour ce point là ; qu'il en ressort que cette réquisition tardive pour ce nouveau délit doit être écartée des débats ; qu'au total, les délits de faux et suage de faux étant prescrits, Mme Y...sera renvoyée des fins de la poursuite ;
" alors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer, par la lecture des conclusions de Mme Y...régulièrement déposées devant la cour d'appel, que celle-ci s'est expressément expliquée sur la requalification des faits de faux et usage de faux visés par la prévention en complicité d'abus de biens sociaux dès l'audience du 26 septembre 2011 en raison du fait que cette requalification avait d'ores et déjà été opérée par les premiers juges dans leur décision statuant sur l'action civile ; que cette requalification était par conséquent clairement dans le débat et qu'en affirmant dès lors que la requalification sollicitée par le parquet dans ses réquisitions orales devait être écartée des débats en raison de son caractère tardif et de l'impératif de respecter le principe du contradictoire, élément essentiel des droits de la défense, la cour d'appel a fait une application inexacte des articles préliminaire et 388 du code de procédure pénale ainsi que de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour dire n'y avoir lieu à qualifier de complicité d'abus de biens sociaux les infractions de non-révélation de faits délictueux, de faux et usage respectivement imputées aux commissaires aux comptes et à Mme Y..., l'arrêt prononce par les motifs repris aux moyens ;
Attendu qu'en cet état, abstraction faite de considérations erronées sur le respect des principes du procès équitable et du caractère contradictoire des débats, qu'il appartient au juge de faire respecter en toute circonstance, au besoin en ordonnant le renvoi à une audience ultérieure, et dès lors qu'à la supposer établie, la complicité d'abus de biens sociaux serait également prescrite, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, retenu que les prévenus n'avaient pas accepté d'être jugés pour des faits distincts des éléments constitutifs des infractions poursuivies, a justifié sa décision ;
D'où il suit que les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de quiconque, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Laborde conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Leprey ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;