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10/04/2013 | FRANCE | N°11-25844

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 10 avril 2013, 11-25844


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 août 2011), que M. X..., de nationalité marocaine, a fait l'objet, le 23 septembre 2008, d'une promesse d'embauche de la société Groupe Alterna éditique (la société), stipulant une prise de fonction le 15 octobre 2008, avec mention qu'il s'agit d'une condition essentielle de la réalisation de l'embauche ; que le même jour, il a signé avec ladite société une convention d'exclusivité et de confidentialité d'un an ; que le 25 novembr

e 2008, il a avisé l'entreprise qu'il avait obtenu un permis de travail ; qu...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 19 août 2011), que M. X..., de nationalité marocaine, a fait l'objet, le 23 septembre 2008, d'une promesse d'embauche de la société Groupe Alterna éditique (la société), stipulant une prise de fonction le 15 octobre 2008, avec mention qu'il s'agit d'une condition essentielle de la réalisation de l'embauche ; que le même jour, il a signé avec ladite société une convention d'exclusivité et de confidentialité d'un an ; que le 25 novembre 2008, il a avisé l'entreprise qu'il avait obtenu un permis de travail ; que celle-ci estimant ne plus être tenue par sa promesse d'embauche, M. X... a saisi la juridiction prud'homale en invoquant la rupture d'un contrat de travail ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire qu'elle est liée par une promesse d'embauche valant contrat de travail et de la condamner au paiement d'indemnités, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive ;que si est nulle l'obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige, est valable la condition suspensive dont la réalisation dépend d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties ; que la cour d'appel a constaté que la promesse d'embauche avait été conclue sous la condition suspensive de régularisation de la situation administrative de M. X... avant le 15 octobre 2008 ; que pour juger néanmoins que la promesse engageait la société Groupe Alterna éditique « nonobstant la non réalisation de la condition », la cour d'appel a jugé que « la date limite du 15 octobre posée par l'entreprise à la régularisation de la situation de M. X... constituait une condition aléatoire dépendant d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties » ; qu'en refusant ainsi de faire produire effet à une condition suspensive aux motifs que l'événement érigé en condition était aléatoire et dépendant d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties, la cour d'appel a violé ensemble les articles 1168 et 1176 du code civil ;
2°/ que lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; que ce n'est que lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement, que la condition est réputée accomplie ; qu'il en résulte que lorsqu'une promesse d'embauche est conclue sous la condition de l'arrivée d'un événement à temps fixe, dont la réalisation ne dépend pas de la volonté des parties, la défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité de la promesse d'embauche ; que la cour d'appel a constaté que M. X... et la société Groupe Alterna éditique avaient signé le 23 septembre 2008 une promesse d'embauche sous la condition de l'obtention par l'intéressé d'une autorisation de travail au 15 octobre 2008 dont la réalisation dépendait d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties, lors même que la société Groupe Alterna s'était acquittée du paiement de la taxe de l'OFII ; que la cour d'appel a relevé que cette condition ne s'était pas réalisée ; que la cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que la défaillance de la condition suspensive, l'obtention d'une autorisation de travail, étrangère à la volonté des parties, entraînait la caducité de la promesse d'embauche, en sorte que le salarié ne pouvait pas se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1176 et 1178 du code civil et l'article L. 1221-1 du code du travail ;
3°/ que toute condition d'une chose impossible est nulle et rend nulle la convention qui en dépend ; qu'à supposer même que l'on puisse considérer qu'il résulte des motifs retenus par les juges du fond, qui ont relevé que la société Groupe Alterna ne pouvait ignorer le 23 septembre 2008 que le temps nécessaire à l'obtention du titre de séjour sollicité pouvait dépasser trois semaines, que cette convention a été conclue sous la condition d'une chose impossible, celle d'obtenir une autorisation administrative le 15 octobre 2008, cette impossibilité rendait nulle la promesse d'embauche, ce qui excluait tout engagement ; qu'en jugeant que la promesse d'embauche du 23 septembre 2008 valait contrat de travail et avait été rompue abusivement par la société Groupe Alterna, la cour d'appel a violé l'article 1172 du code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel a, par motifs adoptés, retenu, par une appréciation souveraine, que, du fait de la conclusion d'une convention d'exclusivité sans condition, la promesse d'embauche faite à M. X... engageait la société, la condition suspensive de disponibilité au 15 octobre 2008 stipulée étant sans effet ; que le moyen, qui manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Groupe Alterna éditique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Groupe Alterna éditique et condamne celle-ci à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix avril deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour la société Groupe Alterna éditique
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué :
D'AVOIR jugé que les parties étaient liées par une promesse d'embauche valant contrat de travail à compter du 23 septembre 2008, et condamné la société Groupe Alterna Editique au paiement de différentes sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'« il ressort des pièces produites que la promesse d'embauche a été signée des deux parties le 23 septembre 2008, date à laquelle Monsieur Kamal X... s'était rendu à Paris, ainsi qu'en atteste le billet de train ; que la société Groupe Alterna Editique n'établit nullement qu'un exemplaire de la promesse devait être envoyé à Monsieur Kamal X... pour qu'il le signe avec la mention "bon pour accord" ; qu'à la même date, la société Groupe Alterna Editique ne conteste pas que Monsieur Kamal X... a signé en sa faveur des engagements d'exclusivité et de confidentialité ; que la société Groupe Alterna Editique qui a nécessairement payé la taxe de l'OFI, laquelle est de par la loi à la charge de l'employeur, et le revendique, ne pouvait ignorer le 23 septembre date de la signature de la promesse, que le temps nécessaire à l'obtention du titre de séjour sollicité pouvait dépasser trois semaines et que cette durée ne dépendait nullement de la volonté ou de la diligence du salarié ; qu'en la matière, le délai de réponse de l'administration était de deux mois, et que son silence valait refus ; que la date limite du octobre posée par l'entreprise à la régularisation de la situation de Monsieur Kamal X... constituait une condition aléatoire dépendant d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties ; qu'il s'en déduit que la promesse signée sous une telle condition par la société Groupe Alterna Editique l'engageait, nonobstant la non réalisation de la dite condition ; que l'engagement de la société constituait une promesse ferme et définitive d'embauche que le salarié avait acceptée ; qu'un contrat de travail avait été formé entre les parties ; que la circonstance que le contrat ait été rompu avant tout commencement d'exécution n'exclue pas que la salariée puisse prétendre au paiement d'une indemnité de préavis et des congés payés y afférents ; qu'il sera fait droit à la demande de Monsieur Kamal X... ; qu'il y a lieu en conséquence d'ordonner la remise à Monsieur Kamal X... d'une attestation destinée à PÔLE EMPLOI et un bulletin de salaire conformes à la présente décision ; qu'il n'y a pas lieu toutefois de prononcer une astreinte ; que pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, il y eu rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur pour un motif, l'absence d'autorisation de travailler avant le 15 octobre, qui n'est pas du fait du salarié; que la rupture de la promesse aura dès lors les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en application de l'article L. 1235-5 du Code du travail, le salarié qui a travaillé moins de deux ans, a droit à réparation de son préjudice ; qu'au vu des conséquences de la rupture, de l'âge de Monsieur Kamal X..., de son salaire, la Cour est en mesure de fixer à la somme de 5.000 € le montant des dommages intérêts qui lui sont dus ; qu'il paraît équitable d'allouer à Monsieur Kamal X... un somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre la confirmation de la condamnation au même titre dans le jugement » ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive ; que si est nulle l'obligation contractée sous une condition potestative de la part de celui qui s'oblige, est valable la condition suspensive dont la réalisation dépend d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties ; que la Cour d'appel a constaté que la promesse d'embauche avait été conclue sous la condition suspensive de régularisation de la situation administrative de Monsieur X... avant le 15 octobre 2008 ; que pour juger néanmoins que la promesse engageait la société Groupe Alterna Editique « nonobstant la non réalisation de la condition », la Cour d'appel a jugé que « la date limite du 15 octobre posée par l'entreprise à la régularisation de la situation de Monsieur Kamal X... constituait une condition aléatoire dépendant d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties » ; qu'en refusant ainsi de faire produire effet à une condition suspensive aux motifs que l'événement érigé en condition était aléatoire et dépendant d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 1168 et 1176 du Code civil ;
ALORS QUE D'AUTRE PART lorsqu'une obligation est contractée sous la condition qu'un événement arrivera dans un temps fixe, cette condition est censée défaillie lorsque le temps est expiré sans que l'événement soit arrivé ; que ce n'est que lorsque c'est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l'accomplissement, que la condition est réputée accomplie ; qu'il en résulte que lorsqu'une promesse d'embauche est conclue sous la condition de l'arrivée d'un événement à temps fixe, dont la réalisation ne dépend pas de la volonté des parties, la défaillance de la condition suspensive entraîne la caducité de la promesse d'embauche ; que la Cour d'appel a constaté que Monsieur X... et la société Groupe Alterna Editique avaient signé le 23 septembre 2008 une promesse d'embauche sous la condition de l'obtention par l'intéressé d'une autorisation de travail au 15 octobre 2008 dont la réalisation dépendait d'une décision administrative étrangère à la volonté des parties, lors même que la société Groupe Alterna s'était acquittée du paiement de la taxe de l'OFII ; que la Cour d'appel a relevé que cette condition ne s'était pas réalisée ; que la Cour d'appel aurait dû déduire de ses propres énonciations que la défaillance de la condition suspensive, l'obtention d'une autorisation de travail, étrangère à la volonté des parties, entraînait la caducité de la promesse d'embauche, en sorte que le salarié ne pouvait pas se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1176 et 1178 du Code civil et l'article L. 1221-1 du Code du travail ;
ALORS ENFIN, A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE toute condition d'une chose impossible est nulle et rend nulle la convention qui en dépend ; qu'à supposer même que l'on puisse considérer qu'il résulte des motifs retenus par les juges du fond, qui ont relevé que la société Groupe Alterna ne pouvait ignorer le 23 septembre 2008 que le temps nécessaire à l'obtention du titre de séjour sollicité pouvait dépasser trois semaines, que cette convention a été conclue sous la condition d'une chose impossible, celle d'obtenir une autorisation administrative le 15 octobre 2008, cette impossibilité rendait nulle la promesse d'embauche, ce qui excluait tout engagement ; qu'en jugeant que la promesse d'embauche du 23 septembre 2008 valait contrat de travail et avait été rompue abusivement par la société Groupe Alterna, la Cour d'appel a violé l'article 1172 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-25844
Date de la décision : 10/04/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 19 août 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 10 avr. 2013, pourvoi n°11-25844


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Blanc et Rousseau

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.25844
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