LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le neuf avril deux mille treize, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire HAREL-DUTIROU, les observations de la société civile professionnelle LE BRET-DESACHÉ, de Me SPINOSI, de la société civile professionnelle ODENT et POULET, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général RAYSSÉGUIER ;
Sur le pourvoi formé par :
- M. Sébastien Y...,- Mme Stéphanie Z...,- Mme Françoise A..., parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de RIOM, chambre correctionnelle, en date du 5 avril 2012, qui, dans la procédure suivie contre M. B...du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du code de procédure pénale, omission de statuer, insuffisance de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, qui n'a pas retenu de faute de pilotage susceptible d'engager la responsabilité de M. B..., a omis de statuer sur la demande de supplément d'information régulièrement déposée par les demandeurs et fondée sur l'absence d'expertise contradictoire ;
" aux motifs que, s'opposent deux hypothèses difficilement conciliables :- celle de M. B...et du Bea qui voudrait que le Piper, aéronef dépassant, soit passé sous l'avant du Jodel en arrivant de la droite ;- celle des parties civiles et du rapport D..., selon laquelle le Jodel est entré, en collision par l'arrière avec le Piper qui le précédait ; qu'il en résulte pour le moins, une incertitude sur les circonstances de la collision, étant précisé, toutefois, que les conditions du rapport D... sont tirées, partiellement, de données mathématiques dont il n'est pas établi que l'ensemble des variables avait bien été prises (sic) en compte, alors que l'hypothèse B...est confortée par des considérations de bon sens, dans la mesure où il serait, pour le moins surprenant, que le Jodel piloté par M. B...dont la visibilité était très bonne ait percuté par l'arrière le Piper en lui coupant la trajectoire rectiligne ; qu'en conséquence, aucune faute de pilotage susceptible d'engager la responsabilité de M. B...n'est établie ;
1°) " alors que les juridictions correctionnelles doivent statuer sur l'ensemble des demandes dont elles sont saisies ; que, dans leur mémoire régulièrement déposé devant la cour d'appel, les demandeurs sollicitaient un supplément d'information, en demandant, subsidiairement, d'ordonner une expertise contradictoire, ce que n'a pu, en l'absence d'instruction, assurer l'enquête ; qu'une telle expertise s'imposait, la cour d'appel ayant établi qu'il résultait de l'enquête une incertitude sur les circonstances de l'accident ; que la cour d'appel n'a pas répondu à cette demande, ne serait-ce que pour l'écarter, en vertu de son pouvoir souverain ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une omission de statuer et n'a pas assuré aux exposants leur droit à un procès équitable qui impose, d'une part, le respect du principe du contradictoire, d'autre part, aux juges du fond, d'examiner les demandes des parties et d'y répondre expressément ;
2°) " alors que, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance de motifs équivaut à leur absence ; que l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme commande aux juges du fond de répondre aux demandes formulées par les parties ; qu'en l'espèce, pour rejeter l'existence d'une faute de pilotage, la cour d'appel a considéré qu'il serait pour le moins surprenant que le Jodel ait percuté le Piper par l'arrière ; qu'en statuant ainsi, par des motifs hypothétiques, la cour d'appel a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs et l'a privée de base légale " ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 470-1 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du code de procédure pénale, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a débouté les parties civiles de leur demande d'application de l'article 470-1 du code de procédure pénale ;
" aux motifs qu'il résulte des conclusions déposées devant le tribunal correctionnel et qui figuraient parmi les pièces du dossier d'appel que les parties civiles avaient sollicité le bénéfice des dispositions de l'article 470-1 du code de procédure pénale et au terme du dispositif de leurs écritures sans avoir développé aucun argument utile sur ce fondement juridique ; qu'il en résulte que le tribunal n'a pas statué au visa de cet article ; que, devant la cour, comme devant le tribunal, les parties civiles n'ont pas indiqué les dispositions civiles sur lesquelles elles entendaient se fonder autre que la faute qui vient d'être écartée ; qu'en conséquence elles seront déboutées de leurs demandes ;
1°) " alors que, dès lors que la juridiction répressive peut, après relaxe, pour une infraction non intentionnelle et sur la demande de la partie civile, formée avant clôture des débats, retenir la responsabilité civile du prévenu et accorder, en application des règles du droit civil, réparation de tous les dommages résultant des faits qui ont fondé la poursuites, il lui appartient de rechercher la règle de droit civil appropriée à la solution du litige ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est bornée à affirmer, pour débouter les parties civiles de leur demande fondée sur l'application de l'article 470-1 du code de procédure pénale, qu'elles n'avaient pas indiqué les dispositions civiles sur lesquelles elles entendaient se fonder ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article précité et a privé les parties civiles de leur droit au procès équitable ;
2°) " alors que, lorsqu'une partie a omis de préciser le fondement juridique de ses prétentions, le juge ne peut en tirer prétexte pour la débouter de sa demande ; qu'il lui appartient donc, de rechercher la règle de droit appropriée à la solution du litige ; qu'en l'espèce, pour débouter les parties civiles de leur demande sollicitant le bénéfice de l'article 470-1 du code de procédure pénale, la cour d'appel s'est contentée de constater que les parties civiles n'avaient pas indiqué les dispositions civiles sur lesquelles elles entendaient se fonder ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui incombait d'examiner les faits conformément aux règles de droit civil dont les parties civiles réclamaient l'application, la cour d'appel a violé l'article susvisé " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 11 juillet 2009, à Vitrac, une collision s'est produite entre deux aéronefs de tourisme pilotés respectivement par Marc C...et M. B...ayant entraîné le décès du premier ainsi que celui de son fils ; que M. B..., poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs d'homicides involontaires, a été relaxé ; que les parties civiles, qui ont demandé réparation de leur préjudice, sur le fondement de l'article 470-1 du code de procédure pénale, ont été déboutées de leurs demandes, en raison de la relaxe prononcée ; qu'elles ont, seules, interjeté appel des dispositions civiles du jugement ;
Attendu que, pour rejeter leurs demandes, la cour d'appel, après avoir relevé qu'en présence de deux hypothèses difficilement compatibles, retient qu'il existe une incertitude sur les circonstances de la collision et qu'aucune faute susceptible d'engager la responsabilité de M. B...n'est établie ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation, la cour d'appel a justifié sa décision ;
Attendu que, par ailleurs, les juges, statuant, à la demande des parties civiles, en application de l'article 470-1 du code de procédure pénale, ont relevé à bon droit que celles-ci n'ont pas indiqué les dispositions civiles sur lesquelles elles entendaient se fonder autres que la faute ayant été écartée ;
D'où il suit que les moyens ne sauraient être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Harel-Dutirou conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;