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20/03/2013 | FRANCE | N°12-19382

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 mars 2013, 12-19382


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 mai 2011), que du mariage de Mme X... et M. Y..., tous deux de nationalité française, sont nés deux enfants, Prudence, le 8 septembre 2004, et Rose, le 13 février 2010 ; qu'en 2007, le couple s'est installé en Angleterre ; qu'à la fin de l'année 2009, Mme X... est revenue vivre en France avec Prudence, peu avant d'accoucher de Rose ; que le 2 juillet 2010, les enfants ont été placés sous la tutelle de la Haute Cour de justice de Lon

dres ; que, l'autorité centrale du Royaume-Uni ayant adressé au minist...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Angers, 25 mai 2011), que du mariage de Mme X... et M. Y..., tous deux de nationalité française, sont nés deux enfants, Prudence, le 8 septembre 2004, et Rose, le 13 février 2010 ; qu'en 2007, le couple s'est installé en Angleterre ; qu'à la fin de l'année 2009, Mme X... est revenue vivre en France avec Prudence, peu avant d'accoucher de Rose ; que le 2 juillet 2010, les enfants ont été placés sous la tutelle de la Haute Cour de justice de Londres ; que, l'autorité centrale du Royaume-Uni ayant adressé au ministère de la justice français, le 19 juillet 2010, une demande de retour des enfants en Angleterre sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le procureur de la République a fait assigner Mme X... devant le juge aux affaires familiales ;
Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt confirmatif d'ordonner le retour immédiat en Angleterre des deux enfants, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 13b de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, le retour de l'enfant peut ne pas être ordonné lorsque la personne qui s'y oppose établit qu'il existe un risque grave que ce retour n'expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ; que dans ses écritures d'appel, Mme X... faisait valoir que le retour en Angleterre de ses enfants et elle-même les placerait dans une situation intolérable, dès lors qu'elles y seraient dépourvues de logement et de toutes ressources ; qu'en écartant ce moyen, motif pris de ce que la situation de Mme X... a changé puisque son séjour se trouve désormais imposé par l'exécution d'une décision de justice britannique et est au surplus commandé par l'interdiction faite en l'état au père de contacter les enfants, sans constater au regard de la loi anglaise, si effectivement, Mme Y... pourrait, en Angleterre, bénéficier d'une aide économique de l'Etat anglais, suffisante pour lui permettre d'y vivre avec ses enfants, et d'un logement, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 13b précité ;
Mais attendu qu'ayant relevé, d'une part, que la Haute Cour de Justice de Londres avait pris, par décisions du 2 juillet et du 23 décembre 2010, les dispositions adéquates pour assurer la protection des enfants après leur retour en application de l'article 11.4 du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 (dit Bruxelles II Bis), et prévenir ainsi tout danger physique, d'autre part, que Mme X..., qui n'avait pas obtenu, lors de son précédent séjour, le bénéfice de « l'income support », faute de remplir les conditions de domiciliation au Royaume-Uni, se trouvait désormais dans une situation différente puisque son séjour était imposé par une décision de justice britannique, la cour d'appel a souverainement estimé, par motifs propres et adoptés, que n'étaient établis ni le risque grave que le retour des enfants les expose à un danger physique ou psychique, ni les conditions d'une situation intolérable consécutive à une absence de logement et de ressources ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils pour Mme X...

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le non-retour des enfants était illicite, débouté Mme X... de sa demande de non-retour des enfants sur le fondement de l'article 13 b de la convention de La Haye, ordonné le retour immédiat en Angleterre des deux enfants et l'exécution provisoire de la décision ;
Aux motifs propres selon l'article 12, lorsqu'un enfant a été déplacé ou retenu illicitement au sens de l'article 3 et qu'une période de moins d'un an s'est écoulée à partir du déplacement ou du non-retour au moment de l'introduction de la demande devant l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat contractant où se trouve l'enfant, ce qui est le cas en la cause, l'autorité saisie ordonne son retour immédiat.
Suivant l'article 13b, le retour de l'enfant peut toutefois, par exception, ne pas être ordonné lorsque la personne qui s'y oppose établit qu'il existe un risque grave que ce retour n'expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable, ces circonstances devant être appréciées en considération primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant en vertu de l'article 3.1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant.
Mais, en application de l'article 11.4 du règlement du Conseil de l'Union européenne du 27 novembre 2003, le retour de l'enfant ne peut pas être refusé en vertu de l'article 13b de la convention de la Haye s'il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour.
En l'espèce, il est établi que M. Y... a été condamné le 16 mai 2006 des chefs de menace de mort ou d'atteintes aux biens dangereuses pour les personnes et violence n'ayant pas entraîné d'incapacité à l'encontre d'un chargé de mission de service public, menace de mort réitérée et rébellion, à la peine de quatre mois d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve, qui a été intégralement révoqué par la cour d'appel de Douai le 13 avril 2007 mais non exécuté du fait de son départ en Angleterre.
Il est aussi constant qu'il a été incarcéré en Angleterre du mois d'août 2009 au mois de mai 2010 à la suite d'une plainte déposée par son épouse pour des faits de violences et même de viol, mais il résulte également de ses déclarations faites sous serment, non contestées, qu'il a été acquitté.
Il est encore justifié par un courrier du procureur de la République d'Angers en date du 18 mars 2011 que, compte tenu des propos tenus par l'enfant Prudence, une information a été ouverte des chefs de viols et agressions sexuelles sur mineure de quinze ans par personne ayant autorité.
Cependant, il résulte des pièces produites par le Ministère public que la Haute cour de justice de Londres a, par une première décision du 2 juillet 2010, placé les enfants sous la tutelle de sa juridiction, et par une seconde décision du 23 décembre 2010, constatant l'accord du père de ne pas engager ou requérir de procédure du fait du déplacement des enfants, interdit notamment à celui-ci jusqu'à nouvel ordre et, quoi qu'il en soit, jusqu'à ce que le tribunal anglais étudie de nouveau la procédure au retour de la mère et des enfants, s'il est ordonné, de les contacter directement ou indirectement, de quelque manière que ce soit ; ainsi que de prendre toutes mesures destinées à localiser leur lieu de résidence au Royaume-Uni.
En l'état de ces dispositions, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que Mme Y... ne peut valablement invoquer, pour s'opposer au retour des enfants sur le territoire britannique, le danger que ferait peser notamment sur l'équilibre de Prudence, le comportement violent de son mari, puisque celui-ci a interdiction de les rencontrer. Peu importe que ces mesures ne soient pas opposables à Mme Y..., dès lors que s'imposant au père, elles assurent de manière adéquate la protection des enfants. Pour la même raison, et alors que la présente procédure ne porte pas sur le fond du droit de garde, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de l'information judiciaire qui a été ouverte.
Concernant la situation actuelle, une note d'information établie le 24 février 2011 dans le cadre d'une évaluation demandée par le procureur de la République, fait apparaître que Mme Y..., sans emploi, bénéficie actuellement du RSA et a accédé en juin 2010 à un logement HLM sur Segré, où Prudence est scolarisée de manière régulière. En conclusion, après avoir relevé qu'elle est très inquiète quant à un retour en Angleterre des enfants, cette note affirme qu'actuellement celles-ci, âgées de 6 ans et demi et un an, évoluent favorablement avec leur mère, qui se montre attentive à leurs besoins. Un examen psychiatrique effectué par le Dr A..., médecin psychiatre, le 3 janvier 2011 n'a par ailleurs pas mis en évidence chez elle de troubles psychiatriques, ni de troubles dépressifs ou anxieux.
Si les enfants sont intégrés dans leur nouveau milieu, cette circonstance ne constitue pas toutefois en elle-même un motif de non-retour, moins d'une année s'étant écoulée entre le déplacement des enfants et la demande de retour.
Le simple changement de cadre de vie et de lieu de scolarisation des enfants ne constitue pas non plus un risque grave les exposant à un danger psychique ou les plaçant dans une situation intolérable, dès lors que leur résidence demeure avec leur mère, étant observé à cet égard que si Mme Y... n'a pas obtenu, lors de son précédent séjour, le bénéfice de l'aide « Income Support » au motif qu'elle ne répondait pas alors aux exigences concernant sa domiciliation au Royaume-Uni, sa situation a changé puisque son séjour se trouve désormais imposé par l'exécution d'une décision de justice britannique et est au surplus commandé par l'interdiction faite en l'état au père de contacter les enfants. Prudence, en attente actuellement d'une prise en charge psychologique du CMP, pourra également bénéficier si nécessaire d'un soutien adapté au Royaume-Uni.
Sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise psychologique de Prudence, il apparaît dans ces conditions que les conditions exigées par l'article 13 b ne sont pas réunies en l'espèce.
Et aux motifs adoptés que et article prévoit que, par exception, « l'autorité judiciaire ou administrative de l'Etat requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant, lorsque la personne, l'institution ou l'organisme qui s'oppose à son retour établit … b) qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ».
Madame Florence X... épouse Y... soutient qu'un retour des enfants en Angleterre les exposerait à un risque grave ou une situation intolérable en raison de la violence de son mari et de la grande précarité de ses conditions de vie en ce qu'il n'a ni emploi, ni logement.
Il est constant que Monsieur Richard Y... a été incarcéré en Angleterre du mois d'août 2009 au mois de mai 2010 suite à une plainte déposée par son épouse pour des faits de violences, même de viol. Il est mentionné par Monsieur Richard Y..., dans ses déclarations faites sous serment, qu'il a été acquitté, sans qu'il y ait d'autre donnée sur cette procédure.
Madame Florence X... épouse Y... fait état d'un départ de son mari pour l'Angleterre qui correspond davantage à une fuite qu'à la concrétisation d'un projet réfléchi, étant par elle évoqué une condamnation à quatre mois d'emprisonnement à laquelle celui-ci a voulu se soustraite en quittant le territoire français.
Les propres déclarations faites sous serment par Monsieur Richard Y... sont dans le sens d'un départ précipité pour l'Angleterre, à savoir qu'il a intégré ce pays en ayant une médiocre connaissance de la langue anglaise et une absence de projet professionnel, ayant occupé plusieurs emplois dans le secteur de la construction ou du transport.
En ce même sens, il sera relevé que Monsieur Richard Y..., bien que se disant très inquiet pour ses enfants, n'est pas revenu en France mais a formé la demande de leur retour en Angleterre alors qu'il est, tout comme son épouse, de nationalité française et alors qu'il se trouve dans une situation de précarité en Angleterre puisqu'il mentionne lui-même, le 09 juin 2010, être sans domicile fixe et sans emploi.
Pour autant, il résulte des pièces produites par le Ministère Public que, par une ordonnance du 02 juillet 2010, le Juge HOGG de la Haute Cour de Justice – Division de la Famille a, concernant les enfants Prudence Y... et Bébé Y..., retenu l'engagement de Monsieur Richard Y... de ne pas contacter les enfants et la mère sauf par l'intermédiaire de ses avocats ainsi que l'engagement de celui-ci de ne pas agresser, menacer, harceler ou importuner la mère, directement ou indirectement jusqu'à instruction ultérieure de la Cour et a ordonné que les enfants sont « sous tutelle de cette Cour » en parallèle de l'exigence de leur retour immédiat.
Or, il résulte des dispositions de l'article 11 du règlement CE n° 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à « la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniales et en matière de responsabilité parentale », en son 4° que « une juridiction ne peut pas refuser le retour de l'enfant en vertu de l'article 13, point b), de la Convention de La Haye de 1980 s'il est établi que des dispositions adéquates ont été prises pour assurer la protection de l'enfant après son retour. » L'ordonnance du 02 juillet 2010 prise par le juge anglais, soit le juge de la résidence habituelle des enfants, ayant pour objet d'assurer la protection des enfants lors de leur retour, il ne peut être admis que les enfants seraient exposés à un risque grave ou à une situation intolérable en cas de retour en Angleterre.
Dans ces conditions, il doit être considéré que Madame Florence X... épouse Y... n'est pas fondée à se prévaloir de cette exception.
Alors qu'en application de l'article 13b de la convention de La Haye du 25 octobre 1980, le retour de l'enfant peut ne pas être ordonné lorsque la personne qui s'y oppose établit qu'il existe un risque grave que ce retour n'expose l'enfant à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière ne le place dans une situation intolérable ; que dans ses écritures d'appel, Mme X... faisait valoir que le retour en Angleterre de ses enfants et elle-même les placerait dans une situation intolérable dès lors qu'elles y seraient dépourvues de logement et de toutes ressources ; qu'en écartant ce moyen, motif pris de ce que la situation de Mme X... a changé puisque son séjour se trouve désormais imposé par l'exécution d'une décision de justice britannique et est au surplus commandé par l'interdiction faite en l'état au père de contacter les enfants, sans constater au regard de la loi anglaise, si effectivement, Mme Y... pourrait, en Angleterre, bénéficier d'une aide économique de l'Etat anglais, suffisante pour lui permettre d'y vivre avec ses enfants, et d'un logement, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 13b précité.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-19382
Date de la décision : 20/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 25 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 mar. 2013, pourvoi n°12-19382


Composition du Tribunal
Président : M. Pluyette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.19382
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