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20/03/2013 | FRANCE | N°11-26593

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2013, 11-26593


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er février 2011) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 2 décembre 2008 n° 07-41. 832), qu'engagée le 27 octobre 2003 par l'Association départementale pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte (ADSEA) en qualité de monitrice-adjointe d'animation de sports, Mme X... a été licenciée le 27 août 2008 pour faute grave ; que, contestant le bien-fondé de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que

la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 1er février 2011) rendu sur renvoi après cassation (Soc. 2 décembre 2008 n° 07-41. 832), qu'engagée le 27 octobre 2003 par l'Association départementale pour la sauvegarde de l'enfant à l'adulte (ADSEA) en qualité de monitrice-adjointe d'animation de sports, Mme X... a été licenciée le 27 août 2008 pour faute grave ; que, contestant le bien-fondé de son licenciement, elle a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une faute grave et de la débouter en conséquence de ses demandes indemnitaires, alors, selon le moyen :
1°/ que la gravité de la faute reprochée au salarié doit être appréciée, non seulement au regard des caractéristiques propres au comportement du salarié, mais également en tenant compte des circonstances dans lesquelles l'acte fautif a été commis ; qu'ayant relevé, par motifs appropriés du premier juge, que le 18 juin 2008 la salariée, éducatrice spécialisée comptant cinq ans d'ancienneté et n'ayant jamais reçu de reproches de sa hiérarchie, avait « indiqué à son supérieur hiérarchique qu'elle était dépassée par la nature de cette relation et qu'elle n'était pas en mesure d'en percevoir les enjeux », la cour d'appel aurait dû rechercher si cette information qui faisait suite à l'alerte donnée par la salariée et ses collègues en mars 2008 au sujet des troubles comportementaux de l'adolescente envers la salariée qui ne parvenait déjà plus à les gérer seule, n'imposait pas à l'employeur de prendre les mesures appropriées pour apporter à la salariée le soutien extérieur et le secours immédiat qu'elle réclamait, sans se contenter de lui ordonner une attitude de retrait, ni s'assurer de ce qu'elle serait apte à gérer seule la modification du lien qui lui était ainsi imposée ; qu'en se contentant de déclarer, pour dire fondé le licenciement pour faute prononcé à son encontre, qu'il appartenait à Mme X... « de ne pas se laisser déborder (…) par la quête affective d'une jeune pensionnaire en difficulté » et « de ne pas contrevenir délibérément aux instructions précises reçues de sa hiérarchie », sans s'assurer de ce que la salariée disposait effectivement des moyens de réagir, la cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ que la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, comme le soulignait la salariée, les foyers lui avaient adressé, « le 12 août 2008, une lettre de l'adolescente alors même qu'ils l'avaient convoquée en entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 août ! » ; qu'il appartenait à la cour d'appel de s'expliquer sur cet élément qui établissait à tout le moins que l'employeur cautionnait et approuvait comme indispensable à l'état psychologique de l'adolescente la permanence d'un contact entre elle et la salariée, ce dont il résultait que lui-même ne considérait pas son maintien dans l'entreprise comme impossible ; que faute de s'être expliquée sur cet élément de nature à exclure la faute grave, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a constaté, d'une part que la salariée entretenait avec une jeune fille accueillie au foyer des relations dépassant le cadre des rapports devant exister entre un éducateur et un pensionnaire, contrecarrant ainsi la mission éducative découlant de son contrat de travail et perturbant l'équilibre psychologique déjà fragile de l'adolescente, et d'autre part qu'elle avait délibérément mis en place une stratégie de contournement des consignes de l'employeur destinées à mettre fin à ces relations ; qu'en l'état de ses constatations, elle a pu décider que ce comportement rendait impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise et constituait une faute grave ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de Madame Katia X... reposait sur des fautes graves et conséquemment débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée : « Dans le cadre de vos fonctions d'éducatrice spécialisée et au regard des jeunes mineurs en difficulté qui vous sont confiés, vous êtes allée avec l'une des jeunes bien au-delà d'une relation strictement professionnelle. Il peut arriver que le contact passe mieux avec tel ou tel mineur. Toutefois, ceci doit rester dans un cadre professionnel, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce. La situation vous a été rappelée notamment par votre chef de service, Monsieur F..., qui vous a donné à ce titre des consignes extrêmement précises pour que la situation revienne à la normale. Or, non seulement vous n'avez pas respecté ces consignes, qui consistaient entre autres dans le fait de ne plus avoir de contact avec la jeune concernée, mais bien au contraire, vous avez participé activement, avec la jeune concernée, à monter des stratégies permettant d'avoir des contacts avec elle, tout en essayant de leur donner l'apparence de contacts " fortuits ", alors qu'ils étaient préparés et prémédités. De la même façon, vous n'avez pas mis fin aux contacts qu'ils soient téléphoniques ou électroniques. Cette situation est grave pour plusieurs rasions. D'une part, nous ne sommes plus en effet dans un cadre professionnel. D'autre part, bien qu'étant consciente de la situation, de manière répétée, vous ne respectez pas les ordres donnés par l'association, développant en plus une attitude de contournement de l'association préjudiciable au suivi éducatif de la jeune qui nous est confiée … » ; qu'il ressort des pièces versées aux débats (notamment les correspondances émises par le chef de service Monsieur F... à Monsieur Y..., directeur des foyers éducatifs mixtes et à Madame X...) que Madame Katia X..., éducatrice spécialisée qui entretenait une relation affective privilégiée dépassant le strict cadre des rapports devant exister entre un éducateur et un jeune, avec une jeune fille accueillie dans un foyer (Mademoiselle Angelina Z...) dont elle n'était pas l'éducatrice référente, s'est délibérément soustraite aux instructions claires et précises de son supérieur hiérarchique direct, Monsieur F..., qui lui avait interdit tout contact avec la jeune Angelina, pendant ses congés en juillet 2008 dans un souci de préservation de l'équilibre affectif d'une jeune fille connue pour sa fragilité ; que ce refus constitue un acte d'insubordination caractérisé ;
QU'il est également établi (courrier de Monsieur Y..., directeur des foyers éducatifs mixtes, du chef de service, témoignages concordants de Mesdames Emmanuelle A... et Christelle B...), que Madame Katia X... a adressé à Angelina Z..., dans le cadre professionnel, des messages SMS dont le contenu (« mon ange », « J T'M », « tu me manques beaucoup », « nous 2 c + qu'une relation éduc/ jeune » …) contrecarrait la mission éducative résultant de sa fonction d'éducatrice prévue par son contrat de travail et ne pouvait que perturber davantage l'équilibre psychologique déjà fragile de la jeune Angelina ; qu'il appartenait à Madame Katia X..., éducatrice confirmée et reconnue dans son milieu professionnel ainsi qu'en attestent les témoignages qu'elle produit aux débats et la pétition qui a été signée par de nombreux collègues pour la soutenir, de ne pas se laisser déborder, dans un légitime esprit de compassion, par la quête affective d'une jeune pensionnaire en difficulté, en maintenant la distance indispensable pour garantir une possible intervention éducative et de ne pas contrevenir délibérément aux instructions précises reçues de sa hiérarchie pour l'aider à ne pas outrepasser sa mission éducative en allant à l'encontre de celle de l'ADSEA ; c'est donc par des motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont retenu que le comportement de Madame Katia X... rendait impossible la poursuite de l'exécution du contrat de travail pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE la population accueillie par l'ADSEA est particulièrement sensible et nécessite de la part des encadrants une vigilance accrue pour ces jeunes souvent placés en situation de détresse et fragilisés psychologiquement, qui recherchent une relation affective pour compenser les carences éprouvées dans leur propre vie ; qu'il faut donc être très strict sur la nature des rapports qui sont entretenus entre les jeunes et leurs éducateurs pour que le travail éducatif ne soit pas altéré par une trop grande proximité ; que tout ceci concerne la base du métier d'éducateur et Madame X... ne pouvait l'ignorer ; que pourtant, en septembre 2007, quand Angelina Z... est accueillie au Foyer, le contact s'établit rapidement avec Madame X... qui n'est pourtant pas l'adulte référent de la jeune fille et les relations entre les deux personnes vont aller grandissant pendant les mois suivants ; que c'est ainsi que le 18 juin 2008, Monsieur Jean-François F..., chef du service éducatif, a pris contact avec Madame X... pour faire le point sur la relation qu'elle entretenait avec Angelina Z... et lui proposer un outil d'aide qui s'appelle la supervisation individuelle ; que Madame X... a indiqué qu'elle était dépassée par la nature de cette relation et qu'elle n'était pas en mesure d'en percevoir les enjeux ; que c'est pour cette raison que Monsieur F... a été amené à lui interdire toutes formes de contacts avec Mademoiselle Z... pendant sa période de congés ; qu'après cet entretien, Monsieur F... a eu l'occasion de croiser Mademoiselle Z... et l'a informée de cette décision ; que malgré ces interdictions, de nombreux échanges téléphoniques ont eu lieu entre les deux personnes au début juillet ; qu'il y a même un message où Madame X... propose à Mademoiselle Z... de demander une sortie libre pour qu'elles puissent se rencontrer au centre ville ; que ces éléments conduisent Monsieur Robert E..., chef de service éducatif, à écrire à Madame X... le 11 juillet pour lui renouveler l'interdiction qui lui avait été donnée par Monsieur F... ; que la direction de l'ADSEA procède alors à une enquête interne et engage la procédure de licenciement de Madame X... ;
ET QU'après avoir étudié les pièces du dossier, le Conseil dit que Madame X... a commis une première faute en entretenant une relation soutenue non professionnelle avec une jeune fille mineure et a dépassé ainsi l'exécution normale de son contrat de travail ; qu'elle a commis ensuite une seconde faute pour une insubordination en refusant d'obéir aux ordres d'un supérieur hiérarchique et en allant même jusqu'à proposer une stratégie pour avoir un rendez-vous physique avec la jeune fille tout en donnant l'apparence d'un contact fortuit ; que l'addition de ces fautes constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise ; qu'en conséquence, le Conseil dit que le licenciement prononcé par l'ADSEA pour faute grave de Madame X... ; que pour les indemnités, les articles L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail précisent que le salarié qui est licencié a droit, sauf en cas de faute grave, respectivement au paiement d'une indemnité de préavis et de licenciement ; que dans le cas présent, Madame X... a bien été licenciée pour faute grave et elle est ainsi déboutée de sa demande de paiement d'indemnité de préavis et d'indemnité de licenciement ; que de plus, le Conseil dit qu'il n'y a pas eu de rupture abusive du contrat et que la demande de dommages et intérêts pour ce motif est rejetée comme la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
1/ ALORS QUE la gravité de la faute reprochée au salarié doit être appréciée, non seulement au regard des caractéristiques propres au comportement du salarié, mais également en tenant compte des circonstances dans lesquelles l'acte fautif a été commis ; qu'ayant relevé, par motifs appropriés du premier juge, que le 18 juin 2008 la salariée, éducatrice spécialisée comptant cinq ans d'ancienneté et n'ayant jamais reçu de reproches de sa hiérarchie, avait « indiqué à son supérieur hiérarchique qu'elle était dépassée par la nature de cette relation et qu'elle n'était pas en mesure d'en percevoir les enjeux » (jugement, p. 4, § 2), la Cour d'appel aurait dû rechercher si cette information qui faisait suite à l'alerte donnée par la salariée et ses collègues en mars 2008 au sujet des troubles comportementaux de l'adolescente envers la salariée qui ne parvenait déjà plus à les gérer seule, n'imposait pas à l'employeur de prendre les mesures appropriées pour apporter à la salariée le soutien extérieur et le secours immédiat qu'elle réclamait, sans se contenter de lui ordonner une attitude de retrait, ni s'assurer de ce qu'elle serait apte à gérer seule la modification du lien qui lui était ainsi imposée ; qu'en se contentant de déclarer, pour dire fondé le licenciement pour faute prononcé à son encontre, qu'il appartenait à Madame X... « de ne pas se laisser déborder (…) par la quête affective d'une jeune pensionnaire en difficulté » et « de ne pas contrevenir délibérément aux instructions précises reçues de sa hiérarchie », sans s'assurer de ce que la salariée disposait effectivement des moyens de réagir, la Cour d'appel a violé, par fausse application, les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail ;
2/ ALORS QUE la faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, comme le soulignait la salariée, les Foyers lui avaient adressé, « le 12 août 2008, une lettre de l'adolescente alors même qu'ils l'avaient convoquée en entretien préalable par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 8 août ! » (conclusions d'appel, p. 3, § 10) ; qu'il appartenait à la Cour d'appel de s'expliquer sur cet élément qui établissait à tout le moins que l'employeur cautionnait et approuvait comme indispensable à l'état psychologique de l'adolescente la permanence d'un contact entre elle et la salariée, ce dont il résultait que lui-même ne considérait pas son maintien dans l'entreprise comme impossible ; que faute de s'être expliquée sur cet élément de nature à exclure la faute grave, la Cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-26593
Date de la décision : 20/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Poitiers, 01 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2013, pourvoi n°11-26593


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.26593
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