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20/03/2013 | FRANCE | N°11-25575

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 20 mars 2013, 11-25575


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 30 novembre 2010), que M. X..., engagé par la société Sokdi en qualité de serveur à compter du 1er mai 2006, a été licencié pour faute grave par lettre du 24 janvier 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement justifié par une faute grave et de le débouter, en conséquence, de ses demandes fondées sur le caractère abusif du licenciement dont il a fait l'objet, alors, selon le moyen :
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°/ que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié da...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 30 novembre 2010), que M. X..., engagé par la société Sokdi en qualité de serveur à compter du 1er mai 2006, a été licencié pour faute grave par lettre du 24 janvier 2008 ;
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire le licenciement justifié par une faute grave et de le débouter, en conséquence, de ses demandes fondées sur le caractère abusif du licenciement dont il a fait l'objet, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, il appartient à l'employeur d'entamer la procédure de rupture du contrat de travail dans un délai restreint après qu'il a eu connaissance des faits allégués ou de mettre le salarié à pied ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, d'une part, retenu que la fille du gérant aurait informé son père des faits reprochés à M. X... le 3 janvier 2008 et, d'autre part, constaté que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 1er février, par un courrier du 23 janvier, pour être licencié par une lettre du 7 février 2008, sans avoir fait l'objet d'une mise à pied conservatoire dans l'intervalle ; qu'en jugeant que le licenciement de M. X... était fondé sur une faute grave, lorsqu'il ressortait des motifs de sa décision que le contrat de travail avait été rompu plus d'un mois après la prise de connaissance des faits par l'employeur et que le salarié n'avait pas été mis à pied, ce dont il se déduisait que l'impossibilité de le maintenir dans l'entreprise n'était pas caractérisée, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1235-5 du code du travail ;
2°/ qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave invoquée comme motif de licenciement et que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; que, selon les termes de la lettre de rupture, M. X... a été licencié parce qu'il aurait été l'auteur d'attouchements sexuels sur la fille mineure du gérant ; que la cour d'appel a considéré que les éléments qui établissaient deux « agressions sexuelles, ou tentatives, de M. X... » sur deux autres personnes, ainsi que le suivi psychologique de la fille du gérant, rendaient « crédible » la « dénonciation », que les confidences de la jeune fille à ses amis plusieurs mois avant en renforçaient la « crédibilité » et encore que certains éléments d'analyse venaient la « conforter » ; que la cour d'appel, qui a dit le licenciement justifié par les attouchements sexuels auxquels M. X... se serait livré sur la fille du gérant, dont elle n'a pas constaté qu'ils étaient établis, mais dont elle s'est bornée à qualifier la dénonciation de « crédible », a méconnu la portée du principe selon lequel le doute profite au salarié et violé les articles L. 1235-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
3°/ que la lettre de licenciement doit énoncer un motif précis et matériellement vérifiable ; que la lettre par laquelle le gérant de la société a notifié son licenciement à M. X... indiquait : « ma fille âgée de quatorze ans nous a rapporté qu'elle a été victime d'attouchements sexuels de votre part dans les locaux du restaurant et pendant les horaires de service. Suite à cette déclaration, nous avons immédiatement porté plainte à votre encontre et actuellement une enquête est en cours » ; qu'en jugeant que le licenciement était justifié, lorsque la lettre visait un motif imprécis et invérifiable, qui ne correspondait pas à l'énoncé du motif exigé par la loi, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de preuve qui lui étaient produits, la cour d'appel, devant laquelle il n'était pas soutenu que la procédure de licenciement n'avait pas été engagée dans un délai restreint, a estimé que les faits d'attouchements imputés au salarié dans la lettre de licenciement, qui constituaient un grief précis, étaient établis ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette sa demande ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de Monsieur X... était justifié par une faute grave et rejeté toutes ses demandes fondées sur le caractère abusif du licenciement dont il a fait l'objet ;
AUX MOTIFS QUE aux termes des pièces produites par l'employeur, avant d'informer son père, la jeune A... a verbalisé son accusation courant juillet 2007 auprès d'un ami, Monsieur Y... ; que ce dernier explique par ailleurs qu'une stagiaire serveuse avait eu le même type de problèmes avec Monsieur X... ; qu'elle (Mademoiselle Z...) atteste que lors d'un stage, Monsieur X... lui a passé à plusieurs reprises sa main sur les épaules, le dos et les fesses ; que sa mère a aussi signé l'attestation de sa fille mineure en précisant être au courant des faits relatés ; que Madame Y... a expliqué que A... lui avait fait part en juin 2007 de l'agression subie, Monsieur X... ayant voulu lui toucher les seins et lui avait tenu des propos à connotation sexuelle, qu'elle s'était débattue et était tombée à terre ; qu'elle confirme une attitude similaire de Monsieur X... à son encontre en août 2007 alors qu'il était pris de boisson ; que le gérant, Monsieur B..., a déposé une plainte qui a fait l'objet d'un classement sans suite ; que suite à la révélation des faits à son père le 3 janvier 2008, la jeune fille a été hospitalisée dans la nuit du 4 janvier après une absorption de médicaments et d'alcool ; que par ailleurs, la jeune fille a été suivie par un psychologue à compter du 21 janvier 2008 et a eu un traitement antidépresseur ; que ces éléments établissent deux agressions sexuelles ou tentatives de Monsieur X... qui rendent crédibles la dénonciation de A... ; que par ailleurs, cette dernière s'est confiée à des amis avant d'en parler à son père plusieurs mois après si bien que l'allégation de Monsieur X... d'une accusation consécutive au fait qu'il aurait surpris la jeune fille voler du numéraire dans la caisse n'est pas crédible ; qu'à l'inverse la crédibilité de la dénonciation de la victime s'en trouve renforcée ; que la tentative de suicide faite après la révélation de son père ainsi que le suivi médical et psychologique la conforte encore ; que si le doute doit profiter au salarié, encore faut-il que ce doute résulte d'éléments objectifs ; qu'en l'espèce, les éléments d'analyse dont il vient d'être fait état confortent la dénonciation de la victime alors que Monsieur X... ne propose aucune explication crédible de nature à la rendre suspecte ; que le doute n'existe donc pas et la réalité de l'agression est retenue ; que la faute commise par Monsieur X... imposait la rupture immédiate de la relation salariale ;
1) ALORS QUE, D'UNE PART, la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, il appartient à l'employeur d'entamer
la procédure de rupture du contrat de travail dans un délai restreint après qu'il a eu connaissance des faits allégués ou de mettre le salarié à pied ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a, d'une part, retenu que la fille du gérant aurait informé son père des faits reprochés à Monsieur X... le 3 janvier 2008 et, d'autre part, constaté que le salarié avait été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, fixé au 1er février, par un courrier du 23 janvier, pour être licencié par une lettre du 7 février 2008, sans avoir fait l'objet d'une mise à pied conservatoire dans l'intervalle ; qu'en jugeant que le licenciement de Monsieur X... était fondé sur une faute grave, lorsqu'il ressortait des motifs de sa décision que le contrat de travail avait été rompu plus d'un mois après la prise de connaissance des faits par l'employeur et que le salarié n'avait pas été mis à pied, ce dont il se déduisait que l'impossibilité de le maintenir dans l'entreprise n'était pas caractérisée, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1 et L. 1235-5 du code du travail ;
2) ALORS QUE, D'AUTRE PART, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la faute grave invoquée comme motif de licenciement et que, si un doute subsiste, il profite au salarié ; que, selon les termes de la lettre de rupture, Monsieur X... a été licencié parce qu'il aurait été l'auteur d'attouchements sexuels sur la fille mineure du gérant ; que la cour d'appel a considéré que les éléments qui établissaient deux « agressions sexuelles, ou tentatives, de Monsieur X... » sur deux autres personnes, ainsi que le suivi psychologique de la fille du gérant, rendaient « crédible » la « dénonciation », que les confidences de la jeune fille à ses amis plusieurs mois avant en renforçaient la « crédibilité » et encore que certains éléments d'analyse venaient la « conforter » ; que la cour d'appel, qui a dit le licenciement justifié par les attouchements sexuels auxquels Monsieur X... se serait livré sur la fille du gérant, dont elle n'a pas constaté qu'ils étaient établis, mais dont elle s'est bornée à qualifier la dénonciation de « crédible », a méconnu la portée du principe selon lequel le doute profite au salarié et violé les articles L. 1235-1 et L. 1234-1 du code du travail ;
3) ET ALORS ENFIN QUE la lettre de licenciement doit énoncer un motif précis et matériellement vérifiable ; que la lettre par laquelle le gérant de la société a notifié son licenciement à Monsieur X... indiquait : « ma fille âgée de 14 ans nous a rapporté qu'elle a été victime d'attouchements sexuels de votre part dans les locaux du restaurant et pendant les horaires de service. Suite à cette déclaration, nous avons immédiatement porté plainte à votre encontre et actuellement une enquête est en cour » ; qu'en jugeant que le licenciement était justifié, lorsque la lettre visait un motif imprécis et invérifiable, qui ne correspondait pas à l'énoncé du motif exigé par la loi, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-25575
Date de la décision : 20/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 30 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 20 mar. 2013, pourvoi n°11-25575


Composition du Tribunal
Président : M. Frouin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.25575
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