LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 29 novembre 2011), que la société Albi gestion immobilière (la société) ayant mis fin au contrat d'agent commercial qui la liait à M. X... pour faute grave, ce dernier l'a assignée en paiement d'une indemnité de rupture et de commissions ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt d'avoir prononcé la rupture du contrat à ses torts et de l'avoir condamnée à payer une indemnité de rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que l'agent commercial qui délaisse son mandat commet une faute grave justifiant la rupture du contrat d'agence à ses torts ; que devant la cour d'appel, la société a fait valoir que M. X... avait cessé de travailler pour elle à partir de l'année 2008 et qu'il ne s'était plus rendu qu'épisodiquement dans les locaux de l'agence ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la non-réalisation d'objectifs commerciaux par l'agent commercial peut être constitutive d'une faute grave de ce dernier, notamment lorsque l'insuffisance des résultats révèle une carence de l'agent ; qu'en considérant que M. X... n'avait commis aucune faute grave, tout en relevant que l'intéressé avait connu une baisse des résultats en 2008, sans rechercher si cette baisse des résultats ne présentait pas un caractère significatif nonobstant la crise immobilière survenue à cette époque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 134-12 et L. 134-13 du code de commerce ;
3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que la société a fait valoir devant la cour d'appel que le contrat d'agent commercial conclu avec M. X... stipulait, dans son article 4, que la convention pourrait être rompue « à tout moment, sans préavis, ni indemnité dans les cas suivants : - Défaut d'inscription au Registre du commerce » ; qu'en estimant que ce défaut d'inscription, qui était avéré, ne constituait pas une faute grave, dans la mesure où il ne s'agissait que d'une formalité administrative, sans rechercher si la société en l'état de cette carence de l'agent commercial et au regard des termes du contrat d'agence, n'était pas en droit de rompre la convention sans indemnité pour l'agent, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant retenu que la baisse des résultats constatée en 2008 n'avait pas suscité de reproches et ne pouvait être considérée comme révélant une inactivité témoignant d'un défaut de loyauté, ne serait-ce que parce qu'elle était intervenue dans une période de crise immobilière généralisée, ce dont elle a déduit que cette baisse d'activité ne constituait pas un motif pertinent de rupture, la cour d'appel qui a ainsi répondu aux conclusions visées par la première branche, a, sans avoir à faire d'autre recherche, légalement justifié sa décision ;
Et attendu, en second lieu, qu'ayant exactement énoncé que quelles que soient les causes de résiliation prévues dans le contrat, la légimité de la rupture de celui-ci doit s'apprécier au regard des dispositions d'ordre public des articles L. 314-12 et L. 314-13 du code de commerce, la cour d'appel n'avait pas à faire la recherche inopérante visée par la troisième branche ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Albi gestion Immobilière aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mars deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Albi gestion immobilière
Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la rupture du contrat d'agence aux torts de la société Albi Gestion Immobilière et d'avoir condamné cette dernière au paiement de la somme de 118.308 € au titre de l'indemnité de rupture ;
AUX MOTIFS QUE quelles que soient les clauses de résiliation prévues dans le contrat, la légitimité de la rupture du contrat doit s'apprécier au regard des dispositions d'ordre public de la loi du 25 juin 1991 et notamment des articles L.314-12 et L.314-13 du code de commerce ; que pour déterminer si un agent commercial a droit, lors de la rupture du contrat à l'indemnité compensatrice légalement prévue, il appartient au juge et non à la convention des parties de qualifier de faute grave les faits qui lui sont soumis ; que la seule faute grave invoquée dans la lettre de rupture est la non réalisation des objectifs du premier semestre 2009 ; que c'est à tort que le premier juge a considéré ce fait comme constitutif d'une faute grave ; que la cour relève en effet, premièrement, qu'en interrompant le contrat début juillet, le mandant n'a même pas laissé à son agent la possibilité de réaliser son objectif semestriel dans le délai et qu'il l'a même privé des moyens techniques nécessaires à son travail avant même la rupture et, deuxièmement, que le chiffre de commissions en cours de réalisation pendant ce semestre n'aurait pas été éloigné de l'objectif contractuel et se révélait en augmentation sensible par rapport aux semestres précédents, qui n'avaient pourtant pas suscité de remarques de sa part (2008 : 27.126,82 € ; 2009 : 20.693,98 €) ; qu'en cours de procédure, la société AGI a invoqué d'autres motifs dont le caractère déterminant peut être mis en doute dès lors qu'ils n'avaient pas été invoqués dans la lettre de rupture ; que, de plus, ces motifs ne sont pas pertinents ; qu'ainsi, la baisse des résultats constatée en 2008 n'avait pas suscité de reproches et ne peut être considérée comme révélant une inactivité témoignant d'un défaut de loyauté ne serait-ce que parce qu'elle est intervenue dans une période de crise immobilière généralisée ; que de même, la société AGI ne rapporte pas la preuve d'une activité parallèle, la comparaison entre les BNC et les commissions versées n'étant pas à elle seule la preuve d'une activité parallèle, les différences pouvant s'expliquer par d'autres causes comme des différences de comptabilisation suivant les dates de versement et de perception ; que la cour relève à cet égard que le total des sommes réclamées en BNC en 2007 et 2008 s'élève à 109.547 € et que celui des commissions versées pendant la même période est proche (100.065 €) ; que la non inscription au registre spécial n'est pas non plus une faute grave car le registre spécial n'a plus qu'un aspect administratif, l'agent non inscrit ayant droit à la protection et à l'indemnité de rupture ; que dès lors, le jugement doit être infirmé et la société AGI condamnée à payer l'indemnité de rupture ; que celle-ci ayant été calculée par M. X... conformément à la jurisprudence et aux usages commerciaux, il sera fait droit à sa demande ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'agent commercial qui délaisse son mandat commet une faute grave justifiant la rupture du contrat d'agence à ses torts ; que dans ses écritures d'appel (conclusions signifiées le 12 mai 2011, p. 5 in fine et p. 6 § 8), la société Albi Gestion Immobilière faisait valoir que M. X... avait cessé de travailler pour elle à partir de l'année 2008 et qu'il ne se rendait plus qu'épisodiquement dans les locaux de l'agence ; qu'en laissant sans réponse ces conclusions pertinentes, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la non réalisation d'objectifs commerciaux par l'agent commercial peut être constitutive d'une faute grave de ce dernier, notamment lorsque l'insuffisance des résultats révèle une carence de l'agent ; qu'en considérant que M. X... n'avait commis aucune faute grave, tout en relevant que l'intéressé avait connu une baisse des résultats en 2008 (arrêt attaqué, p. 5 § 5), sans rechercher si cette baisse des résultats ne présentait pas un caractère significatif nonobstant la crise immobilière survenue à cette époque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.134-12 et L.134-13 du code de commerce ;
ALORS, ENFIN, QUE les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que dans ses écritures d'appel (conclusions signifiées le 12 mai 2011, p. 9 et 10), la société Albi Gestion Immobilière faisait valoir que le contrat d'agent commercial conclu avec M. X... stipulait, dans son article 4, que la convention pourrait être rompue « à tout moment, sans préavis, ni indemnité dans les cas suivants : - Défaut d'inscription au Registre du commerce » ; qu'en estimant que ce défaut d'inscription, qui était avéré, ne constituait pas une faute grave, dans la mesure où il ne s'agissait que d'une formalité administrative (arrêt attaqué, p. 5 § 7), sans rechercher si la société Albi Gestion Immobilière en l'état de cette carence de l'agent commercial et au regard des termes du contrat d'agence, n'était pas en droit de rompre la convention sans indemnité pour l'agent, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1134 du code civil.