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13/03/2013 | FRANCE | N°11-25042

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 mars 2013, 11-25042


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 8 juillet 2011), que le syndicat Sud PTT de Basse-Normandie a fait assigner en référé La Poste aux fins de voir juger que l'accord du 17 février 1999 d'aménagement du temps de travail conclu au sein de La Poste était un accord de cycle qui avait été sécurisé par l'article 20 V de la loi du 20 août 2008 de sorte que les nouvelles organisations du travail mises en place dans les centres de Vire et du Bény Bocage étaient illicites et nulles et, pa

rtant, faire interdiction sous astreinte à La Poste d'en poursuivre l'ap...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 8 juillet 2011), que le syndicat Sud PTT de Basse-Normandie a fait assigner en référé La Poste aux fins de voir juger que l'accord du 17 février 1999 d'aménagement du temps de travail conclu au sein de La Poste était un accord de cycle qui avait été sécurisé par l'article 20 V de la loi du 20 août 2008 de sorte que les nouvelles organisations du travail mises en place dans les centres de Vire et du Bény Bocage étaient illicites et nulles et, partant, faire interdiction sous astreinte à La Poste d'en poursuivre l'application ; qu'il a également demandé, à titre subsidiaire, qu'il soit enjoint à La Poste d'entreprendre de nouvelles négociations réelles et loyales avec les organisations syndicales ;
Attendu que le syndicat fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors, selon le moyen, que
1°/ qu'en refusant de reconnaitre à l'accord-cadre du 17 février 1999 la qualification d'un accord cycle, cependant qu'elle constatait que cet accord consacrait le principe d'un travail par cycle, quand bien même il renvoyait à la conclusion d'accords locaux pour en déterminer les modalités concrètes, la cour d'appel a violé l'accord susvisé, ensemble les articles L. 3122-2 et L. 3122-3 anciens du code du travail ;
2°/ qu'en outre en refusant de reconnaitre à l'accord-cadre du 17 février 1999 la qualification d'un accord cycle au sens des articles L. 3122-2 et L. 3122-3 anciens du code du travail, sans répondre aux conclusions du syndicat exposant soulignant que La Poste avait elle-même expressément accordé cette qualification à l'accord litigieux dans sa circulaire interne, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ; d'où il résulte que la cour d'appel qui retenait que l'accord cadre de 1999 et les deux accords locaux conclus pour son application formaient un ensemble qui, pris en sa globalité, répondait aux conditions posées par l'article L. 3122-3 du code du travail, ne pouvait, après avoir constaté que les accords locaux avaient été dénoncés en 2009 mais que l'accord de 1999 ne l'avait pas été, en déduire que l'accord-cadre de 1999 n'avait pas été expressément maintenu en vigueur par la loi de 2008, sans rechercher si la dénonciation partielle par La Poste des seuls accords locaux n'était pas irrégulière et partant inopposable aux salariés de l'entreprise ; qu'en s'abstenant d'effectuer une telle recherche, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du code de procédure civile ;
4°/ que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; de sorte qu'en relevant d'office le moyen tiré du caractère moins favorable de l'accord-cadre du 17 février 1999 par rapport aux dispositions issues de la loi du 20 août 2008, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5°/ qu'enfin le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; d'où il résulte qu'en refusant de statuer sur la demande subsidiaire du syndicat Sud PTT de Basse-Normandie, motifs pris de ce qu'elle ne relevait pas du juge des référés, faute d'une violation manifeste de l'article D. 3122-7-1 du code du travail, lorsqu'une contestation sérieuse sur le fond du droit n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures prévues à l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile pour faire cesser un trouble manifestement illicite la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, qu'ayant décidé que l'accord-cadre qui se borne à évoquer une organisation du travail par cycle sans en prévoir les modalités et notamment sans fixer la durée maximale du cycle ne peut être qualifié d'accord de cycle au sens de l'article L. 3122-3 du code du travail alors en vigueur, la cour d'appel a fait une exacte application de ce texte ;
Et attendu, d'autre part, que la cour d'appel a retenu qu'en l'absence de violation manifeste de l'article D. 3122-7-1 du code du travail, l'appréciation de la loyauté des négociations qui ont précédé la mise en place unilatérale par l'employeur d'une durée de travail sous forme de périodes , chacune d'une durée de quatre semaines au plus, excédait les pouvoirs du juge des référés ;
D'où il suit que le moyen, infondé dans ses trois premières branches et dans sa cinquième branche, et qui s'attaque à un motif surabondant dans sa quatrième branche, ne saurait être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne le syndicat Sud PTT de Basse-Normandie aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize mars deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, avocat aux Conseils, pour le syndicat Sud PTT de Basse-Normandie.
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté le syndicat Sud Ptt de Basse Normandie de ses demandes tendant à voir déclarer illicites et nulles les nouvelles organisations du temps de travail mises en place à compter du 13 mai 2010 aux centres de Vire et du Bény Bocage, d'en suspendre l'application, faire interdiction sous astreinte à la Poste de poursuivre l'application du réaménagement des organisations de travail à Vire et au Bény Bocage en dehors de cycles de travail mis en oeuvre en application de l'accord-cadre du 17 février 1999, enjoindre sous astreinte à la Poste d'entrer en négociation réelle et loyale avec les organisations syndicales représentatives et condamner la Poste au paiement de dommages et intérêts ;
Aux motifs que Sur l'existence d'un trouble manifestement illicite la SA la Poste a mis en place le 14/5/10 l'organisation contestée de manière unilatérale par application de l'article D 3122-7-2 du code du travail ; que cet article permet en effet à l'employeur, en l'absence d'accord collectif, d'organiser sous forme de travail de quatre semaines au plus la durée du travail dans l'entreprise ;
Que selon le syndicat SUD PTT de Basse Normandie, cette nouvelle organisation crée un trouble manifestement illicite, au principal parce qu'elle est contraire à l'accord-cadre du 17/2/99 que l'article 20 V de la loi du 20/8/08 a expressément maintenu en vigueur, subsidiairement parce que la SA la Poste a mis unilatéralement en place cette nouvelle organisation sans avoir, au préalable procédé à une négociation loyale aux fins d'arriver à un accord collectif ;
Que selon la SA la Poste, l'accord du 17/2/99 n'est pas un accord de cycle et n'a donc pas été maintenu en vigueur par la loi du 20/8/08 ; que s'appliquent désormais les dispositions nouvelles ; qu'en toute hypothèse, cet accord n'imposerait pas un travail par cycle ; qu'elle soutient également avoir mené des négociations loyales et conformes aux dispositions conventionnelles avant de mettre unilatéralement en place, faute d'accord, une nouvelle organisation du travail ;
Sur l'accord-cadre du 17/2/99
Que l'article 20 V de la loi du 20/8/08 maintient en vigueur notamment les accords conclus en application de l'article L 3122-3 du code du travail ; que cet article permettait la mise en place de cycles de travail notamment « lorsque cette possibilité est autorisée par décret ou prévue par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement qui fixe alors la durée maximale du cycle » ;
Que l'accord du 17/2/99 prévoit que la durée de travail est réduite à 35H hebdomadaires en moyenne, cette moyenne étant calculée sur la moyenne des semaines composant un cycle (article 41) ; que l'élaboration des organisations fondées sur la nouvelle durée de travail sera négociée au niveau de chaque site stipule l'article 6 ;
« Que dans le cadre de la démultiplication de l'accord cadre national du 17 février 1999 » a été conclu un « protocole d'accord local ARTT » pour le bureau de Vire le 20/06/00 précisant les modalités du cycle ;
Qu'un accord de cycle a été conclu le 26/11/07 « sur le CCT1 du Bény Bocage » prévoyant un cycle de 8 semaines et la répartition du travail dans ce cycle ;
Que l'accord-cadre et ces deux accords locaux conclus pour son application forment un ensemble qui, pris en sa globalité, répond aux conditions posées par l'article L 3122-3 du code du travail ;
Que les deux accords locaux de Vire et de Bény Bocage ont été respectivement dénoncés les 6 et 11/2/09 ; que l'accord-cadre n'a, quant à lui, pas été dénoncé ;
Qu'amputé des accords locaux, l'accord-cadre qui se borne à évoquer une organisation du travail par cycle sans en prévoir les modalités et notamment sans fixer la durée maximale du cycle ne peut être qualifié d'accord de cycle au sens de l'article L 3122-3 ancien du code du travail ;
Qu'il n'a donc pas été expressément maintenu en vigueur par l'article 20 V de la loi du 20/8/08 ; qu'il ne s'est donc pas non plus maintenu parce qu'il serait plus favorable que la loi nouvelle - qu'au demeurant, le syndicat Sud Ptt de Basse Normandie ne soutient pas que tel serait le cas - ; qu'en effet, ne prévoyant l'organisation du travail que par cycle, il s'avère plus rigide et donc a priori moins favorable, du moins sur ce point, que la loi nouvelle qui permet la négociation d'accords collectifs très variés puisqu'ils peuvent répartir le travail « sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année » ;
Qu'en conséquence, nonobstant l'accord-cadre du 17/2/99 non dénoncé, la SA la Poste pouvait, après avoir dénoncé les accords locaux, appliquer la loi nouvelle ;
Que la nouvelle organisation mise en place en application de cette loi n'est donc pas manifestement illicite pour avoir méconnu l'accord-cadre du 17/2/99 ;
Sur les négociations menées
Que l'article D 3122-7-1 du code du travail permet à l'employeur en l'absence d'accord collectif d'organiser la durée du travail sous forme de périodes de travail, chacune d'une durée de quatre semaines au plus ;
Que le 14/5/10, la SA la Poste a mis en place ces organisations sur quatre semaines à Vire et Bény Bocage après avoir constaté l'absence d'accord collectif ;
Que ce constat a été précédé de négociations :- 3/3/09 : réunion plénière de cadrage sur l'aménagement du temps de travail,- Entre le 27/3 et le 8/4/09 : réunions bilatérales entre la SA la Poste et chaque organisation syndicale,- Le 25/5/09 : réunion plénière de modification pour les services de la distribution de Vire et Bény Bocage,- Le 18/6/09 : réunion plénière de modification pour les services « arrière de Vire CDIS »,- 30/06/09 : réunion du CTP,- 7/7/09 : réunion du CHSCT,- 7/7/09 : réunion plénière de signature donnant lieu à un procès-verbal de désaccord pour les services de distribution de Vire et la signature d'un accord par le syndicat FO pour les services arrières de Vire et le service de distribution de Bény Bocage (accords non valides ce syndicat n'ayant pas recueilli au moins 30% des suffrages) ;- Les 4 et 6/5/10 réunions du CTP (Comité mixte paritaire) ;
Que l'absence de négociations serait de nature à rendre manifestement illicite l'organisation mise en place ; qu'en revanche, déterminer, comme en l'espèce, si des négociations qui se sont traduites par les diverses réunions énumérées ci-dessus ont été menées de manière loyale excède les pouvoirs du juge des référés ;
Qu'en effet, cela supposerait d'examiner comme le demande le syndicat SUD PTT de Basse Normandie, si M. X..., directeur d'établissement qui a mené les négociations au sein de la SA la Poste avait un pouvoir effectif de négociation, si, en consultant au préalable le personnel, la SA la Poste avait pour but de faire pression sur les organisations syndicales, si le fait d'organiser des réunions bilatérales au lieu de réunions communes à toutes les organisations et d'inscrire de très nombreux points à l'ordre du jour notamment du CTP du 4/5/10 tout en convoquant simultanément certains négociateurs à d'autres réunions était constitutif de déloyauté ; que l'analyse de ces différents éléments est susceptible, le cas échéant, de conduire une juridiction du fond à considérer que la décision de la SA la Poste de mettre en place unilatéralement une organisation du travail serait irrégulière ; qu'en revanche, elle ne permet pas au juge des référés, faute d'une violation manifeste de l'article D 3122-7-1 du code du travail de statuer ;
Que le syndicat SUD PTT de Basse Normandie sera donc débouté de ses demandes ;
Alors qu'en refusant de reconnaitre à l'accord-cadre du 17 février 1999 la qualification d'un accord cycle, cependant qu'elle constatait que cet accord consacrait le principe d'un travail par cycle, quand bien même il renvoyait à la conclusion d'accords locaux pour en déterminer les modalités concrètes, la Cour d'appel a violé l'accord susvisé, ensemble les articles L 3122-2 et L 3122-3 anciens du code du travail ;
Alors qu'en outre en refusant de reconnaitre à l'accord-cadre du 17 février 1999 la qualification d'un accord cycle au sens des articles L 3122-2 et L 3122-3 anciens du Code du travail, sans répondre aux conclusions du syndicat exposant soulignant que la Poste avait elle-même expressément accordé cette qualification à l'accord litigieux dans sa circulaire interne, la Cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Alors encore que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; qu'il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s'arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée ;
D'où il résulte que la cour d'appel qui retenait que l'accord cadre de 1999 et les deux accords locaux conclus pour son application formaient un ensemble qui, pris en sa globalité, répondait aux conditions posées par l'article L 3122-3 du code du travail, ne pouvait, après avoir constaté que les accords locaux avaient été dénoncés en 2009 mais que l'accord de 1999 ne l'avait pas été, en déduire que l'accord-cadre de 1999 n'avait pas été expressément maintenu en vigueur par la loi de 2008, sans rechercher si la dénonciation partielle par la Poste des seuls accords locaux n'était pas irrégulière et partant inopposable aux salariés de l'entreprise ; qu'en s'abstenant d'effectuer une telle recherche, la cour d'appel a méconnu son office, en violation de l'article 12 du Code de procédure civile ;
Alors également que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ;
De sorte qu'en relevant d'office le moyen tiré du caractère moins favorable de l'accord-cadre du 17 février 1999 par rapport aux dispositions issues de la loi du 20 août 2008, sans avoir préalablement invité les parties à s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
Alors qu'enfin le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
D'où il résulte qu'en refusant de statuer sur la demande subsidiaire du syndicat Sud Ptt de Basse Normandie, motifs pris de ce qu'elle ne relevait pas du juge des référés, faute d'une violation manifeste de l'article D. 3122-7-1 du code du travail, lorsqu'une contestation sérieuse sur le fond du droit n'interdit pas au juge des référés de prendre les mesures prévues à l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile pour faire cesser un trouble manifestement illicite la cour d'appel a méconnu son office en violation de l'article 809, alinéa 1er, du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-25042
Date de la décision : 13/03/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Caen, 08 juillet 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 mar. 2013, pourvoi n°11-25042


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.25042
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