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27/02/2013 | FRANCE | N°12-15338

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 27 février 2013, 12-15338


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 195, alinéa 1er, du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 dans sa rédaction issue du décret 2007-932 du 15 mai 2007 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 2 janvier 2006, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Périgueux a saisi le conseil de discipline des barreaux de la cour d'appel de Bordeaux d'une plainte discipli

naire à l'encontre de Mme X..., avocate ; que le conseil a prononcé la ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 6 §1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article 195, alinéa 1er, du décret 91-1197 du 27 novembre 1991 dans sa rédaction issue du décret 2007-932 du 15 mai 2007 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 2 janvier 2006, le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Périgueux a saisi le conseil de discipline des barreaux de la cour d'appel de Bordeaux d'une plainte disciplinaire à l'encontre de Mme X..., avocate ; que le conseil a prononcé la radiation de cette avocate par décision du 15 juin 2006 confirmée par arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 21 décembre 2007, lui-même annulé par arrêt de la Cour de cassation du 2 avril 2009 ; que par lettre du 25 janvier 2011, reçue le 31 janvier 2011, le même bâtonnier, a indiqué reprendre la procédure disciplinaire, puis le 7 octobre 2011, a saisi la cour d'appel de Bordeaux d'un recours contre la décision implicite de rejet du conseil de discipline ;
Attendu que, pour déclarer cet appel irrecevable comme tardif, l'arrêt retient que l'allongement du délai de six à huit mois survenu au cours de la procédure disciplinaire est favorable à l'autorité poursuivante qu'il convient de continuer de faire application pendant toute la durée de l'instance des dispositions de procédure les plus favorables qui pouvaient être en vigueur lors de l'engagement des poursuites ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les lois de procédure sont d'application immédiate et qu'aucune immixtion injustifiée de l'autorité réglementaire dans la procédure n'étant alléguée, l'application du nouveau délai ne pouvait avoir pour résultat de priver la partie poursuivie d'un procès équitable, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 février 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Périgueux
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable l'appel du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de PERIGUEUX à l'encontre de la décision implicite de rejet des poursuites engagées contre Mme X... devant le conseil de discipline des barreaux de la cour de BORDEAUX ;
AUX MOTIFS QUE, par lettre du 2 janvier 2006, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Périgueux avait saisi le conseil de discipline des barreaux de la cour de BORDEAUX, sur le fondement de l'article 188 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, de poursuites disciplinaires contre Mme X..., avocate au barreau de PERIGUEUX, à qui il reprochait d'avoir volontairement altéré la sincérité du premier tour des élections des membres du conseil de l'ordre des avocats du barreau de Périgueux, le 16 décembre 2005, en ayant lu à haute voix, lors du dépouillement des votes qu'elle présidait en qualité de bâtonnier en exercice, son nom à 56 reprises, ce qui avait entraîné son élection, quand elle n'avait recueilli que 12 suffrages, ainsi que l'avaient démontré deux recomptages des bulletins auxquels il avait été procédé sur le champ ; que Mme X... avait formé une requête en suspicion légitime, sur le fondement de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde, contre les deux rapporteurs désignés par le conseil de l'ordre des avocats du barreau de PERIGUEUX ; que cette requête avait été rejetée par arrêt de la cour du 27 février 2006 ; que, par arrêt du 21 décembre 2007, la cour, entre autres dispositions, avait confirmé la décision du conseil de discipline des barreaux de la cour de BORDEAUX du 15 juin 2006 qui avait déclaré Mme X... coupable d'avoir, le 16 décembre 2005, altéré les résultats du premier tour des élections des membres du conseil de l'ordre des avocats du barreau de PERIGUEUX en proclamant d'autres noms, en particulier le sien, que ceux qui figuraient sur les bulletins de vote et qui, pour ces faits, avait prononcé la radiation de l'intéressée du tableau de l'ordre des avocats de PERIGUEUX ; que, par arrêt du 2 avril 2009, la Cour de cassation, statuant sur les pourvois formés par Mme X... à l'encontre des deux arrêts des 27 février 2006 et 21 décembre 2007, avait cassé en toutes ses dispositions la première de ces décisions et avait constaté l'annulation, par voie de conséquence, de la seconde ; que, au visa des articles 188 et 189 du décret du 27 novembre 1991 et de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde, après avoir rappelé que, « pour rejeter la requête en récusation que Mme X... avait formée à l'encontre (des deux rapporteurs), le premier arrêt attaqué avait retenu que le principe d'impartialité n'était pas applicable aux rapporteurs désignés par le conseil de l'ordre qui, chargés de la seule instruction de l'affaire, ne participaient pas à la formation de jugement », mais qu' « en statuant ainsi, (quand) l'exigence d'impartialité imposait aux rapporteurs qui avaient pour mission de procéder à une instruction objective et contradictoire de l'affaire et dont le rapport, obligatoire, était déterminant du sort ultérieurement réservé aux poursuites par la formation de jugement, la cour d'appel avait violé les textes susvisés, par fausse application des premiers et refus d'application du dernier » ; que, par arrêt du 14 septembre 2010, devenu irrévocable, la cour de PARIS, statuant sur renvoi, avait admis la récusation des deux rapporteurs chargés d'instruire les faits reprochés à Mme X... ; que, par lettre du 25 janvier 2011, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de PERIGUEUX avait indiqué au président du conseil de discipline des barreaux de la cour de BORDEAUX qu'il reprenait la procédure disciplinaire contre Mme X... ; que, le 3 février 2011, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de PERIGUEUX avait désigné deux rapporteurs ; que, le 10 février 2011, Mme X... avait formé une requête en récusation contre eux ; que, par lettres des 16 et 17 février 2011, les intéressés avaient acquiescé à cette récusation ; que, par lettres des 17 février et 21 mars 2011, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de PERIGUEUX avait saisi la première présidente de la cour d'une demande de désignation de deux rapporteurs en application de l'article 188 du décret du 27 novembre 1991 ; que, par ordonnance du 15 juillet 2011, la première présidente, après avoir constaté qu'aucun membre du conseil de l'ordre du barreau de PERIGUEUX n'offrait les garanties objectives imposées par la convention européenne de sauvegarde et avoir analysé la demande du bâtonnier en une demande de dessaisissement du conseil de l'ordre du barreau de PERIGUEUX et de renvoi à un autre barreau, avait estimé cette demande bien fondée et avait désigné le conseil de l'ordre des avocats du barreau de BORDEAUX à l'effet de désigner deux de ses membres en qualité de rapporteurs chargés de procéder à l'instruction de l'affaire concernant Mme X... ; que, le 5 septembre 2011, le conseil de l'ordre des avocats du barreau de BORDEAUX avait désigné deux rapporteurs ; que, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 7 octobre 2011, le bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de PERIGUEUX avait formé un recours devant la cour, en application des articles 16 et 197 du décret du 27 novembre 1991, contre la décision implicite de rejet des poursuites disciplinaires engagées contre Mme X... devant le conseil de discipline des barreaux de la cour de BORDEAUX, en se fondant sur les dispositions de l'article 195, alinéa 1, du décret précité ; que l'article 195, alinéa 1, du décret du 27 novembre 1991 énonçait, dans sa rédaction en vigueur due au décret n° 2007-932 du 15 mai 2007, que « si, dans les huit mois de la saisine de l'instance disciplinaire, celle-ci n'avait pas statué au fond ou par décision avant dire droit, la demande (était) réputée rejetée et l'autorité qui a(vait) engagé l'action disciplinaire (pouvait) saisir la cour d'appel » ; que, toutefois, dans sa rédaction antérieure, due au décret n° 2005-531 du 24 mai 2005, rédaction en vigueur lors de l'introduction de l'instance disciplinaire contre Mme X... par lettre du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de PERIGUEUX du 2 janvier 2006, le délai mentionné par le texte était de « six mois » ; que l'allongement du délai de six à huit mois, survenu au cours de la procédure disciplinaire exercée à son encontre, était favorable à l'autorité poursuivante qui disposait ainsi d'un temps supplémentaire pour l'instruction et le jugement de l'affaire ; que, si en l'absence de disposition spéciale, les lois relatives à la procédure étaient d'application immédiate aux instances en cours, il convenait, en matière disciplinaire, pour garantir le droit de la personne poursuivie à un procès équitable, édicté par l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde, de continuer à faire application pendant toute la durée de l'instance des dispositions de procédure plus favorables qui pouvaient être en vigueur lors de l'engagement des poursuites ; qu'en l'espèce, il y avait donc lieu d'appliquer le délai de six mois ; que l'arrêt de cassation du 2 avril 2009 avait replacé les parties dans la situation où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé du 27 février 2006 ; que, pour autant, il ne pouvait être tenu compte du délai de l'instance disciplinaire ayant couru à cette date puisque cette instance s'était poursuivie et s'était achevée par l'arrêt de la présente cour du 21 décembre 2007 dont la Cour de cassation avait constaté l'annulation par voie de conséquence ; qu'en outre, il était nécessaire, avant toute reprise de l'instance disciplinaire, que la cour de PARIS, saisie sur renvoi, statuât sur la récusation des deux premiers rapporteurs et que sa décision fût devenue irrévocable ; qu'il apparaissait ainsi que, si la lettre du 25 janvier 2011 avait effectivement constitué la reprise de la procédure antérieure, et non l'engagement d'une nouvelle instance disciplinaire, elle avait fait courir, à compter de sa réception par le président du conseil de discipline des barreaux de la cour de BORDEAUX, c'est-à-dire à compter du 31 janvier 2011, un nouveau délai de six mois à l'intérieur duquel il devait être procédé à l'instruction de l'affaire par de nouveaux rapporteurs puis à son jugement ; que ce délai ayant commencé à courir le 31 janvier 2011, il s'était achevé le lundi 1er août 2011 à 24 heures ; que le délai d'appel fixé à un mois avait donc lui-même commencé à courir le 2 août 2011 pour s'achever le 2 septembre 2011 à 24 heures ; que l'appel, formé par lettre du bâtonnier du barreau de Périgueux du 7 octobre 2011, avait été interjeté tardivement (arrêt attaqué, pp. 3 et 4, pp. 7 et 8) ;
ALORS QUE la désignation de la juridiction de renvoi est un effet de la cassation, laquelle s'étend non seulement aux chefs ayant fait l'objet de l'arrêt de censure mais aussi aux décisions annulées par voie de conséquence ; qu'en retenant que « l'introduction de l'instance disciplinaire » datait du courrier du 2 janvier 2006 du fait de l'arrêt de cassation du 2 avril 2009 qui avait replacé les parties dans la situation où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé du 27 février 2006, pour en déduire que la lettre du 25 janvier 2011 ne constituait pas l'engagement d'une nouvelle instance disciplinaire, mais la reprise de la procédure antérieure ouverte le 2 janvier 2006, tout en constatant que, par arrêt du 14 septembre 2010, revêtu de l'autorité de chose irrévocablement jugée, la juridiction de renvoi, statuant après cassation de l'arrêt du 27 février 2006 et annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt du 21 décembre 2007 –le premier ayant rejeté la demande de récusation des deux rapporteurs désignés et le second ayant prononcé la radiation de l'avocat– avait décidé de récuser les deux rapporteurs, ce dont il résultait que la procédure disciplinaire ouverte le 2 janvier 2006, qui avait abouti à la radiation de l'avocat, avait pris fin par le prononcé de cet arrêt par lequel la juridiction de renvoi avait vidé sa saisine, et que la lettre du 25 janvier 2011 s'analysait dès lors en l'engagement d'une nouvelle procédure disciplinaire et non en la reprise de la précédente instance, de sorte que cette nouvelle procédure se trouvait soumise au délai de huit mois institué par le décret n° 2007-932 du 15 mai 2007 alors en vigueur et que les impératifs d'un procès équitable ne trouvaient pas à s'appliquer, la cour d'appel a violé les articles 625 et 638 du code de procédure civile, ensemble les articles 16 et 195 du décret du 27 novembre 1991, ainsi que 6 § 1, de la convention européenne de sauvegarde ;
ALORS QUE, en toute hypothèse, les lois relatives à la procédure sont d'application immédiate aux instances en cours ; qu'en écartant l'application de l'article 195, alinéa 1er, du décret du 27 novembre 1991, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-932 du 15 mai 2007, portant à huit mois le délai à l'expiration duquel, à défaut de décision au fond ou de décision avant dire droit dans l'instance disciplinaire, la demande est réputée rejetée, au prétexte que cet allongement du délai était favorable à l'autorité poursuivante et qu'en matière disciplinaire, la garantie d'un procès équitable conduisait à faire application des dispositions de procédure plus favorables à la personne poursuivie en vigueur lors de l'engagement des poursuites, quand l'application du nouveau délai de huit mois n'impliquait aucune immixtion injustifiée de l'autorité réglementaire, ni aucune application rétroactive à une situation juridique définitivement réalisée, de sorte que le jeu du nouveau délai de huit mois ne pouvait avoir pour résultat de priver la partie poursuivie d'un procès équitable, la cour d'appel a violé l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen, ensemble l'article 195, alinéa 1, du décret du 27 novembre 1991 dans sa rédaction issue du décret n° 2007-932 du 15 mai 2007.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 12-15338
Date de la décision : 27/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 10 février 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 27 fév. 2013, pourvoi n°12-15338


Composition du Tribunal
Président : M. Gridel (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.15338
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