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27/02/2013 | FRANCE | N°11-26029

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 27 février 2013, 11-26029


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en référé, que Mmes X..., Y..., Z..., A..., B... et C..., qui exerçaient les fonctions de "télé-commerciale" pour la société Centre international d'enseignement à distance (CIED), exerçant sous l'enseigne Educatel, ont entamé un mouvement de grève le 1er septembre 2010 portant sur leurs objectifs et l'application des dispositions de la convention collective nationale

de l'enseignement privé à distance relatives à la classification et à la ré...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 4 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu en référé, que Mmes X..., Y..., Z..., A..., B... et C..., qui exerçaient les fonctions de "télé-commerciale" pour la société Centre international d'enseignement à distance (CIED), exerçant sous l'enseigne Educatel, ont entamé un mouvement de grève le 1er septembre 2010 portant sur leurs objectifs et l'application des dispositions de la convention collective nationale de l'enseignement privé à distance relatives à la classification et à la rémunération du personnel des services commerciaux ; que les salariées ont repris le travail le 15 octobre 2010 ; que, par lettres des 6, 8 et 9 décembre 2010 elles ont été licenciées pour faute grave ; que soutenant que leur licenciement avait été prononcé en raison de leur participation au mouvement de grève et de leur appartenance au syndicat CGT, les salariées ont saisi la juridiction prud'homale statuant en référé pour voir "prononcer la nullité" de leur licenciement et obtenir paiement de diverses sommes ; que le CIED a été placé en liquidation judiciaire par jugement du 30 octobre 2012, M. D... étant désigné liquidateur ;
Attendu que pour débouter les salariées de leurs demandes, l'arrêt retient que les salariées ne rapportent pas la preuve que le système électronique de vérification et d'écoute des salariés, permettant à l'employeur de contrôler leur taux de connexion, est illicite pour n'avoir pas été communiqué préalablement aux représentants du personnel ; qu'au contraire il était établi que ce procédé avait été discuté lors d'une réunion de la délégation unique du personnel le 2 octobre 2007 ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les parties soutenaient que deux dispositifs existaient au sein de l'entreprise, d'une part, un système d'assistance à l'argumentation au moyen d'une écoute des entretiens téléphoniques des salariés du service commercial, lequel avait été discuté lors d'une réunion des représentants du personnel en 2007, d'autre part, un dispositif de vérification et d'écoute au moyen d'un couplage informatique et de téléphonie permettant de contrôler le taux de connexion des salariés correspondant au rapport entre leur temps de présence et la durée des communications passées ou reçues par eux, qui n'avait pas fait l'objet d'une consultation des représentants du personnel, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne M. D..., ès qualités, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. D..., ès qualités, à payer aux demanderesses la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept février deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils pour Mmes X..., Y..., Z..., A..., B... et C..., et l'union départementale CGT
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir au fond et rejeté les demandes de nullité des licenciements de Mademoiselle Julie X..., Madame Kheira Y..., Madame Cécile Z..., Madame Laurence A..., Madame Vanessa B..., Mademoiselle Clémence C..., et de prise d'acte de leur demande de non réintégration, ainsi que leur demande de condamnation de la société CIED EDUCATEL à leur payer à titre provisionnel, à chacune, une indemnité de préavis et de congés payés afférents, une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts provisionnels, outre la remise à titre provisionnel sous astreinte des bulletins de salaire rectifiés, et la condamnation à titre provisionnel de la société CIED EDUCATEL à verser à la CGT la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU' il résulte des pièces versées aux débats que : dès le jeudi 2 octobre 2007, comme en atteste le procès-verbal de la réunion extraordinaire intervenue ce jour de la délégation unique du personnel de la société CIED EDUCATEL, la mise en place pour le service commercial d'un système « d'assistance à l'argumentation au moyen d'une écoute des entretiens de vente au téléphone » a fait l'objet d'âpres débats au sein de l'entreprise ; que d'autre part, Julie X..., Kheira Y..., Cécile Z..., Laurence A..., Vanessa B... et Clémence C... ont participé activement au mouvement social intervenu dans le centre de Rouen de la société CIED EDUCATEL, et qui a mobilisé 14 salariés commerciaux, en tout cas, du 1er au 22 septembre 2010 et même au-delà, comme il résulte des retenues sur salaires pratiquées ; qu'il résulte d'autre part, du procèsverbal de désaccord établi en sortie de grève, le 15 octobre 2010, que « pour permettre une reprise plus aisée, les objectifs des télé commerciaux grévistes à la reprise du travail ont été supprimés pour le mois d'octobre 2010 est réduit à 60 % de l'objectif initial pour les mois de novembre et décembre 2010 » ; que ce procèsverbal mentionne d'ailleurs étrangement : « aucune sanction ne sera prise du fait de s'être mis en grève » ; que par lettres recommandées avec avis de réception en date du 3 novembre 2011, chacune des intimées a reçu un avis d'engagement à son encontre d'une procédure disciplinaire assortie de mise à pied immédiate ; que les lettres de licenciement datées des 8 et 9 décembre 2010 portent toutes des motifs identiques conformes à ceux qui ont été relevés par les premiers juges : d'une part, la violation du code du travail et une carence globale d'activité, et d'autre part, le nonrespect et l'inexécution fautive du contrat de travail ; que chaque lettre de licenciement illustre ces carences qui se seraient accrues postérieurement à la cessation du mouvement de grève, à savoir : pour Julie X..., au premier semestre de l'année 2010, pour une présence de 628 heures 30 minutes, a été relevée une durée de communication téléphonique de 254 heures et 15 minutes, dont une position dite « injoignable » pendant 19 heures, soit un déficit de travail de 355 heures et 15 minutes (56 %) sur la période du 18 au 29 octobre 2010. Aussitôt après le mouvement de grève, le taux de connexion serait passé de 40, 45 % à 29,60 % alors que les 10 meilleurs taux de connexion du plateau de Rouen étaient sur la même période de 50 % en moyenne ; que pour Kheira Y..., pour une présence 128 heures 57 minutes, 43 heures 46 minutes et 16 secondes de communication téléphonique, 10 heures 08 minutes et 41 secondes, injoignable, et après le mouvement de grève, pour une présence de 47 heures 30 minutes, 6 heures 46 minutes 49 secondes de communication téléphonique, 6 heures, 45 minutes 42 secondes injoignables, soit un déficit d'activité de plus de 71 % ; que pour Vanessa B..., un déficit d'activité de près de 63 % (40 % au premier semestre 2010) ; que pour Cécile Z..., déficit de travail : 60 % s'élevant à 65 % après la grève ; que pour Laurence A..., un déficit de travail de 52,67 % s'élevant à 59 % ; que pour Clémence C..., 51 % puis 59 % ; que les intimées ne rapportent pas la preuve que le système électronique de vérification et d'écoute soit illicite comme devant être communiqué préalablement au comité l'entreprise ; qu'il est, au contraire, établi que ce procédé avait déjà été discuté, et d'ailleurs contesté dès 2007 ; qu'il appartient à la formation des référés de mettre fin à toute situation qui aurait pour conséquence de porter atteinte à une liberté fondamentale comme la sanction du droit de grève par des licenciements, encore faut-il que les éléments versés au débat ne laissent aucun doute sur la cause réelle des dits licenciements et que ceux-ci soient motivés par la participation à une activité spécialement garantie par les textes fondamentaux ; qu'en l'espèce, lors du mouvement social ayant précédé les licenciements, le nombre des grévistes était d'au moins 14 salariés et plus de la moitié n'ont pas fait l'objet de licenciement ; que les mises à pied et les licenciements sont intervenus à une date si proche de la fin du mouvement de grève qu'ils en apparaissent d'autant plus suspects ; qu'on ne saurait exclure davantage que la grève, constitutionnellement protégée, puisse en être la cause déterminante ; que cependant, les motifs allégués par l'employeur sont, en eux-mêmes, susceptibles de constituer des causes légitimes de licenciement, eu égard à leur importance excédant la simple insuffisance au travail et permettent de supposer un comportement délibérément déloyal dans l'exécution du contrat de travail, nonobstant la révision à la baisse des objectifs imposés aux commerciaux par suite du mouvement de grève ; que par ailleurs, la discrimination syndicale alléguée n'est pas établie par des précisions suffisantes permettant d'affirmer que l'appartenance des intimées au syndicat CGT est le motif de leur licenciement, au regard de la non appartenance des autres employés à ce syndicat ; qu'enfin, la violation de la liberté fondamentale d'agir en justice n'est pas davantage établie, dès lors que les licenciements litigieux s'inscrivent dans la continuité de mises à pied antérieures aux diverses actions engagées ; qu'il en résulte que les intimées n'ont pas rapporté la preuve devant les premiers juges du trouble manifestement illicite susceptible de fonder leur action et que c'est à tort que la formation des référés a cru pouvoir annuler les licenciements litigieux ;
1°) ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que les salariées avaient indiqué dans leurs écritures qu'un système de comptabilisation et de contrôle de l'activité des salariés avait été mis en oeuvre à partir d'un couplage informatique et de téléphonie sans que les salariés en soient informés, ce système étant différent de la mise en place pour le service commercial d'un système d'assistance à l'argumentation au moyen d'une écoute des entretiens de vente au téléphone en 2007 ; que, pour considérer que les salariées n'avaient pas rapporté la preuve du trouble manifestement illicite susceptible de fonder leur action, en statuant par des motifs inopérants selon lesquels le système électronique de vérification et d'écoute avait déjà été discuté et d'ailleurs contesté en 2007, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions des parties et violé l'article 4 du Code de procédure civile ;
2°) ALORS en conséquence QU'en ne recherchant pas si le mise en place d'un système de couplage informatique et de téléphonie permettant le contrôle des salariés avait été régulièrement soumis aux représentants du personnel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2323-32 du Code du travail ;
3°) ALORS également QUE le comité d'entreprise doit être informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ; qu'en faisant grief aux salariées de n'avoir pas rapporté la preuve de l'illicéité du système électronique de vérification et d'écoute quand c'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve de ce qu'il a préalablement informé les salariés de l'existence d'un système de contrôle technique de leur activité, la Cour d'appel a inversé la charge de la preuve et, partant, violé les articles 1315 du Code civil et L. 2323-32 du Code du travail ;
4°) ALORS encore QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige; que le juge ne peut statuer en dehors des limites de celui-ci ; que la Cour d'appel avait constaté en l'espèce que les objectifs avaient été supprimés pour le mois d'octobre 2010 ; qu'en considérant que les causes légitimes de licenciement, eu égard à leur importance qui excédait la simple insuffisance au travail, permettaient de supposer un comportement délibérément déloyal dans l'exécution du contrat de travail, nonobstant la révision à la baisse des objectifs imposés aux commerciaux par suite du mouvement de grève, quand les motifs des lettres de licenciement des salariées visaient une carence d'activité des salariées au premier semestre de l'année 2010 qui s'était « accrue les 15 derniers jours du mois d'octobre à une période de très forte activité pour l'entreprise » et se traduisait par une non atteinte de leurs objectifs, mettant en évidence une mauvaise foi avérée dans l'exécution de leurs obligations, quand les salariées n'étaient soumises à aucun objectif pour cette période, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du Code du travail ;
5°) ALORS en outre QUE les salariées avaient fait valoir que l'une d'entre elles, Madame Y..., avait été absente pendant tout le premier semestre de l'année 2010 en raison d'un congé maternité ; qu'en ne répondant pas à ce moyen clair et déterminant de leurs conclusions qui l'aurait amené à examiner la cause réelle et sérieuse contestée de l'un au moins des licenciements prononcés sur le fondement d'un motif inexistant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE le juge ne saurait examiner que certains des griefs de la lettre de licenciement ; que les lettres de licenciement mentionnaient en l'espèce un grief consistant dans « un traitement tardif des fiches prospects » qui avaient été confiées aux salariées « confirmant ainsi votre (leur) refus de respecter les directives de la direction et votre (leur) volonté de ralentir la productivité et la commercialisation de nos produits », ou encore le fait de retarder le traitement des fiches nuisant gravement aux intérêts de l'entreprise ; qu'en s'abstenant de rechercher si de tels motifs caractérisaient une faute lourde pouvant être reprochée aux salariées et justifier leur licenciement, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du Code du travail ;
7°) ALORS en tout état de cause QU'en l'absence de faute lourde, le caractère illicite du motif du licenciement tiré de la participation à une grève emporte à lui seul la nullité de ce licenciement ; qu'ayant constaté que les mises à pied et licenciements étaient intervenus à une date si proche de la fin du mouvement de grève qu'ils en apparaissaient d'autant plus suspects et qu'on ne pouvait exclure que la grève puisse en être la cause déterminante sans toutefois constater l'existence d'une quelconque faute lourde pouvant être reprochée aux six salariées, la Cour d'appel a violé les articles L. 1132-2 et L. 2511 du Code du travail ;
8°) ALORS au surplus QU'il est interdit à l'employeur de prendre en considération l'appartenance syndicale ou la participation à une activité syndicale pour sanctionner ou licencier un salarié ; que si le salarié doit apporter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, l'employeur doit prouver que sa décision repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en jugeant que la discrimination syndicale alléguée n'était pas établie par des précisions suffisantes permettant d'affirmer que l'appartenance des salariées au syndicat CGT est le motif de leur licenciement au regard de la non appartenance des autres employés à ce syndicat sans rechercher si la société CIED EDUCATEL avait prouvé que sa décision de licencier les six salariées avait reposé sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, la Cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur les seules salariées, et partant a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du Code du travail ;
9°) ALORS enfin QUE le juge ne saurait dénaturer les éléments de la cause ; qu'en retenant que la violation de la liberté fondamentale d'agir en justice n'était pas établie dès lors que les licenciements litigieux s'inscrivaient dans la continuité des mises à pied antérieures aux diverses actions engagées quand les mises à pied avaient été confirmées dans la lettre de convocation à l'entretien préalable datée du 3 novembre 2010 tandis que les salariées avaient saisi le Conseil de prud'hommes d'une demande de requalification de leur emploi occupé dès le 12 octobre 2010, la Cour d'appel a méconnu l'objet du litige et violé l'article 4 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-26029
Date de la décision : 27/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 06 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 27 fév. 2013, pourvoi n°11-26029


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.26029
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