LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 20 octobre 2010, pourvoi n° 09-68.997), et les productions, que la société Somoclest bâtiment (la société Somoclest) a conclu avec la société DV Construction un contrat de sous-traitance incluant une clause compromissoire ; qu'invoquant la mauvaise exécution par la société Somoclest de ses prestations contractuelles, la société DV Construction a mis en oeuvre la procédure d'arbitrage ; que M. X..., désigné en qualité d'arbitre, a déposé sa sentence ; que reprochant à l'arbitre de s'être abstenu d'informer les parties de sa fréquente désignation en tant qu'arbitre par les sociétés du groupe auquel appartenait la société DV Construction, la société Somoclest a formé un recours en annulation à l'encontre de cette sentence ; que par acte du 20 mai 2010, la société DV Construction a apporté à la société VSL France, ultérieurement devenue la société Bouygues travaux publics régions France (la société Bouygues travaux publics), sa branche complète et autonome d'activité ouvrages d'art avec effet au 1er juillet 2010 ; que la société Somoclest a saisi la cour d'appel de renvoi le 11 avril 2011 ; qu'elle a fait assigner la société Bouygues travaux publics en intervention forcée le 16 novembre 2011 ; que soutenant que par l'effet du traité d'apport partiel d'actif elle n'avait plus qualité pour défendre à l'instance engagée par la société Somoclest, la société DV Construction a demandé à la cour d'appel de renvoi d'annuler la déclaration de saisine, subsidiairement de déclarer irrecevables les demandes dirigées contre elle ; que la société Bouygues travaux publics a conclu à l'annulation de l'assignation en intervention forcée, subsidiairement à son irrecevabilité en raison de sa tardiveté ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 1032 et suivants du code de procédure civile ;
Attendu que rejeter l'exception de nullité de la déclaration de saisine, l'arrêt retient que, la Cour de cassation ayant renvoyé les parties dans le même état où elles se trouvaient avant sa décision du 20 janvier 2010, c'est la même instance en annulation que celle ouverte devant la cour d'appel de Versailles qui se poursuit devant la cour de renvoi ; qu'il retient encore que les défenderesses ne peuvent invoquer une irrégularité de la saisine de la cour de renvoi fondée sur l'arrêt de la Cour de cassation du 20 janvier 2010 puisque cette décision s'applique aux parties telles qu'elles y figurent pour la saisine de la juridiction de renvoi ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la régularité de la saisine de la cour d'appel de renvoi s'apprécie au moment de cette saisine et en fonction de la situation des parties à cette date, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu les articles L. 236-3 et L. 236-22 du code de commerce ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la société DV Construction, même si elle a cédé en mai 2010 sa branche ouvrages d'art qui était concernée par le contrat en litige, conserve le reste de son patrimoine et son existence juridique, le traité d'apport partiel d'actif n'ayant pas entraîné la disparition de cette société ; qu'il retient encore que les sociétés DV Construction et Bouygues travaux publics sont restées silencieuses dans l'instance de cassation sur l'existence de ce traité et que la société Somoclest n'avait pas l'obligation de suivre les méandres de la restructuration du groupe Bouygues ; qu'il ajoute que le fait pour le traité d'apport partiel d'actif d'indiquer que les résultats des opérations actives et passives de toute nature accomplies par la société apporteuse pour la gestion et l'exploitation de la branche d'activité apportée seront réputés faits pour le compte de la société bénéficiaire d'un point de vue comptable et resteront exclusivement à la charge ou au profit de cette dernière ne modifie pas les relations procédurales de la société DV Construction avec la société Somoclest ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si le traité d'apport partiel d'actif n'avait pas été placé sous le régime des scissions, ce dont il serait résulté que la société Bouygues travaux publics avait acquis de plein droit, aux lieu et place de la société DV Construction à laquelle elle se trouvait ainsi substituée, la qualité de partie pour défendre à l'instance engagée par la société Somoclest, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche :
Vu les articles 126 et 1034 du code de procédure civile ;
Attendu que pour rejeter l'exception de nullité de l'assignation en intervention forcée, l'arrêt retient que seuls affectent la validité d'un acte de procédure les vices de forme faisant grief ; qu'il retient encore que la société Bouygues travaux publics, qui a pu faire valoir ses moyens, ne démontre pas ne pas avoir été placée en état de préparer sa défense alors qu'elle était entièrement informée des prétentions de la société Somoclest dans l'assignation ; qu'il ajoute que le délai de quatre mois pour saisir la juridiction de renvoi après cassation ne concerne pas l'assignation en intervention forcée et que la cour d'appel de renvoi a été saisie dans les délais ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'intervention forcée de la société Bouygues travaux publics dans l'instance de renvoi après cassation plus de quatre mois après la notification de l'arrêt de la Cour de cassation ne pouvait couvrir l'irrégularité de la saisine de la cour d'appel de renvoi pour défaut de qualité de la société DV Construction, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 31 janvier 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Somoclest bâtiment aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Bouygues travaux publics régions France et à la société DV Construction la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six février deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Bouygues travaux publics régions France et la société DV Construction
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté les exceptions de nullité et fins de non-recevoir soulevées par les sociétés DV CONSTRUCTION et BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS REGIONS FRANCE et d'avoir, en conséquence, annulé la sentence arbitrale du 10 février 2008 ;
Aux motifs que : « la société DV Construction, même si elle a cédé en mai 2010 sa branche ouvrages d'art qui était concernée par le contrat litigieux soumis à l'arbitrage en 2007, conserve le reste de son patrimoine et son existence juridique, le traité d'apport partiel d'actifs du 20 mai 2010 n'ayant pas entrainé la disparition de la société DV Construction ; que l'arrêt de la Cour de cassation renvoie les parties dans le même et semblable état où elles étaient avant l'arrêt du 20 octobre 2010 ; que c'est donc la même instance en annulation que celle ouverte devant la Cour d'appel de Versailles qui se poursuit ; que les sociétés DV Construction et Bouygues Travaux Publics Régions France sont restées silencieuses dans l'instance de cassation sur l'existence du traité d'apport partiel d'actifs ; que le délai ouvert par l'article L.236-1 du code de commerce pour former opposition concerne les créanciers et non pas la société Somoclest qui n'a pas l'obligation de suivre les méandres de la restructuration du groupe Bouygues ; que les défenderesses ne peuvent pas reprocher une irrégularité de la saisine de la cour de renvoi fondée sur l'arrêt de la Cour de cassation du 20 octobre 2010, cette décision s'appliquant aux parties telles qu'elles y figurent pour la saisine de la juridiction de renvoi ; qu'au surplus, les sociétés DV Construction et Bouygues Travaux Publics Régions France ne démontrent pas que la société DV Construction n'aurait pas qualité pour défendre dans cette instance, le fait pour le traité d'apport partiel d'actifs du 20 mai 2010 d'indiquer que les résultats des opérations actives et passives de toute nature accomplies par la société apporteuse pour la gestion et l'exploitation de la branche d'activité apportée seront réputés faits pour le compte de la société bénéficiaire d'un point de vue comptable et resteront exclusivement à la charge ou au profit de cette dernière ne modifie pas les relations procédurales de la société DV Construction avec la société Somoclest ; (..) ; que, par ailleurs, seuls affectent la validité d'un acte de procédure les vices de forme faisant grief, mais que la société Bouygues Travaux Publics Régions France, qui a pu faire valoir ses moyens, ne démontre pas ne pas avoir été placée en état de préparer sa défense alors qu'elle était entièrement informée des prétentions de la société Somoclest dans l'assignation ; que le délai de quatre mois est un délai de saisine de la cour de renvoi après cassation et pas un délai pour une intervention forcée, que la cour de Reims a été saisie dans les délais ; que les exceptions et fins de non-recevoir sont rejetées ; »
Alors, d'une part, que la régularité de la saisine de la cour d'appel de renvoi s'apprécie au moment où elle est faite et en fonction de la situation des parties à cette date ; qu'en appréciant la régularité de la saisine de la Cour d'appel de REIMS uniquement par rapport à la situation des parties telle qu'exposée dans l'arrêt de la Cour de cassation, la cour d'appel, qui a ainsi refusé de tenir compte de la capacité et de la qualité à défendre de la société DV CONSTRUCTION lors de la saisine de la cour d'appel de renvoi, a violé les articles 1032 et suivants du code de procédure civile ;
Alors, d'autre part, qu'en se bornant, pour juger que la société DV CONTRUCTION avait qualité pour défendre dans l'instance en renvoi après cassation, à relever que les relations procédurales de cette dernière avec la société SOMOCLEST n'avaient pas été modifiées par le traité d'apport partiel d'actifs, sans rechercher, ainsi qu'elle y était cependant invitée, si ce traité n'avait pas été placé sous le régime des scissions, de sorte que la société BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS REGIONS FRANCE avait acquis de plein droit, à la place de la société DV CONTRUCTION à laquelle elle se trouvait ainsi substituée, la qualité de partie pour défendre à l'instance engagée par la société SOMOCLEST, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L.236-3 et L.236-22 du code de commerce ;
Alors, enfin, que la déclaration de saisine de la cour d'appel de renvoi effectuée contre une personne n'ayant pas qualité pour défendre à l'instance en renvoi après cassation ne peut être régularisée qu'à la condition que la personne ayant cette qualité intervienne dans le délai de saisine de cette cour ; qu'il en résulte en l'espèce que l'intervention forcée de la société BOUYGUES TRAVAUX PUBLICS REGIONS FRANCE dans l'instance en renvoi après cassation plus de quatre mois après la notification de l'arrêt de la Cour de cassation ne pouvait couvrir l'irrégularité de la saisine de la cour d'appel de renvoi pour défaut de qualité de la société DV CONSTRUCTION ; qu'il s'ensuit que cette intervention devait être rejetée ; qu'en l'accueillant néanmoins, la cour d'appel a violé les articles 126 et 1034 du code de procédure civile.