La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2013 | FRANCE | N°12-81210

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 février 2013, 12-81210


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. André X..., - M. René Y..., partie civile,- La société Garantie mutuelle des fonctionnaires-assurances, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires et contravention connexe, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et e

n défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. André X..., - M. René Y..., partie civile,- La société Garantie mutuelle des fonctionnaires-assurances, partie intervenante,
contre l'arrêt de la cour d'appel de METZ, chambre correctionnelle, en date du 9 décembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre le premier du chef de blessures involontaires et contravention connexe, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2 à 5 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 3, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a fixé à la somme de 57 600 euros l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent subi par M. Y... ;
"aux motifs que le cas de M. Y..., âgé de 54 ans à la date de la consolidation de ses blessures, ne présente pas de spécificité pouvant raisonnablement conduire la cour à lui accorder plus que ce qu'elle a l'habitude, à l'heure actuelle, d'accorder pour une personne de l'âge de la partie civile et présentant des séquelles similaires aux siennes ;
"1°) alors que le principe de la réparation intégrale, qui régit l'indemnisation des dommages à la personne, impose que l'évaluation du préjudice subi par la victime soit établie en fonction des circonstances (le la cause, à l'exclusion de toute référence à un forfait, à un barème préétablis ; qu'en procédant à l'évaluation de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent subi par M. Y... par référence à sa propre jurisprudence, laquelle constitue l'argument déterminant de sa décision, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale et les textes susvisés ;
"2°) alors qu'en tout état de cause, tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres a justifier sa décision ; qu'en se contentant d'indiquer que le cas de M. Y..., pigé de 54 ans à la date de la consolidation de ses blessures, ne présente pas de spécificité pouvant raisonnablement conduire la cour à lui accorder plus que ce qu'elle a l'habitude, à l'heure actuelle, d'accorder pour une personne de l'âge de la partie civile » pour fixer à la somme de 57 600 euros, l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent subi par M. Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale" ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2 à 5 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 3, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a fixé à la somme de 2 000 euros l'indemnisation du préjudice sexuel subi par M. Y... ;
"aux motifs (sic) que la décision du premier juge est parfaitement adaptée au préjudice tel que présenté par la partie civile elle-même, et qui concerne un domaine où la vélocité n'est pas forcément la dominante essentielle, et où tout reste dans l'art, dans la manière, dans l'amour et l'imagination des partenaires ;
"alors que tout jugement doit être motivé ; que le recours à des motifs abstraits et généraux constitue un défaut de motifs ; qu'en statuant au cas présent, sur l'évaluation du préjudice sexuel subi par la partie civile, par des motifs généraux et subjectifs qui ne comportent aucune analyse des débats et des pièces versées à la procédure, la cour d'appel qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle sur le bien fondé de la détermination de l'indemnisation, a privé sa décision de base légale au regard des textes visés par le moyen" ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé pour M. Y..., pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2 à 5 de la loi du 5 juillet 1985, 2, 3, 459, 512, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de hase légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a omis de statuer sur le poste de préjudice «perte de gains découlant d'une incapacité de reprise d'activité en privé pendant une durée de 5 ans», confondu avec l'incidence professionnelle ;
"aux motifs qu'il y a lieu de confirmer sur ce point la décision du premier juge dont les motifs sont parfaitement pertinents ; qu'il sera rajouté que, d'une part, la prolongation d'activité perdue pour laquelle M. Y... réclame réparation est absolument distincte d'une participation d'un retraité a la réserve civile de la police nationale, et que, d'autre part, la petite Aurore, qui a été reconnue par son père et que celui-ci élève en compagnie de la mère de l'enfant, et à leur domicile commun, rentre bien, clu fait de cet ensemble de circonstances, dans le champ défini par les lois et règlements régissant l'attribution des allocations familiales, au sens de l'article 4 de la loi du 18 août 1936 la preuve de la réalité du préjudice en question n'est pas rapportée ;
"1°) alors que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que, dans ses conclusions produites devant la cour d'appel, la partie civile a fait valoir la réalité d'une « perte de gains professionnels futurs découlant de la poursuite d'une activité lucrative en secteur privé », justifiée par divers pièces versées aux débats telles que des attestations démontrant la volonté d'employeurs d'embaucher M. Y... durant sa retraite ; que faute d'avoir répondu à cette articulation essentielle développée par la partie civile, la cour d'appel a privé sa décision de hase légale ;
"2°) alors qu'en se prononçant par les motifs reproduits au moyen, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige, violant ainsi les textes susvisés" ;
Sur le quatrième moyen de cassation pour M. Y..., pris de la violation, des articles L.211-13 et L. 211-14 du code des assurances, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a condamné la société GMF à payer à M. Y..., au titre de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances, les intérêts du 31 mars 2006 jusqu'au 29 février 2008 inclus de la somme de 136 606,93 euros calculés au double de celui de l'intérêt légal ;
"aux motifs qu'il ressort du dossier que l'assureur n'a pas formulé d'offre dans le délai de 5 mois suivant la date à laquelle il a été informé de la consolidation des blessures de M. Y..., soit le 31 octobre 2005, date de réception de la copie du rapport d'expertise du docteur Z... avant laquelle il ne pouvait être dit de manière certaine et définitive que cette consolidation était acquise ; qu'il est constant toutefois que l'assureur a formulé une offre, par mémoire daté du 7 février 2008 et reçu au greffe du service des intérêts civils du tribunal correctionnel de Metz, le 13 février 2008 (cote D.85 du dossier transmis à la Cour) ; qu'à cette offre ne s'applique pas le critère de l'offre manifestement insuffisante de l'article L. 211-14, l'essentiel étant qu'elle a bel et bien été formulée ; que le montant à retenir de cette offre, hors toute déduction de la créance du tiers-payeur, était de 136 606,93 C ; qu'il y a donc lieu de dire que l'assureur devra à M. Y... les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur la somme de 136 606,93 euros pour la période ayant couru entre le 31 mars 2006 et le 29 février 2008 inclus (la « fin février 2008 » expressément dans les écriture établies le 12 octobre 2011 aux noms de M. X... et de GMF Assurances) ;
"alors que si le caractère incomplet ou manifestement insuffisant de l'offre, prévu aux articles L. 211-13 et L. 211-14 du code des assurances relève de l'appréciation souveraine des juges du fond, c'est à condition d'apprécier le montant de ladite offre et de vérifier que tous les postes de préjudices ont donné lieu à indemnisation ; qu'en se bornant à indiquer que « à cette offre ne s'applique pas le critère de l'offre manifestement insuffisante de l'article L. 211-14. l'essentiel étant qu'elle a bel et bien été .fonnulée », sans rechercher si l'offre répondait aux conditions exigées par le code des assurances, la cour d'appel a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que victime d'un accident de la circulation, M. Y... a notamment subi un préjudice sexuel et un déficit fonctionnel permanent et a reçu une offre tardive de l'assureur du responsable ;
Attendu que, pour indemniser ces préjudices corporels et rejeter la demande de la victime de condamnation de l'assureur pour offre manifestement insuffisante, la cour d'appel a prononcé dans les termes repris aux moyens ;
Attendu qu'abstraction faite d'un motif erroné mais non déterminant critiqué au deuxième moyen et relatif à l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent, en évaluant, comme elle l'a fait, la réparation du préjudice résultant pour le demandeur de l'atteinte à son intégrité physique et le montant des pénalités qui lui étaient dues au titre des articles L.211-13 et L.211-14 du code des assurances, la cour d'appel n'a fait qu'user, dans les limites des conclusions des parties, de son pouvoir souverain d'appréciation ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Mais sur le moyen unique de cassation proposé pour M. X... et la société GMF assurances, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, du décret n° 60 1089 du 6 octobre 1960 et de l'article 593 du code de procédure pénale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a refusé de déduire des indemnités que M. X..., impliqué dans l'accident de la circulation survenu à M. Y..., a été condamné à payer à la victime, la totalité de l'allocation temporaire d'invalidité servie par l'agent judiciaire du trésor ;
"aux motifs qu'il y avait lieu d'imputer sur le montant total de ces indemnités la somme de 57 600 euros, montant de la transaction intervenue entre la société GMF Assurances, assureur de M. X..., et l'agent judiciaire du trésor ; que, par cette transaction, l'agent judiciaire du trésor avait renoncé à exercer tout recours pour un montant supérieur à 57 600 euros quand bien même l'addition des arrérages versés à M. Y... au titre de l'allocation temporaire d'invalidité dépassait désormais ce montant ; que, n'ayant pas à supporter ce coût, M. X... et la société GMF Assurances étaient sans droit à en opposer la différence à la partie civile ;
"alors que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte, ni profit pour aucune des parties ; qu'en ayant refusé de déduire des indemnités que le prévenu et son assureur ont été condamnés à payer à la victime, l'intégralité des arrérages de l'allocation temporaire d'invalidité versée par l'agent judiciaire du trésor au-delà du capital représentatif de 57 600 euros, au motif inopérant que l'agent judiciaire du trésor avait renoncé à recourir contre l'assureur au-delà de cette somme, la cour d'appel a alloué à la victime une réparation excédant son préjudice" ;Vu lesdits articles ;
Attendu que la réparation dont est tenu, aux termes de l'article 1383 du code civil, l'auteur d'un fait dommageable, si elle doit être égale à la totalité du préjudice subi, ne saurait cependant la dépasser ; qu'il s'en déduit que l'agent de l'Etat victime d'un accident imputable à un tiers, ne peut obtenir de ce dernier l'indemnisation du dommage subi que dans la mesure où ledit dommage ne se trouve pas réparé par les prestations versées par l'employeur ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir confirmé l'évaluation faite par les premiers juges du déficit fonctionnel permanent de la partie civile, a constaté que l'agent judiciaire de l'Etat, qui avait comparu en première instance mais déposé des conclusions de désistement, avait transigé avec l'assureur du responsable sur la réparation des séquelles définitives de l'accident, à hauteur de 57 600 euros, prestation servie à son agent et représentant son incapacité permanente partielle ;
Attendu que, pour rejeter les conclusions du responsable de l'accident et de son assureur la GMF, tendant à voir fixer l'indemnité complémentaire revenant à la victime en déduisant du préjudice corporel constaté à la date de l'arrêt, la totalité des prestations que l'Etat avait servies ou devait servir à la suite de l'accident et en tenant compte notamment des arrérages et du capital représentatif d'une rente d'invalidité, la cour d'appel énonce que, par la transaction conclue, qui a force d'autorité de la chose jugée, l'agent judiciaire de l'Etat a renoncé à exercer tout recours pour un montant supérieur à celui qui a fait l'objet de cette transaction, quand bien même l'addition des arrérages versés à M. Y... au titre de l'allocation temporaire d'invalidité et du capital constitutif de cette allocation dépasse désormais ce montant ; que n'ayant pas à supporter ce surcoût, le défendeur à l'action civile et son assureur sont sans droit à en opposer la différence à la partie civile ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la partie civile ne pouvait prétendre à une indemnité complémentaire que dans la mesure du préjudice subsistant après déduction de la valeur des prestations qu'elle recevait effectivement de l'Etat, sans qu'il fut d'aucune influence a cet égard que le tiers ait pu se libérer envers la collectivité publique par le versement d'une somme inférieure convenue aux termes d'une transaction, qui ne pouvait ni nuire ni profiter a la victime, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'ou il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
I - Sur le pourvoi de M. Y... :
Le REJETTE ;
II - Sur les autres pourvois :
CASSE et ANNULE, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Metz, en date du 9 décembre 2011, en ses seules dispositions ayant dit n'y a voir lieu de déduire de l'indemnisation dûe à M. Y... les arrérages de la rente d'invalidité et le capital représentatif de celle-ci, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 000 euros la somme globale que M. Y..., partie civile, devra payer à M. X... et à la société d'assurances Garantie mutuelle des fonctionnaires-assurances, au titre de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit de M. Y..., de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Metz et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Fossier conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Couffrant ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-81210
Date de la décision : 12/02/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 09 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 fév. 2013, pourvoi n°12-81210


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Blanc et Rousseau, SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.81210
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award