LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jean X... et Suzanne Y..., son épouse, décédés respectivement en 2005 et 2004 ont laissé pour leur succéder leurs trois enfants MM. Pierre et Jacques X... et Mme Annette X..., épouse Z... ; que des difficultés sont nées pour la liquidation et le partage des indivisions successorales, notamment quant aux rapports de donations ;
Sur le premier moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que, pour rejeter la demande de rapport aux successions de ses parents de la donation faite à Mme Annette Z... pour un montant de 160 000 francs, l'arrêt retient, d'une part, que dans une note adressée à Pierre et Marie-Rose X..., son épouse, le 16 juin 1987, dont l'authenticité n'est pas contestée, Jean X..., mentionne deux autres donations de 160 000 francs chacune faites respectivement à Jacques et Annette, et, d'autre part, constate que les éléments produits devant elle sont tout aussi insuffisants que devant le tribunal pour constituer la preuve dune telle donation ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs contradictoires, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande de rapport de la donation faite à Mme Annette Z... pour un montant de 160 000 francs aux successions de Jean X... et Suzanne Y..., épouse X..., l'arrêt rendu le 19 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne M. et Mme Pierre X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils, pour M. Jacques X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que Monsieur Pierre X... sera tenu de rapporter aux successions de ses parents une valeur correspondant à 44, 5 % du prix de vente de l'appartement sis... à PARIS XIVème.
AUX MOTIFS QUE « selon un document daté du 13 décembre 1971 que Pierre et Marie Rose X... ne contestent pas avoir signé, ces derniers ont reconnu avoir reçu 285. 000 francs (43. 447, 97 €) afin de leur permettre d'acquérir un appartement et une chambre de bonne au..., le prix total de cette acquisition, frais d'acte inclus, s'élevant à 318. 600 francs, la différence, soit 33. 600 francs étant réglée par Pierre et Marie Rose X... à l'aide d'un prêt souscrit auprès de la Compagnie Générale des Eaux. Ce document précise, in fine, que « Pierre et Marie Rose reconnaissent que lesdits lots seront évalués au jour du partage ». Il n'est pas contesté que les 285 000 francs ont été versés par Jean X....
Dans une note adressée à Pierre et Marie Rose X... le 16 juin 1987, dont l'authenticité n'est pas contestée, Jean X..., qui y mentionne par ailleurs deux autres donations de 160. 000 francs chacune faites respectivement à Jacques et Annette, s'inquiétait de l'équilibre des donations par lui effectuées au profit de chacun des trois enfants, au motif essentiel que le versement constaté dans le document du 13 décembre 1971 ne pourrait être considéré que comme une donation, et à ce titre, toujours selon Jean X..., insusceptible d'être « réévaluée le jour du partage ».
Il résulte tant de la combinaison de ces deux pièces, que du « journal de bord » tenu par Suzanne Y... entre 1984 et 2004 et des termes mêmes du présent litige, qui démontrent que feus les époux Jean X... ont très largement transmis leur patrimoine à leurs enfants par dons manuels, que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le versement de 285. 000 francs de 1971 au profit de Pierre et Marie Rose X... ne peut constituer un prêt, faute de toute obligation de rembourser stipulée et ne peut donc s'analyser que comme une donation, peu important à cet égard qu'elle n'ait pas été régularisée par acte authentique. Il est également établi, et aucune des parties ne le conteste, que cet argent a été utilisé, conformément à ce qui avait été prévu, pour l'acquisition de l'appartement de la ....
En outre, les pièces ci-dessus analysées démontrent sans aucune ambiguïté que, dans l'esprit des parties, la donation était, lorsqu'elle a été consentie et acceptée, rapportable pour le montant de la valeur du bien acquis au jour du partage.
Pierre et Marie Rose X... ne peuvent valablement soutenir à ce propos que les écrits pris en 1999 par Suzanne Y... ont eu pour effet de faire disparaître l'obligation d'actualiser la valeur de l'appartement au jour du partage.
En effet, rien ne permet de considérer que la volonté prêtée à Suzanne Y... sur ce point ait également été celle de Jean X..., décédé postérieurement, alors que les époux vivaient séparés depuis des années, et qu'il n'est pas contesté que la donation de 1971 a été consentie par Jean X... seul, l'origine des fonds, propres ou communs, n'étant d'ailleurs pas précisée.
En outre, les écrits laissés par Suzanne Y... soit les notes datées du 1er novembre 1999 dans son « journal de bord » et ses deux testaments datés du 10 novembre 1999, concernant respectivement ses biens en Israël et ses biens en France ne permettent pas de lui attribuer une telle volonté. En effet, dans ses notes du 1er novembre 1999, elle indique bien qu'elle refait son testament, et détaille d'une part l'attribution des appartements de Jérusalem, et, d'autre part les parts de ses enfants sur ses biens en France, qu'elle souhaite égales. Or elle rappelle seulement qu'il y aura lieu détenir compté de l'avancement d'hoirie de 400. 000 francs reçu par Jacques pour la construction de sa maison, que Pierre « a un papier pour la ... 1/ 5 lui appartenant et 4/ 5 seront à répartir entre les trois enfants », et que Annette a reçu une avance (minime) pour l'achat de la maison d'Oranit », ce qui, dans la mesure où elle ne vise que des proportions pour la ..., va dans le sens d'un partage portant sur la valeur de l'appartement au jour du partage. Le fait que dans les deux testaments rédigés dix jours plus tard, elle a indiqué révoquer tous testaments antérieurs, sans autre précision, ne peut autoriser à en déduire qu'aurait ainsi disparu l'obligation d'évaluer l'appartement de la ... à la date la plus proche du partage prévue par le document du 13 décembre 1971, puisque cette mention n'était qu'un rappel des prescriptions légales applicables à défaut de dispositions testamentaires, et que rien ne permet de considérer, ni dans la lettre ni dans l'esprit des deux testaments du 10 novembre 1999, que la réévaluation de l'appartement était dorénavant exclue.
Dès lors, le montant du rapport devra être fixé, en application des articles 860 et 860-1 du Code civil, en tenant compte de la valeur de l'appartement lors de sa revente en août 2010. Plus précisément, les sommes données étant égales à 89 % du prix d'achat de 1971, le montant du rapport devrait être de 89 % du prix de revente de l'appartement en 2010. Cependant en application de l'article 849 du Code civil alinéa 2 qui dispose que si le don est fait conjointement à deux époux, dont l'un seulement est successible ce qui est le cas en l'espèce, celui-ci en rapporte la moitié.
Le rapport ne sera donc que de la moitié de cette somme, soit 44, 5 % du prix de vente de l'appartement sis... à Paris 14 ème hors commission d'agence, stipulé à l'acte du 11 août 2010, à la charge du seul Pierre X.... La demande formée de ce chef contre Marie Rose A... a justement été rejetée.
En l'absence de tout élément démontrant que les fonds initialement donnés constituaient des biens propres de Jean X..., ce rapport se fera par moitié au profit de chacune des successions » (arrêt p. 5 dernier alinéa, p. 6 et p. 7 alinéas 1 et 2).
1°) ALORS QUE le juge ne peut fonder sa décision sur un moyen qu'il a relevé d'office sans avoir invité les parties à en discuter contradictoirement ; que la Cour d'appel a relevé qu'en application de l'article 849 du Code civil alinéa 2 qui dispose que si le don est fait conjointement à deux époux, dont l'un seulement est successible, ce qui est le cas en l'espèce, celui-ci en rapporte la moitié, et en a déduit que le rapport ne sera donc que de la moitié des 89 % du prix de revente de l'appartement de la ... à Paris 14ème en 2010, soit 44, 5 % du prix de vente dudit appartement, à la charge du seul Monsieur Pierre X... ; qu'en relevant d'office ce moyen tiré de l'application de l'article 849 du Code civil, sans avoir invité les parties à en discuter contradictoirement, la Cour d'appel a violé l'article 16 du Code de procédure civile.
2°) ALORS QU'en tout état de cause, si les dons et legs sont faits conjointement à deux époux, dont l'un seulement est successible, celui-ci en rapporte la moitié ; que la Cour d'appel a constaté que dans une note adressée à Monsieur Pierre X... et à Madame Marie-Rose X... le 16 juin 1987, Monsieur Jean X... « s'inquiétait de l'équilibre des donations par lui effectuées au profit de chacun des trois enfants », que « feux les époux Jean X... ont très largement transmis leur patrimoine à leurs enfants par dons manuels » et qu'il résulte des écrits laissés par Suzanne Y... que « Pierre a un papier pour la ... 1/ 5 lui appartenant et 4/ 5 seront à répartir entre les trois enfants » » ; qu'il en résulte que la somme de 285. 000 Frs a en réalité été donnée exclusivement à Monsieur Pierre X... ; qu'en se fondant sur l'article 849 du Code civil alinéa 2, pour en déduire que le rapport ne sera donc que de la moitié des 89 % du prix de revente de l'appartement de la ... à Paris 14ème en 2010, soit 44, 5 % du prix de vente dudit appartement, à la charge du seul Pierre X..., sans rechercher s'il ne résultait pas des constatations de l'arrêt que Monsieur Jean X... avait entendu effectuer ce don de 285. 000 Frs au seul profit de son fils Pierre et en aucun cas à Madame A..., la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 849 du Code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande formée par Monsieur Jacques X... de rapport de la donation consentie à Madame Annette X... épouse Z....
AUX MOTIFS PROPRES QUE «- concernant les donations consenties par Jean X... de 160 000 francs (24. 991, 84 €) chacun faites à Jacques et Annette X... : Les dispositions du jugement critiqué sur la donation au profit de Jacques X... ne font l'objet d'aucune observation et seront donc confirmées. En ce qui concerne la donation de même montant qui aurait été consentie au profit d'Annette X..., force est de constater que les éléments produits devant la Cour sont tout aussi insuffisants que devant le tribunal pour en constituer la preuve, et la Cour, adoptant, les motifs pertinents retenus par le tribunal, confirmera le jugement et rejettera les demandes de Jacques X... sur ce point » (arrêt p. 7) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES DU PREMIER JUGE QUE « B/ Sur la demande de rapport de donations : 7- La prétention par laquelle Jacques X... se borne, au dispositif de son assignation, à réclamer « le rapport à la succession de Monsieur et Madame X... des donations antérieures consenties à leurs 3 enfants » s'avère indéterminée dès lors qu'il s'est abstenu de préciser la date et le montant de chacune des donations dont il prétend faire état. Tout au plus, il résulte des motifs de l'assignation, que Jacques X... paraît faire référence à deux sommes de 160000 Francs qui auraient été données par Jean X... d'une part, à lui-même, d'autre part, à Annette X... épouse Z..., enfin, à une somme de 285000 Francs, qui aurait été donnée, selon une reconnaissance de dette du 13 décembre 1971, à Pierre X... et son épouse. Le Tribunal se bornera donc à examiner ces trois donations supposées. 8- S'agissant de la donation faite à Annette X..., qui est défaillante, la preuve n'est pas rapportée, dès lors que Jacques X... se borne à présenter la photocopie d'un document manuscrit du 16 juin 1987 dont l'auteur, qui serait Jean X..., n'est pas identifiable, alors qu'il n'est présenté aucune autre pièce pour justifier de la date, semble-t-il courant 1985, et du montant de cette donation, et notamment, aucune lettre ou écrit émanant de la bénéficiaire dont se déduirait l'aveu de cette donation. En réalité, il suffit de relever que l'auteur de ce document manuscrit fait référence à un acte notarié qui aurait été dressé, en application de l'article 931 du Code civil, pour constater que, non seulement, cette donation n'est pas déguisée, mais encore qu'il suffisait de produire cet acte, ou de le faire produire, pour en justifier. Il est non moins évident que la consultation de cet acte est nécessaire pour vérifier si la donataire a été exemptée du rapport. Cette prétention sera rejetée en l'état en l'absence de production de l'acte de donation. » (jugement p. 11) ;
1°) ALORS QU'en se bornant à relever qu'il suffisait de produire l'acte notarié de donation ou de le faire produire pour justifier de la donation faite à Mme Annette X... par M. Jean X... sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'exposant n'était pas dans l'impossibilité matérielle de produire ledit acte dès lors qu'il n'avait pas connaissance du notaire ayant établi l'acte et que Mme Annette X... ne souhaitait pas intervenir dans ce procès (cf. arrêt p. 4), la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 843 du Code civil ;
2°) ALORS QU'en tout état de cause, en relevant que dans une note adressée à M. Pierre X... et à Mme Marie Rose X... le 16 juin 1987, dont l'authenticité n'était pas contestée, Monsieur Jean X... mentionnait deux donations de 160. 000 francs chacune faites respectivement à Jacques et Annette tout en affirmant, pour dire que la preuve de la donation faite à Mme Annette X... n'était pas rapportée, que l'auteur du document manuscrit du 16 juin 1987, qui serait Jean X..., n'était pas identifiable et que les mentions figurant sur ce document relatives à la date et au montant étaient insuffisantes, la Cour d'appel s'est contredite en violation de l'article 455 du Code de procédure civile.