La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2013 | FRANCE | N°12-80409

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 janvier 2013, 12-80409


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M.Thierry X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 6 décembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre M. Sosefo Y... du chef de blessures involontaires aggravées et infractions au code de la route, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu que, par jugement du tribunal correctionnel de Nouméa, en d

ate du 28 août 2008, M. Y... a été déclaré coupable de blessures involontaires aggravées su...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- M.Thierry X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel de NOUMÉA, chambre correctionnelle, en date du 6 décembre 2011, qui, dans la procédure suivie contre M. Sosefo Y... du chef de blessures involontaires aggravées et infractions au code de la route, a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Attendu que, par jugement du tribunal correctionnel de Nouméa, en date du 28 août 2008, M. Y... a été déclaré coupable de blessures involontaires aggravées sur la personne de M. X..., consécutives à un accident de la circulation, et tenu à réparation intégrale des préjudices subis par celui-ci ; qu'après expertise médicale, il a, le 26 avril 2011, condamné M. Y... à payer diverses sommes à M. X... ; que, sur appels de la partie civile, de l'agent judiciaire de l'Etat et de l'assureur du prévenu, la cour d'appel a, le 6 décembre 2011, réformé partiellement le jugement déféré ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil, des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe de la réparation intégrale du préjudice ;

"en ce que, la cour d'appel a condamné M. Y... à verser à M. X..., au titre du solde de l'indemnisation du préjudice soumis à recours, la somme de 1 361 589 francs CFP ;

"aux motifs que, les débours avancés par l'Etat pour le compte de son salarié se composent des frais médicaux pour la somme de 906 850 francs CFP, du traitement versé pendant l'incapacité temporaire de travail pour la somme de 1 461 613 francs CFP et de la pension militaire d'invalidité dont le capital représente la somme de 4 162 117 francs CFP ; qu'au vu de ces éléments, la créance de l'Etat représente un total de 6 530 580 francs CFP (arrêt, p. 11 et 12) ;

"et aux motifs qu'au vu des éléments qui précèdent, l'assiette de l'indemnisation des préjudices soumis à recours s'élève à la somme de 12 054 286 (6 530 580 + 927 206 + 264 000 + 882 200 + 3 450 300) ; que le recours de l'Etat représente la somme de 6 530 580 francs CFP ; que le solde brut représente la somme de 5 523 706 francs CFP de laquelle il convient de déduire le capital représentatif de la pension militaire d'invalidité pour obtenir le solde net revenant à la victime, M. X..., soit 5 523 706 - 4 162 117 = 1 361 589 francs CFP (arrêt, p. 14 et 15) ;

"alors que, le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ; qu'en déduisant deux fois du montant de l'indemnisation due à la partie civile au titre des préjudices soumis à recours le capital représentatif de la pension d'invalidité, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1382 du code civil et 2 du code de procédure pénale" ;

Vu les articles 1382 du code civil, 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985 ;

Attendu que le préjudice résultant d'une infraction doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit pour aucune des parties ;

Attendu qu'après avoir fixé les préjudices soumis à recours à la somme globale de 12 054 286 francs CFP et déduit de cette somme celle de 6 530 580 francs CFP, correspondant au recours de l'Etat, dont 4 162 117 francs CFP au titre du capital représentatif de la pension militaire d'invalidité, l'arrêt retient que le solde brut revenant à M. X... s'élève à la somme de 5 523 706 francs CFP et le solde net à la somme de 1 361 589 francs CFP, déduction faite de celle, précitée, de 4 162 117 francs CFP ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, en déduisant deux fois du montant de l'indemnisation due à la partie civile, au titre des préjudices soumis à recours, le capital représentatif de la pension militaire d'invalidité, la cour d'appel a méconnu les textes sus-visés et le principe ci-dessus rappelé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Et sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 1382 du code civil, des articles 2, 3, 591 et 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, violation du principe de la réparation intégrale du préjudice ;

"en ce que, la cour d'appel, sur l'indemnisation de l'incidence professionnelle, a dit que cette indemnisation s'élevait à la somme de 3 450 300 francs CFP et a condamné M. Y... à verser cette somme à M. X... ;

"aux motifs que, le premier juge a accordé à M. X... la somme de 3 450 300 francs CFP au titre de l'indemnisation de son préjudice professionnel ; que cette décision vise l'inaptitude aux opérations de maintien de l'ordre, aux opérations extérieures et aux opérations en outre mer ; que, pour parvenir à cette somme, le premier juge s'est fondé sur la base d'une perte annuelle moyenne de 862 575 francs CFP constatée sur les années 2008 et 2009 ; qu'il a également pris en compte la limite d'âge relative aux opérations extérieures, soit l'âge de 50 ans ; que la somme allouée à M. X... a été calculée sur une période de quatre années (arrêt, p. 13, § 2 et suiv.) ;

"aux motifs, encore, qu'il appartient à M. X... de rapporter la preuve de l'existence du préjudice qu'il invoque et du lien de causalité entre ledit préjudice et le fait générateur, à savoir l'accident de circulation du 16 avril 2008 ; que M. X... a versé aux débats un certificat médico-administratif d'aptitude, établi le 17 mars 2010, présentant une durée de validité d'un an, et qui comporte les mentions suivantes : aptitude générale au service, aptitude aux opérations extérieures et missions de courte durée OM (outre mer), aptitude à l'emploi de conducteur (….), aptitude CCPM, inapte - restriction d'emploi, exempt maintien de l'ordre ; que force est de constater qu'en cause d'appel M. X... fait référence à cette même pièce déposée en première instance dont la validité est limitée au mois de mars 2011 mais ne procède à aucune forme d'actualisation de sa situation au regard de son aptitude à exercer les différentes missions susceptibles de lui être confiées en sa qualité de gendarme mobile ; que la pièce 50 versée à l'appui de ses dernières écritures n'apporte aucun élément probant quant à l'évolution de sa situation personnelle actuelle en matière d'aptitude au service ; qu'en définitive, les demandes présentées par M. X..., qui ne reposent que sur des considérations hypothétiques, ne sauraient prospérer ; qu'il convient également de relever que ces demandes se confondent avec celles présentées en première instance, au titre de l'incidence professionnelle et qui ont été indemnisées par le premier juge à hauteur de 3 450 300 francs CFP ;

"et aux motifs adoptés que M. X... soutient également qu'il subit une perte d'avancement de carrière et ne pourra bénéficier d'aucun avancement de carrière ; qu'il sera cependant relevé que M. X... a été promu le 1er octobre 2009 au grade d'adjudant et son évaluation signée le 12 février 2010 montre qu'il pourra à terme accéder au grade supérieur (jugement déféré, p. 14, § 4 et suiv.) ;

1°) "alors que, M. X... faisait valoir que, par décision de mars 2011, la gendarmerie nationale avait supprimé la limite d'âge pour les affectations, en outre mer, ainsi que pour les services en opérations extérieures (conclusions de M. X..., p. 8, § 1 et suiv.) ; qu'en limitant le montant de l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité pour M. X... de percevoir la rémunération complémentaire pour des services en outre mer ou en opérations extérieures à hauteur des sommes que l'intéressé aurait reçu jusqu'à l'âge de 50 ans, soit pendant quatre années seulement, sans répondre au moyen pris de ce qu'en raison de la suppression de cette limite d'âge le préjudice était constitué par l'impossibilité de percevoir cette rémunération jusqu'à 59 ans, soit pendant quatorze années, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;

2°) "alors qu'il résulte de la pièce n° 24 produite aux débats et citée dans les conclusions d'appel de M. X... (conclusions d'appel, p. 7, § 3) la présence au dossier soumis à la cour d'appel d'un certificat médical, établi le 4 janvier 2011 pour une durée de validité d'un an attestant l'inaptitude de M. X... à exercer certaines missions et confirmant les constatations du certificat médical du 17 mars 2010 ; qu'en conséquence, en retenant que M. X... se limitait à produire le certificat précité du 17 mars 2010 et qu'il ne procédait à aucune actualisation de sa situation au regard de son inaptitude à exercer différentes missions, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision ;

3°) "alors, en outre, que le préjudice lié à l'impossibilité de réaliser des missions donnant lieu à des rémunérations complémentaires ne se confond pas avec le préjudice lié à la perte d'avancement de carrière ; qu'en retenant que la demande de M. X... tendant à l'indemnisation de l'absence d'avancement de grade et des incidences de cette absence d'avancement sur les droits à pension de retraite se confondait avec la demande tendant à l'indemnisation de la perte des revenus complémentaires liée à l'impossibilité de réaliser certaines missions, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale du préjudice, ensemble les articles 1382 du code civil et 2 du code de procédure pénale ;

4°) "alors que M. X... faisait valoir que la promotion dont il avait bénéficié le 1er octobre 2009 était prévue depuis deux ans et était intervenue avant le dépôt du rapport d'expertise à une date où les séquelles de l'accident n'étaient pas encore connues et qu'elle ne pouvait, pour ces raisons, exclure l'existence d'un préjudice lié à l'impossibilité pour l'intéressé de bénéficier, à raison de ces séquelles, du moindre avancement (conclusions d'appel, p. 10, § 5) ; qu'en se bornant, par adoption de motifs, à constater que la promotion en question montrait que M. X... pouvait encore bénéficier d'un avancement sans répondre au moyen soulevé par l'intéressé, la cour d'appel n'a pas légalement motivé sa décision" ;

Vu l'article 593 du code de procédure pénale ;

Attendu que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l'insuffisance ou la contradiction de motifs équivaut à leur absence ;

Attendu que, pour fixer l'indemnisation de l'incidence professionnelle à la somme de 3 450 300 francs CFP, la cour d'appel énonce, notamment que le premier juge a pris en compte la limite d'âge relative aux opérations extérieures, soit l'âge de 50 ans, et que M. X..., à qui il appartient de rapporter la preuve de l'existence du préjudice qu'il invoque, a versé aux débats un certificat médico-administratif d'aptitude établi le 17 mars 2010, présentant une durée de validité d'un an, sans procéder à aucune forme d'actualisation de sa situation au regard de son aptitude à exercer les différentes missions susceptibles de lui être confiées en sa qualité de gendarme mobile ;

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions de la partie civile qui faisait valoir que la suppression de la limite d'âge pour postuler à une affectation outre-mer, à l'étranger ou pour servir en opérations extérieures avait été décidée en mars 2011, ainsi que son inaptitude à exercer certaines missions de la gendarmerie, et produisait une décision du mois de mars 2011 du directeur de la gendarmerie nationale et un certificat médico-administratif d'aptitude du 4 janvier 2011, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;

D'où il suit que la cassation est à nouveau encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nouméa, en date du 6 décembre 2011, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nouméa, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nouméa, sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Pers conseiller rapporteur, M. Arnould conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-80409
Date de la décision : 29/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nouméa, 06 décembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 jan. 2013, pourvoi n°12-80409


Composition du Tribunal
Président : M. Louvel (président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Boutet, SCP Monod et Colin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.80409
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award