La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2013 | FRANCE | N°11-28596

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 29 janvier 2013, 11-28596


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Poste est titulaire d'une marque verbale "la poste" déposée le 9 août 2002, enregistrée sous le n° 02 3 179 236, pour désigner les produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38 à 42 et 45, de trois marques semi-figuratives "la poste" déposées respectivement le 7 décembre 1989 et enregistrée sous le n° 1 572 869 pour désigner des produits et services en classes 9,12, 16, 18, 22, 25, 28, 35 à 42, le 14 février 1995 et enregistrée sous le n° 95

558 825 pour désigner des produits et services en classes 16, 35, 36,39 et ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société La Poste est titulaire d'une marque verbale "la poste" déposée le 9 août 2002, enregistrée sous le n° 02 3 179 236, pour désigner les produits et services des classes 9, 16, 35, 36, 38 à 42 et 45, de trois marques semi-figuratives "la poste" déposées respectivement le 7 décembre 1989 et enregistrée sous le n° 1 572 869 pour désigner des produits et services en classes 9,12, 16, 18, 22, 25, 28, 35 à 42, le 14 février 1995 et enregistrée sous le n° 95 558 825 pour désigner des produits et services en classes 16, 35, 36,39 et 41, le 6 décembre 1999 et enregistrée sous le n° 99 827 240 pour désigner des produits et services en classes 9, 16, 35, 36, 38, 39, 41 et 42, de la marque verbale "ecopli" déposée le 4 avril 1989 et enregistrée sous le n° 1 522 302 pour désigner des produits et services en classes 9, 16 et 39 et de la marque "postimpact" déposée le 5 juin 1987 et enregistrée sous le n° 1 465 533 pour désigner des produits et services en classes 9, 16, 35,38, 39, 41 et 42 ; qu'ayant eu connaissance que la société Esker, éditeur de logiciels spécialisés dans la dématérialisation de documents, utilisait sur son site internet "flydoc" les termes "ecopli" et "postimpact", ainsi que les dénominations "premier bureau de poste électronique privé" et "bureau de poste électronique" et qu'elle avait également mis en ligne un site internet dénommé www.lesvictimesducourrier.com., la société La Poste l'a fait assigner en contrefaçon de marques et pour actes de concurrence déloyale ; que, devant la cour d'appel, la société Esker a sollicité la déchéance des droits de la société La Poste sur les quatre marques "la poste" ainsi que sur la marque "ecopli" ;
Sur le second moyen, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :
Attendu que la société Esker fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée pour contrefaçon des marques "ecopli" et "postimpact", alors, selon le moyen :
1°/ que seul peut être interdit, au moyen de l'action en contrefaçon, l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire à la marque pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée ; qu'en l'espèce, la société Esker faisait valoir qu'elle n'avait utilisé le terme "ecopli" qu'à titre d'information comme une option d'affranchissement et que les services d'affranchissement ne sont pas visés par la marque "ecopli" de La Poste ; qu'en se bornant à affirmer que la société Esker aurait reproduit sur ses sites la marque "ecopli" pour des services identiques à ceux de la société La Poste, sans préciser de quel service il s'agissait, la cour d'appel, qui n'a pas ainsi justifié qu'il s'agissait d'un service visé par la marque "ecopli" et non pas seulement d'un service rendu par la société La Poste a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de propriété intellectuelle ;
2°/ qu'en relevant que la société Esker ne soulevait aucun moyen pour contester la contrefaçon de la marque "postimpact" cependant que cette société faisait valoir qu'elle n'avait commis aucun acte de contrefaçon des marques "ecopli" et "postimpact" en utilisant celles-ci pour préciser les différents coûts d'affranchissement, la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de cette société, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
3°/ que les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l'article 5 de la Directive n° 89/104, n'autorisent l'exercice du droit conféré par ces articles que dans les cas où l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ; qu'en retenant que la société Esker aurait commis des actes de contrefaçon des marques "ecopli" et "postimpact", sans constater que l'usage qu'elle a fait de ces signes serait susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de ces marques ou d'accréditer l'existence d'un lien matériel entre les services proposés par la société Esker et la société La Poste, titulaire des marques litigieuses, la cour d'appel a violé les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la Directive (CE) n° 89/104, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
Mais attendu, en premier lieu, que la société Esker ayant fait valoir dans ses écritures devant la cour d'appel que la protection de la marque "ecopli" était revendiquée pour un service d'expédition de courrier à tarif économique, n'est pas recevable à soutenir à présent un moyen contraire à ses écritures ;
Et attendu, en second lieu, que l'arrêt relève par motifs adoptés que les marques "ecopli" et "postimpact" sont reproduites à l'identique sur le site internet www.flydoc.fr de la société Esker pour des services identiques à ceux de la société La Poste ; qu'il relève encore que les marques utilisées ne sont pas nécessaires pour renseigner les cocontractants de la société Esker sur la destination de son service de publipostage, dès lors qu'elle peut, sans recourir à ces signes, les informer sur les caractéristiques de ses prestations, que ce soit en termes de délais ou de coût ; que de ces constatations et appréciations, dont il résulte que la société Esker n'a pas utilisé les termes "ecopli" et "postimpact" pour présenter les services offerts par la société La Poste mais son propre service de publipostage, la cour d'appel a pu, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la deuxième branche, déduire que la société Esker avait commis des actes de contrefaçon des marques "ecopli" et "postimpact" ;
D'où il suit qu'irrecevable en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour condamner la société Esker pour contrefaçon des marques n° 1 572 869, n° 95 558 825 et n° 99 827 240, l'arrêt, après avoir retenu que le dépôt d'une marque comportant à la fois des éléments verbaux et des éléments figuratifs peut protéger cette marque contre l'usage des éléments verbaux sans graphisme particulier ou avec un graphisme différent, relève que, compte tenu de la situation de monopole dont la société La Poste ou ses prédéceseurs ont bénéficié depuis plusieurs siècles, l'expression incriminée "bureau de poste" renvoie immanquablement, en France, à la société La Poste, seule habilitée à en ouvrir, et que l'adjonction des adjectifs "électronique" et "privé" n'est pas de nature à prévenir le risque de confusion ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs tirés exclusivement de l'examen de l'élément verbal commun aux signes en présence sans comparer l'impression d'ensemble produite par chacun des signes en prenant en compte tous les facteurs pertinents, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi l'élément verbal "poste" serait dominant et en quoi l'élément figuratif de chacune des marques n° 1 572 869, 95 558 825 et 99 827 240 était insignifiant et ne pouvait constituer un facteur pertinent, n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur ce moyen, pris en sa troisième branche :
- Sur la recevabilité du moyen, contesté par la défense :
Attendu que la société La Poste soutient que le moyen est nouveau ;
Mais attendu que la société Esker a fait valoir, dans ses écritures d'appel, que les termes "bureau de poste" constituaient une expression d'usage courant qui ne désigne pas nécessairement les établissements La Poste et qu'au sein des termes litigieux "bureau de poste électronique", le mot "poste" n'était pas utilisé à titre de marque mais comme mot du langage courant ;
- Et sur le moyen :
Vu l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour condamner la société Esker pour contrefaçon de la marque verbale n° 02 3 179 236 et des marques semi-figuratives "la poste", l'arrêt relève que l'expression "bureau de poste" renvoie à la société La Poste dès lors que celle-ci, eu égard à sa situation de monopole pendant plusieurs siècles, a été la seule autorisée à en ouvrir sur le territoire national et que le public sera amené à croire que l'expression "bureau de poste électronique privé" correspond à une évolution moderne du service traditionnel de bureau de poste offert par la société La Poste ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la société La Poste n'était plus en situation de monopole, à la date des faits incriminés, pour proposer un service de bureau de poste, ce dont il résultait qu'elle ne pouvait s'opposer à l'utilisation, dans leur sens courant, des termes "bureau de poste" au sein des expressions "premier bureau de poste électronique" et "bureau de poste électronique" pour désigner une telle activité ouverte à la concurrence, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
Sur ce moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 625 du code de procédure civile ;
Attendu que la condamnation de la société Esker au titre de l'atteinte à la dénomination sociale La Poste étant fondée sur les motifs pour lesquels la cour d'appel a retenu sa condamnation au titre de la contrefaçon des marques "la poste", la cassation à intervenir sur le premier moyen entraîne par voie de conséquence la cassation de la partie du dispositif de l'arrêt condamnant la société Esker pour atteinte à la dénomination sociale de la société La Poste ;
Et sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle ;
Attendu que pour rejeter la demande en déchéance des droits de la société La Poste sur la marque "ecopli", l'arrêt relève que les documents produits par cette société démontrent qu'elle en a fait un usage sérieux puisque parmi eux figurent plusieurs exemplaires des conditions contractuelles "ecopli grand compte" et "contrat courrier industriel de gestion" et des tarifs applicables "ecopli" allant d'octobre 2006 à juin 2009 ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans caractériser en quoi ces documents justifiaient d'un usage sérieux de la marque "ecopli" par la société La Poste pour chacun des produits ou services couverts par son enregistrement et visés par la demande en déchéance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Esker avait contrefait les marques n° 1 572 869, 95 558 825, 99 827 240, 02 3 179 236 et porté atteinte à la dénomination sociale La Poste, condamné de ces chefs la société Esker au paiement de diverses sommes et à retirer de ses sites les termes "bureau de poste" sous astreinte, rejeté la demande en déchéance des droits de la société La Poste sur la marque n° 1 522 302 l'arrêt rendu le 20 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;
Condamne la société La Poste aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Esker la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Esker.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'en utilisant les termes « bureau de poste », la société ESKER avait contrefait les marques LA POSTE enregistrées sous les numéros 1 572 869, 95 558 825, 99 827 240 et 02 3 179 236 et porté fautivement atteinte à la dénomination sociale LA POSTE, condamné la société ESKER à payer la société LA POSTE les sommes de 25.000 € en réparation du préjudice résultant de ces actes de contrefaçon et 25.000 € en réparation du préjudice résultant de l'atteinte à la dénomination sociale LA POSTE, condamné, sous astreinte, la société ESKER à retirer de ses sites Internet les termes « bureau de poste » et ordonné des mesures de publication ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la déchéance des marques LA POSTE : pour conclure au rejet des demandes de LA POSTE, la société ESKER objecte que les quatre marques déposées ne sont pas exploitées pour l'ensemble des produits et services qu'elles désignent et sont donc soumises à déchéance pour défaut d'exploitation, conformément à l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle ; que pour être fondée à soulever la déchéance liée à l'absence d'exploitation, la société ESKER doit justifier être « intéressée » au sens de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, comme le lui oppose LA POSTE ; que l'examen des dépôts des deux marques ESKER et FLYDOC permet de s'en assurer dès lors que les produits et services qu'ils recouvrent sont identiques à ceux pour lesquels les marques LA POSTE ont été déposées ; qu'en ce qui concerne l'absence d'exploitation des marques LA POSTE pour les produits et services par les dépôts correspondants relatifs, aux termes des conclusions de la société ESKER « à l'envoi de courrier par l'intermédiaire d'Internet, de services de publipostage, de la gestion de fichiers informatiques, de services de saisie de données et de documents électroniques dans une base de données, des progiciels », il doit être relevé que ce moyen n'ayant été soulevé par la société ESKER qu'à hauteur d'appel et aux termes de ses conclusions récapitulatives en date du 25 mars 2010, l'usage sérieux dont la démonstration incombe à LA POSTE doit être établi pendant la période allant du 25 mars 2005 au 25 mars 2010 ; que les documents versés aux débats par LA POSTE, notamment les rapports d'activité et de développement responsable du groupe LA POSTE pour les années 2007 et 2008 permettent de s'assurer suffisamment de l'exploitation des marques LA POSTE pour ces produits ; que la déchéance invoquée par ESKER est rejetée ; Sur l'absence de risque de confusion (sic) : que la société ESKER plaide ensuite que les marques LA POSTE invoquées sont des marques semi-figuratives combinant le logo traditionnel de LA POSTE et la dénomination LA POSTE, selon des couleurs et des graphismes particuliers de sorte qu'il ne peut exister aucun risque de confusion entre ces marques et les expressions « premier bureau de poste électronique privé » et « bureau de poste électronique » figurant sur son site ; qu'il convient de rappeler que le dépôt d'une marque comportant à la fois des éléments verbaux et des éléments figuratifs, comme en l'espèce respectivement les termes LA POSTE et leurs graphismes spécifiques, peut protéger cette marque contre l'usage des signes verbaux sans graphisme particulier ou dans un graphisme différent ; que pour que cette protection puisse être revendiquée, il appartient au titulaire de la marque de démontrer qu'un risque de confusion existe entre les termes employés et la marque protégée ; qu'en l'espèce, la société LA POSTE fait valoir que les marques LA POSTE bénéficient d'une notoriété exceptionnelle dès lors que le terme « poste » ne désigne pas une activité quelconque mais exclusivement l'activité traditionnelle de la société LA POSTE, c'est-à-dire l'activité de transport et de distribution de courrier et de colis postaux pour laquelle elle bénéficiait, depuis le XVIIème siècle, et jusqu'à une période récente, d'un monopole total ; qu'elle soutient, se fondant sur différents textes et documents qu'elle verse aux débats, que l'appellation « le bureau de poste » caractérise exclusivement un établissement de la société LA POSTE ; qu'elle communique, en outre, les résultats d'un sondage aux termes duquel l'utilisation de l'expression « bureau de poste » fait penser pour 65 % des personnes interrogées à l'organisme ou l'entreprise LA POSTE, en déduisant que la dénomination « bureau de poste » est radicalement attachée à la société LA POSTE dans l'esprit du public, le « bureau de poste » étant un signe essentiel de ralliement de la clientèle de LA POSTE ; que force est de constater que, notamment du fait de la situation de monopole dont ont bénéficié la société LA POSTE et les entités aux droits desquelles elle se trouve depuis plusieurs siècles, l'expression « bureau de poste » renvoie immanquablement, en France, à la société LA POSTE puisqu'elle seule, sur le territoire national, était autorisée à en ouvrir ; que ce n'est pas, malgré ce que soutient la société ESKER sur ce point, l'adjonction des adjectifs « électronique » et « privé » à l'expression « bureau de poste » qui peut être de nature à faire cesser ce risque de confusion dès lors que ces adjectifs concourent, au contraire, à renforcer ce risque, laissant penser que ce « bureau de poste électronique privé » correspond à une évolution moderne du service traditionnel de bureau de poste offert par la société LA POSTE ; que la contrefaçon des marques LA POSTE par la société ESKER, par l'utilisation sur son site de l'expression « bureau de poste » est donc établie ; Sur l'atteinte à la dénomination sociale « LA POSTE » : que comme le fait valoir la société LA POSTE, tout comme à ses marques « LA POSTE » et pour les raisons ci-dessus explicitées, l'expression « bureau de poste » porte atteinte à sa dénomination sociale qui lui a été attribuée par l'article premier de la loi du 2 juillet 1993, entretenant fautivement un risque de confusion avec elle » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE l'exploitation d'une marque enregistrée ne peut valoir exploitation d'une autre marque enregistrée ; que lorsque la demande en déchéance porte sur plusieurs marques enregistrées, même voisines, il appartient au titulaire de celles-ci de rapporter la preuve d'un usage sérieux de chacun des signes en cause sous leur forme telle qu'enregistrée ; qu'en se bornant à affirmer que les éléments de preuve produits par la société LA POSTE permettraient de s'assurer suffisamment de l'exploitation, pour les produits litigieux, « des marques LA POSTE », sans préciser ni justifier en quoi ces documents établiraient que chacun des quatre signes distincts constituant les marques n° 1 572 869, n° 95 558 825, n° 99 827 240 et n° 02 3 179 236 aurait fait l'objet d'un usage sérieux, cependant que la société ESKER faisait précisément valoir que les preuves d'usage produites par la société LA POSTE ne montraient notamment aucune exploitation de la marque n° 99 827 240 sous sa forme telle que déposée, et que le graphisme des termes « LA POSTE » avait significativement évolué, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'appréciation globale du risque de confusion doit se fonder sur l'impression d'ensemble produite par chacun des signes en présence ; que la comparaison des signes ne peut être menée sur la seule base d'un élément dominant qu'à la condition que tous les autres composants de la marque soient négligeables ; qu'en retenant, en l'espèce, que le dépôt d'une marque comportant à la fois des éléments verbaux et des éléments figuratifs peut protéger cette marque contre l'usage des éléments verbaux sans graphisme particulier ou dans un graphisme particulier et en se bornant, pour décider que la société ESKER aurait contrefait les quatre marques invoquées par la société LA POSTE, à relever que les signes incriminés « premier bureau de poste électronique privé » et « bureau de poste électronique », compte tenu de la situation dont la société LA POSTE disposait dans le passé, renverraient à cette dernière société et laisseraient penser que le « bureau de poste électronique privé » correspondrait à une évolution moderne du service traditionnel de bureau de poste offert par la société LA POSTE, sans comparer l'impression d'ensemble produite par chacun des signes constituant les quatre marques n° 1 572 869, n° 95 558 825, n° 99 827 240 et n° 02 3 179 236 avec celle produite par les signes incriminés « premier bureau de poste électronique privé » et « bureau de poste électronique », la Cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de la directive (CE) n° 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE le titulaire d'une marque ne peut interdire l'usage par un tiers d'un signe similaire à sa marque, sur le fondement de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, qu'à la condition que cet usage porte atteinte ou soit susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque, qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services ; qu'il ne peut toutefois invoquer son droit exclusif pour interdire à un tiers d'utiliser une expression qui désigne, de manière générique, dans le langage courant, l'activité que le titulaire de la marque exerce sur un marché ouvert à la concurrence ; qu'en relevant que l'expression « bureau de poste » renverrait à la société LA POSTE pour la seule raison que celle-ci a longtemps été, du fait de la situation de monopole dont elle bénéficiait auparavant, seule autorisée à en ouvrir sur le territoire national et que le public serait amené à croire que « le bureau de poste électronique privé » correspondrait à une évolution moderne du service de bureau de poste traditionnellement offert par la société LA POSTE, cependant qu'en l'état de la disparition de ce monopole, la société LA POSTE n'est désormais plus la seule à pouvoir proposer un service de bureau de poste et ne peut donc interdire aux tiers l'utilisation de cette expression du langage courant désignant une activité qui peut désormais être exercée par d'autres opérateurs économiques, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'interpréter à la lumière de la directive (CE) 89/104 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ;
ALORS, ENFIN, QUE la condamnation de la société ESKER au titre de l'atteinte à la dénomination sociale LA POSTE étant fondée sur les motifs par lesquels la Cour d'appel a retenu sa condamnation au titre de la contrefaçon, la cassation de l'arrêt attaqué sur le premier moyen emportera également la cassation, par voie de conséquence, de l'arrêt en ce qu'il a retenu que la société ESKER a porté atteinte à la dénomination sociale de la société LA POSTE, en application des dispositions de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit qu'en utilisant les termes « ECOPLI » et « POSTIMPACT » sur ses sites Internet, la société ESKER avait commis des actes de contrefaçon portant atteinte aux droits de la société LA POSTE sur les marques ECOPLI n° 1 522 302 et POSTIMPACT n° 1 465 533, d'avoir, en conséquence, condamné la société ESKER à retirer de ses sites Internet www.flydoc.fr et www.lesvictimesducourrier.fr les mentions « ECOPLI » et « POSTIMPACT » et à payer à la société LA POSTE la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts, et d'avoir ordonné des mesures de publication ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société ESKER invoque ensuite le défaut d'usage sérieux de la marque ECOPLI par la société LA POSTE ; que ce moyen n'ayant été soulevé par la société ESKER qu'à hauteur d'appel et par ses conclusions récapitulatives en date du 25 mars 2010, l'usage sérieux dont la démonstration incombe à la société LA POSTE doit être établi pendant la période allant du 25 mars 2005 au 25 mars 2010 ; que les documents communiqués par LA POSTE répondent à cette exigence puisque parmi eux figurent plusieurs exemplaires des conditions contractuelles « Ecopli Grand Compte » et « Contrat Courrier Industriel de Gestion » et des tarifs applicables « Ecopli » allant d'octobre 2006 à juin 2009 ; que la demande de déchéance de la marque ECOPLI pour défaut d'usage sérieux est rejetée ; que la société ESKER prétend enfin bénéficier de la protection accordée par l'article L. 713-6 dès lors qu'elle utiliserait les termes ECOPLI et POSTIMPACT à titre de référence nécessaire dans le cadre de son activité d'affranchisseur pour compte de tiers c'est-à-dire de « distributeur » des services de la poste ; que force est de constater que les marques utilisées ne sont pas nécessaires à la société ESKER pour renseigner ses co-contractants sur la destination du produit ou du service qu'elle propose, en l'espèce un service de publi-postage, étant parfaitement à même, sans y recourir, d'informer sur les caractéristiques de ses prestations, que ce soit en termes de délais ou de coût ; que de plus, comme le lui oppose la société LA POSTE, la société ESKER s'est engagée contractuellement à ne pas faire usage des marques appartenant à la société LA POSTE, ce qui suffit à démontrer qu'elle n'estimait pas que cet usage lui aurait été nécessaire car, dans le cas contraire, elle n'aurait pas contracté ; que dans ces conditions, la contrefaçon des marques ECOPLI et POSTIMPACT par la société ESKER, par leur usage sur son site Flydoc.fr, est établie » ;
ET AUX MOTIFS, A LES SUPPOSER ADOPTES, QUE « les deux marques « ECOPLI » et « POSTIMPACT » sont reproduites à l'identique sur le site internet www.flydoc.fr de la société ESKER pour des services identiques à ceux de LA POSTE ; que cette dernière ne justifie d'aucune autorisation de LA POSTE pour l'utilisation de ces marques et que la circonstance qu'elle ne ferait que désigner les services de LA POSTE est indifférente en l'espèce ; que ces éléments suffisent à caractériser l'existence de faits de contrefaçon au préjudice de LA POSTE » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE pour échapper à la déchéance de ses droits, le propriétaire de la marque doit justifier d'un usage sérieux de celle-ci pour chacun des produits et services désignés par l'enregistrement ; que le juge ne peut rejeter une demande de déchéance sans constater que la marque en cause a fait l'objet d'un usage sérieux pour chacun de ces produits et services ; qu'en se bornant à affirmer que les documents communiqués par la société LA POSTE établirait l'usage sérieux de la marque ECOPLI n° 1 522 302, sans autre précision, et sans justifier en quoi ces éléments de preuve rapporteraient la preuve d'un usage sérieux de cette marque pour chacun des produits des classes 9 et 16 et des services de la classe 39 visés par celle-ci, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE seul peut être interdit, au moyen de l'action en contrefaçon, l'usage par un tiers d'un signe identique ou similaire à la marque pour des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels elle est enregistrée ; qu'en l'espèce, la Société ESKER faisait valoir qu'elle n'avait utilisé le terme ECOPLI qu'à titre d'information comme une option d'affranchissement et que les services d'affranchissement ne sont pas visés par la marque ECOPLI de LA POSTE (cf. concl. p. 15) ; qu'en se bornant à affirmer que la société ESKER aurait reproduit sur ses sites la marque ECOPLI pour des services identiques à ceux de la société LA POSTE, sans préciser de quel service il s'agissait, la Cour d'appel, qui n'a pas ainsi justifié qu'il s'agissait d'un service visé par la marque ECOPLI et non pas seulement d'un service rendu par la Société LA POSTE, a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de propriété intellectuelle.
ALORS, DE TROISIEME PART, QU'en relevant que la société ESKER ne soulevait aucun moyen pour contester la contrefaçon de la marque POSTIMPACT n° 1 465 533, cependant que la société ESKER faisait valoir qu'elle n'avait commis aucun acte de contrefaçon des marques ECOPLI n° 1 522 302 et POSTIMPACT n° 1 465 533 en utilisant celles-ci pour préciser les différents coûts d'affranchissement, la Cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de cette société, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;
ALORS, ENFIN, QUE les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, interprétés à la lumière de l'article 5 de la directive 89/104, n'autorisent l'exercice du droit conféré par ces articles que dans les cas où l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ; qu'en retenant que la société ESKER aurait commis des actes de contrefaçon des marques ECOPLI n° 1 522 302 et POSTIMPACT n° 1 465 533, sans constater que l'usage qu'elle a fait de ces signes serait susceptible de porter atteinte à l'une des fonctions de ces marques ou d'accréditer l'existence d'un lien matériel entre les services proposés par la société ESKER et la société LA POSTE, titulaire des marques litigieuses, la Cour d'appel a violé les articles L. 713-2 et L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tels qu'ils doivent être interprétés à la lumière de la directive (CE) 89/104, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-28596
Date de la décision : 29/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 20 octobre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 29 jan. 2013, pourvoi n°11-28596


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Defrenois et Levis, SCP Hémery et Thomas-Raquin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.28596
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award