LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 juin 2011) que M. X... engagé le 1er juillet 1986 en qualité de chef des ventes pièces de rechange statut cadre par la société Arras Sud automobiles aux droits de laquelle vient la société Les nouveaux garages de l'Artois, ayant en dernier lieu la responsabilité de deux sites de la société, après avoir fait une tentative de suicide le 31 janvier 2007, a été déclaré apte à son poste par le médecin du travail le 6 mars suivant ; qu'après un incident avec un collègue le 29 avril 2008, il a été licencié pour faute grave avec mise à pied conservatoire par lettre du 21 mai 2008 pour management constitutif de harcèlement moral ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des dommages-intérêts à son salarié pour harcèlement moral, alors, selon le moyen :
1°/ que le salarié doit établir la matérialité d'éléments de faits précis, concordants et répétés pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral commis à son encontre ; que pour conclure à la réalité d'un harcèlement moral subi par le salarié, la cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'existence de pressions subies par l'encadrement en vue de l'atteinte d'objectifs particulièrement ambitieux, sans relever des faits précis, concordants et répétés se rapportant spécifiquement au salarié ;qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun agissement de l'employeur laissant présumer un harcèlement moral dont le salarié aurait été personnellement victime, a privé sa décision de toute base légale au regard des L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
2°/ que le seul fait pour l'employeur de fixer des objectifs à un salarié, fussent-ils ambitieux, relève de l'exercice normal du pouvoir de direction et n'est donc pas constitutif d'un agissement susceptible de relever de la qualification de harcèlement moral, sauf à démontrer le caractère irréalisable desdits objectifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le salarié avait toujours atteint ses objectifs, ce dont il se déduisait que les objectifs fixés par l'employeur étaient parfaitement réalisables ; qu'en se fondant pourtant, pour conclure à l'existence d'un harcèlement subi par le salarié, sur le prétexte que l'employeur aurait exercé des pressions sur l'encadrement en vue de l'atteinte d'objectifs particulièrement ambitieux, la cour d'appel a violé les articles L 1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
3°/ que les seules pressions ressenties par un salarié ayant des répercussions sur son état de santé ne sauraient être considérées comme un élément laissant présumer un harcèlement moral à son encontre ; qu'en se fondant, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral subi par le salarié, sur les seules pressions ressenties par ce dernier et ayant eu des répercussions sur son état de santé, et ce au seul vu des attestations établies par deux de ses proches et d'une de ses relations de travail se bornant à faire état du ressenti du salarié face aux exigences de la direction en termes de résultats ainsi que d'un certificat médical de son médecin traitant ne relatant que les propres allégations du salarié sur ses conditions de travail, la cour d'appel n'a pas caractérisé des agissements répétés de l'employeur laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel, analysant les éléments de preuve fournis par le salarié, a retenu que le changement de propriétaire et de dirigeant de la société en 2001 puis en 2006, s'était traduit, pour l'encadrement, par une pression constante et une baisse des moyens et prérogatives, et pour le salarié, par l'impossibilité de mener une vie familiale normale et une dégradation de son état de santé ; qu'elle a ainsi caractérisé le harcèlement moral par la société ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de ne pas retenir la faute grave du salarié mais seulement la cause réelle et sérieuse du licenciement et de la condamner en conséquence au paiement des indemnités de rupture, alors, selon le moyen :
1°/ que la cassation à intervenir du chef de la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral entraînera, par voie de conséquence et en vertu de l'article 624 du code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a dit que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave ;
2°/ que commet une faute grave le responsable de magasin, ayant le statut de cadre, qui se livre à des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral à l'égard des subordonnés qu'il est en charge d'encadrer et dont il doit assurer la santé et la sécurité ; qu'en écartant la faute grave au motif que le salarié aurait été lui-même victime d'un harcèlement moral, sans cependant caractériser le lien de causalité entre la situation de harcèlement à laquelle il aurait été lui-même confronté, caractérisée par des pressions prétendument subies en vue de l'atteinte d'objectifs ambitieux, et les faits de harcèlement dont il s'était rendu l'auteur, procédant d'un management rigide, autoritaire et quasi-militaire à l'égard de ses subordonnés, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
3°/ qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'employeur avait saisi la médecine du travail pour lui faire part de ses inquiétudes face au comportement irritable du salarié vis-à-vis du personnel et qu'un psychologue du travail avait convoqué l'intéressé en décembre 2007 avec d'autres salariés ; qu'en retenant pourtant que l'employeur n'aurait pas sensibilisé le salarié sur son comportement, la cour d'appel n'a manifestement pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du code du travail ;
Mais attendu qu'ayant retenu que le salarié était lui-même victime de harcèlement moral et que l'employeur alerté à plusieurs reprises sur cette situation ne l'avait pas sensibilisé à la difficulté d'exercice de ses fonctions, la cour d'appel a pu décider que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et, exerçant les pouvoirs qu'elle tient de l'article L.1235-1 du code du travail, dire qu'il était fondé sur une cause réelle et sérieuse ; que le moyen, sans objet en sa première branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Les nouveaux garages de l'Artois aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les nouveaux garages de l'Artois à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf janvier deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Les nouveaux garages de l'Artois
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé que Monsieur X... avait été victime de harcèlement moral et d'avoir, en conséquence, condamné la société NGA à lui verser 15.000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
AUX MOTIFS PROPRES QUE « des méthodes de gestion peuvent caractériser un harcèlement moral dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail de ce salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; selon l'article L.1154-1 du Code du travail, dès lors que le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; Monsieur Jean-Philippe X... soutient qu'il était soumis à une pression insupportable en vue d'atteindre des objectifs de plus en plus élevés ; il fait valoir que son état dépressif, qui l'a conduit à son geste de janvier 2007, était dû aux agissements de l'employeur ; il indique que le 29 avril 2008, il a été demis d'une grande partie de ses fonctions par son supérieur devant ses collaborateurs, l'employeur le poussant à la démission ; Monsieur Jean-Philippe X... verse aux débats diverses pièces dont certaines ne concernent pas directement sa situation ; celles qui le concernent sont : une attestation de M. Y..., chef comptable de 1990 à 2002, qui explique que lors de la reprise des deux concessions Renault d'Arras par un groupe financier, l'encadrement a subi une pression morale presque tyrannique, demandant des résultats tout en lui retirant des moyens et ses prérogatives de chef de service ; une attestation de M. Z..., vendeur, qui déclare qu'il voyait défiler les responsables pour des réunions avec la direction, lesquels y entraient stressés, certains en sortant livides, que le personnel « avait l'impression que le personnel ne s'arrêtait pas, difficile pour les responsables», que Monsieur Jean-Philippe X... étaient un des rares responsables à se déplacer les samedis et dimanches, souvent en pleine nuit, pour le déclenchement des alarmes ; une attestation de Monsieur A..., ancien responsable carrosserie, ui indique que les concessions ont été rachetées deux fois avec à chaque fois un changement de méthode et des nouvelles procédures ; que la pression était constante, seule la productivité pour l'argent comptait ; une attestation de son épouse qui déclare qu'il n'y avait plus de place pour sa vie privée ; que depuis le changement de direction en 2001, son mari revenait tendu chez lui ; qu'il ressentait la pression de la direction en début et fin de chaque mois, afin que les objectifs soient atteints ; qu'après le second rachat en 2006 il déployait toute son énergie sans compter pour satisfaire des objectifs à la hausse et les exigences de la direction ; que début 2007, il ne dormais plus que quelques heures, ne parlait plus et continuait à s'acharner au travail malgré les mises en garde de son médecin lui demandant de prendre du recul par rapport à son travail ; elle indique au sujet de la tentative de suicide qu'il était arrivé à bout d'une insupportable pression de travail, malgré sa volonté de réussir ; elle ajoute n'avoir reçu aucun soutien de la direction et explique qu'après son retour au travail, son mari a dû continué à se battre contre la pression constante, réalisant malgré tout les meilleurs résultats ; une attestation de sa soeur indique que Monsieur Jean-Philippe X... était à l'affût de ce que le travail pouvait lui imposer, parlait toujours chiffres à atteindre ; une attestation de Madame B..., chargée d'adresser à la société des intérimaires et qui avait Monsieur Jean-Philippe X... comme interlocuteur principal, qui écrit en mai 2008 que depuis quelques mois, elle le voyait dépérir, moralement, voire physiquement ; un certificat du médecin traitant dans lequel il déclare que la dépression présentée par Monsieur Jean-Philippe X... établit des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ; la société NGA fait valoir que le salarié évoluait dans un environnement professionnel normal lorsqu'il a fait sa tentative d'autolyse et avance qu'elle était liée à des problèmes conjugaux ; elle estime que si l'état dépressif de M. Jean-Philippe X... avait été liée à son environnement professionnel le médecin du travail ne l'aurait pas déclaré apte sans réserve lors de sa reprise ; elle ajoute que le salarié a le plus souvent atteint ses objectifs, lesquels n'ont jamais été contestés et considère que le fait de fixer des objectifs, de surcroît parfaitement réalisables, ne saurait caractériser une pression caractérisant un harcèlement moral ; elle fait également valoir que Monsieur Jean-Philippe X... ne s'étaient jamais plaint d'une éventuelle situation de harcèlement avant son licenciement et indique qu'au contraire il se montrait plutôt provoquant à l'égard de sa hiérarchie, ce qui est illustré par un courriel qu'il avait adressé au dirigeant en place avant le rachat de juin 2006 ; ces arguments ne sont pas de nature à démontrer que les pressions que l'encadrement a subi en vue de l'atteinte d'objectifs particulièrement ambitieux et qui ont eu des répercussions sur la santé de M. Jean-Philippe X... étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers tout harcèlement, peu important que le salarié ne s'en soit jamais plaint, sa personnalité l'ayant conduit à vouloir répondre aux attentes de sa hiérarchie en sacrifiant au besoin sa vie personnelle et sa santé ; il convient d'allouer en conséquence au salarié une somme de 15.000 € en réparation de son préjudice ;
1) ALORS QUE le salarié doit établir la matérialité d'éléments de faits précis, concordants et répétés pouvant laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral commis à son encontre ; que pour conclure à la réalité d'un harcèlement moral subi par le salarié, la Cour d'appel s'est exclusivement fondée sur l'existence de pressions subies par l'encadrement en vue de l'atteinte d'objectifs particulièrement ambitieux, sans relever des faits précis, concordants et répétés se rapportant spécifiquement au salarié ;qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel, qui n'a caractérisé aucun agissement de l'employeur laissant présumer un harcèlement moral dont le salarié aurait été personnellement victime, a privé sa décision de toute base légale au regard des L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;
2) ALORS QUE le seul fait pour l'employeur de fixer des objectifs à un salarié, fussent-ils ambitieux, relève de l‘exercice normal du pouvoir de direction et n'est donc pas constitutif d'un agissement susceptible de relever de la qualification de harcèlement moral, sauf à démontrer le caractère irréalisable desdits objectifs ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le salarié avait toujours atteint ses objectifs, ce dont il se déduisait que les objectifs fixés par l'employeur étaient parfaitement réalisables ; qu'en se fondant pourtant, pour conclure à l'existence d'un harcèlement subi par le salarié, sur le prétexte que l'employeur aurait exercé des pressions sur l'encadrement en vue de l'atteinte d'objectifs particulièrement ambitieux, la Cour d'appel a violé les articles L1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;
3) ALORS QUE les seules pressions ressenties par un salarié ayant des répercussions sur son état de santé ne sauraient être considérées comme un élément laissant présumer un harcèlement moral à son encontre ; qu'en se fondant, pour conclure à l'existence d'un harcèlement moral subi par le salarié, sur les seules pressions ressenties par ce dernier et ayant eu des répercussions sur son état de santé, et ce au seul vu des attestations établies par deux de ses proches et d'une de ses relations de travail se bornant à faire état du ressenti du salarié face aux exigences de la direction en termes de résultats ainsi que d'un certificat médical de son médecin traitant ne relatant que les propres allégations du salarié sur ses conditions de travail, la Cour d'appel n'a pas caractérisé des agissements répétés de l'employeur laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, et a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1152-1 et L.1154-1 du Code du travail ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de Monsieur X... était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société NGA à lui verser les sommes de 30.973, 26 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, 11.166 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1.116, 60 € en congés payés afférents, 4.204, 52 € en rappel du salaire de la mise à pied, 420, 45 € en congés payés afférents, outre la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la lettre de licenciement est rédigée comme suit : le 29 avril 2008, notre gestionnaire MPR Monsieur C... a quitté précipitamment la concession après une altercation avec vous. Nous avons cherché à comprendre les raisons de cet incident, Monsieur C... n'étant absolument pas coutumier de ce type de réaction, l'intéressé nous a alors indiqué que vous l'aviez « poussé à bout » par des remarques désobligeantes et injustifiées, que ce mode de management vous était habituel et que finalement il ne supportait plus de travailler sous votre autorité. Cet incident a eu le mérite de libérer la parole de nombreux autres collaborateurs de votre service qui ont confirmé les propos de Monsieur C..., dénonçant votre management « quasi-militaire » et se plaignant d'un véritable harcèlement subi de votre part, situation dont ils n'auraient jamais osé se plaindre jusqu'à présent par crainte de représailles (…). Poussant plus loin nos interrogations, nous avons appris que la démission récente de plusieurs salariés, dont certains avaient une ancienneté importante, était la conséquence directe de votre comportement à leur égard et du mal être ressenti sur le lieu de travail compte-tenu de votre attitude. Vous avez déjà été directement mis en cause par le passé dans une affaire de harcèlement sur la personne de Madame D..., mais nous n'avions pas été alors à même de juger de votre responsabilité effective compte tenu de notre activité récente à la direction de la concession (…) » ; M. C... explique, dans une attestation, au sujet de l'incident du 29 avril 2008, que Monsieur Jean-Philippe X... s'est adressé à lui avec la méchanceté dans le regard et dans la voix, lui reprochant sa manière de transporter des bouteilles pour les ranger ; il raconte qu'il s'est senti pour la première fois en 37 ans de carrière comme le « larbin de service », comme « le petit tas qu'on évite pour ne pas marcher dedans » ; il évoque une dégradation du moral de l'équipe depuis des années à force de devoir assumer l'autorité militaire de M. Jean-Philippe X..., de voir qu'en arrivant le matin les catalogues étaient jetés par terre car mal rangés à son goût ou simplement mal alignés, de devoir rester le soir à ranger des pièces, à s'entendre dire que si le travail n'est pas fait il faudra venir le samedi, sans être payé ; il déclare que le matin, les salariés devaient passer devant le bureau de M. Jean-Philippe X... pour qu'il puisse surveiller leurs allées et venues ; que c'était « une galère » pour avoir ses congés ; que rien n'était conforme à sa vision ; qu'à plusieurs reprises, il a vu des collègues sortir de son bureau en pleurant ; il estime que M. Jean-Philippe X... n'était plus un chef de service mais un donneur d'ordre avec qui on marche à la baguette ; M. E... qui a démissionné le 14 avril 2008 déclare que si un salarié arrivait en retard d'une seule minute pour le rapport d'activité, il le « jetait » de son bureau sans diplomatie ; il indique avoir démissionné pour ne plus subir le management de M. Jean-Philippe X... et ainsi éviter le stress quotidien ; M. F..., qui a également quitté l'entreprise après 23 ans d'ancienneté, évoque l'absence de contact humain avec M. Jean-Philippe X..., sauf pour les réflexions désagréables ; il confirme le fait que M. Jean-Philippe X... renversait par terre les pièces contenues dans les rayonnages et ajoute qu'il laissait la lumière de son bureau allumée le soir pour faire croire qu'il était présent le matin de bonne heure quand les salariés arrivaient tôt pour le dépannage ; M. G... déclare que les relations avec M. Jean-Philippe X... étaient de plus en plus difficiles au fil des années ; il décrit un caractère autoritaire et lunatique ; il conforme les réactions de M. Jean-Philippe X... face aux rayonnages mal rangés ou lors d'un retard pour le rapport ; un magasinier confirme que le soir il restait faire des heures supplémentaires sans être payé ; un livreur déclare que M. Jean-Philippe X... « piquait des colères pour rien » et qu'il était tout le temps sur le dos de certains salariés ; un magasinier que l'ambiance de travail est plus détendue depuis le départ du chef des ventes ; M. H..., membre du CHSTC, indique avoir alerté la médecine du travail quant à un problème concernant un employé avec M. Jean-Philippe X... faisant tout le temps des reproches ; s'agissant de l'affaire relative à Madame D..., il est constant que le 19 mai 2006, M. Jean-Philippe X... lui a notifié un avertissement ; le lendemain, elle a dénoncé le harcèlement moral qu'il lui faisait subir (se traduisant par des refus systématiques des congés ou des RTT ou par des pressions via des courriels) ; cette salariée s'est trouvée en arrêt de travail ; interpelée par le conseil de l'intéressée en janvier 2007, la société NGA a procédé à une enquête l'amenant à conclure à l'absence de harcèlement et envisageant de rencontrer la salariée à sa reprise du travail, ce qui n'a pas eu lieu du fait de son licenciement pour inaptitude, étant précisé que selon le médecin du travail le reclassement ne pouvait s'envisager que dans un environnement différent ; le 6 juillet 2007, la société NGA a écrit au médecin du travail pour lui faire part de ses inquiétudes face à l'état dépressif de M ; Jean-Philippe X... qui lui apparaissait comme irritable vis-à-vis du personnel ; il n'est produit aucune réponse du médecin ; en décembre 2007, M. Jean-Philippe X... a été convoqué avec d'autres salariés par un psychologue du travail ; aucun compte-rendu n'est fourni ; l'appelant indique qu'il s'agissait de déceler un mal être entre lui et ses salariés ; M. Jean-Philippe X... critique les attestations produites par la société NGA eu motif que la direction a convoqué les salariés pour les établir, comme en atteste M. Y... ; cependant, les attestations ont été rédigées à des dates différentes et en des termes différents, de sorte qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause la sincérité de leur contenu ; M. Jean-Philippe X... produit par ailleurs de nombreuses attestations émanant de clients, fournisseurs, anciens collègues et stagiaires dont il ressort qu'il était voué à son travail, qu'il avait de bons rapports avec le personnel qui ne se plaignait pas de lui, que l'équipe travaillait dans une bonne ambiance et que M. Jean-Philippe X..., doté de qualités humaines, était à l'écoute de ses collègues cherchant à leur venir en aide et à faciliter leurs conditions de travail ; M. A..., responsable carrosserie, s'étonne en outre des déclarations des salariés évoquant la situation de harcèlement moral car ils n'avaient jamais exprimé un mécontentement envers leur responsable ; dans le même esprit, une ancienne salariée, Mme I... déclare avoir revu, à l'occasion d'un forum le 24 avril 2008, une partie du personnel de la société qui était contente d'y participer avec M. Jean-Philippe X... qui leur avait offert des tenues Renault Sport ; M. J..., technicien, s'il atteste que M. Jean-Philippe X... faisait tout ce qui était possible pour faciliter les conditions de travail, en en améliorant l'organisation, évoque le fait que le chef des ventes avait tendance à en demander plus que ce qui avait été prévu, qu'il avait un caractère autoritaire et que certains salariés critiquaient sa façon de faire ; un audit réalisé en décembre 2006 relève que « le processus est géré avec de très bonnes pratiques de management » et qu'il a été constaté qu'une organisation efficace est appliquée associant le respect de l'ordre et de la propreté ; il fait valoir que ses fonctions exigeaient de lui rigueur et fermeté ; qu'il ne faisait que répercuter les consignes et directives reçues de ses supérieurs ; que son mode de management ne lui a jamais été reproché durant ses 22 ans de travail et qu'il était connu de la direction ; il soutient qu'il était attentif à l'épanouissement professionnel des salariés en leur accordant des formations et des augmentations de salaire ; il expose que le jour de l'incident avec Monsieur C..., ce dernier qui avait eu une altercation avec un livreur lui a reproché de ne pas avoir pris sa défense et qu'il a quitté le travail après que son supérieur lui ait adressé une seule réflexion justifiée ; il précise que s'il déplaçait les livres, ce n'était que pour faire remarquer qu'ils n'étaient pas rangés correctement et que s'il essayait de ne pas donner de congés en fin ou début de mois, s'agissant du seul personnel de la gestion comptable, il ne le faisait qu'en application d'une consigne de la direction ; s'il reconnaît que son management rigide a pu occasionner du stress pour certains salariés, il conteste l'existence d'un harcèlement moral ; il s'étonne que l'employeur n'ait pas cherché à résoudre le problème par la mise en oeuvre de méthodes de gestion différentes, rappelant qu'il n'a pas bénéficié de formation au management depuis 1997 ; il ressort de ces éléments que M. Jean-Philippe X... a bien commis des actes caractérisant un harcèlement envers ses subordonnés, le fait qu'il les a aidés à certaines périodes et qu'il était doté de qualités humaines n'exclut pas certaines dérives qui se sont manifestées à d'autres moments, afin d'obtenir d'eux les résultats attendus par l'entreprise ; l'employeur qui est tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés était fondé à mettre fin au contrat de travail de M. Jean-Philippe X... eu égard aux faits dénoncés par ces derniers ; cependant, la rupture immédiate du contrat ne s'imposait pas ; en effet, M. Jean-Philippe X... a eu recours à des méthodes de gestion caractérisant un harcèlement moral alors qu'il était lui-même victime d'un harcèlement moral et que l'employeur qui avait été alerté à plusieurs reprises sur le comportement de M. Jean-Philippe X... ne l'a pas sensibilisé à la difficulté ; le licenciement ayant une cause réelle et sérieuse, M. Jean-Philippe X... est en droit d'obtenir le salaire de la période de mise à pied, l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ainsi que l'indemnité conventionnelle de licenciement, dont les montants ne sont pas contestés ; »
1) ALORS QUE la cassation à intervenir du chef de la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral entraînera, par voie de conséquence et en vertu de l'article 624 du Code de procédure civile, l'annulation de l'arrêt en ce qu'il a dit que le licenciement du salarié reposait sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave ;
2) ALORS QUE commet une faute grave le responsable de magasin, ayant le statut de cadre, qui se livre à des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral à l'égard des subordonnés qu'il est en charge d'encadrer et dont il doit assurer la santé et la sécurité ; qu'en écartant la faute grave au motif que le salarié aurait été lui-même victime d'un harcèlement moral, sans cependant caractériser le lien de causalité entre la situation de harcèlement à laquelle il aurait été lui-même confronté, caractérisée par des pressions prétendument subies en vue de l'atteinte d'objectifs ambitieux, et les faits de harcèlement dont il s'était rendu l'auteur, procédant d'un management rigide, autoritaire et quasi-militaire à l'égard de ses subordonnés, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail ;
3) ALORS QU'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'employeur avait saisi la médecine du travail pour lui faire part de ses inquiétudes face au comportement irritable du salarié vis-à-vis du personnel et qu'un psychologue du travail avait convoqué l'intéressé en décembre 2007 avec d'autres salariés ; qu'en retenant pourtant que l'employeur n'aurait pas sensibilisé le salarié sur son comportement, la Cour d'appel n'a manifestement pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L.1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 du Code du travail ;