LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., salarié de la société Meubles et couveuses Leclercq (l'employeur) a été victime, le 28 janvier 2003, d'un accident qui a été pris en charge, au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de Lille, devenue caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai (la caisse) ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ; que, devant la juridiction du premier degré, l'assureur de cet employeur, la société AGF, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD (l'assureur), a été appelée en intervention forcée ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de dire que la caisse dispose d'une action directe à son encontre s'agissant des sommes dont elle a été ou sera amenée à faire l'avance en application des dispositions des articles L. 452-3 et L. 452-2 du code de la sécurité sociale, alors, selon le moyen, que les juridictions de la sécurité sociale, chargées de régler les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementation de sécurité sociale, sont incompétentes pour se prononcer sur l'obligation à garantie de l'assureur de l'employeur et peuvent seulement déclarer le jugement commun à la compagnie d'assurance ; qu'en écartant l'exception d'incompétence soulevée par l'assureur sur l'action directe dont la caisse l'avait saisie, la cour d'appel a violé les articles L. 142-1 et L. 142-2 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour d'appel, investie de la plénitude de juridiction, tant en matière civile qu'en matière de sécurité sociale, et saisie par l'effet dévolutif de l'appel formé par l'employeur, était tenue de statuer sur la demande en garantie présentée par la caisse ;
Que, par ce motif de pur droit substitué à ceux critiqués par le pourvoi, la décision se trouve légalement justifiée ;
Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 564 du code de procédure civile ;
Attendu, selon ce texte, qu'à peine d'irrecevabilité soulevée d'office les parties ne peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ;
Attendu que l'arrêt, après avoir énoncé que la caisse dispose d'une action directe à l'encontre de l'assureur pour les sommes dont elle a été ou sera amenée à faire l'avance en application des dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, dit que celui-ci sera tenu de la garantir et, en tant que de besoin, le condamne au paiement desdites sommes ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'assureur faisait justement valoir que la caisse n'avait formé aucune demande à son encontre devant les premiers juges, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur les deuxième et troisième moyens, pris en leur seconde branche :
Vu les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt, faisant application du contrat d'assurance conclu par l'employeur auprès de l'assureur, d'une part, dit que ce dernier sera tenu de garantir la caisse et, en tant que de besoin, le condamne au paiement des sommes dont celle-ci a été ou sera amenée à faire l'avance en application des dispositions des articles L. 452-2 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, d'autre part, le condamne à payer à M. X... la somme de 3 500 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur qui faisait valoir que l'accident dont avait été victime M. X... s'était produit lors du transport d'une machine sur un plateau à roulettes tracté par un chariot élévateur et que l'article 16.4.2 de la police d'assurance excluait la garantie des dommages dans la réalisation desquels était impliqué un véhicule terrestre à moteur, la cour d'appel a méconnu les exigences des textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur la première branche du troisième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la société Allianz serait tenue de garantir la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai des sommes dont celle-ci avait été ou serait amenée à faire l'avance et en ce qu'il a condamné la société Allianz à payer à M. X... la somme de 3 500 euros, l'arrêt rendu le 30 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de Lille-Douai ; la condamne à payer à la société Allianz IARD la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre janvier deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la CPAM de Lille-Douai dispose d'une action directe à l'encontre de la société ALLIANZ s'agissant des sommes dont elle a été ou sera amenée à faire l'avance en application des dispositions des articles L 452-3 et L 452-2 du Code de la sécurité sociale et d'avoir dit que la société ALLIANZ sera tenue à garantie et la condamne à payer à la SCP MCL lesdites sommes ;
AUX MOTIFS QUE la société ALLIANZ soutient que la chambre sociale de la Cour d'appel doit se déclarer incompétente au profit de la même cour statuant en sa formation commerciale pour toutes demandes de condamnation dirigée à son encontre ; que cependant, les victimes d'une faute inexcusable de l'employeur peuvent devant la juridiction de sécurité sociale demander à l'employeur la réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, de sorte que l'ensemble des prétentions formées par M. Nicolas X... sont recevables par devant la chambre sociale en ce compris dans le cadre une action directe contre l'assureur visant à le voir condamner à certaines sommes ; que s'il est soutenu par la société ALLIANZ qu'un litige est pendant devant la cour d'appel de Douai dans un litige l'opposant à l'employeur, les pièces produites par la compagnie d'assurances ne permettent pas de déterminer si le contentieux est en lien suffisant avec le présent litige pour que la chambre sociale se dessaisisse des demandes formées ce jour ; que dès lors, la chambre sociale de la cour d'appel a compétence pour statuer sur les demandes formées par M. Nicolas X... ; que l'exception soulevée doit être rejetée (arrêt pages 5 et 6) ;
ALORS QUE les juridictions de la sécurité sociale, chargées de régler les différends auxquels donne lieu l'application des législations et réglementations de sécurité sociale, sont incompétentes pour se prononcer sur l'obligation à garantie de l'assureur de l'employeur et peuvent seulement déclarer le jugement commun à la compagnie d'assurance ; qu'en écartant l'exception d'incompétence soulevée par Allianz sur l'action directe dont la CPAM de Lille-Douai l'avait saisie, la Cour a violé les articles L 142-1 et L 142-2 du code de la sécurité sociale ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(SUBSIDIAIRE)IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la CPAM de Lille-Douai disposait d'une action directe à l'encontre de la société Allianz lARD pour récupérer les sommes dont elle serait amenée à faire l'avance à monsieur X..., d'avoir jugé que la société Allianz serait tenue à garantie et d'avoir condamné la société Allianz à payer à la CPAM les sommes mises à la charge de cette dernière, soit 15.000 euros au titre du pretium doloris, 7,000 au titre du préjudice esthétique, 15.000 euros au titre du préjudice moral, lO.OOO euros au titre du préjudice d'agrément ;
AUX MOTIFS QUE les dispositions générales du contrat liant la société MCL à la société Allianz font clairement apparaître une garantie au profit des préposés de l'employeur pour leurs dommages corporels donnant lieu à application de la législation sur les accidents du travail ou les maladies professionnelles ; que même si M. Nicolas X... ou la caisse primaire d'assurance maladie ne sont pas recevables à solliciter de condamnation à l'encontre de la société MCL, faute de déclaration de leurs créances, il n'en demeure pas moins que dans ... la victime que la caisse dispose d'une action directe contre l'assureur de l'employeur ; il convient de fixer les préjudices de M. Nicolas X... comme suit : 15.000 euros au titre du pretium doloris, la somme de 7.000 euros au titre du préjudice esthétique, la somme de 15.000 euros au titre du préjudice moral et la somme de 10.000 euros au titre du préjudice d'agrément ; la CPAM fera l'avance de ces préjudices, celle-ci disposant d'une action récursoire et d'une action directe à l'encontre de la société Allianz ; (arrêt pages 8 et 9)
1°) ALORS QUE sont irrecevables en appel les prétentions nouvelles à l'exception de celles visant à opposer compensation, à faire écarter une prétention adverse ou à faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ; qu'en l'espèce, comme le faisait valoir la compagnie Allianz (conclusions, p. 7 § 4), la CPAM de Lille n'avait formé aucune demande à son encontre en première instance puisqu'elle s'était bornée à s'en remettre à la sagesse du tribunal sur la reconnaissance de la faute inexcusable et à solliciter qu'il soit rappelé "ses droits à récupérer auprès de l'employeur, la SARL MCL les sommes dont elle serait amenée à faire l'avance" ; que la demande de condamnation de la CPAM contre la société Allianz, au titre de l'action directe, formée pour la première fois en cause d'appel sur le fondement de l'article L. 124-3 du code des assurances, constituait une demande nouvelle, irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile; qu'en accueillant néanmoins cette demande, la cour d'appel a violé l'article susvisé;
2°) ALORS QUE, subsidiairement, à supposer que la demande d'action directe de la CPAM ait été recevable, la société Allianz faisait valoir dans ses écritures qu'elle ne devait pas sa garantie à la société MCL puisqu'il existait, dans le contrat d'assurance souscrit, une exclusion de garantie pour les dommages dans lesquels était impliqué un véhicule terrestre à moteur (conclusions prod,3, p. 7 § 5 à 11 et p. 8 § 1 et 2) ; que l'accident au cours duquel a été blessé monsieur X... a impliqué un véhicule de type Fenwick conduit par un préposé de la société MCL (jugement mixte du 14 avril 2009, p. 3 § dans le § 4) ; que la cour d'appel, pour juger que la société Allianz serait tenue à garantir la CPAM des sommes mises à sa charge, s'est bornée à affirmer qu'il existait, dans les conditions générales liant la société MCL et la société Allianz, une garantie au profit des préposés pour leurs dommages corporels donnant lieu à application sur la législation des accidents du travail ; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions dont elle était saisie par lesquelles la société Allianz lARD faisait valoir une cause d'exclusion de garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
SECOND MOYEN DE CASSATION :
:IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Allianz lARD à payer à monsieur Nicolas X... la somme de 3.500 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire;
AUX MOTIFS QU'au vu de l'impossibilité pour la victime de vaquer à la moindre activité de loisirs nécessitant un minimum de mouvement, le déficit fonctionnel temporaire sera réparé par l'allocation d'une somme de 3.500 euros; que le poste déficit fonctionnel temporaire doit être mis directement à la charge de son employeur ou de son assureur; que même si M. Nicolas X... ou la caisse primaire d'assurance maladie ne sont pas recevables à solliciter de condamnation à l'encontre de la société MC l, faute de déclaration de leurs créances, il n'en demeure pas moins que dans (...j la victime que la caisse dispose d'une action directe contre l'assureur de l'employeur;
1°) ALORS QUE dans ses conclusions devant la cour (prod 7, page 13), monsieur X... demandait seulement de "dire le jugement opposable à la compagnie d'assurance de la société MCL" ; qu'en condamnant Allianz à payer à monsieur X... la somme de 3.500 euros en réparation de son déficit fonctionnel temporaire, la cour a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du CPC ;
2°) ALORS QUE la société Allianz faisait valoir dans ses écritures qu'elle ne devait pas sa garantie à la société MCL puisqu'il existait dans le contrat d'assurance souscrit une exclusion de garantie pour les dommages dans lesquels était impliqué un véhicule terrestre à moteur (conclusions, p. 7 § 5 à 11 et p. 8 § 1 et 2) ; que l'accident au cours duquel a été blessé monsieur X... a impliqué un véhicule de type Fenwick conduit par un préposé de la société MCL (jugement mixte du 14 avril 2009, p. 3 § dans le § 4) ; que la cour d'appel, pour juger que la société Allianz serait tenue de verser à monsieur X... la somme de 3.500 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, s'est bornée à affirmer qu'il existait, dans les conditions générales liant la société MCL et la société Allianz, une garantie au profit des préposés pour leurs dommages corporels donnant lieu à application sur la législation des accidents du travail; qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions dont elle était saisie par lesquelles la société Allianz lARD faisait valoir une cause d'exclusion de garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.