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17/01/2013 | FRANCE | N°11-27301

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 17 janvier 2013, 11-27301


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2011), que M. Richard X... a été employé à partir du 1er janvier 1980 par la société Tricopal comme mécanicien puis, à compter du 22 décembre 1998, comme directeur de l'atelier de tricotage ; que son contrat de travail a été repris de la fin de l'année 1999 jusqu'au 31 juillet 2002 par la Société européenne de la maille et des tissus techniques (SEMTT) aux droits de laquelle vient la société Bugis ; que M. X... a étÃ

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LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 30 septembre 2011), que M. Richard X... a été employé à partir du 1er janvier 1980 par la société Tricopal comme mécanicien puis, à compter du 22 décembre 1998, comme directeur de l'atelier de tricotage ; que son contrat de travail a été repris de la fin de l'année 1999 jusqu'au 31 juillet 2002 par la Société européenne de la maille et des tissus techniques (SEMTT) aux droits de laquelle vient la société Bugis ; que M. X... a été atteint par des plaques pleurales calcifiées bilatérales, diagnostiquées le 25 janvier 2005, dont le caractère de maladie professionnelle a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie de Calais, avec un taux d'incapacité permanente partielle de 5 % ; qu'il a saisi une juridiction de sécurité sociale d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur ;
Attendu que la société Bugis fait grief à l'arrêt de juger que la société SEMTT a commis une faute inexcusable, alors, selon le moyen :
1°/ que l'existence d'une faute inexcusable prévue à l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ne se présume pas ; qu'il incombe au salarié victime d'un accident du travail de rapporter la preuve que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que s'agissant d'une maladie professionnelle consécutive à l'inhalation d'amiante, la conscience du danger ne saurait être déduite de la seule exposition du salarié à l'amiante ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que devait savoir, dans son secteur d'activité et à l'époque de l'exposition au risque, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que la société Bugis faisait valoir dans ses conclusions d'appel que le secteur d'activité dans lequel M. X... travaillait en sa qualité de contremaître était le secteur textile, qui n'a jamais été visé comme exposant les salariés à un quelconque danger d'amiante, contrairement aux secteurs de la sidérurgie et de la métallurgie ; qu'ainsi, aucun autre cas de pathologie lié à l'amiante ne s'était produit pour les salariés de l'entreprise chargés notamment de l'entretien des métiers à tisser, et aucune prescription de protection individuelle à l'amiante ne concernait les salariés occupés sur des machines textiles ; que pour décider néanmoins que la société Bugis avait commis une faute inexcusable dans la maladie professionnelle de M. X..., la cour d'appel a affirmé péremptoirement que la société ne pouvait ignorer le danger auquel elle exposait ce salarié ; qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer sur la nature de l'activité de la société Bugis et sur ce qu'elle devait savoir dans son secteur d'activité et à l'époque de l'exposition au risque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
2°/ que ne peut avoir conscience du danger auquel sont exposés ses salariés l'employeur qui obtient l'assurance du service médical du travail du département que les matériels utilisés par les salariés dans le cadre de leur activité ne présentent pas de danger pour leurs utilisateurs ; qu'en l'espèce, la société Bugis faisait valoir dans ses conclusions d'appel qu'elle ne pouvait avoir conscience d'un quelconque danger puisque le service médical du travail du département de l'Aube (GISMA) lui avait indiqué avoir pris attache avec plusieurs des médecins du travail du GISMA assurant de longue date le suivi médical de salariés d'entreprise textiles de leur zone de compétence (département de l'Aube sauf secteurs de Rommilly-Nogent et de Barre/Aube – Barre s/ Seine) et qu'il ressortait de ces entretiens que "les matériels et les process utilisés dans l'industrie textile auboise n'ont pas été (hormis il y a déjà longtemps, revêtement des tables de repassage) et ne sont pas générateurs de risque amiante pour les salariés de cette industrie" ; que pour décider néanmoins que la société BUGIS avait commis une faute inexcusable dans la maladie professionnelle de M. X..., la cour d'appel a affirmé catégoriquement que la société ne pouvait ignorer le danger auquel elle exposait ce salarié ; qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer sur les éléments de preuve invoqués par l'employeur qui démontraient qu'il ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que l'arrêt retient qu'il résulte des nombreuses attestations produites par M. X... qu'en sa qualité de contremaître sur le site exploité par la société Tricopal, il effectuait des interventions régulières d'entretien, de réglage et de réparation sur les embrayages et les freins des machines à tisser à l'occasion desquelles il était exposé sans aucune protection individuelle ou collective à des émanations de poussières d'amiante provenant de l'usure des garnitures en amiante de ces pièces ; que M. Marcel X... indique que M. Richard X... a poursuivi ce type d'interventions dans les mêmes conditions après que le site a été repris par la société SEMTT à partir de la fin de l'année 1999 ; qu'il s'ensuit que l'exposition régulière de M. X... au risque constitué par les poussières d'amiante pendant son activité pour le compte de la société SEMTT et l'absence totale de mesures de protection de ce salarié contre ce risque doivent être considérées comme établies ; que pendant la période d'activité de M. X... il est exclu qu'un employeur normalement avisé ait pu ignorer la dangerosité de l'amiante pour en avoir été averti non seulement par les informations à destination du grand public mais également par la création dès 1945 d'un tableau des affections respiratoires liées à ce produit et par de nombreux textes réglementant dans un premier temps la protection des travailleurs exposés à l'amiante pour finalement interdire en 1996 de manière générale la commercialisation de cette substance ; qu'utilisant des garnitures de freins et d'embrayage à base d'amiante dans ses nombreux métiers à tisser et ne pouvant méconnaître les conditions dans lesquelles M. X... devait intervenir sans protection d'aucune sorte pour procéder aux interventions nécessaires sur ces pièces, la société SEMTT ne pouvait ignorer le danger auquel elle exposait ce salarié et n'a pris aucune mesure pour l'en protéger ;
Que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié et qu'il n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, de sorte qu'il avait commis une faute inexcusable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Bugis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Bugis.
Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR dit que la SARL EUROPENNE DE LA MAILLE ET DES TISSUS TECHNIQUES aux droits et obligations de laquelle vient la SAS BUGIS a commis une faute inexcusable constituant une des causes nécessaires de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur Richard X..., d'AVOIR fixé au maximum la majoration de l'indemnisation sous forme de rente ou capital allouée à Monsieur Richard X... et dit que cette majoration suivra automatiquement l'augmentation de son taux d'incapacité permanente partielle en cas d'aggravation de son état de santé, d'AVOIR fixé comme suit l'indemnisation des préjudices de Monsieur Christian Y... sur le fondement de l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale : 3.000 euros au titre de l'indemnisation des souffrances physiques, 10.000 euros au titre de l'indemnisation des souffrances morales et 3.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice d'agrément, et d'AVOIR dit que les sommes qui viennent d'être accordées à la victime produisent des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement déféré ;
AUX MOTIFS QU'il résulte des nombreuses attestations produites par Monsieur Richard X... qu'en sa qualité de contremaître sur le site exploité à SAINT ANDRE par la société TRICOPAL, il effectuait des interventions régulières d'entretien, de réglage et de réparations sur les embrayages et freins des machines à tisser lors desquelles il était exposé sans aucune protection individuelle ou collective à des émanations de poussières d'amiante provenant de l'usure des garnitures en amiante de ces pièces ; que l'attestation de Monsieur Marcel X... indique que Monsieur Richard X... a poursuivi ce type d'interventions dans les mêmes conditions après que le site ait été repris par la société SEMTT à partir de la fin de l'année 1999 ; que ces témoignages nombreux, circonstanciés et concordants ne sont pas utilement contredits par les deux attestations versées aux débats par l'employeur dont l'une minimise la participation directe de Monsieur Richard X... aux activités de réglage des machines et l'autre la fréquence des activités de démontage de l'embrayage et du freinage de ces dernières, cette dernière émanant d'ailleurs d'un salarié d'une autre entreprise faisant état de ses interventions sur des machines dont l'on ignore totalement si elles étaient identiques à celles utilisées par la société SEMTT ; qu'il s'ensuit que l'exposition régulière de Monsieur Richard X... au risque constitué par les poussières d'amiante pendant son activité pour le compte de la société SEMTT aux droits et obligations de laquelle vient la société BUGIS et l'absence totale de mesures de protection de ce salarié contre ce risque doivent être considérées comme établies ; que pendant la période d'activité de Monsieur Richard X... il est exclu qu'un employeur normalement avisé ait pu ignorer la dangerosité de l'amiante pour en avoir été averti non seulement par les informations à destination du grand public mais également par la création dès 1945 d'un tableau des affections respiratoires liées à ce produit et par de nombreux textes réglementant dans un premier temps la protection des travailleurs exposés à l'amiante pour finalement interdire en 1996 de manière générale la commercialisation de cette substance ; qu'utilisant des garnitures de freins et d'embrayage à base d'amiante dans ses nombreux métiers à tisser et ne pouvant méconnaître les conditions dans lesquelles Monsieur Richard X... devait intervenir sans protection d'aucune sorte pour procéder aux interventions nécessaires sur ces pièces, la société SEMTT ne pouvait ignorer le danger auquel elle exposait ce salarié et n'a pris aucune mesure pour l'en protéger ; qu'il convient donc, réformant le jugement en ses dispositions contraires, de dire que la société SEMTT aux droits et obligations de laquelle vient la société BUGIS, a commis une faute inexcusable constituant une des causes nécessaires de la maladie professionnelle déclarée par Monsieur Richard X... ; qu'eu égard à ce qui vient d'être jugé et en l'absence de toute faute inexcusable du salarié il convient de fixer au maximum la majoration de l'indemnisation en capital ou rente accordée à Monsieur Richard X... en disant que cette majoration suivra, le cas échéant, l'aggravation de son taux d'IPP en cas d'aggravation de son état de santé liée à sa maladie professionnelle ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L.452-3 du Code de la sécurité sociale la victime d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur a le droit de demander à celui-ci, indépendamment de la majoration de rente qu'elle perçoit en vertu de l'alinéa précédent, la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ; que Monsieur X... est atteint de la maladie professionnelle prévue au tableau n° 30 des maladies professionnelles et consistant dans des plaques pleurales calcifiées bilatérales ; que la CPAM lui a reconnu de ce chef une incapacité de 5 % ; que compte tenu de la nature des lésions, du taux d'incapacité reconnu à la victime, des documents médicaux ainsi que des attestations qu'elle verse aux débats, il convient de réformer le jugement en ses dispositions déboutant Monsieur X... de sa demande d'indemnisation et, statuant à nouveau de ce chef, de fixer comme suit les dommages et intérêts lui revenant sur le fondement de l'article précité :- 3.000 euros au titre de l'indemnisation des souffrances physiques.-10 000 euros au titre de l'indemnisation des souffrances morales - 3.000 euros au titre de l'indemnisation du préjudice d'agrément.qu'en application de la faculté offerte par l'article 1153-1 alinéa 1 in fine du Code Civil il convient de dire que ces sommes produisent des intérêts légaux à compter de la date du jugement déféré ;
1) ALORS QUE l'existence d'une faute inexcusable prévue à l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ne se présume pas ; qu'il incombe au salarié victime d'un accident du travail de rapporter la preuve que son employeur, qui devait avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'avait pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver ; que s'agissant d'une maladie professionnelle consécutive à l'inhalation d'amiante, la conscience du danger ne saurait être déduite de la seule exposition du salarié à l'amiante ; que la conscience du danger s'apprécie objectivement par rapport à ce que devait savoir, dans son secteur d'activité et à l'époque de l'exposition au risque, un employeur conscient de ses devoirs et obligations ; que la société BUGIS faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 11 et 14) que le secteur d'activité dans lequel Monsieur X... travaillait en sa qualité de contremaître était le secteur textile, qui n'a jamais été visé comme exposant les salariés à un quelconque danger d'amiante, contrairement aux secteurs de la sidérurgie et de la métallurgie ; qu'ainsi, aucun autre cas de pathologie lié à l'amiante ne s'était produit pour les salariés de l'entreprise chargés notamment de l'entretien des métiers à tisser, et aucune prescription de protection individuelle à l'amiante ne concernait les salariés occupés sur des machines textiles ; que pour décider néanmoins que la société BUGIS avait commis une faute inexcusable dans la maladie professionnelle de Monsieur X..., la Cour d'appel a affirmé péremptoirement que la société ne pouvait ignorer le danger auquel elle exposait ce salarié ; qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer sur la nature de l'activité de la société BUGIS et sur ce qu'elle devait savoir dans son secteur d'activité et à l'époque de l'exposition au risque, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ;
2) ALORS QUE ne peut avoir conscience du danger auquel sont exposés ses salariés l'employeur qui obtient l'assurance du service médical du travail du département que les matériels utilisés par les salariés dans le cadre de leur activité ne présentent pas de danger pour leurs utilisateurs ; qu'en l'espèce, la société BUGIS faisait valoir dans ses conclusions d'appel (p. 15) qu'elle ne pouvait avoir conscience d'un quelconque danger puisque le service médical du travail du département de l'AUBE (GISMA) lui avait indiqué avoir pris attache avec plusieurs des médecins du travail du GISMA assurant de longue date le suivi médical de salariés d'entreprise textiles de leur zone de compétence (département de l'Aube sauf secteurs de Rommilly-Nogent et de Barre/Aube – Barre s/ Seine) et qu'il ressortait de ces entretiens que « les matériels et les process utilisés dans l'industrie textile auboise n'ont pas été (hormis il y a déjà longtemps, revêtement des tables de repassage) et ne sont pas générateurs de risque amiante pour les salariés de cette industrie » ; que pour décider néanmoins que la société BUGIS avait commis une faute inexcusable dans la maladie professionnelle de Monsieur X..., la Cour d'appel a affirmé catégoriquement que la société ne pouvait ignorer le danger auquel elle exposait ce salarié ; qu'en statuant de la sorte, sans s'expliquer sur les éléments de preuve invoqués par l'employeur qui démontraient qu'il ne pouvait pas avoir conscience du danger auquel son salarié était exposé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-27301
Date de la décision : 17/01/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 30 septembre 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 17 jan. 2013, pourvoi n°11-27301


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : Me Blondel, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.27301
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