LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'ordonnance attaquée, rendue en la forme des référés (tribunal de grande instance de Paris, 3 avril 2012), que l'Union nationale du sport scolaire (l'UNSS) a décidé de lancer une consultation pour l'attribution d'un contrat de prestations de services portant sur l'évolution de son système d'information selon la procédure du dialogue compétitif ; qu'estimant que de nombreux manquements aux obligations de mise en concurrence et d'attribution du marché avaient été commis à son détriment au cours de cette procédure, la société Informatique radio télématique (la société Sirtem), qui était en charge des prestations en cause depuis 1992, a fait assigner l'UNSS, selon la procédure de référé précontractuel, pour obtenir la suspension de la procédure et sa reprise selon les formes légales ;
Attendu que la société Sirtem fait grief à l'ordonnance d'avoir rejeté ces demandes, alors, selon le moyen :
1°/ que le recours à la procédure de dialogue compétitif est possible notamment, lorsque le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ; que le juge des référés, qui s'est borné à affirmer que l'association, nonobstant la présence d'un directeur informatique et d'une équipe informatique interne, n'était "absolument pas en mesure de définir seule et à l'avance" ses besoins, sans préciser les éléments dont cette incapacité serait résultée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 38 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
2°/ que dans ses écritures d'appel, la société Sirtem avait fait valoir que l'UNSS avait mis en ligne, dans le cadre de la procédure d'appel d'offres, un document intitulé "programme fonctionnel" reprenant de manière irrégulière en tous points une annexe du contrat la liant à l'UNSS, qui était entièrement confidentielle ; qu'une telle irrégularité était de nature à affecter la validité de la procédure, dès lors que susceptible de fournir un avantage aux autres candidats ; que le juge des référés, qui n'a pas répondu à ce moyen, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'invitation à participer au dialogue compétitif doit au moins comporter la pondération des critères d'attribution du marché ou, le cas échéant, leur hiérarchisation si ces renseignements ne figurent pas dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans les documents de la consultation ; que cette obligation d'ordre public s'impose à l'adjudicateur dès lors qu'il a recours à la procédure de dialogue compétitif ; qu'il était constant que l'UNSS n'avait communiqué ni hiérarchisation, ni pondération des critères ; qu'en jugeant néanmoins la procédure régulière, le juge des référés a violé l'article 40 I 6° du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
4°/ que les critères d'attribution du marché doivent être indiqués dans l'avis d'appel à concurrence, dans le programme fonctionnel ou, au plus tard, dans l'invitation à participer au dialogue ; que ceux-ci doivent être, d'emblée, suffisamment précis, de sorte qu'il est exclu d'en donner une nouvelle formulation ou d'y apporter des précisions après l'ouverture du dialogue ; que l'UNSS avait indiqué, après l'invitation à participer au dialogue, la prise en considération d'un critère supplémentaire consistant dans "la capacité à faire dans les délais impartis" ; qu'en considérant que ce critère pouvait être rattaché à celui de "garantie et engagements", le juge des référés a violé les articles 39 et 40 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
5°/ que lorsque la procédure de dialogue compétitif se déroule en phases successives, c'est le nombre des solutions à discuter qui peut être réduit, et non pas celui des candidats ; que les candidats admis à participer au dialogue doivent pouvoir proposer de nouvelles solutions jusqu'à l'issue de la procédure ; qu'en jugeant néanmoins que l'élimination en cours de procédure d'un candidat était possible, de sorte que la société Sirtem ne pouvait se plaindre de ce que sa nouvelle proposition formulée le 6 févier 2012 n'ait pas été transmise à la commission d'appel d'offres, le juge des référés a violé l'article 40 II du décret susvisé ;
6°/ qu'en constatant que la nouvelle proposition formulée le 6 février 2012 par la société Sirtem n'ait pas été transmise à la commission d'appel d'offres, laquelle avait pourtant examiné la nouvelle proposition formulée, le 1er février 2012, par la société Atos, ce qui consacrait une rupture d'égalité, le juge des référés a violé l'article 40 II du décret susvisé ;
Mais attendu, en premier lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, et par des motifs suffisants, que le juge, après avoir relevé que le recours au dialogue compétitif avait été choisi pour définir un système innovant et complexe très différent de celui en vigueur, a retenu que l'UNSS n'était pas en mesure de le définir seule et à l'avance ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'ordonnance ayant répondu aux conclusions prétendument délaissées en retenant que la société Sirtem ne démontrait pas en quoi l'UNSS aurait donné à certains candidats des informations susceptibles de les avantager par rapport à d'autres, et n'ayant pas constaté l'absence d'examen de la nouvelle proposition de la société Sirtem par la commission d'appel d'offres, le moyen manque en fait en ce qu'il postule le contraire ;
Et attendu, en dernier lieu, qu'ayant relevé que l'offre de la société Sirtem, beaucoup plus onéreuse que celle présentée par ses concurrents, ne comprenait aucun des éléments énoncés par l'UNSS, l'ordonnance, qui a ainsi fait ressortir que les manquements invoqués n'étaient pas susceptibles d'avoir lésé la société Sirtem en favorisant une autre entreprise, a, abstraction faite des motifs erronés mais surabondants critiqués par les troisième et quatrième branches, légalement justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en ses deuxième, cinquième et sixième branches, ne peut être accueilli pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Informatique radio télématique aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à l'association Union nationale du sport scolaire la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Informatique radio télématique
Il est reproché à l'ordonnance attaquée d'avoir rejeté la demande de la société Sirtem tendant à la suspension d'une procédure de passation d'un contrat par l'UNSS et à la reprise de la consultation selon les formes légales ;
AUX MOTIFS QU'il résulte de la procédure et des pièces jointes qu'aucune irrégularité ne peut justifier l'action en suspension de la société SIRTEM, alors que nous sommes compétent pour statuer en précontractuel, dès lors que l'Association se devait d'attendre notre décision - ce qu'elle n'a pas fait et ce dont elle ne peut tirer un quelconque droit - avant que de commencer à s'engager avec la société ATOS, alors que l'assignation lui a été délivrée dès le 24 février 2012 ; QU'en effet, il ressort en particulier du décret n° 20 05-1742 du 30 décembre 2005, que le pouvoir adjudicateur est parfaitement en droit d'éliminer en cours de dialogue des candidats dont les solutions ne conviendraient pas, à la condition que ceux-ci aient été informés de cette faculté aux termes de l'avis d'appel à la concurrence ou du document de consultation ; or, QUE tel est le cas en l'occurrence puisque l'avis d'appel à concurrence prévoyait justement cette faculté, de sorte que l'Association était parfaitement fondée à éliminer des candidats en cours de dialogue ; Or, QU'à cet égard, l'offre présentée par la société SIRTEM à la commission : - non seulement ne comprenait aucun des éléments sus-énoncés sur lesquels l'Association avait attiré l'attention des candidats aux termes de son document en état d'avancement ; mais QU'en outre était beaucoup plus onéreuse que celle présentée par ses concurrents ; QU'ainsi, par exemple, le coût de la prestation proposée par la société SIRTEM - quoi qu'en location - était de l'ordre du double de celui de la société ATOS (quoi qu'en acquisition) ; QUE par ailleurs, il faut relever : - que le recours au dialogue compétitif n'était pas anormal, dès lors qu'il s'agissait aucunement de maintenir une prestation identique, mais bien de définir un système innovant et complexe très différent de celui en vigueur et que l'Association, nonobstant la présence dans ces rangs d'un directeur informatique, n'était absolument pas en mesure de le définir seule et à l'avance ; - que si le délai de 30 jours imparti pour le dépôt des candidatures, n'a été effectivement que de 27 jours, tous les candidats en ont pâti de la même manière, sans que la société SIRTEM -qui a déposé et complété ses offres- précise un grief autre que formel ; - qu'il en est de même pour la non mention obligatoire de la langue française ; - QUE l'absence de hiérarchisation des critères importe peu, comme la non pondération desdits critères, dès lors que ceux-ci ont été clairement indiqués au nombre de 5 (donc 20 % chacun), étant précisé que la "capacité de faire" indiquée au cours du dialogue devant peut être prise en compte dans le critère de "garantie et engagements" ; - QUE la société SIRTEM ne démontre aucunement en quoi l'Association aurait donné à certains candidats des informations susceptibles de les avantager par rapport à d'autres ; - QU'il ressort du procès-verbal de délibération de la Commission d'appel d'offres, que ce sont bien 6 candidats et non 7, dont les candidatures ont été retenues ; QU'enfin, la société SIRTEM ne peut valablement invoquer une violation des dispositions de l'article 46 du décret du 30 décembre 2005, alors que ce dernier prévoit en son article III ceci : «le pouvoir adjudicataire communique à tout candidat écarté qui n'a pas été destinataire de la notification prévue au 1°) du 1 du présent article les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre, dans les quinze jours de la réception d'une demande écrite » ; or, QUE la société Sirtem ne justifie aucunement avoir adressé une telle demande à l'Association ; QU'en conséquence, il y a lieu de rejeter purement et simplement l'action engagée par la société SIRTEM ;
1- ALORS QUE le recours à la procédure de dialogue compétitif est possible notamment, lorsque le pouvoir adjudicateur n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ; que le juge des référés, qui s'est borné à affirmer que l'association, nonobstant la présence d'un directeur informatique et d'une équipe informatique interne, n'était « absolument pas en mesure de définir seule et à l'avance » ses besoins, sans préciser les éléments dont cette incapacité serait résulté, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 38 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
2 - ALORS QUE dans ses écritures d'appel (p. 17, al. 3 à 5), la société Sirtem avait fait valoir que l'UNSS avait mis en ligne, dans le cadre de la procédure d'appel d'offres, un document intitulé « programme fonctionnel » reprenant de manière irrégulière en tous points une annexe du contrat la liant à l'UNSS, qui était entièrement confidentiel ; qu'une telle irrégularité était de nature à affecter la validité de la procédure, dès lors que susceptible de fournir un avantage aux autres candidats ; que le juge des référés, qui n'a pas répondu à ce moyen, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3- ALORS QUE l'invitation à participer au dialogue compétitif doit au moins comporter la pondération des critères d'attribution du marché ou, le cas échéant, leur hiérarchisation si ces renseignements ne figurent pas dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans les documents de la consultation ; que cette obligation d'ordre public s'impose à l'adjudicateur dès lors qu'il a recours à la procédure de dialogue compétitif ; qu'il était constant que l'UNSS n'avait communiqué ni hiérarchisation, ni pondération des critères ; qu'en jugeant néanmoins la procédure régulière, le juge des référés a violé l'article 40 I 6° du décret n° 2005-1742 du 30 déce mbre 2005 ;
4- ALORS QUE les critères d'attribution du marché doivent être indiqués dans l'avis d'appel à concurrence, dans le programme fonctionnel ou, au plus tard, dans l'invitation à participer au dialogue ; que ceux-ci doivent être, d'emblée, suffisamment précis, de sorte qu'il est exclu d'en donner une nouvelle formulation ou d'y apporter des précisions après l'ouverture du dialogue ; que l'UNSS avait indiqué, après l'invitation à participer au dialogue, la prise en considération d'un critère supplémentaire consistant dans « la capacité à faire dans les délais impartis » ; qu'en considérant que ce critère pouvait être rattaché à celui de « garantie et engagements », le juge des référés a violé les articles 39 et 40 du décret n° 2005-1742 du 30 décembre 2005 ;
5- ALORS QUE lorsque la procédure de dialogue compétitif se déroule en phases successives, c'est le nombre des solutions à discuter qui peut être réduit, et non pas celui des candidats ; que les candidats admis à participer au dialogue doivent pouvoir proposer de nouvelles solutions jusqu'à l'issue de la procédure ; qu'en jugeant néanmoins que l'élimination en cours de procédure d'un candidat était possible, de sorte que la société Sirtem ne pouvait se plaindre de ce que sa nouvelle proposition formulée le 6 févier 2012 n'ait pas été transmise à la commission d'appel d'offres, le juge des référés a violé l'article 40 II du décret susvisé ;
6- ALORS QU'en constatant que la nouvelle proposition formulée le 6 février 2012 par la société Sirtem n'ait pas été transmise à la commission d'appel d'offres, laquelle avait pourtant examiné la nouvelle proposition formulée, le 1er février 2012, par la société Atos, ce qui consacrait une rupture d'égalité, le juge des référés a violé l'article 40 II du décret susvisé.