La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/01/2013 | FRANCE | N°11-17152

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 15 janvier 2013, 11-17152


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 122-34 du code du travail applicable à Mayotte ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., employé par la société Lacroix Mayotte, a été licencié pour faute grave le 25 février 2008 ; que le 6 mars 2008, il a signé un reçu pour solde de tout compte ; qu'il a saisi le 17 juin 2008 le tribunal du travail de Mamoudzou-Mayotte d'une demande en paiement d'indemnités de rupture ;

Attendu que pour déclarer forclose l'action du salarié, l'arrêt é

nonce que le reçu pour solde de tout compte versé aux débats indique que "la somme était ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article L. 122-34 du code du travail applicable à Mayotte ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., employé par la société Lacroix Mayotte, a été licencié pour faute grave le 25 février 2008 ; que le 6 mars 2008, il a signé un reçu pour solde de tout compte ; qu'il a saisi le 17 juin 2008 le tribunal du travail de Mamoudzou-Mayotte d'une demande en paiement d'indemnités de rupture ;

Attendu que pour déclarer forclose l'action du salarié, l'arrêt énonce que le reçu pour solde de tout compte versé aux débats indique que "la somme était versée « en paiement des salaires accessoires du salaire, remboursement des frais et indemnités de tout nature dus au titre de l'exécution et de la cessation du contrat de travail » et que "les termes du reçu étaient suffisamment précis et explicites pour établir que M. X... aurait renoncé non seulement aux réclamations relatives au salaire, mais encore à celles pouvant découler d'une action judiciaire consécutive à la fin du contrat de travail" ;

Attendu, cependant, que la signature d'un reçu pour solde de tout compte, rédigé en termes généraux, ne peut valoir renonciation du salarié au droit de contester le bien-fondé de son licenciement ; que seule une transaction, signée après le licenciement et comportant des concessions réciproques, peut l'empêcher d'agir ;

Qu'en statuant comme il l'a fait, le Tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 1er février 2011, entre les parties, par le Tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la chambre d'appel de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion à Mamoudzou ;

Condamne la société Lacroix Mayotte aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Lacroix Mayotte à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze janvier deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR constaté la forclusion, déclaré l'action de monsieur X..., salarié, dirigée contre la société Lacroix Mayotte, son employeur, irrecevable à défaut de dénonciation dans les délais légaux du solde de tout compte signé le 6 mars 2008 et débouté le salarié de l'ensemble de ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE l'article L.122-34 du code du travail applicable à Mayotte disposait que le reçu pour solde de tout compte, délivré par le travailleur à l'employeur lors de la résiliation ou de l'expiration de son contrat, pouvait être dénoncé dans les deux mois de la signature, que la dénonciation devait être écrite et dûment motivée ; que la forclusion ne pouvait être opposée au travailleur : si la mention « pour solde de tout compte » n'était pas entièrement écrite de sa main et suivie de sa signature, si le reçu ne portait pas mention en caractères très apparents, du délai de forclusion ; que le reçu pour solde de tout compte régulièrement dénoncé ou à l'égard duquel la forclusion ne pouvait jouer, n'avait que la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figuraient ; que la rédaction de l'article L.122-34 du code du travail applicable à Mayotte correspondait effectivement à la rédaction de l'article L.122-17 du code du travail dans sa version en vigueur du 23 novembre 1973 au 18 janvier 2002 ; que l'article L.122-17 du code du travail avait ensuite été modifié : « lorsqu'un reçu pour solde de tout compte est délivré et signé par le salarié à l'employeur à l'occasion de la résiliation ou de l'expiration de son contrat, il n'a que la valeur d'un simple reçu des sommes qui y figurent », que cette version avait été abrogée le 1er mai 2008 pour devenir l'article L.1234-20 du code du travail : « le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail. Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes mentionnées » ; que l'évolution législative, applicable en métropole qui résultait de ces textes caractérisait non seulement une extension du délai de contestation et donc, une extension de la protection du salarié mais encore un caractère libératoire nouveau pour l'employeur du document ainsi établi ; que pour autant les conséquences que les parties en tiraient étaient dépourvues de pertinence en l'espèce puisque le débat se situait sur les dispositions du second alinéa relatives à l'opposabilité de la forclusion qui résultait de la présence ou non de la mention « pour solde de tout compte » qui devait être entièrement écrite et suivie de sa signature et de la mention dans le reçu « en caractères très apparents, du délai de forclusion » ; qu'en l'espèce, le reçu avait été, au terme des mentions qu'il comportait, établi en deux exemplaires, une pour chacune des parties qui produisait le sien, étant relevé que ni l'une, ni l'autre ne contestait cette production et la validité des écrits, régulièrement communiqués au vu des timbres des avocats qui y étaient apposés ; que les deux parties produisaient un document dactylographié intitulé : solde de tout compte, « je soussigné monsieur Alain X... … atteste par la présente avoir reçu de la société Lacroix Mayotte … un chèque … pour solde de tout compte … je reconnais qu'en application de l'article L.122-17 du code du travail je peux dénoncer le présent reçu dans un délai de deux mois à compter de ce jour. Passé ce délai je ne pourrai plus le contester … à Kawéni le 6 mars 2008 » ; que l'exemplaire produit par l'employeur portait une signature non contestée et la mention manuscrite « reçu pour solde de tout compte le 6 mars 2008 » ; que l'exemplaire produit par l'employé portait seulement la signature identique et la trace de l'agrafage d'un talon de chèque ; que, autrement dit, monsieur X..., qui ne contestait pas sa signature et son écriture, avait porté la mention manuscrite « reçu pour solde de tout compte le 6 mars 2008 » sur l'exemplaire de l'employeur et non sur l'exemplaire qu'il avait conservé ; qu'autrement dit encore, monsieur X... qui avait formé ses réclamations par requête reçue le 17 juin 2008 était forclos et qu'il ne pouvait tirer argument de l'absence sur son exemplaire de la mention qu'il avait fait figurer sur celui de son employeur ; que si le premier juge n'avait fait aucune mention de cette divergence entre les pièces produites par les parties, alors qu'il résultait de leurs dossiers que ces deux pièces lui avaient été soumises et avait pris en considération le seul exemplaire du demandeur, en l'absence de dénégation d'écriture ou de contestation de signature, la juridiction se trouvait en présence d'un conflit de preuves littérales ; que ces pièces divergentes avaient été produites au débat, que les parties avaient eu la possibilité d'en discuter contradictoirement, qu'il ne s'agissait pas d'un moyen de droit relevé d'office ; qu'en application des dispositions des articles 1316, 1316-2 et 1316-4 du code civil, compte tenu des circonstances de l'espèce, du fait que l'écrit lacunaire était produit par celui qui devait l'établir mais qui y ajoutait le talon de chèque, confirmant la validité des pièces, il apparaissait que l'écrit le plus vraisemblable était celui de l'employeur, l'employé ayant estimé inutile de porter la mention manuscrite sur son exemplaire ; que monsieur X... qui avait par ailleurs signé, attestait de ce fait la perfection de l'écrit et manifestait son consentement aux obligations qui en découlaient ; que de plus, le reçu pour solde de tout compte indiquait que la somme était versée « en paiement des salaires accessoires du salaire, remboursement des frais et indemnités de tout nature dus au titre de l'exécution et de la cessation du contrat de travail » ; que les termes du reçu étaient suffisamment précis et explicites pour établir que monsieur X... aurait renoncé non seulement aux réclamations relatives au salaire, mais encore à celles pouvant découler d'une action judiciaire consécutive à la fin du contrat de travail ; qu'il en résultait que monsieur X... était forclos par l'effet de la signature du reçu pour solde de tout compte et qu'il avait renoncé à défaut d'avoir saisi le tribunal du travail de Mayotte plus tôt, à toute autre réclamation contre son employeur ; que la forclusion prévue par l'article L.122-34 du code du travail applicable à Mayotte constituait une fin de non-recevoir au sens de l'article 122 du code de procédure civile qui pouvait être proposée en tout état de cause, alors qu'il était constant que monsieur X... n'avait pas saisi le tribunal du travail de Mayotte dans le délai de deux mois ; qu'il y avait lieu de déclarer l'action irrecevable à défaut de dénonciation dans les délais légaux du solde de tout compte et pour cause de forclusion, d'infirmer le jugement du tribunal du travail de Mayotte du 4 septembre 2009 en ce qu'il avait rejeté cette fin de non recevoir et consécutivement en toutes ses dispositions, monsieur X... étant logiquement débouté de l'ensemble de ses demandes (arrêt, p.4 à 6) ;

ALORS QUE la signature d'un reçu pour solde de tout compte, rédigé en termes généraux, ne peut valoir renonciation du salarié au droit de contester le bien-fondé de son licenciement ; qu'il ressort des propres constations des juges du fond que le salarié a été licencié pour faute grave, qu'il soutenait que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il réclamait la condamnation de son employeur à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'en refusant d'examiner la cause exacte du licenciement et son bien-fondé au motif inopérant que la forclusion était encourue, tandis que celle-ci n'est applicable qu'aux contestations dirigées contre le reçu pour solde de tout compte, le tribunal supérieur d'appel a violé l'article L.122-34 du code du travail applicable à Mayotte.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-17152
Date de la décision : 15/01/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou, 01 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 15 jan. 2013, pourvoi n°11-17152


Composition du Tribunal
Président : M. Béraud (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Barthélemy, Matuchansky et Vexliard, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:11.17152
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award