LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... qui avait prêté une somme de 91 469, 41 euros à M. et Mme Y..., leur a délivré un commandement de payer valant saisie immobilière puis les a assignés devant le juge de l'exécution pour que soit ordonnée la vente forcée du bien saisi ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article l'article 455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour accueillir la demande de M. X..., l'arrêt constate que M. et Mme Y... avaient reconnu dans l'acte du 6 avril 2006 devoir à M. X... une somme en principal et intérêts au titre de la reconnaissance de dette du 15 décembre 2000 et que cette constatation suffisait à écarter l'existence d'une novation par substitution de la société L'Impériale aux débiteurs ;
Qu'en statuant ainsi, en laissant sans réponse les conclusions de M. et Mme Y... qui soutenaient que le jugement irrévocable du tribunal de grande instance de Soissons du 11 février 2010 avait retenu que M. X... avait accepté une novation par changement de débiteurs, laquelle s'étendait aux actes postérieurs tel que celui du 6 avril 2006, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article 1315 du code civil ;
Attendu que pour admettre la créance à titre privilégié et hypothécaire de la société Kroinvest et la fixer à la somme de 79 370, 43 euros, la cour d'appel a retenu qu'aucune des parties ne s'y opposait ;
Qu'en statuant ainsi alors que la preuve de la créance de la société Kroinvest ne pouvait se déduire du silence opposé à sa demande par les parties adverses, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne M. X... et la société Kroinvest aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt décembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. et Mme Y...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement d'orientation du juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Soissons du 22 mars 2011 en ce qu'il avait constaté que Monsieur Serge X... disposait à l'encontre de Monsieur Roger Y... et de Madame Monique Z... épouse Y... d'un titre exécutoire fondant la procédure de saisie immobilière avec inscription d'une hypothèque conventionnelle publiée au Bureau des hypothèques de SOISSONS le 21 décembre 2000 volume 2000V1567, renouvelée le 11 décembre 2006 volume 2006V1163 en garantie des sommes de 91. 469, 41 euros en principal et de 18. 293. 88 euros en accessoires avec effet jusqu'au 11 décembre 2016 et avec inscription d'une hypothèque conventionnelle publiée au Bureau des hypothèques de SOISSONS le 6 avril 2006 volume 2006 V339, renouvelée le 28 décembre 2007 volume 2007V1202 en garantie des sommes de 35. 523, 95 euros en principal et de 7. 104, 79 euros en accessoires avec effet jusqu'au 28 décembre 2017 sur l'immeuble situé... à BUCY LE LONG (AISNE), consistant en une maison à usage d'habitation et jardin cadastrés section ZA n° 3 et ZA n° 4... " pour une superficie totale de 35 ares 30 centiares, constaté que la procédure de saisie immobilière visait un bien cessible conformément aux dispositions de l'article 2193 du Code civil, dit que la créance de Monsieur Serge X... s'élevait au 25 mai 2010 à la somme totale de 127. 530, 63 euros sous réserve des intérêts moratoires postérieurs au taux de 5 % à compter du 26 mai 2010, ordonné en conséquence la vente forcée de l'immeuble saisi par adjudication judiciaire sur une mise à prix de 160. 000 euros, fixé la date de l'audience d'adjudication à laquelle il y sera procédé ainsi que les conditions de la visite des lieux et déclaré le jugement opposable à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et à la SOCIÉTÉ FINANCIÈRE DE DÉVELOPPEMENT (SOFID), créanciers inscrits à qui le commandement de payer valant saisie immobilière avait été dénoncé et qui avaient déclaré leurs créances, d'AVOIR débouté les époux Y... de leur demande de délai et de leurs demandes accessoires, d'AVOIR renvoyé la procédure devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Soissons pour la poursuite des opérations de vente et d'AVOIR condamné in solidum les époux Roger et Monique Y... à payer aux époux X..., à la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et à la société KROINVEST la somme de 2 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « la cour, observant qu'en des énonciations précises le premier juge a justement exposé les faits, pertinemment répondu aux demandes et moyens des parties qui n'ont pas varié en cause d'appel et tiré les exactes conséquences légales de ses constatations, adoptera ses motifs et confirmera sa décision, sauf les compléments ci-après induits par l'instance d'appel. C'est à juste titre que le premier juge a notamment décidé qu'il n'y avait pas eu novation par changement de débiteur du seul fait que les fonds prêtés ont été remis à un tiers qui aurait procédé au règlement des échéances de remboursement de ce prêt. La cour observe que les appelants ne produisent aucun élément permettant d'accréditer la possibilité d'une vente rapide à un prix raisonnable, si ce n'est des mandats périmés auxquels on ne peut attacher aucune crédibilité. Ils seront donc déboutés de leur demande de vente amiable. Les difficultés financières invoquées par les débiteurs ne sont pas de nature à faire échec au légitime intérêt du créancier d'être rempli de ses droits à leur échéance naturelle. Ils seront donc déboutés de leur demande de délai. Conformément à sa demande, aucune des autres parties s'y opposant, il convient de recevoir et admettre la créance à titre privilégié et hypothécaire de la SA KROINVEST pour la somme de 79. 370, 43 €. Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles dont ils se réclament à hauteur de 2. 000 Euros. Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA SOCIETE GENERALE les frais irrépétibles dont elle se réclame à hauteur de 2. 000 Euros, I1 serait inéquitable de laisser à la charge de la SA KROINVEST les frais irrepétibles dont elle se réclame à hauteur de 2. 000 Euros. Succombant en sa demande principale les époux Y... ne seront pas reçus en leurs demandes accessoires concernant les dommages intérêts, les frais irrepétibles ou les dépens et seront condamnés aux dépens » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'« aux termes de l'article 1721 du Code civil, la novation ne se présume pas. Il faut que la volonté de l'opérer résulte clairement de l'acte. Il résulte clairement de l'acte authentique du 6 avril 2006 que Monsieur Roger Y... et Madame Monique Z...- Y... ont reconnu expressément rester devoir à Monsieur Serge X..., " la somme de 91. 469, 41 € en principal de la reconnaissance de dette du 15 décembre 2000, garantie par une hypothèque " outre diverses sommes au titre des intérêts. Cette constatation suffit à écarter le moyen de défense opposé par les époux Y..., dès lors que contrairement à ce que ces derniers soutiennent, l'exécution par un tiers (la S. A. R. L. L'IMPERIALE) de remboursements au titre du prêt stipulés dans l'acte authentique n'emporte pas novation de débiteur, mais ont été effectués pour le compte des débiteurs ayant souscrit l'acte de reconnaissance de dette. Monsieur Serge X... justifie du caractère exécutoire entre les parties de la copie exécutoire de 1'acte authentique reçu le 15 décembre 2000 par Maître Guy A... notaire à NESLES (SOMME) contenant un prêt par Monsieur X... à Monsieur Roger Y... et à Madame Monique Z... son épouse, d'un montant de 600. 000 F (91. 469, 69 €) remboursable au plus tard le 15 décembre 2004 avec intérêts au taux de 5 % l'an avec inscription d'une hypothèque conventionnelle publiée au Bureau des Hypothèques de SOISSONS le 21 décembre 2000 volume 2000 V1567, renouvelée le 11 décembre 2006 volume 2006V1163 en garantie de 91. 469. 41 € en principal et de 18. 293, 88 € en accessoires avec effet jusqu'au 11 décembre 2016,- la copie exécutoire d'un acte authentique reçu le 6 avril 2006 par Maître Guy A... notaire à NESLES (SOMME) contenant outre la reconnaissance de dette de la somme de 91. 469, 69 € par Monsieur Roger Y... et Madame Monique Z... à Monsieur Serge X... avec intérêts échus capitalisés jusqu'au 31 mars 2006 de ladite somme, soit 22. 768, 36 €, les intérêts portés au taux de 10 % l'an à compter du 15 décembre 2004 jusqu'au 31 mars 2006, soit la somme de 5. 886, 12 € et les intérêts calculés à compter du 1er avril 2006 au 31 décembre 2006 au taux de 10 % l'an soit 6. 866, 41 € et engagement de rembourser au plus tard le 31 décembre 2006 avec inscription d'une hypothèque conventionnelle publiée au Bureau des hypothèques de SOISSONS le 6 avril 2006 volume 2006 V339, renouvelée le 28 décembre 2007 volume 2007V1202 en garantie de 35. 523, 95 € en principal et de 7. 104, 79 € en accessoires avec effet jusqu'au 28 décembre 2017. Il s'agit bien de droits réels immobiliers au sens de l'article 2193 susvisé. Sur la fixation de la créance de Monsieur Serge X... et de la Compagnie de Financement Foncier : Selon l'article 51 du décret n° 2006-936 du 27juillet 2006 le jugement d'orientation mentionne le montant retenu pour la créance du poursuivant en principal, frais, intérêts et accessoires. Les époux Y...- Z... prétendent que certaines sommes à imputer sur le montant de la créance ont été payées au moyen de trois chèques (15. 244, 90 € par chèque n° 1804, 9. 146, 50 € par chèque n° 1917, 9. 146, 50 € par chèque n° 1918) sans démontrer la réalité du paiement et alors que le créancier poursuivant établi que ces chèques ont été rejetés pour défaut de provision le 28 février 2006, soit à une date antérieure à celle du 6 avril 2006 à laquelle ils ont souscrit la reconnaissance de dette constatée par acte authentique. Monsieur Serge X... dispose d'une créance liquide et exigible. La créance dont se préva ut Monsieur X... arrêtée au 25 mai 2010 s'établit comme suit :- Principal (reconnaissance de dette du 06. 04. 2006) 91. 649, 41 €- Intérêts capitalisés conformément à la reconnaissance de dette du 06. 04. 2006 au taux de 5 % l'an du 15. 12. 2000 au 31. 03. 2006 22. 768, 36 €- intérêts complémentaires du 15. 02. 2004 au 21. 03. 2006 à 5 % l'an 5. 889, 12 €- intérêts au taux de 10 % l'an du 01. 01. 2006 au 31. 03. 2006 6. 866, 47 €- intérêts au taux de 5 % l'an du 01. 01. 2007 au 25. 05. 2010 15. 537, 27 €
Sous total 142. 530, 63 €
A déduire-règlement de 15. 000 € du 15. 02. 2007 imputé sur les intérêts conformément à l'article 1254 du Code civil 15. 000, 00 €
TOTAL DÛ AU 25. 05. 2010 127. 530, 43 €
sous réserve des intérêts moratoires postérieurs au taux de 5 % à compter du 26. 05. 2010.
Cette somme sera reprise au dispositif du présent jugement selon décompte détaillé en principal, frais, intérêts et accessoires » ;
1. ALORS QUE dans leurs conclusions d'appel (p. 5, dernier alinéa ; p. 9 et 10, deux premiers alinéas ; p. 11, avant-dernier alinéa ; p. 15, al. 3 ; p. 16, dernier alinéa), Monsieur et Madame Y... soutenaient qu'un jugement irrévocable du Tribunal de grande instance de Soissons du 11 février 2010 avait retenu que Monsieur X... avait accepté une novation par changement de débiteur, la société L'IMPÉRIAL étant substituée à Monsieur Y..., relativement à une somme due au titre des intérêts du prêt ayant fait l'objet d'une reconnaissance de dette du 15 décembre 2000 ; que les appelants en déduisaient que cette novation s'étendait aux actes postérieurs tel que celui du 6 avril 2006 portant sur de nouveaux intérêts consentis au titre du prêt d'origine ; qu'en écartant l'existence d'une telle novation, au prétexte que Monsieur et Madame Y... avaient reconnu dans l'acte du 6 avril 2006 devoir à Monsieur X... une somme en principal et intérêts au titre de la reconnaissance de dette du 15 décembre 2000, sans répondre à ce moyen péremptoire, la Cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2. ALORS QUE si la circonstance qu'une somme prêtée a été remise par le prêteur à une autre personne que le débiteur puis remboursée par celle-ci ne vaut pas, à elle seule, novation par changement de débiteur, elle peut constituer un indice d'une telle novation qui, rapproché d'autres éléments, permet de caractériser celle-ci ; qu'en l'espèce, en affirmant qu'il n'y avait pas eu novation par changement de débiteur « du seul fait que les fonds prêtés ont été remis à un tiers qui aurait procédé au règlement des échéances de remboursement de ce prêt », sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'existence de ces paiements, rapprochée de la circonstance que, par le jugement irrévocable précité, la novation par changement de débiteur avait été reconnue relativement à une somme due au titre du prêt d'origine, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1271 et 1273 du Code civil ;
3. ALORS en toute hypothèse QUE dans leurs conclusions d'appel (p. 17, al. 2 à 4), Monsieur et Madame Y... soutenaient qu'une somme de 33 537, 90 euros avait été réglée à Monsieur X... par trois chèques émis par la société L'IMPÉRIAL, ce dernier ayant lui-même apposé la mention « réglé » au verso de ces chèques suivie de sa signature et ces chèques ayant été remis au tireur ; qu'ils en déduisaient que cette somme devait être déduite du montant de la créance invoquée ; qu'en se bornant à affirmer, par motif adopté, que Monsieur et Madame Y... ne démontraient pas la réalité du paiement et que ces chèques avaient été rejetés pour défaut de provision antérieurement à la reconnaissance de dette du 6 avril 2006, sans se prononcer sur le moyen invoqué, dont il résultait que la mention en cause et la remise des chèques au tireur n'étaient pas nécessairement antérieures à ce dernier acte, la Cour d'appel a méconnu derechef les exigences de l'article 455 du Code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR reçu et admis la créance à titre privilégiée et hypothécaire de la SA KROINVEST pour la somme de 79 370, 43 euros et, en conséquence, d'AVOIR renvoyé la procédure devant le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de Soissons pour la poursuite des opérations de vente et condamné in solidum les époux Roger et Monique Y... à payer à la SA KROINVEST la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
AUX MOTIFS QUE « conformément à sa demande, aucune des autres parties s'y opposant, il convient de recevoir et admettre la créance à titre privilégié et hypothécaire de la SA KROINVEST pour la somme de 79. 370, 43 € (…) Il serait inéquitable de laisser à la charge de la SA KROINVEST les frais irrépétibles dont elle se réclame à hauteur de 2. 000 Euros » ;
ALORS QUE lorsqu'une partie a la charge de la preuve, celle-ci ne peut se déduire du silence opposé à sa demande par la partie adverse ; qu'en admettant la créance alléguée par la société KROINVEST, au prétexte qu'aucune des autres parties ne s'y opposait, quand cette absence d'opposition ne permettait pas d'établir la réalité de la créance invoquée par ladite société, sur laquelle pesait la charge de la preuve de l'existence de cette créance, la Cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil.