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19/12/2012 | FRANCE | N°11-11379

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 19 décembre 2012, 11-11379


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 16 novembre 2010) que la Congrégation des soeurs de la compassion de Saint-Firmin, reconnue par décret du 29 janvier 1868, et aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Congrégation des soeurs de l'alliance (la Congrégation), est propriétaire d'un ensemble immobilier à Nancy (54) ; que par acte du 3 janvier 2002, ladite congrégation a vendu, après division, à la société civile immobilière des Eglises (la SCI), propriétaire du fonds voisin, une partie de cet

te propriété ; qu'ultérieurement, des pourparlers ont eu lieu en 2004 ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 16 novembre 2010) que la Congrégation des soeurs de la compassion de Saint-Firmin, reconnue par décret du 29 janvier 1868, et aux droits de laquelle vient aujourd'hui la Congrégation des soeurs de l'alliance (la Congrégation), est propriétaire d'un ensemble immobilier à Nancy (54) ; que par acte du 3 janvier 2002, ladite congrégation a vendu, après division, à la société civile immobilière des Eglises (la SCI), propriétaire du fonds voisin, une partie de cette propriété ; qu'ultérieurement, des pourparlers ont eu lieu en 2004 entre les deux voisins en vue de procéder à un échange de parcelles, qui n'a toutefois pas été régularisé par acte authentique, pour permettre la construction d'une véranda par la SCI ; qu'en 2006, la Congrégation, invoquant l'absence d'autorisation préfectorale de la vente de 2002 et la non réitération par acte authentique du projet d'échange de parcelles, a assigné la SCI en annulation de la vente et en condamnation sous astreinte à la démolition de la véranda et à la remise en état ;
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir prononcé la nullité de l'acte de vente du 3 janvier 2002, d'avoir ordonné la restitution des parcelles concernées ainsi que du prix de vente, et d'avoir rejeté la demande reconventionnelle de la SCI tendant à obtenir la réitération forcée de l'échange de parcelles, alors, selon le moyen :
1°/ que la nullité pour défaut d'autorisation administrative de la cession d'un immeuble par une congrégation religieuse autorisée est une nullité relative exclusivement protectrice des intérêts de la congrégation et à laquelle elle peut renoncer ; qu'en jugeant néanmoins que la cession conclue le 3 janvier 2002 entre la Congrégation des soeurs de la compassion de Saint-Firmin et la SCI des Eglises était entachée de nullité absolue faute d'autorisation administrative, la cour d'appel a violé l'article 2 du décret n° 66-388 du 13 juin 1966 relatif à la tutelle administrative des associations, fondations, congrégations, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°/ que la nullité pour défaut d'autorisation administrative d'un échange portant sur un immeuble et auquel est partie une congrégation religieuse autorisée est une nullité exclusivement protectrice des intérêts de la Congrégation, et à laquelle elle peut renoncer ; qu'en refusant d'ordonner la réitération par acte authentique d'une convention d'échange au motif que, faute d'autorisation administrative, cette convention serait nulle de nullité absolue, la cour d'appel a violé l'article 2 du décret n° 66-388 du 13 juin 1966 relatif à la tutelle administrative des associations, fondations, congrégations, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
Mais attendu qu'ayant à bon droit relevé que les opérations d'aliénation et d'échange en cause étaient soumises au régime d'ordre public institué par le décret du 13 juin 1966, relatif à la tutelle administrative des associations, fondations et congrégations, alors en vigueur, et constaté que les autorisations préfectorales préalables prévues par l'article 5 de ce texte faisaient défaut, la cour d'appel en a exactement déduit que la nullité encourue de ce chef avait un caractère absolu et ne pouvait être ni confirmée, ni couverte par l'exécution volontaire ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que l'opération d'échange des parcelles n'avait pas fait l'objet de l'autorisation préfectorale préalable exigée par l'article 5 du décret du 13 juin 1966, et qu'elle était en conséquence frappée d'une nullité absolue résultant du régime d'ordre public auquel sont soumises les congrégations reconnues, la cour d'appel en a exactement déduit que la SCI ne pouvait se prévaloir d'un échange valable et que la Congrégation était en droit d'obtenir la condamnation de la SCI à démolir l'ouvrage incriminé ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société civile immobilière des Eglises aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société civile immobilière des Eglises à payer à la Congrégation des soeurs de l'alliance la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société civile immobilière des Eglises ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société des Eglises
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement ayant prononcé la nullité de l'acte de vente intervenu entre la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE et la SCI DES ÉGLISES le 3 janvier 2001 et passé devant Maître X..., notaire à NANCY et, en conséquence, d'AVOIR condamné la SCI DES ÉGLISES à restituer à la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE l'immeuble sis... cadastré section BD 396 d'une contenance de 0a 50ca, d'AVOIR condamné la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE à restituer à la SCI DES ÉGLISES le prix de la vente, soit la somme de 18. 293, 88 euros, d'AVOIR ordonné la publication de la décision à la Conservation des hypothèses de NANCY, aux frais partagés par moitié entre les deux parties et d'AVOIR rejeté la demande reconventionnelle de la SCI DES ÉGLISES tendant à obtenir la réitération forcée de l'échange portant sur la parcelle cadastrée section BD n° 434 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE par ses productions, la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE, venant aux droits de la CONGRÉGATION DES SOEURS DE LA COMPASSION DE SAINT FIRMIN, rapporte la preuve que cette dernière a été reconnue par décret impérial du 29 janvier 1868 ; que le maintien de sa personnalité morale n'était donc pas subordonné à une nouvelle reconnaissance après l'entrée en vigueur de la loi du 1er juillet 1901, relative au contrat d'association ; que par conséquent, à la date de la vente contestée, l'opération était bien soumise au régime d'ordre public instauré par le décret n° 66-388 du 13 juin 1966, relatif à la tutelle administrative des associations, fondations et congrégations, depuis lors abrogé, mais dont l'article 2 subordonnait la validité des actes d'acquisition ou d'aliénation par une congrégation à une autorisation préfectorale préalable ; que l'acte notarié du 3 janvier 2002 ne fait pas état d'une telle autorisation ; qu'il n'est pas soutenu par la SCI que cette autorisation existait ; qu'or, les dispositions du droit canon étant sans incidence sur ce point, le caractère d'ordre public de cette tutelle administrative fait de l'absence d'autorisation préalable une cause de nullité absolue de la convention non autorisée, qui ne peut être ni confirmée, ni couverte par l'exécution volontaire ; que par conséquent, c'est à juste titre que les premiers juges ont annulé la vente du 3 janvier 2002, si bien qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de résolution de cette même convention, qui, par l'effet du caractère rétroactif de l'annulation, est censée n'avoir jamais existé, ce dont il résulte encore que la demande indemnitaire de la SCI n'est pas fondée ; qu'aucune circonstance ne justifie, en l'état, d'assortir d'une astreinte les mesures de restitution découlant de l'annulation judiciaire de la vente ; que s'agissant d'un contrat consensuel, la validité d'un échange n'est pas subordonnée à sa constatation dans un écrit ; que par ses productions, la SCI établit certes qu'à la suite de pourparlers engagés en 2004 avec la CONGRÉGATION DES SOEURS DE LA COMPASSION DE SAINT FIRMIN, un accord de principe a été conclu pour un échange, sans soulte, de deux parcelles afin de rendre possible l'édification de la véranda, également en litige ; que cet accord de principe est prouvé par l'acceptation manifestée par Soeur Joly, qui a signé le 20 octobre 2004 le procès-verbal de délimitation, le notaire requis ayant dressé un projet d'acte d'échange sur ces bases ; que si est ainsi caractérisé l'accord sur les parcelles à échanger et sur l'absence de soulte, l'opération dont la SCI entend obtenir la réitération forcée par acte notarié s'analyse, pour chacune des parties, en une aliénation et une acquisition simultanées ; que par conséquent, pour être valablement conclue, cette opération devait également faire l'objet d'une autorisation préfectorale préalable qui fait défaut, si bien que la cour ne saurait imposer la réitération par acte authentique d'une convention nulle de nullité absolue ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QU'aux termes des dispositions de l'article 2 alinéa 1er du décret n° 66-388 du 13 juin 1966 modifié par le décret n° 94-1119 du 20 décembre 1994, sous réserve des dispositions des articles 7 et 8 de la loi du 4 février 1901, l'acceptation des dons et legs faits aux établissements congréganistes autorisés ou légalement reconnus et, dans les départements du Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle, aux établissements publics de culte, l'acquisition à titre onéreux ou l'aliénation par les dits établissements de biens immeubles, de rentes ou valeurs garanties par l'État, sont autorisées par arrêté du Préfet du département où est le siège de l'établissement ; que ce texte en l'absence de texte général consacrant la capacité juridique des congrégations religieuses permet par énumération de déterminer ce qu'il leur est autorisé et interdit de faire et à quelles conditions ; que toute aliénation doit donc être autorisée par le Préfet à défaut l'acte encourt une nullité de droit public à laquelle il ne peut pas être dérogé et qui ne peut être couverte ni par une confirmation ni par une exécution volontaire ; qu'en l'espèce, il est constant que la CONGRÉGATION DES SOEURS DE LA COMPASSION DE SAINT FIRMIN, aux droits de laquelle intervient aujourd'hui la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE, est, comme en atteste la production de ses statuts, une congrégation religieuse régulièrement autorisée c'est-à-dire une communauté catholique rassemblant sous le même toit, autour d'un supérieur, des religieuses qui ont prononcé des voeux d'obéissance et autres et qui se distinguent par le port d'un costume particulier ; que par conséquent, elle était soumise aux dispositions susvisées et toute aliénation de sa part devait être préalablement autorisée par Monsieur le Préfet de Meurthe-et-Moselle ; qu'or cette autorisation ne figure pas dans l'acte de vente dressé par Maître X..., notaire à Nancy, le 3 janvier 2001, alors qu'elle est mentionnée dans les actes d'acquisition dressés par Maître Y..., notaire à VÉZELISE, les 18 et 19 septembre 1975 ; qu'il convient, par conséquent et sans examiner plus avant le moyen développé par la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE sur l'erreur portant sur l'objet même de la vente, de prononcer la nullité de la vente intervenue entre les parties le 3 janvier 2001 et portant sur la partie de l'immeuble sis..., cadastrée section BD n° 396 d'une contenance de 0a 50ca ; qu'il convient de remettre les parties dans leur état antérieur au 3 janvier 2001 c'est-à-dire, d'une part, de condamner la SCI DES ÉGLISES à restituer à la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE l'immeuble sis... cadastré section BD 396 d'une contenance de 0a 50 ca et ce sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte, les voies normales d'exécution assurant suffisamment l'exécution du présent jugement, et d'autre part, de condamner la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE à restituer à la SCI DES ÉGLISES le prix de la vente, soit la somme de 18 293, 88 € ; qu'il convient enfin d'ordonner la publication du présent jugement à la Conservation des hypothèques de Nancy aux frais partagés par moitié entre les deux parties, aucune faute ne pouvant être retenue à l'égard de la seule SCI DES ÉGLISES ;
1°) ALORS QUE la nullité pour défaut d'autorisation administrative de la cession d'un immeuble par une congrégation religieuse autorisée est une nullité relative exclusivement protectrice des intérêts de la congrégation, et à laquelle elle peut renoncer ; qu'en jugeant néanmoins que la cession conclue le 3 janvier 2002 entre la CONGRÉGATION DES SOEURS DE LA COMPASSION DE SAINT FIRMIN et la SCI DES ÉGLISES était entachée de nullité absolue faute d'autorisation administrative, la Cour d'appel a violé l'article 2 du décret n° 66-388 du 13 juin 1966 relatif à la tutelle administrative des associations, fondations et congrégations, dans sa rédaction applicable à l'espèce ;
2°) ALORS QUE la nullité, pour défaut d'autorisation administrative, d'un échange portant sur un immeuble et auquel est partie une congrégation religieuse autorisée est une nullité relative exclusivement protectrice des intérêts de la congrégation, et à laquelle elle peut renoncer ; qu'en refusant d'ordonner la réitération par acte authentique d'une convention d'échange au motif que, faute d'autorisation administrative, cette convention serait nulle de nullité absolue, la Cour d'appel a violé l'article 2 du décret n° 66-388 du 13 juin 1966 relatif à la tutelle administrative des associations, fondations et congrégations, dans sa rédaction applicable à l'espèce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(Subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR ordonné à la SCI DES ÉGLISES de démolir la véranda édifiée sur la parcelle cadastrée section BD n° 434, et de remette les lieux dans leur état antérieur, dans les six mois suivant la signification de l'arrêt, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 90 jours et d'AVOIR condamné la SCI DES ÉGLISES à payer à la CONGRÉGATION DES SOEURS DE L'ALLIANCE la somme de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;
AUX MOTIFS QUE ne pouvant pas se prévaloir d'un échange valable, la SCI DES ÉGLISES ne peut utilement soutenir que la nouvelle parcelle cadastrée BD n° 434 est entrée dans son patrimoine ; que de ce fait, et sans qu'il soit nécessaire de le faire vérifier par un expert, l'ouvrage nouveau édifié sur cette parcelle, sous forme d'une véranda, constitue une emprise sur la propriété de la Congrégation ; que pour mettre fin à cet empiétement, la Congrégation est en droit d'obtenir la condamnation de la SCI à démolir l'ouvrage incriminé et à remettre les lieux dans leur état antérieur ; que le préjudice de jouissance nécessairement subi par la Congrégation sera intégralement réparé par l'octroi d'une somme de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
ALORS QUE le constructeur de bonne foi ne peut se voir imposer la destruction d'un ouvrage édifié sur le terrain d'autrui ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a relevé qu'il existait un « accord sur les parcelles à échanger et sur l'absence de soulte » (arrêt, p. 7, al. 1er) ; qu'en ordonnant néanmoins à la SCI DES ÉGLISES de démolir la véranda et de remette les lieux dans leur état antérieur, outre une condamnation à payer la somme de 1. 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance, sans caractériser la connaissance par le constructeur des vices affectant le titre et partant sa mauvaise foi, la Cour d'appel a violé l'article 555 du Code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 11-11379
Date de la décision : 19/12/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 16 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 19 déc. 2012, pourvoi n°11-11379


Composition du Tribunal
Président : M. Terrier (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.11379
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