LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° H 11-27. 397, E 12-10. 103 et M 12-11. 581 ;
Met hors de cause le syndicat des copropriétaires de la résidence La Cédraie et les vingt-neuf copropriétaires appelés à la cause ;
Met hors de cause M. X... et Mme Y..., ès qualités, le Cabinet Z... et M. Z... ;
Constate la déchéance des pourvois à l'égard de la société Eiffage travaux publics ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 21 septembre 2011), que la société civile immobilière résidence La Cédraie (la SCI), ayant souscrit une assurance dommages-ouvrage auprès de la société Uni Europe, aux droits de laquelle vient la société Axa Corporate solutions (Axa), a fait réaliser un groupe d'immeubles sous la maîtrise d'oeuvre de M. Z..., assuré auprès de la Mutuelle des architectes Français (MAF) ; que les travaux de gros oeuvre ont été confiés à la société E..., assurée auprès de la société Groupe Azur, aujourd'hui Mutuelles du Mans assurances (MMA), aux droits de laquelle vient à ce jour la société Bouygues bâtiment Ile-de-France (Bouygues) ; que la société SGTV, aux droits de laquelle vient la société Eiffage travaux publics, a été chargée de la voirie de l'assainissement et des remblais ; que la réception du lot voirie et réseaux divers (VRD) a été constatée sans réserve par procès-verbal le 11 décembre 1989 ; que la réception judiciaire des parties communes a été prononcée au 17 décembre 1990 ; que le syndicat des copropriétaires se plaignant de divers désordres a assigné en réparation l'assureur dommages-ouvrage et la SCI laquelle a appelé en cause la société chargée du gros oeuvre et celle chargée des VRD, qui a elle-même appelé en cause l'architecte Z... ; qu'un premier jugement ayant ordonné une expertise la société Groupe Azur a été appelée aux opérations d'expertise le 23 juillet 1997, puis assignée au fond le 28 juin 2001 ; que la société MAF a été assignée par la société Axa le 21 janvier 2003 ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° M 12-11. 581 de la société Bouygues, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que la société E..., aux droits de laquelle vient la société Bouygues, avait pris l'initiative de proposer une modification de l'altimétrie des bâtiments qui impliquait des travaux spécifiques qui n'ont pas été prévus, ce qui avait entraîné une instabilité des remblais elle-même à l'origine des désordres affectant les canalisations, la cour d'appel, devant laquelle la société Bouygues n'avait pas soutenu l'irrecevabilité de certains éléments de preuve qui lui étaient opposés, et qui a souverainement retenu que ces éléments, qu'elle pouvait prendre en compte en raison de la qualité de commerçante de la société chargée du gros oeuvre, joints aux correspondances émanant de cette société et aux explications de l'expert, démontraient que la société E... avait eu un rôle déterminant dans la modification de l'altimétrie pour tout le projet et avait effectué diverses opérations de terrassement et de remblai dans des conditions différentes de celles prévues au marché et s'était engagée à prendre en charge une partie des interventions sur les talus, matériellement effectuées par la société SGTV, a pu en déduire que les désordres affectant l'ouvrage à la réalisation duquel la société Bouygues avait participé, lui étaient imputables et qu'elle en était responsable, dans une proportion qu'elle a souverainement fixée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi n° E 12-10. 103 de la MAF :
Vu les articles L. 114-1 et L. 124-3 du code des assurances ;
Attendu que pour condamner la société MAF à garantir in solidum avec d'autres parties, la société Axa, assureur dommages-ouvrage, des condamnations mises à sa charge, l'arrêt retient que la prescription du délai décennal avait été interrompue par la société SCTV, le syndicat des copropriétaires et la SCI et que la société AXA assureur dommages-ouvrage, subrogée dans leurs droits peut se prévaloir de cette interruption de la prescription ;
Qu'en statuant ainsi, alors que si l'action directe de la victime contre l'assureur du responsable se prescrit par le même délai que l'action principale contre l'assuré responsable et peut encore être exercée au-delà du délai initial tant que l'assureur reste soumis au recours de son assuré, l'interruption de la prescription de cette action principale est sans effet sur le cours de la prescription de l'action directe contre l'assureur, la cour d'appel, qui a constaté que l'action avait été engagée par la société Axa contre la MAF, assureur de M. Z..., en 2003 plus de dix ans après la réception et plus de deux ans après la dernière assignation délivrée en 1999 à son assuré, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi n° H 11-27. 397 de la société MMA :
Vu l'article L. 114-1 du code des assurances ;
Attendu que pour dire que les MMA seront également tenues à garantir les sommes mises à la charge de leur assuré, devenu la société Bouygues bâtiment Ile-de-France, l'arrêt retient que le Groupe Azur a été appelé aux opérations d'expertise en 1997 et attrait à la procédure au fond le 28 juin 2001, soit à une date à laquelle il était toujours exposé au recours de son assurée, qu'en outre il est constant que le délai décennal a été interrompu, à l'égard de Bouygues, par les assignations successives en référé puis au fond délivrées à la requête du maître de l'ouvrage et qu'enfin, la réalisation du sinistre, à l'égard des MMA, ne s'est produite que lors de la condamnation de Bouygues à garantir, par le jugement entrepris ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que la société E... avait été assignée au fond en garantie par la SCI en octobre 1991 puis par le syndicat des copropriétaires les 27 et 28 février 1995, la cour d'appel, qui n'a pas constaté que ces assignations étaient sans lien avec les désordres pour la garantie desquels la société MMA avait été appelée en cause plus de deux ans après leur délivrance, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société MAF in solidum avec la société D...
F...
G..., la société Bouygues IDF et la société Eiffage travaux publics à garantir la société Axa des condamnations mises à sa charge et en ce qu'il dit que les MMA seront également tenues à garantir les sommes mises à la charge de leur assuré, devenu la société Bouygues bâtiment Ile-de-France, l'arrêt rendu le 21 septembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société Bouygues bâtiment Ile-de-France aux dépens des pourvois ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Bouygues bâtiment Ile-de-France à payer la somme de 2 500 euros à la société MMA, la somme globale de 2 500 euros au syndicat des copropriétaires de la résidence La Cédraie et aux vingt-neuf copropriétaires, la somme de 2 500 euros à la société Axa Corporate solutions, la somme de 2 500 euros à M. A..., ès qualités, la somme de 2 500 euros à la SCP D..., F... et G..., la somme de 2 500 euros à la société MAF ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit décembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Roger et Sevaux, avocat aux Conseils, pour la société MMA IARD, demanderesse au pourvoi n° H 11-27. 397
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce que les demandes formées contre Groupe Azur, à qui succèdent les MMA, ont été déclarées prescrites ; dit que les MMA seront tenues à garantir les sommes mises à la charge de leur assuré, devenu la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, condamné avec la MAF, la SCP D...
B...
F..., devenue D...
G...
F... et la société Eiffage Travaux Publics à garantir AXA des condamnations prononcées à son encontre, sur justification du paiement de la totalité de ces sommes, dit que, dans les rapports entre les intervenants, la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, garantie par les MMA, supportera 40 % de la dette ; condamné Axa aux dépens et dit qu'Axa sera garantie à ce titre par la société Bouygues Bâtiment Ile-de-France, garantie par les MMA, la MAF, Eiffage Travaux Publics et la SCP D...
G...
F... à proportion de leur part de responsabilité ;
Aux motifs qu'en ce qui concerne les MMA et la MAF, Bouygues fait justement valoir que sa responsabilité éventuelle, au titre des talus, n'était nullement établie avant la date de dépôt du rapport C... en juin 2002, date à laquelle elle n'est devenue que probable, puisque précisément, le Tribunal a jugé devoir ordonner par le jugement du 19 décembre 1996 une quatrième expertise sur le problème spécifique du talus sud et la nature décennale des désordres qu'il présentait ; que ce raisonnement vaut pour tous les intervenants à la construction auxquels ces travaux peuvent être imputés que s'agissant des MMA, assureur de Bouygues, le groupe Azur a été appelé aux opérations d'expertise en 1997 et attrait à la procédure au fond le 28 juin 2001, soit à une date à laquelle il était toujours exposé au recours de son assurée ; qu'en outre, il est constant que le délai décennal a été interrompu à l'égard de Bouygues, par les assignations successives en référé puis au fond délivrées à la requête du maître de l'ouvrage qu'enfin la réalisation du sinistre, à l'égard de MMA, ne s'est produite que lors de la condamnation de Bouygues à garantir, par le jugement entrepris ; qu'il en résulte que ni les demandes d'AXA ni celles de Bouygues ne sont atteintes par la prescription ;
Alors qu'en matière d'assurance de responsabilité, hormis le cas où le tiers a été indemnisé par l'assuré, l'action formée par celui-ci contre son assureur dans le but d'obtenir la garantie des conséquences du fait dommageable a pour cause le recours d'un tiers et, en conséquence, se prescrit à compter du jour de l'action en justice formée contre l'assuré ; que la Cour d'appel qui constate que la société E..., aux droits de laquelle vient la société Bouygues Bâtiments Ile-de-France, avait été successivement assignée en garantie par la SCI les Terrasses de Saint Aignan le 14 mai 1991 puis assignée en responsabilité par le syndicat des copropriétaires les 27 et 28 février 1995, ne pouvait estimer que le délai de prescription biennale de l'article L. 114-1 du Code des assurances n'avait pu courir à son encontre avant la date du dépôt du rapport d'expertise C... en juin 2002, ou celle de sa condamnation à garantir la SCI par le jugement entrepris sans méconnaître la règle posée par cette disposition ;
Alors, en toute hypothèse, qu'en statuant de la sorte sans relever aucune circonstance, propre aux assignations délivrées à la société E... les 9 octobre 1991 et 23 février 1995, dont il se déduirait que la responsabilité de celle-ci n'aurait pas été recherchée, à ce stade, au titre des désordres dans lesquels le rapport d'expertise précité a mis en évidence sa responsabilité et au titre desquels elle a été condamnée à garantir la SCI, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 114-1 du Code des assurances ; Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour la MAF, demanderesse au pourvoi n° E 12-10. 103
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Mutuelle des Architectes Français, in solidum avec la SCP D...
F...
G..., la société BOUYGUES BATIMENT IDF et la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS, à garantir AXA des condamnations prononcées, sur justification par AXA du paiement de la totalité de ces sommes,
Aux motifs que « Sur le moyen tiré du défaut de versement préalable de l'indemnité d'assurance : Il est constant qu'AXA a payé les deux tiers de la condamnation prononcée par le tribunal dans le cadre de l'exécution provisoire en février 2004. En outre, le présent litige opposant simultanément l'assuré à l'assureur sur le principe de sa garantie, et l'assureur aux responsables du sinistre, la demande est recevable, le tribunal ayant à bon droit précisé que l'assureur, après avoir indemnisé le syndicat, sera, sur justification du paiement effectué, subrogé dans les droits du Syndicat et des copropriétaires.
Sur la prescription : La réception du lot VRD est du 11 décembre 1989 et la réception judiciaire du surplus des parties communes a été fixée au 17 décembre 1990. AXA, dans ses rapports avec les intervenants à la construction, est subrogée, en sa qualité d'assureur dommage ouvrage condamné à indemniser le maître de l'ouvrage, et l'ayant indemnisé, même partiellement, dans les droits et actions de ce dernier. Elle peut donc se prévaloir des actes interruptifs de prescription qu'il a accomplis à leur égard. Or il est constant que la prescription du délai décennal a été régulièrement interrompue par le syndicat et la SCI, agissant tous deux en qualité de maître de l'ouvrage. Il ne peut donc être considéré qu'AXA serait prescrite en ses demandes contre les constructeurs (Z..., D...
B...
F..., Bouygues et Eiffage). En ce qui concerne les MMA et la MAF, Bouygues fait justement valoir que sa responsabilité éventuelle, au titre des talus, n'était nullement établie avant la date de dépôt du rapport C... en juin 2002, date à laquelle elle n'est devenue que probable, puisque, précisément, le tribunal a jugé devoir ordonner, par le jugement du 19 décembre 1996, une quatrième expertise sur le problème spécifique du talus sud et la nature décennale des désordres qu'il présentait. Ce raisonnement vaut pour tous les intervenants à la construction auxquels ces travaux peuvent être imputés. S'agissant des MMA, assureur de Bouygues, Groupe Azur a été appelé aux opérations d'expertise en 1997 et attrait à la procédure au fond le 28 juin 2001, soit à une date à laquelle il était toujours exposé au recours de son assurée. En outre, il est constant que le délai décennal a été interrompu, à l'égard de Bouygues, par les assignations successives en référé puis au fond délivrées à la requête du maître de l'ouvrage. Enfin, la réalisation du sinistre, à l'égard des MMA, ne s'est produite que lors de la condamnation de Bouygues à garantir, par le jugement entrepris. Il en résulte que ni les demandes d'AXA ni celles de Bouygues ne sont atteintes par la prescription. En ce qui concerne la MAF, il est également constant que le délai décennal a été interrompu vis-à-vis de son assuré le 31 janvier 1992, par l'appel en garantie formé par SCTV et les assignations délivrées le 28 février 1995 à la requête du syndicat, puis les 3 mars 1998 et 1999 à la requête des copropriétaires. L'assignation d'AXA, le 21 janvier 2003, a également été délivrée alors que le délai de garantie décennale, précédemment interrompu, n'était pas écoulé à l'égard d'Alain Z..., de sorte qu'elle était également exposée au recours de son assuré. Enfin, comme pour les MMA, le sinistre ne s'est réalisé, en ce qui la concerne, que lorsque la responsabilité de son assuré Z... a été retenue par le jugement entrepris. La demande d'AXA contre la MAF n'est donc pas davantage atteinte par la prescription » (arrêt p. 19 et 20),
Alors que l'action directe de la victime contre l'assureur de responsabilité, qui trouve son fondement dans le droit de la victime à réparation de son préjudice, se prescrit par le même délai que son action contre le responsable et ne peut être exercée contre l'assureur, au-delà de ce délai, que tant que celui-ci reste exposé au recours de son assuré ; que lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, son action se prescrit par deux ans à compter du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt que l'assuré de la Mutuelle des Architectes Français, M. Z..., a été assigné le 31 janvier 1992 par SCTV, le 28 février 1995 par le syndicat de copropriété, puis en 1998 et 1999 par des copropriétaires ; que la Mutuelle des Architectes Français n'a été assignée par la compagnie AXA, assureur dommages-ouvrage, que le 21 janvier 2003 ; qu'à cette date, le délai de prescription de l'action de M. Z... contre la Mutuelle des Architectes Français était expiré ; qu'en déclarant néanmoins recevable l'action de la compagnie AXA, la cour d'appel a violé les articles L. 114-1 et L. 124-3 du code des assurances.
Moyen produit par la SCP Monod et Colin, avocat aux Conseils, pour la société Bouygues bâtiment Ile-de-France, demanderesse au pourvoi n° M 12-11. 581
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société BOUYGUES BATIMENT-venant aux droits de la société OF EQUIPEMENT, anciennement OLIN E... et antérieurement E...- in solidum avec la MAF assureur de M. Z... architecte, la SCP D...- F...
G... (anciennement SCP D...- B...- F...) et la société EIFFAGE TRAVAUX PUBLICS-succédant à la société SGTV-à garantir la société AXA de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires de la Résidence La Cédraie et de divers copropriétaires et d'avoir dit que, dans leurs rapports entre eux, la société BOUYGUES BATIMENT supportera 40 % de la dette ;
AUX MOTIFS QUE l'expert C... a décrit les désordres de la façon suivante : les six bâtiments sont implantés sur un terrain d'environ 12. 000 m2 situé sur le rebord du plateau qui surplombe la ville de ROUEN et abritent chacun trois logements sur trois niveaux conçus en gradins en raison de la pente du terrain et orientés nord-sud ; que de nombreux ouvrages ont été nécessaires pour aménager les abords, et notamment dans la zone B située entre eux, qui comporte des voies piétonnes, des escaliers, des murets de soutènement et contient la quasi-totalité des canalisations des eaux pluviales, vannes et usées depuis les bâtiments jusqu'aux collecteurs ; qu'à la jonction entre cette zone B et la limite sud du terrain, se trouve d'abord une petite plate-forme ménageant terrasse et jardin privatif aux logements, puis un talus en très forte pente (zone C) ; que les remblais supportant d'une part les ouvrages de surface de la zone B et constituant d'autre part, le talus sud en zone C sont instables ; que les tassements et mouvements qui se produisent ont dégradé les dallages des entrées nord de 3 bâtiments qui ont été rendus dangereux et impropres à leur utilisation, et causé des dommages dans les canalisations qui sont d'une gravité telle que leur ensemble doit être refait, les collecteurs seuls pouvant faire l'objet de reprises partielles ; que cette situation a en outre pour conséquence de provoquer des entrées d'eau dans le talus de la zone C, qui sont d'autant plus néfastes que les remblais sont constitués de terres fortement argileuses, ce qui aggrave les phénomènes de glissement, déjà constatés en ce qui concerne le talus sud et susceptibles à terme de menacer les propriétés situées en contrebas ; que la seule donnée technique contestée (par BOUYGUES) est l'instabilité du talus ; que, cependant, si l'avis technique émanant de la société SUNEX, vanté par cette dernière, fait en effet état d'erreurs de calcul sur certains mouvements enregistrés par l'inclinomètre, ce sachant reconnaît cependant le principe d'un mouvement, certes moindre mais réel, et l'insuffisance des garanties de sécurité présentées par le talus ; que ne font l'objet d'aucune observation les constatations de bon sens opérées par les deux experts, selon lesquelles la consistance très argileuse des matériaux de remblai et l'absence de protection du talus contre les venues d'eau liées soit aux conditions climatiques, soit à des fuites dans la zone supérieure, conjuguée avec la pente excessive du talus sud, rendent ce talus dangereux pour la stabilité des bâtiments qu'il supporte en partie, pour les occupants de ces bâtiments en raison de sa pente, et pour les habitations situées en contrebas ; que l'expert préconise donc des travaux de stabilisation du talus sud, drainage des remblais, réfection complète des canalisations de branchement et réparations des collecteurs et ouvrages qu'il chiffre à la somme totale de 915. 740 € ; que selon l'expert, le talus dit sud ou de la zone C assure le maintien des remblais au pourtour des bâtiments ainsi que par voie de conséquence, des ouvrages de surface qui en permettent l'accès, que ce talus qui est constitué de remblais artificiellement ajoutés au sol naturel en quantité très importante (13. 000 tonnes) constitue un accessoire indispensable à la destination des bâtiments puisqu'il a pour fonction de constituer la jonction entre ces derniers et la limite sud du terrain, et que tout glissement mettrait en cause la stabilité des bâtiments ; que les déformations de toutes sortes subies par les ouvrages de surface de la zone B, ainsi que par le réseau de canalisations qu'elle abrite sont indissociables, d'une part, du tassement et des mouvements des remblais périphériques et, d'autre part, de l'instabilité de ce talus ; que le caractère extrêmement prononcé de la pente et la nature des terres incorporées au sol naturel imposaient, selon l'expert, des travaux d'aménagement spécifique qui n'ont pas été prévus de sorte que l'instabilité de ce talus porte atteinte tant à la destination des bâtiments qu'à la sécurité de ceux qui se trouvent en contrebas ; que les travaux confortatifs indispensables à la destination des bâtiments et à la sécurité du voisinage qui nécessiteront l'emploi de techniques de construction constitueront des ouvrages au sens des articles 1792 et suivants du code civil, que l'instabilité du talus de la zone C constitue, tout comme celle des remblais effectués à la périphérie des bâtiments, un dommage à l'ouvrage entrant dans les prévisions desdits articles (p. 16 à 18) ; que les désordres ont pour origine l'instabilité des remblais supportant, d'une part, les ouvrages de surface de la zone B et constituant, d'autre part, le talus sud en zone C, les tassements et mouvements qui les affectent ayant dégradé les dallages des entrées nord des bâtiments 2, 3 et 4 et causé de nombreux dommages dans les canalisations, lesquelles se trouvent dans la zone B ; qu'il convient de retenir comme causes des désordres l'augmentation de la masse des remblais, l'absence de compactage des remblais et l'absence de drainage, rendu nécessaire par la nature argileuse du sol originel ; que les trois autres causes évoquées par l'expert et retenues par les premiers juges, à savoir l'absence de préparation du sol originel avant mise en oeuvre des remblais, l'absence d'essais sur les remblais et l'absence d'essais sur les canalisations de branchements, ne sont pas démontrées avec une certitude suffisante ; que le CCTP du lot n° 1, intitulé « terrassement gros-oeuvre » et confié à OLIN E..., prévoit que cette société est chargée d'exécuter les terrassements en vue de la construction des bâtiments et l'aménagement de leurs abords immédiats (coursives d'accès aux logements) ; qu'en page 15 de ce document, il est indiqué qu'à partir des plates-formes livrées par l'entrepreneur de VRD suivant plan du 17 juillet 2007, OLIN E... est chargée des déblais pour l'encaissement des bâtiments, suivant les niveaux finis indiqués par le maître d'oeuvre ainsi que des remblais au pourtour des puits de fondation jusqu'au niveau de la plate-forme ; que selon les bâtiments, les remblais devant être exécutés partiellement ; qu'il n'est pas contesté que E... a proposé, début juillet 1987, une modification de l'altimétrie de l'ensemble du projet qui a été entérinée par la SCI, les deux maîtres d'oeuvre et la SGTV ; que selon BOUYGUES, cette proposition a été dictée par le souci de réduire le coût des travaux, au profit du maître de l'ouvrage, son marché définitif n'axant été signé que postérieurement ; que le principe constructif a également été modifié, l'implantation des puits de fondation n'étant réalisée qu'à une profondeur de 1 m ou 1, 50 m sur le sol (et non dans les remblais) bien moindre par rapport au projet initiaI qui prévoyait une profondeur de 6 m dans le sol ; que ni BOUYGUES ni SGTV n'admettent avoir effectué le surplus de remblais rendu nécessaire par la nouvelle altimétrie ; que les éléments produits n'ont pas permis de déterminer à qui ces opérations ont été réglées puisqu'elles n'apparaissent sur aucun décompte ni facture communiqués aux experts ; qu'a cependant été retrouvée la trace de travaux effectués par SGTV pour E... et consistant en une modification de profil (17. 849 F) et les fouilles des garages (16. 319 F) qui, si elle ne concerne pas les remblais litigieux, montre l'existence de relations contractuelles entre ces deux constructeurs ; que les comptes rendus de chantiers et courriers divers apportent cependant les informations suivantes :- compte rendu n° 3 du 8 juillet 1987 : « Olin E... a proposé une remontée générale du niveau des bâtiments, pour des raisons d'économies (proposées au maître de l'ouvrage). Il est mentionné que E... fait son affaire du règlement à l'entreprise de VRD de la différence de certaines prestations intéressant des matériaux de voirie, et, en ce qui concerne l'incidence VRD E... fait son affaire des mouvements de terre pour plate-forme bâtiments 5 et 6. C'est E... qui établit le plan de plate-forme à fournir à M. B.... Le compte rendu suivant, des 16 et 22 juillet confirme que l'architecte inclut dans le descriptif et les plans de détail les points récapitulés dans le CR n° 3 et les économies retenues » ;- une lettre de M. B... de novembre 1987 rappelle à SGTV la nécessité de compacter les remblais, en lui indiquant qu'elle ne l'a pas fait sur une partie des remblais. Dans une autre lettre du 7 décembre 1988 M. B... écrit : « suite aux déformations des remblais face aux bâtiments 1 et 6 constatés le 5 décembre dernier, nous vous prions d'exécuter dans le plus bref délai des travaux de reprise sur ces remblais en respectant la position du pied de talus donné par le plan VRD, les règles de compactage des remblais et l'apport de matériaux donnant une cohésion au terrain. Nous vous rappelons que l'article 8 du bordereau des prix stipule " les remblais seront méthodiquement compactés ". Les matériaux mis en place sur le site sont ils compactables ?- compte rendu n° 19 du 16 novembre 1987 (Z...) : « SGTV : les talutages sont exécutés, terminés devant les plates-formes dès bâtiments 1, 2, 3 et 4. Des fissures de glissement de terrain se produisent devant les bâtiments 2 et 3 » ;- compte rendu n° 44 du 16 mai 1988 : « L'entreprise E... indique le refus de SGTV de continuer à remblayer (son quota est atteint). Il est demandé à M. B... de dénouer le problème. Conformément aux pièces du marché, E... n'a aucun apport de terre à prévoir en dehors des fondations (puits et longrines exclusivement). Toutefois, lors de la réunion du 8 juillet 1987 (cf. CR 71. 3°) certaines compensations ont été admises par E... (bâtiments 5 et 6 notamment). D'autre part le plan de plates-formes du 17 juillet remis à M. B... a reçu son accord le 22 juillet » ;- dans une lettre du 30 mai 1988 E... écrit à l'architecte : « devant la lenteur du titulaire du marché VRD, nous avions pris l'initiative de terrasser les plates-formes des bâtiments 5 et 6 pour accélérer le démarrage de nos travaux. Pressentant les problèmes, nous vous avons demandé à plusieurs reprises une copie du marché VRD.... Nous constatons que les prestations de remblais sont laissées au bon vouloir de l'entreprise... » ; qu'aucune des parties n'a jugé utile de produire le compte rendu n° 45, relatif à la réunion prévue le 30 mai 1988 ;- compte rendu du 6 juin 1988 n° 46 : « c'est à la demande de E... que les niveaux, ont été remontés avec confection de pilotis à certains emplacements pour une facilité de chantier. Il est bien évident que la différence de remblai nécessaire (de 0, 40 à 1, 90 selon les bâtiments) est à la charge de E..., de même que les conséquences du retournement des voiles en libages qui ont été placés dans le sens de la pente et non en travers... SGTV estime de 3000 à 5000 m3 les besoins encore à satisfaire, son marché de 6000 m3 ayant été largement dépassé » ;- compte rendu du 4 juillet 1988 n° 50 : « le problème du supplément de remblai n'est toujours pas résolu administrativement » ; que le 31 octobre 1988, SGTV soumet au cabinet D...
B... un devis de 117. 600 F ainsi motivé : « suite à notre conversation téléphonique relative à l'apport de terre supplémentaire rehaussant les niveaux de terrain façade Sud entre 1 et 2 m moyen, nous vous précisons que ceci augmente le pourcentage de pente des talus. Nous vous rappelons qu'au début de l'opération dans la 1ère phase des terrassements et de l'apport des remblais et pour des raisons de sécurité, nous avons en accord avec vous-même modifié la prestation palissade qui vous paraissait insuffisante par la confection d'un merlon d'un bout à l'autre de la propriété sur 2 m de hauteur afin d'éviter les éboulis et roulements de cailloux. Maintenant, avec l'apport de cette masse de terre supplémentaire nous sommes amenés à modifier le pied de talus par : enlèvement du merlon, exécution d'une tranchée d'ancrage supplémentaire et très importante, reprise des terres, confection du pied de talus, reprise et mise en forme suivant nouvelle pente des talus ».- compte rendu du 7 novembre 1988 : « à faire en partie nord des ensembles de 2 logements compris apport de terre pour les travaux de E..., lui régale et règle sous ses ouvrages (coursives, escaliers, plates-formes). Au sud de ces ouvrages, c'est à nouveau SGTV qui reprend les terrassements » ;- compte-rendu 69 du 5 décembre 1988 : « SGTV remet à E... par l'intermédiaire de l'architecte, le devis des travaux provoqués par l'erreur d'altimétrie sur le bâtiment 2. E... accepte ce devis ; rien ne permet de déterminer s'il s'agit de celui du 31 octobre 1988 » ;- compte rendu 70 du 5 décembre 1988 : « Le talus sous le bâtiment 2 ne tient pas : coulée de boue vers les propriétés en aval.... SGTV doit intervenir avec un petit engin. Par ailleurs des fissures nouvelles sont apparues en tête de tout le terrain » ;- dans une lettre du 20 décembre 1988, M. B... écrit à SGTV : « conformément aux lettres du CEP et du CEBTP, vous devez continuer à reprendre les talus afin de garantir une stabilité de ces derniers. Dans un premier temps décharger la tête des talus pour revenir à la cote des anciennes plates-formes puis reprendre les talus dans les parties inclinées afin de recréer une plate-forme intermédiaire entre la crête et le pied de talus. Il vous appartient en tant qu'entrepreneur de nous donner toutes les garanties sur la stabilité de ces remblais que vous devez compacter comme stipulé à votre marché » ;- compte rendu 73 du 2 janvier 1989 : « VRD : Le talus au sud du bâtiment 1 a été déchargé ; il reste à faire sa remise en forme » ; que ces éléments démontrent que la société OLIN E... a eu un rôle déterminant dans la modification de l'altimétrie de tout le projet, pour des raisons qui restent obscures, et que cette modification s'est faite sans étude suffisante de ses conséquences sur le plan technique ; que cette société a également effectué diverses opérations de terrassement et de remblai dans des conditions différentes de celles prévues au marché et est le principal concepteur du talus sud après rehaussement de l'ensemble des bâtiments ; qu'elle s'est d'ailleurs engagée, afin de la faire accepter, à prendre en charge une partie des interventions sur les talus qui ont été matériellement mises en oeuvre par SGTV, l'existence de relations contractuelles directes entre les deux entreprises étant démontrée ; que SGTV doit se voir imputer la responsabilité du défaut de compactage ; que Z..., maître d'oeuvre pour la construction, et sous la responsabilité duquel les comptes rendus précités ont été établis, a été informé de cette situation et l'a avalisée, engageant ainsi sa propre responsabilité ; que le Cabinet D...- F..., maître d'oeuvre pour les VRD et les espaces verts, a exercé une surveillance effective sur la réalisation des talus mais a laissé s'opérer la réception sans réserves du lot VRD, alors qu'il avait conscience de l'insuffisance du travail réalisé ; que doit en outre être imputée aux deux maîtres d'oeuvre une erreur de conception ayant consisté à ne pas prévoir de dispositif de drainage suffisant des talus, alors surtout que l'augmentation de la pente du talus sud majorait les phénomènes de ravinement, et que les terres le composant étaient particulièrement sensibles à l'eau ; que les désordres sont indivisiblement imputables à ces quatre intervenants et qu'il y a lieu de confirmer sur le principe de leur condamnation in solidum et avec leurs assureurs mais, au regard du rôle déterminant joué par OLIN E..., de fixer sa part de responsabilité dans les rapports des constructeurs à 40 % (p. 21 à 23) ;
ALORS, de première part, QUE la garantie décennale d'un constructeur ne peut être engagée qu'en présence de désordres qui lui sont imputables ; que dans ses conclusions d'appel, la société BOUYGUES BATIMENT faisait valoir que la société E..., aux droits de laquelle elle venait, s'était bornée à proposer, avant la signature du marché, un rehaussement du niveau des plate-formes ne modifiant pas les travaux réalisés par elle et que c'est le maître de l'ouvrage qui avait seul décidé de remonter l'altimétrie des bâtiments pour des raisons d'économie (conclusions d'appel de l'exposante, p. 20, § 2 et p. 27 § § 2-4) ; que l'arrêt constate que l'altimétrie a été modifiée pour des raisons obscures (p. 23) ; qu'en affirmant cependant, pour retenir la responsabilité de la société BOUYGUES BATIMENT, que celle-ci avait eu un rôle déterminant dans la modification de l'altimétrie de tout le projet et que cette modification s'était faite sans étude suffisante sur le plan technique, sans être plus précise sur les raisons de la modification de l'altimétrie et sans rechercher si c'est à la société E... ou au maître de l'ouvrage qu'il appartenait de procéder ou de faire procéder aux études techniques nécessaires, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
ALORS, de deuxième part, QUE, pour établir qu'elle n'avait pas réalisé les remblais litigieux, la société BOUYGUES BATIMENT faisait valoir que la société SGTV était seule titulaire du marché conclu directement avec le maître de l'ouvrage pour le lot VRD de sorte qu'elle n'était pas sa sous-traitante et que cette société avait seule signé le procès-verbal de réception des travaux de remblais litigieux (conclusions d'appel de l'exposante, p. 30-32) ; qu'en se bornant à constater l'existence de simples relations contractuelles entre la société E... et la société SGTV, pour en déduire que le fait que la société E... se serait engagée à prendre en charge une parties des interventions sur les talus litigieux, même si celles-ci avaient été matériellement mises en oeuvre par la société SGTV, suffisait à rendre imputable à la société E... les dommages survenus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
ALORS, de troisième part, QU'il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'il ne résultait pas du contrat d'entreprise conclu entre le maître de l'ouvrage et la société E... que cette dernière était tenue aux travaux de remblais sur le talus sud ; qu'en se fondant néanmoins sur la seule existence de relations contractuelles antérieures, sur de courriers divers et des comptes rendus de chantier pour en déduire que la société SGTV aurait accompli les travaux de remblais litigieux pour le compte de la société BOUYGUES BATIMENT et que l'engagement contractuel initial de la société E... aurait ainsi été modifié, la cour d'appel a violé les articles 1134 et 1341 du code civil ;
ALORS, de quatrième part et en tout état de cause, QUE l'acte écrit susceptible d'écarter la preuve d'une obligation établie par un marché de travaux doit émaner de celui contre lequel la demande est formée ; qu'en retenant que des comptes rendus de chantier rédigés par le maître d'oeuvre, c'est-à-dire par un tiers au contrat, et des courriers divers, émanant également de tiers au contrat ou adressés à un tiers au contrat, étaient susceptibles d'écarter la preuve, établie par le marché dont la société BOUYGUES BATIMENT était titulaire, que cette société n'était pas chargée d'intervenir sur le talus litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1347 du code civil.