LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bastia, 13 octobre 2010), que la caisse régionale de crédit agricole mutuel de la Corse (la caisse) a consenti à M. X... (l'emprunteur), par actes des 7 décembre 1987, 9 octobre 1989 et 7 juillet 1994, un prêt immobilier de 150 000 francs (22 867,35 euros), un prêt "jeune agriculteur" de 335 000 francs (51 070,42 euros), un prêt dit de consolidation et un prêt dit de sauvegarde ; qu'à la suite de sa défaillance dans le remboursement des prêts, la caisse a prononcé la déchéance du terme et procédé à des saisies-attribution ; que l'emprunteur a assigné en responsabilité la caisse, qui a sollicité le paiement du solde de sa créance ;
Attendu que l'emprunteur fait grief à l'arrêt d'avoir décidé que la caisse n'avait commis aucun manquement de nature à engager sa responsabilité contractuelle à son égard et de l'avoir débouté, en conséquence, de ses demandes d'indemnisation à son encontre, alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier est tenu à un devoir de mise en garde compte tenu des capacités financières de l'emprunteur sur les risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'en décidant que la caisse avait rempli cette obligation en adressant des lettres en 1999, 2001, 2002 et 2003 à M. X..., après avoir constaté que les prêts avaient été contractés en 1987, 1989 et 1994, sans indiquer comment la banque avait valablement pu informer M. X... par des lettres postérieures de plusieurs années à la conclusion des prêts, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ qu'il appartient au banquier de démontrer qu'il a rempli son obligation de mise en garde ; qu'en décidant que la caisse avait rempli cette obligation, aux motifs que M. X... ne démontrait pas que sa situation était largement obérée en 1989 et 1994, faisant ainsi reposer sur celui-ci la charge de la preuve de l'obligation de mise en garde incombant à la caisse, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ;
3°/ que le banquier doit justifier avoir satisfait à son obligation de mise en garde à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'en affirmant que la caisse avait satisfait à cette obligation, aux motifs que les prêts avaient été accordés bien avant les premiers incidents de paiement, ce qui n'était pas de nature à établir que la caisse avait mis en garde M. X... du risque futur d'endettement né de l'octroi des prêts, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les prêts de consolidation et de sauvegarde ont été accordés avant les premiers incidents de paiement, l'arrêt retient que M. X... allègue mais ne démontre nullement que sa situation, en 1989 et en 1994, était déjà largement obérée ; qu'ayant ainsi fait ressortir que l'emprunteur ne l'avait pas mise en mesure de constater l'existence d'un risque caractérisé né de l'octroi des crédits, ce dont il résultait que la caisse n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à l'égard de ce dernier, la cour d'appel a, par ce seul motif et sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que les autres griefs ne seraient pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette la demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze décembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boulloche, avocat aux Conseils, pour M. X...
Le moyen de cassation fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la CRCAM de la Corse n'avait commis aucun manquement de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de Monsieur X... et d'avoir en conséquences débouté celui-ci de ses demandes d'indemnisation à l'encontre de la CRCAM ;
Aux motifs que Monsieur Jules Augustin X... reproche à la CRCAM divers manquements constitutifs d'une faute au sens de l'article 1147 du Code civil ; que ces divers manquements seront donc examinés au regard de la responsabilité contractuelle de la banque ; que dans ce cadre l'organisme de crédit n'est pas tenu d'une obligation de conseil mais d'un devoir de mise en garde à l'égard de ses clients non avertis ;
concernant l'absence d'information sur l'état de remboursement et l'affectation des mesures de désendettement agricole, que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 21 janvier 1999, la CRCAM a adressé à Monsieur X... une demande de régularisation de sa situation avec proposition de rendez-vous ; qu'il y était annexé un récapitulatif global des sommes dues ; qu'une mise en demeure de règlement de ces sommes de façon détaillée a été également adressée le 27 octobre 1999 dans les mêmes formes ; que bien plus, le 23 mars 2001, la banque lui a fait parvenir une lettre avec le détail précis des aides dont il avait bénéficié et leur affectation détaillée ; que deux mises en demeure du 6 février 2002 et 9 septembre 2003 sont également intervenues quant au montant des sommes dues au titre des comptes débiteurs et des prêts ; que la chronologie de ces événements telle qu'établie permet de considérer que la CRCAM a satisfait à son devoir de mise en garde et ou d'information de Monsieur X... ;
sur l'affectation des sommes provenant de la vente de biens immobiliers, que ces biens garantissaient l'intégralité des prêts souscrits et non uniquement le prêt destiné à l'habitation ; que d'autre part, le prix de vente était, en toute hypothèse, inférieur au montant des sommes dues au titre des différents prêts ; qu'il s'agit là à l'évidence d'une difficulté d'imputation de paiement qui relève de l'appréciation de la dette dans son ensemble et de sa fixation et non d'un comportement fautif générateur à lui seul d'un préjudice justifiant une indemnisation distincte ;
à cet égard qu'il convient de noter que le 16 juin 2000 la CRCAM a adressé un courrier au notaire chargé de la vente des biens immobiliers proposant de cantonner la totalité de l'endettement tant au titre du prêt habitat que du prêt « jeune agriculteur » à la somme forfaitaire de 340.000 F ; que cette proposition a été réitérée le 15 novembre 2001 ; que Monsieur X... qui ne répond pas sur ce point dans ses dernières écritures ne justifie pas ainsi y avoir répondu en son temps ; que cette proposition, au-delà des questions d'imputation des paiements, avait le mérite de faire disparaître son endettement ; que dans ces conditions, s'agissant de l'imputation des paiements et au seul stade de la responsabilité, aucune faute ne peut être reprochée à la CRCAM ;
sur l'octroi des prêts de consolidation et de sauvegarde, qu'il convient en premier lieu de noter que ceux-ci ont été accordés bien avant les premiers incidents de paiement ; que surtout et en second lieu, Monsieur X... allègue mais ne démontre nullement que sa situation en 1989 et en 1994 était déjà largement obérée ; que là encore le manquement de l'organisme bancaire à son devoir de mise en garde n'est pas établi ;
enfin, concernant les cotisations d'assurance décès invalidité, que celles-ci sont évidemment prélevées dans l'intérêt de l'emprunteur ; que ce prélèvement s'est effectué sur la période considérée sans que Monsieur X... ne manifeste son désaccord ; que dans ces conditions aucun manquement au regard de son obligation d'information ou de conseil ne peut être opposé à la CRCAM ;
qu'en l'absence de faute pouvant être caractérisée à l'égard de la CRCAM aucun préjudice ne peut être retenu à l'encontre de Monsieur X... autre que celui résultant de son propre endettement ; que dans ces conditions ses demandes indemnitaires à titre principal et subsidiaire seront écartées (arrêt p. 4, in fine, 5 et 6 in limine) ;
1°) Alors que le banquier est tenu à un devoir de mise en garde compte tenu des capacités financières de l'emprunteur sur les risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'en décidant que la CRCAM avait rempli cette obligation en adressant des lettres en 1999, 2001, 2002 et 2003 à Monsieur X..., après avoir constaté que les prêts avaient été contractés en 1987, 1989 et 1994, sans indiquer comment la banque avait valablement pu informer Monsieur X... par des lettres postérieures de plusieurs années à la conclusion des prêts, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil ;
2°) Alors que le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer celle qu'il entend acquitter et à défaut, le paiement doit être imputé sur la dette qu'il avait le plus d'intérêt à acquitter ; qu'en décidant que la CRCAM n'avait pas commis de faute en affectant les sommes provenant de la vente de biens immobiliers, sans constater que le paiement avait été imputé sur la dette que Monsieur X... avait le plus d'intérêt à acquitter, la Cour d'Appel a violé les articles 1253 et 1256 du Code civil ;
3°) Alors qu'il appartient au banquier de démontrer qu'il a rempli son obligation de mise en garde ; qu'en décidant que la CRCAM avait rempli cette obligation, aux motifs que Monsieur X... ne démontrait pas que sa situation était largement obérée en 1989 et 1994, faisant ainsi reposer sur celui-ci la charge de la preuve de l'obligation de mise en garde incombant à la CRCAM, la Cour d'Appel a violé l'article 1315 du Code civil ;
4°) Alors que le banquier doit justifier avoir satisfait à son obligation de mise en garde à raison des capacités financières de l'emprunteur et des risques de l'endettement né de l'octroi des prêts ; qu'en affirmant que la CRCAM avait satisfait à cette obligation, aux motifs que les prêts avaient été accordés bien avant les premiers incidents de paiement, ce qui n'était pas de nature à établir que la caisse avait mis en garde Monsieur X... du risque futur d'endettement né de l'octroi des prêts, la Cour d'Appel a violé l'article 1147 du Code civil ;
5°) Alors que Monsieur X... soutenait devant la Cour d'Appel que la CRCAM avait commis une faute en lui demandant le paiement des primes d'assurance, quand la résiliation des prêts consécutive à leur déchéance avait entrainé la cessation de la garantie d'assurance ;
qu'en affirmant qu'aucun manquement à son obligation d'information ou de conseil ne pouvait être opposé à la CRCAM relativement aux cotisations décès invalidité, sans répondre aux conclusions de M. X..., la Cour d'Appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.