La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2012 | FRANCE | N°11-14665

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 05 décembre 2012, 11-14665


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1237-2 du code du travail ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieu

res ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1237-2 du code du travail ;
Attendu que la démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X..., engagée le 3 novembre 1999 par la société Gilles Laid et Cie (la société) a été placée en garde à vue, ainsi que les dirigeants de l'entreprise, le 8 juin 2005, dans le cadre d'une enquête pénale visant des faits délictueux ayant trait à l'activité de la société ; qu'en arrêt-maladie, elle a adressé le 7 juillet 2005 à son employeur une lettre de démission datée du 7 juin 2005 ; que la salariée a saisi le 12 février 2008 la juridiction prud'homale aux fins de requalification de sa démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse et de paiement d'indemnités ;
Attendu que pour accueillir la demande de la salariée, l'arrêt retient que la démission était équivoque pour être intervenue au cours d'un arrêt-maladie consécutif à une garde à vue dans le cadre d'une enquête pénale concernant l'activité de la société ; que la prise d'acte résultant de cette démission était justifiée, la salariée, ayant fait l'objet d'une telle mesure, sans être postérieurement mise en examen, en raison même des faits reprochés à l'employeur et pour lesquels ce dernier avait été mis en examen et renvoyé devant le tribunal correctionnel ;
Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il ne résultait pas de ses constatations l'existence entre la salariée et l'employeur d'un litige antérieur ou contemporain de la démission, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne Mme X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq décembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Gilles Laid et Cie
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la démission de Madame Valérie X... s'analyse en une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la SARL Gilles Laid et cie à lui payer des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, une indemnité compensatrice de congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE la salariée remet en cause sa démission en raison des faits ou manquements imputables à son employeur ; qu'une telle démission est équivoque pour être intervenue au cours d'un arrêt maladie consécutif à une garde à vue dans le cadre d'une enquête pénale concernant l'activité de la société l'employant ; qu'il est établi par les attestations de Jean-Luc Y... et de Philippe Z... qu'à l'époque de sa garde à vue, Melle X... venait de se séparer de son compagnon et père de son fils et que Monsieur X... père était hospitalisé et est décédé rapidement ; qu'il résulte des mêmes attestations et encore de celles de sa mère, de son nouvel employeur, et de sa belle-soeur que Melle X... était bouleversée et terrorisée après sa garde à vue, qu'elle craignait des représailles de la part de son employeur qui détenait une arme à feu, qu'elle n'osait plus venir à Saint-Malo de peur de croiser son employeur, qu'elle n'a eu d'autre choix que de démissionner, qu'elle est retournée vivre chez sa mère et qu'elle a connu une dépression ; que cependant les pièces versées aux débats ne démontrent pas que Melle X... a été directement menacée après sa garde à vue et au cours de l'enquête pénale par la famille de M. A... ou encore que celui-ci aurait fait pression sur elle dans le but de la faire revenir sur ses accusations à l'encontre de son employeur de détournement d'espèces ; mais que, quand bien même M. A... gérant de la société à l'époque de la garde à vue et pendant l'enquête pénale jusqu'au 29 juin 2005 est présumé innocent et qu'une mesure de garde à vue ressort de la seule compétence de l'officier de police judiciaire, la Cour constate que la salariée a fait l'objet d'une telle mesure en raison même des faits reprochés à M. A... et pour lesquels ce dernier a été mis en examen contrairement à Mlle X..., puis renvoyé devant le tribunal correctionnel, l'affaire étant en cours à la suite de l'appel par M. A... du jugement du tribunal correctionnel retenant sa responsabilité pénale ; qu'au surplus il ressort de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction du 13 juin 2008 que lors de son second interrogatoire par le magistrat, M. A..., mis en examen du chef d'abus de biens sociaux, a mis en cause les responsables de ses trois magasins dont Valérie X... ; qu'à nouveau entendu M. A... jetait la suspicion sur Mlle X... et, selon les termes de l'ordonnance de renvoi, « soulignait d'une part, que s'il avait opéré des détournements, son expert-comptable s'en serait aperçu et d'autre part, que l'une de ses responsables de magasin, Valérie X..., avait un train de vie élevé et en permanence beaucoup d'argent liquide sur elle ; Qu'or, des vérifications effectuées, il s'avérait que l'expert-comptable n'avait pas pu s'apercevoir de quoi que ce soit, puisque les détournements ne pouvaient être déduits de l'étude des documents remis par le gérant pour l'établissement de sa comptabilité ; qu'il apparaissait également que Valérie X... n'avait pas du tout un train de vie au-dessus de ses moyens mais au contraire tout à fait modeste ; qu'en outre Jérémie B... indiquait que peu avant que les enquêteurs ne recueillent son témoignage, Jean-Jacques A... lui avait demandé de mentir en déclarant que Valérie X... avait de fortes sommes d'argent liquide sur elle, ce qui était faux et qu'il avait refusé de déclarer ; qu'il s'agit là de la part du gérant de la société employeur de manquements graves à l'exécution loyale du contrat de travail ou normale des relations de travail en violation de l'article L.1222-1 du Code du travail qui conduit la Cour d'appel à analyser la démission comme une prise d'acte produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
1°. ALORS QUE lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, la requalification en prise d'acte n'est possible que s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque ; qu'en l'espèce, l'arrêt constate qu'après avoir démissionné sans réserve le 7 juillet 2005, la salariée n'a contesté les conditions de la rupture du contrat de travail que trente mois plus tard, ce dont il résulte que rien ne permettait de remettre en cause sa volonté de démissionner ; qu'en retenant le contraire aux motifs inopérants que la démission était intervenue au cours d'un arrêt maladie consécutif à une garde à vue dans le cadre d'une enquête pénale concernant l'activité de l'employeur, sans constater l'existence d'un différend entre l'employeur et le salarié antérieur ou contemporain à la démission, la Cour d'appel a violé l'article L.1237-1 du Code du travail ;
2°. ALORS QUE la prise d'acte ne produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que lorsqu'elle est justifiée par des manquements suffisamment graves de l'employeur ; que ne constitue pas un manquement de l'employeur le placement en garde à vue d'un salarié, serait-ce en raison de faits reprochés à l'employeur, dès lors que cette mesure relève de la seule appréciation de l'officier de police judiciaire ; qu'en se fondant, pour dire que la prise d'acte produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur la circonstance inopérante que la salariée avait fait l'objet d'une mesure de garde à vue en raison de faits reprochés à l'employeur, faits dont, au demeurant, ce dernier a été finalement déclaré innocent, la Cour d'appel a violé l'article L.1231-1 du Code du travail ;
3°. ALORS QUE seuls des faits antérieurs à la prise d'acte peuvent être invoqués pour la justifier ; que l'employeur faisait valoir (conclusions d'appel, p.6) que les interrogatoires au cours desquels il avait mis en cause la salariée avaient eu lieu plus de trois mois après la démission de cette dernière, de sorte que les propos tenus à cette occasion ne pouvaient être invoqués pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts ; qu'en se fondant sur les propos tenus par l'employeur lors de son second interrogatoire par le magistrat instructeur et lors d'un interrogatoire ultérieur, sans vérifier, comme elle y était invitée, la date desdits interrogatoires, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.1231-1 du Code du travail ;
4°. ALORS QU'en l'absence de dénonciation calomnieuse, toute personne suspectée ou poursuivie a le droit de dire ce qui lui semble juste pour sa défense, même si cela implique la mise en cause de tiers ; qu'en jugeant que les propos tenus par l'employeur dans le cadre de l'instruction pénale mettant en cause la salariée constituaient un manquement grave à l'obligation de loyauté, la Cour d'appel a méconnu les droits de la défense et violé l'article préliminaire du Code de procédure pénale, et les articles L.1222-1 et L.1231-1 du Code du travail ;
5°. ALORS QU'enfin, en se bornant à relever que Jérémie B..., gérant d'un bar à Saint-Malo, avait indiqué lors de son audition par les enquêteurs que l'employeur lui avait demandé de mentir en déclarant que la salariée avait de fortes sommes d'argent sur elle, sans constater que ce fait imputé à l'employeur était avéré, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-14665
Date de la décision : 05/12/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 25 janvier 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 05 déc. 2012, pourvoi n°11-14665


Composition du Tribunal
Président : M. Lacabarats (président)
Avocat(s) : SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.14665
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award