LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu le principe fondamental du droit du travail selon lequel en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit recevoir application et l'article L. 1231-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Dwine à compter du 15 octobre 2007 en qualité d'adjointe de direction, la convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et sociétés de conseils, dite Syntec, étant applicable à la relation de travail ; que le contrat de travail prévoyait "une période d'essai de trois mois au cours de laquelle chacune des parties pourra mettre fin au contrat sans indemnités, en respectant le préavis prévu par la convention collective" ; que par lettres des 7 et 9 janvier 2008, les parties sont convenues du renouvellement de la période d'essai pour une période de trois mois ; que le contrat de travail a été rompu par l'employeur le 7 février 2008 ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient que l'article 7 de la convention collective susvisée prévoit que sauf accord entre les parties précisé dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail, tout ingénieur ou cadre est soumis à une période d'essai de trois mois qui pourra être prolongée exceptionnellement d'une période de même durée, après accord écrit du salarié ; que le contrat de travail ne pouvant contenir une disposition moins favorable que la convention collective en prévoyant le renouvellement de la période d'essai dès l'origine, ledit renouvellement ne pouvait résulter que d'un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale ; qu'un tel accord est intervenu le 9 janvier 2008, au cours de la période initiale ; que la rupture du contrat de travail est intervenue au cours de la période d'essai valablement renouvelée ;
Attendu cependant que la situation du salarié est régie, en principe, par la norme la plus favorable ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le contrat de travail ne mentionnait pas la possibilité d'un renouvellement de la période d'essai, ce dont il résultait qu'une telle possibilité était écartée, la cour d'appel a violé le principe et le texte susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Dwine aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Dwine et la condamne à payer à Mme Patricia X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Madame Patricia X... de ses demandes d'indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE "l'article 7 de la Convention collective nationale des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils et sociétés de conseil prévoit que, sauf accord entre les parties précisé dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail, tout ingénieur ou cadre est soumis à une période d'essai de trois mois qui pourra être prolongée exceptionnellement d'une période de même durée, après accord écrit du salarié ;
QUE le contrat de travail ne pouvant contenir une disposition moins favorable que la convention collective en prévoyant le renouvellement de la période d'essai dès l'origine, ledit renouvellement ne pouvait résulter que d'un accord exprès des parties intervenu au cours de la période initiale ;
QU'en l'espèce, l'accord des parties est intervenu le 9 janvier 2008, au cours de la période initiale, par l'acceptation par Patricia X... du renouvellement de la période d'essai, étant observé :
- que la salariée ne fournit aucun élément susceptible d'établir que ce document aurait été antidaté et signé postérieurement à l'expiration de la période d'essai,- qu'il n'est pas discuté que le contrat applicable soit celui lui accordant le statut de cadre avec une période d'essai de trois mois ;
QUE le fait que la convention collective précise que la période d'essai pourra être prolongée "exceptionnellement" ne signifie pas que l'employeur doive justifier du caractère exceptionnel de ce renouvellement mais que celui-ci ne pouvant être prévu dès l'origine, il nécessite un accord pendant la période d'essai ; que la rupture du contrat de travail est intervenue au cours de la période d'essai valablement renouvelée ; que ses motifs ne sont pas contestés ; qu'il y a donc lieu d'infirmer le jugement et de débouter la salariée de ses demandes" (arrêt p.3 et 4) ;
1°) ALORS QUE l'article 5 de la Convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 – dite Syntec – applicable au litige, dispose que : " Il sera remis à tout collaborateur au moment de son engagement un contrat de travail, comportant notamment les indications suivantes : … conditions d'essai " ; que le contrat de travail de Madame X... conclu conformément à cette disposition conventionnelle stipulait, en son article 3 : "Période d'essai : il est prévu une période d'essai de 3 mois au cours de laquelle chacune des parties pourra mettre fin au contrat sans indemnité, en respectant le préavis prévu dans la convention collective" ; que ce contrat de travail, plus favorable que l'article 7 de la convention collective applicable ne prévoyait donc aucune possibilité de renouvellement de la période d'essai ; qu'il devait prévaloir sur les dispositions conventionnelles; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé l'article L.1221-1 du Code du travail, ensemble le principe d'application de la norme la plus favorable ;
2°) ALORS en toute hypothèse, QUE l'article 7 de la Convention collective nationale du personnel des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieursconseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 – dite Syntec – applicable au litige, dispose que la période d'essai initialement convenue "…pourra être prolongée exceptionnellement d'une période de même durée, après accord écrit du salarié" ; que ce texte subordonne le renouvellement de la période d'essai non seulement à l'accord écrit du salarié, mais également à l'existence de circonstances exceptionnelles le justifiant, qui doivent être invoquées par l'employeur et recherchées par le juge ; qu'en décidant, au contraire, que cette exigence conventionnelle du caractère exceptionnel de la prolongation "ne signifie pas que l'employeur doive justifier du caractère exceptionnel de ce renouvellement mais que celui-ci ne pouvant être prévu dès l'origine, il nécessite un accord pendant la période d'essai", la Cour d'appel a violé la disposition conventionnelle susvisée.