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22/11/2012 | FRANCE | N°11-25494

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 22 novembre 2012, 11-25494


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 30 novembre 2010), que M. X... s'est blessé en chutant d'un toit ; qu'il a conclu un protocole avec la Mutuelle assurance artisanale de France (la MAAF) aux fins de désignation d'un expert avec mission de définir ses séquelles ; qu'il a ensuite assigné, avec son épouse, Mme Catherine X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de ses enfants mineurs, Elisa et Sarah X..., la MAAF et la caisse primaire

d'assurance maladie de Lot-et-Garonne (la caisse), en indemnisati...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Agen, 30 novembre 2010), que M. X... s'est blessé en chutant d'un toit ; qu'il a conclu un protocole avec la Mutuelle assurance artisanale de France (la MAAF) aux fins de désignation d'un expert avec mission de définir ses séquelles ; qu'il a ensuite assigné, avec son épouse, Mme Catherine X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens et de la personne de ses enfants mineurs, Elisa et Sarah X..., la MAAF et la caisse primaire d'assurance maladie de Lot-et-Garonne (la caisse), en indemnisation des préjudices subis ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que la MAAF fait grief à l'arrêt d'évaluer le préjudice subi par M. X... au titre de la tierce personne depuis la date de consolidation à la somme de 3 117 662 euros et, après imputation de la créance de l'organisme social, fixée à la somme de 130 692 euros et de la condamner à lui payer une rente mensuelle de 12 239,47 euros, alors, selon le moyen :

1°/ que la convention collective des salariés du particulier employeur qui régit les règles relatives à la durée du travail applicables aux employés de maison distingue entre les « heures de travail effectif » et les « heures de présence responsable » et prévoit que la « présence de nuit », définie comme « l'obligation pour le salarié de dormir sur place dans un pièce séparée, tout en étant tenu d'intervenir éventuellement dans le cadre de sa fonction », est rémunérée selon des règles spécifiques ; qu'en refusant d'évaluer le préjudice subi par M. X... au titre de la nécessité dans laquelle il se trouve d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne au motif, erroné, qu' « un taux horaire différencié selon les périodes diurnes ou nocturnes et la nature de l'assistance apportée ne peut être retenu dès lors que le double taux horaire est proscrit par la législation du travail », la cour d'appel a violé la convention collective des salariés du particulier employeur et l'article 1382 du code civil ;

2°/ que si l'indemnisation de la tierce personne ne peut être subordonnée à la production de justificatifs des dépenses engagées, elle ne saurait, en revanche, lorsque de tels justificatifs ont été produits, excéder le montant des sommes réellement exposées ; que dans ses conclusions d'appel, la MAAF faisait valoir qu'entre le mois de décembre 2007 et le mois de novembre 2008, la victime avait eu recours à l'assistance d'une tierce personne rémunérée à hauteur de 12,59 euros pendant une douzaine d'heures par jour ; qu'en condamnant néanmoins la MAAF sur la base d'un taux de 17,50 euros sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, dans son rapport d'expertise, le docteur Y... précise que M. X... présente une hypertonie musculaire, une tétraparésie, quelques ébauches de mouvements de main et du pied gauches ainsi qu'une absence de langage ; qu'il estime que les besoins en tierce personne sont de « 24 heures sur 24 » ; qu'il note dans son rapport que « M. X... a besoin d'être énormément stimulé que ce soit sur le plan physique, mais également psychologique, visuel, olfactif… il a besoin que ses sens soient mis en éveil et sollicités fréquemment. Cette activité plus prenante et qui nécessite un fort investissement des deux parties doit être fixée à 6 heures… » ; que l'indemnisation de l'assistance tierce personne doit être évaluée en fonction des besoins de la victime et non en fonction de la dépense justifiée ; que le recours à une assistance extérieure sous la forme d'un service prestataire et non plus mandataire, plus onéreux, ne doit pas être exclu puisqu'elle ne peut être obligée à devenir employeur avec les risques et les aléas que cela peut entraîner alors que de surcroît la prise en charge doit être permanente ; que le taux horaire de 17,50 euros doit être admis eu égard aux prix pratiqués par les services prestataires, les congés payés sur l'année ; qu'en considération de ces éléments, c'est avec justesse que le premier juge a fixé la dépense annuelle à la somme de 153 300 euros (24 h x 17,50 euros x 365 jours) et après capitalisation, a évalué le préjudice à la somme de 3 117 662 euros (153 300 x 20,337) ; que déduction faite des sommes versées par la caisse et du capital constitutif de la majoration tierce personne, le coût annuel de la tierce personne doit être chiffré à 146 813,67 euros soit 12 239,47 euros par mois ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations procédant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a pu fixer comme elle l'a fait l'indemnité en capital et en rente réparant le poste de préjudice de l'assistance d'une tierce personne ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Et sur le moyen unique, pris en sa troisième branche, tel que reproduit en annexe :

Attendu que la MAAF fait grief à l'arrêt d'avoir omis de répondre à ses conclusions sur la suspension de la rente indemnisant l'assistance d'une tierce personne en cas d'hospitalisation supérieure à deux mois ;

Mais attendu que, sous le couvert du grief de violation de l'article 455 du code de procédure civile, le moyen critique une omission de statuer sur un chef de demande ; que l'omission de statuer peut être réparée suivant la procédure prévue par l'article 463 du même code ;

D'où il suit que le moyen n'est pas recevable ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mutuelle assurance artisanale de France aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Mutuelle assurance artisanale de France ; la condamne à payer à M. et Mme X... la somme globale de 2 500 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société MAAF assurances

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR évalué le préjudice subi par Monsieur X... au titre de la tierce personne depuis la date de consolidation à la somme de 3.117.662 euros et, après imputation de la créance de l'organisme social, fixée à la somme de 130.692 euros, d'AVOIR condamné la MAAF à lui payer une rente mensuelle de 12.239,47 euros ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE au titre de son préjudice tierce personne postérieur à la consolidation Monsieur X... demande à la Cour de confirmer la décision du premier juge qui, au titre de l'assistance tierce personne, qualifiée « dépenses consécutives à la réduction d'autonomie », lui a alloué une rente mensuelle d'un montant de 12.239,47 euros ; que la MAAF propose le versement d'une rente mensuelle d'un montant de 6.665,12 euros en prenant pour base, d'une part, l'aide effectuée par l'association AIP 47, soit 12 heures par jour à 12,59 euros l'heure charges comprises et, d'autre part, l'aide réalisée par Madame X..., soit 12 heures par jour à 8,44 euros l'heure et en déduisant la majoration tierce personne versée par la CPAM ; que, dans son rapport d'expertise, le docteur Y... précise que Monsieur X... présente une hypertonie musculaire, une tétraparésie, quelques ébauches de mouvements de main et du pied gauches ainsi qu'une absence de langage ; qu'il estime que les besoins en tierce personne sont de « 24 heures sur 24 » ; qu'il note dans son rapport que « Monsieur X... a besoin d'être énormément stimulé que ce soit sur le plan physique, mais également psychologique, visuel, olfactif… il a besoin que ses sens soient mis en éveil et sollicités fréquemment. Cette activité plus prenante et qui nécessite un fort investissement des deux parties doit être fixée à 6 heures… » ; que l'indemnisation de l'assistance tierce personne doit être évaluée en fonction des besoins de la victime et non en fonction de la dépense justifiée ; qu' en considération de ces éléments, c'est avec justesse que le premier juge a retenu le taux horaire de 17,50 euros, a fixé la dépense annuelle à la somme de euros (24h x 17,50 euros x 365 jours) et après capitalisation, a évalué le préjudice à la somme de 3.117.662 euros (153.300 x 20,337) ; que déduction faite des sommes versées par la CPAM et du capital constitutif de la majoration tierce personne, soit au total 130.692 euros, le coût annuel de la tierce personne doit être chiffré à 146.813,67 euros (2.986.970 / 20.337), soit 12.239,47 euros par mois ; que le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point ;

AUX MOTIFS ADOPTES QUE l'expert a estimé que les besoins de tierce personne devaient être répartis comme suit : deux heures d'aide ménagère, 6 heures de stimulation et de substitution et 16 heures de surveillance ; que toutefois, un taux horaire différencié selon les périodes diurnes ou nocturnes et la nature de l'assistance apportée ne peut être retenu dès lors que le double taux horaire est proscrit par la législation du travail puisque la personne assistante est tenue de se maintenir en permanence à la disposition de la personne assistée et qu'il s'agit donc d'un temps de travail effectif ; qu'on ne peut de surcroît supputer que Madame X... va exercer cette assistance 12 heures par jour, dès lors, que pendant la journée elle a en charge deux enfants mineurs et que la nuit elle peut aspirer au repos ; que la prise en charge par elle-même de son époux pendant des heures de la journée ne peut avoir une incidence sur le coût horaire puisqu'il convient d'apprécier le préjudice par rapport à l'état antérieur avant l'accident et que l'indemnisation qui va être versée va permettre d'organiser sa vie autrement eu égard à la souplesse financière que peut lui apporter l'indemnisation ; que le recours à une assistance extérieure sous la forme d'un service prestataire et non plus mandataire plus onéreux ne doit pas être exclu puisqu'elle ne peut être obligée à devenir employeur avec les risques et les aléas que cela peut entraîner alors que de surcroît la prise en charge doit être permanente ; que le taux horaire de 17,50 euros doit être admis eu égard aux prix pratiqués par les services prestataires, les congés payés sur l'année. Le calcul proposé par Monsieur X... doit être retenu soit 24h x 17,50 euros x 365 = 153.300 euros somme à laquelle il convient d'appliquer l'euro de rente de 20,337 susvisé pour aboutir à la somme de 3.117.662 euros ; que de cette somme il convient de déduire les sommes versées par la CPAM soit les arrérages de 11.819,66 euros au 31 mai 2008 et de déduire le capital constitutif de la majoration tierce personne de 118.819 euros ; que le capital de la victime à ce titre s'élève à la somme de 3.117.662 euros – 130.692 euros = 2.986.970 euros ; que la demande de la victime étant sous la forme de rente, celle-ci sera donc fixée en appliquant l'euro de rente en sens inverse et le coût de la tierce personne annuelle s'élève donc à 146.873,67 euros et par mois à 12.239,47 euros. Cette rente sera revalorisée en application de l'article 43 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 ;

1°) ALORS QUE la convention collective des salariés du particulier employeur qui régit les règles relatives à la durée du travail applicables aux employés de maison distingue entre les « heures de travail effectif » et les « heures de présence responsable » et prévoit que la « présence de nuit », définie comme « l'obligation pour le salarié de dormir sur place dans un pièce séparée, tout en étant tenu d'intervenir éventuellement dans la cadre de sa fonction », est rémunérée selon des règles spécifiques (article 6 de la convention collective) ; qu'en refusant d'évaluer le préjudice subi par Monsieur X... au titre de la nécessité dans laquelle il se trouve d'avoir recours à l'assistance d'une tierce personne au motif, erroné, qu'« un taux horaire différencié selon les périodes diurnes ou nocturnes et la nature de l'assistance apportée ne peut être retenu dès lors que le double taux horaire est proscrit par la législation du travail » (jugement p. 6, al. 4), la Cour d'appel a violé la convention collective des salariés du particulier employeur et l'article 1382 du Code civil ;

2°) ALORS QUE si l'indemnisation de la tierce personne ne peut être subordonnée à la production de justificatifs des dépenses engagées, elle ne saurait, en revanche, lorsque de tels justificatifs ont été produits, excéder le montant des sommes réellement exposées ; que dans ses conclusions d'appel, la MAAF faisait valoir qu'entre le mois de décembre 2007 et le mois de novembre 2008, la victime avait eu recours à l'assistance d'une tierce personne rémunérée à hauteur de 12,59 euros pendant une douzaine d'heures par jour ; qu'en condamnant néanmoins la MAAF sur la base d'un taux de 17,50 euros sans répondre à ce moyen déterminant, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

3°) ALORS QUE la MAAF avait fait valoir, dans ses conclusions d'appel, que la rente allouée à Monsieur X... au titre de la tierce personne devait être suspendue en cas d'hospitalisation de la victime pendant une durée de plus de deux mois (conclusions MAAF, p. 9, al. 10) ; qu'en ne répondant pas sur ce point aux écritures de l'exposante, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-25494
Date de la décision : 22/11/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen, 30 novembre 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 22 nov. 2012, pourvoi n°11-25494


Composition du Tribunal
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.25494
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