LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, ci-après annexé :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 juin 2011), que Gustave X..., qui a vécu au Togo où il avait la qualité de commerçant, est décédé en France le 24 septembre 1970, laissant pour lui succéder son frère, Frédéric, et sa mère ; que cette dernière est décédée le 25 décembre 1977, Frédéric X... étant lui même décédé le 26 juin 1985, laissant pour lui succéder son épouse, Mme Y..., et leurs deux filles, Mmes Christine Z... et Marie-Claude A... ; que les 1er et 7 juin 2006, Mmes Marie-Jeanne B..., Marie-Thérèse C... et Pierrette D..., nées respectivement au Togo en 1951, 1954 et 1956, les ont assignées aux fins d'être reconnues héritières de leur père Gustave X... ; que Mme Bélinda X..., née en 1966, se présentant comme sa quatrième fille, est intervenue à l'instance le 3 janvier 2007 ; que, par jugement du 19 janvier 2010, le tribunal a notamment déclaré Mme Bélinda X..., qui produisait un jugement civil du tribunal de première instance de Lomé du 23 octobre 1969, tenant lieu d'acte de naissance, héritière réservataire d'1/ 4 de la succession de Gustave X..., cette dernière et ses trois soeurs héritières réservataires chacune pour 1/ 8 de la succession de leur grand-mère, et Mme Bélinda X... propriétaire indivis de l'immeuble dépendant de la succession de son père pour 35/ 128e, ses soeurs l'étant chacune pour 3/ 128e ;
Attendu que Mmes Z... et A... font grief à l'arrêt de confirmer la décision entreprise ;
Attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, d'abord, que le jugement supplétif d'état civil du 23 octobre 1969 du tribunal de première instance de Lomé établissait la filiation de Mme Bélinda X... à l'égard de son père Gustave, ensuite qu'aucune falsification de cette décision n'était démontrée, les imprécisions relevées étant sans incidence sur sa régularité, enfin, qu'elle était corroborée par d'autres documents d'état civil, la cour d'appel a pu en déduire que ce jugement tenait lieu d'acte de naissance et valait reconnaissance de sorte que Mme Bélinda X... avait la qualité d'héritière réservataire dans les successions de son père et de sa grand-mère ; que le moyen, inopérant dans ses trois premières branches et nouveau dans sa quatrième, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mmes Z... et A... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat aux Conseils, pour Mmes Z... et A...
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR dit que Bélinda X... était héritière réservataire pour un quart de la succession de Gustave X... décédé le 24 septembre 1970 ; dit que Marie-Jeanne X... veuve B..., Marie-Thérèse X... veuve C..., Pierrette X... épouse D... et Belinda X... sont héritières réservataires chacune pour 1/ 8e de la succession de Joséphine E... veuve X..., décédée le 25 décembre 1977 ; ordonné l'établissement d'une acte de notoriété rectificatif et le partage de biens dévolus ; désigné pour y procéder la SCP Comte-Gautier-Doux, notaires demeurant à Sorgues, désigné Monsieur F... en qualité de magistrat chargé de surveiller les opérations de partage ; constaté qu'il dépend des successions de Gustave X... et Joséphine E... veuve X... un immeuble à usage d'habitation sis à Sorgues ; dit que Bélinda X... est propriétaire indivis de cet immeuble pour les 35/ 128e et que Marie-Jeanne X... veuve B..., Marie-Thérèse X... veuve C..., Pierrette X... épouse D... sont propriétaires de cet immeuble chacune pour 3/ 128e ; dit que Marie-Christine X... épouse Z... est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation à compter du 7 juin 2001 jusqu'au jour du partage ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les intimées revendiquent leur qualité d'héritière de leur grand-mère Joséphine X... et en ce qui concerne Bélinda X... également sa qualité d'héritière de Gustave X... ; qu'il leur appartient pour ce faire d'établir leur filiation à l'égard de Gustave X... ;
que Marie-Thérèse X..., Pierrette X... et Marie-Jeanne-X... établissent par la production de la copie de leur acte de naissance, acte établi le 15 avril 1993 par le service central de l'état civil – ministère des affaires étrangères – à Nantes, la preuve de leur lien de filiation à l'égard de Gustave X... ; que le jugement déféré qui reconnaissant leur qualité de filles de Gustave X..., a dit qu'elles étaient héritières réservataires de la succession de leur grand-mère Joséphine E... veuve X... doit être confirmé ; que l'article 47 du Code civil dispose que « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu'en ce qui concerne Bélinda X..., il est justifié de la photocopie d'un jugement civil sur requête tenant lieu d'acte de naissance du 23 octobre 1969 du Tribunal de première instance de Lomé qui « déclare que X...
I... du sexe féminin est née à Lomé (Togo) le 17 mars 1966 de Gustave X... et de G... », que la circonstance de ce que ce jugement ne contienne aucune indication sur l'état civil du père alors au demeurant qu'il est indiqué que la requête est présentée par le père et que celui-ci est visé dans le dispositif de la décision, comme étant Gustave X... n'est pas de nature à mettre en doute l'authenticité de ce jugement ; que ce jugement est corroboré par les autres documents d'état civil produits par l'intimée, à savoir les photocopies de la déclaration de naissance du 31 décembre 1969 (expédition certifiée conforme au registre le 15 novembre 1999), de son extrait de naissance, du jugement civil sur requête de rectification d'acte de naissance du 5 mai 1999 qui rectifie son prénom et le nom de son père, de son livret de famille ; que tous ces documents reprennent les indications d'état civil contenues dans le jugement litigieux ; que les attestations produites de part et d'autre sur la date exacte du retour définitif en France de Monsieur Gustave X... au Togo à l'époque de la conception de Bélinda, étant en outre observé que dans sa lettre du 11 mars 1971 l'ambassade de France mentionne en ces termes que « Monsieur X... de son vivant commerçant à Lomé était immatriculé à ce poste jusqu'en mars 1967 date à laquelle il s'est retiré en France ; que le fait que l'existence de cette enfant n'ait pas été connue de l'entourage même familial de Monsieur X... ne suffit pas à exclure la réalité du lien de filiation par ailleurs établi ; qu'en conséquence les appelantes ne démontrent ni l'irrégularité, ni la falsification du jugement du 23 octobre 1969 ni que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité comme l'ont exactement apprécié les premiers juges ; que ce jugement du 23 octobre 1969 tenant lieu d'acte de naissance vaut non seulement preuve de la naissance de l'enfant mais également à titre de reconnaissance ; que pour ces motifs et ceux pertinents des premiers juges, le jugement déféré qui a reconnu la qualité d'héritière réservataire de Bélinda X... dans les successions de Gustave X... son père et de Joséphine E..., sa grand-mère, avec toutes ses conséquences de droit, doit être confirmé et les appelantes doivent être déboutées de toutes leurs demandes. »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE, (…) le juge de la mise en état et la cour d'appel de Nîmes en leurs décisions respectives des 16 octobre 2007 et 17 décembre 2008 ont déterminé que l'action des trois demanderesses en pétition d'hérédité est prescrite ; bien que ces décisions n'en fassent pas expressément mention, il ressort de leurs calculs des dates de prescription qu'elles s'appliquent à la succession de Gaston X... et non à celle de sa mère ; l'autorité de la chose jugée par ces décisions ne s'attache donc pas à l'irrecevabilité des actions en revendication de la succession paternelle et n'interdit pas aux intéressées de démontrer leur lien de filiation avec Gaston X... pour prétendre à la succession de Joséphine E... ; qu'à la date du décès de Joséphine E..., le 25 décembre 1977, les trois demanderesses étaient majeures ; le délai de prescription trentenaire de l'action expirait ainsi au 25 décembre 2007 ; la revendication introduite par les assignations de juin 2006 n'est pas prescrite ; quant au lien de filiation, les demanderesses se prévalent du registre de l'état civil portant mention de leur reconnaissance par Gaston X... en date du 11 juillet 1957 ; l'indication est portée par le commandant de cercle, officier de l'état civil suivant le statut colonial en vigueur ; l'authenticité de la copie revêtue du cachet de la mairie d'Aneho ne fait pas débat ; ce document d'état civil est également soumis aux dispositions de l'article 47 du Code civil et fait donc foi à défaut de démonstration de la fausseté de ses indications ; de surcroît, il résulte des attestations déjà citées que la paternité de Gaston X... était connue de sa famille quand bien même celle-ci semble avoir ignoré la reconnaissance des trois filles ; en conséquence, Marie-Jeanne B..., Marie-Thérèse C... et Pierrette D... établissent leur qualité de filles de Gaston X... et par conséquent de petites-filles de Joséphine E..., devant revenir à la succession de celle-ci par représentation de leur père ; sur les droits de propriété des héritières ; selon l'acte de notoriété du 2 octobre 1970, Gaston X... est décédé sans avoir laissé de dispositions testamentaires ; ses biens auraient dû revenir à ses quatre filles, héritières réservataires à parts égales, soit un quart chacune ; la prescription qui atteint le droit d'action des trois soeurs aînées prive celle-ci de la possibilité de revendiquer les biens entre les mains des défenderesses, mais ne confère pas à Belinda X... plus de droits qu'elle n'en aurait eu si la succession avait été réglée au bénéfice des quatre héritières ; elle ne peut donc prétendre à plus du quart de la succession paternelle ; concernant la succession de la grand-mère, décédée également sans disposition testamentaire, les quatre demanderesses sont fondée à en revendiquer la moitié par représentation de leur père, soit 1/ 8e chacune, l'autre moitié revenant à Férdéric X..., père des défenderesses ; il résulte de l'acte de notoriété du 18 janvier 1978 dressé après décès de Joséphine E... que Gustave X... était propriétaire en propre d'une maison d'habitation située sur la commune de Sorgues ; les demanderesses sont réputées établies dans leurs droits avec effet rétroactif à compter de l'ouverture des successions respectives de leurs père et grand-mère ; Bélinda X... bénéficiant d'une dévolution du ¼ au décès de sont père, les ¾ restants sont entrés dans les patrimoines de Joséphine E... et Frédéric X... en fonction des quotités légales, soit ¼ pour la mère, et ¾ pour la mère du défunt et ¾ pour son frère ; Joséphine E... n'a donc hérité que de ¾ x ¼ = 3/ 16e de la pleine propriété de l'immeuble ; qu'au décès de Joséphine E... son héritage s'est divisé par moitié entre la branche des quatre soeurs, venant par représentation de leur père et celle de Frédéric X..., soit 3/ 32e pour chaque branche ; qu'il revenait donc 3. 32e aux quatre demanderesses, soit 3. 128e chacune ; que par suite Belinda X... est propriétaire au total de (1/ 4 = 32/ 128) + 3/ 128 = 35/ 128e de l'immeuble ; sur le partage de l'indivision et l'indemnité d'occupation : les demanderesses indiquent sans être contredites que le bien immobilier a été attribué à Marie-Christine Z... pour partie au décès de son père Frédéric X... et pour partie aux termes d'un acte de donation-partage dressé le 21 janvier 2000 par Me H..., notaire à Sorgues ; les demanderesses se trouvent ainsi en état d'indivision avec Madame Z... quant à la propriété de l'immeuble et sont fondées à en obtenir le partage en vertu de l'article 815 du Code civil ; que l'article 815-9 al. 2 du Code civil prévoit que l'indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d'une indemnité ; que la créance est toutefois soumise à la prescription quinquennale résultant de l'article 815-10 du même Code ; le délai de prescription ayant été interrompu par l'assignation délivrée le 7 juin 2006, la défenderesse est redevable envers l'indivision d'une indemnité d'occupation à compter du 7 juin 2001 jusqu'au jour du partage ; qu'à défaut d'accord des parties, le montant de l'indemnité devra être déterminé par voie d'expertise amiable ou judiciaire »
ALORS QUE 1°) l'acte instrumentaire ne fait foi que relativement aux faits que l'officier de l'état civil a pour mission de constater et non sur l'existence du lien de filiation qui ne peut être résolu qu'au regard du statut personnel des parties ; que la reconnaissance volontaire de paternité n'est valable que si elle a été faite en conformité soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l'enfant ; que dès lors la reconnaissance ne pouvait être faite que par acte authentique conformément aux anciennes dispositions de l'ancien article 334 du Code civil applicable à la cause ; qu'en disant la soi disant reconnaissance de Monsieur Gérard X... valide sans vérifier sa conformité au regard du droit français, loi nationale commune tant du prétendu auteur de la reconnaissance que de l'ensemble de ses prétendues filles dont la nationalité française a été reconnue, la Cour d'appel a manqué de base légale au regard des articles 3, 311-17 et 316 (ancien article 334) du Code civil ;
ALORS QUE 2°) la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état ; qu'une photocopie d'un jugement ne peut constituer un acte de preuve qu'autant qu'elle constitue une copie sincère et fidèle ; qu'en disant que la preuve de la filiation paternelle de Belinda X... était justifiée par la « photocopie d'un jugement civil sur requête tenant lieu d'acte de naissance », la Cour d'appel a violé l'article 310-3 (ancien article 335), l'article 316 (ancien article 334) et l'article 1348 du Code civil ensemble l'article 47 du même Code ;
ALORS QUE 3°) la filiation se prouve par l'acte de naissance de l'enfant, par l'acte de reconnaissance ou par l'acte de notoriété constatant la possession d'état ; que les actes produits pour justifier de la reconnaissance de Belinda X..., hormis la photocopie du jugement litigieux, ont tous été établis longtemps après la mort de Monsieur Gustave X..., qu'aucun de ces documents ne comporte, hormis le nom de Gustave X..., de mention sur l'état civil de Gustave X... ; qu'aucun de ces éléments n'était propre à établir la reconnaissance de paternité de Bélinda X... par Gustave X... ; qu'en disant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 310-3 (ancien article 335) et 316 (ancien article 334) du Code civil ensemble l'article 47 du même Code ;
ALORS QUE 4°) la faculté d'accepter une succession ne vaut pas contre les droits acquis à des tiers sur les biens de la succession, par prescription ; que celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par 20 ans, si le véritable propriétaire est domicilié hors du ressort de la Cour d'appel ; qu'il est constant que la succession de Monsieur Gustave X... a été liquidée en 1970 au profit de la mère et du frère du défunt, emportant transfert de propriété du bien litigieux ; qu'une attestation notariée du 25 janvier 1978 a fait état de ce que Monsieur Frédéric X..., déjà propriétaire indivis pour les trois quart du bien litigieux, avait accepté la succession de sa mère, était devenu propriétaire du bien immobilier sis à Sorgues ; que cette attestation a fait l'objet d'un enregistrement au bureau des hypothèques d'Avignon ; que l'action en revendication du bien litigieux par les soi disant filles de Monsieur Gustave X... n'a eu lieu pour la première fois qu'en juin 2006, soit plus de trente ans après le transfert de propriété du bien litigieux à ses mère et frère et plus de 20 ans après qu'ait été établi le titre de propriété pleine et entière de Monsieur Frédéric X... ; que dès lors l'immeuble était acquis par prescription acquisitive ; qu'en disant que Madame Bélinda X... était propriétaire indivise de l'immeuble litigieux pour 25/ 128e et ses trois soeurs propriétaires pour 3/ 128e, sans tenir compte de la propriété acquise par prescription par Monsieur Frédéric X... sur ledit bien, légitimement transmis à ses héritières, la Cour d'appel a violé ensemble les articles 790 (anciens) et 2265 (ancien) du Code civil.