LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 8-1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée ;
Attendu que l'activité professionnelle effective que doit exercer l'avocat disposant d'un bureau secondaire est celle qui respecte les principes essentiels de la profession ;
Attendu que pour refuser à la société Fiducial Sofiral, société d'exercice inter-barreaux d'avocats, l'autorisation d'ouvrir un cabinet secondaire à Bourges, l'arrêt retient que l'exercice de l'activité d'avocat au sein de ce bureau secondaire est ponctuel, voire discontinu, que cette discontinuité de l'activité effective ne tient pas seulement à l'absence physique de l'avocat qui peut ne venir que ponctuellement, comme cela se présenterait s'agissant de la tenue d'un cabinet secondaire d'un avocat exerçant à titre individuel, mais, en outre, est indiscutable dès lors que les avocats susceptibles de se rendre à Bourges, tant le responsable en titre que ses suppléantes sont tous inscrits dans des barreaux extérieurs et résident dans des localités situées à plus d'une heure de trajet, et que, dans ces conditions, la société Fiducial Sofiral ne peut sérieusement soutenir qu'en recourant aux services d'une personne diplômée en droit, seule physiquement présente en permanence dans les locaux, en assurant à distance une responsabilité déontologique et en tenant des rendez-vous ponctuels avec des clients après préparation sur place par le juriste, elle répond aux exigences de l'exercice d'une activité effective d'avocat imposées par la loi ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence d'un exercice d'une activité professionnelle effective, dès lors qu'elle avait constaté, d'une part, que le responsable du bureau secondaire de la société Fiducial Sofiral, laquelle disposait auparavant d'un établissement à Bourges jusqu'au départ de l'associée inscrite au barreau local, se rendait au moins deux fois par mois dans la ville, ce qui laissait entendre qu'il pouvait être davantage présent, en fonction des impératifs professionnels locaux, et que sa suppléance était confiée à deux avocates de barreaux extérieurs, d'autre part, que l'accueil de la clientèle, la gestion administrative, la préparation des dossiers et la mise en relation des clients avec le responsable du cabinet secondaire ou ses suppléantes de Blois et d'Orléans étaient assurés quotidiennement par une juriste diplômée salariée, ce dont il résultait que ces conditions d'exercice ne traduisaient pas, par elles-mêmes, la méconnaissance des principes essentiels de la profession d'avocat, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne le conseil de l'ordre des avocats au barreau de Bourges aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils, pour la société Fiducial Sofiral
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé la décision du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bourges du 7 juin 2010 refusant à la société Fiducial Sofiral l'autorisation d'ouvrir un bureau secondaire à Bourges ;
AUX MOTIFS QUE l'article 8-1, dernier alinéa, de la loi du 31 décembre 1971 précise que « l'avocat disposant d'un bureau secondaire doit y exercer une activité professionnelle effective sous peine de fermeture sur décision du conseil de l'Ordre du barreau dans lequel il est situé » ; que l'esprit de ce texte est d'assurer auprès de la clientèle la présence physique d'un avocat titulaire et responsable, de façon régulière et garantissant une proximité naturelle ; que certes, les nouveaux moyens de déplacement, d'une part, et de communication, d'autre part, viennent modifier les conditions matérielles d'exercice des professions, notamment celles dont l'essentiel repose sur un travail intellectuel ; que cependant, s'agissant de la profession d'avocat, la relation du conseil avec son client nécessite une proximité et une disponibilité garantie ; que « l'activité professionnelle effective » de l'avocat n'est pas dans l'écartèlement des divers aspects de son travail ; que la Selafa Fiducial Sofiral décrit l'activité d'avocat exercée dans le « bureau secondaire » ouvert à Bourges depuis le départ de l'avocat résidente à Bourges, Maître Marie-Pierre X..., comme reposant sur les données suivantes :- responsabilité juridique et déontologique assurée par Maître Jean-Marie Y..., avocat inscrit au barreau des Hauts-de-Seine, qui se rend au moins deux fois par mois à Bourges ;- la suppléance de Maître Y... est confiée à deux avocates, l'une du barreau de Blois, Me Z..., l'autre, du barreau d'Orléans, Me A... ;- l'accueil de la clientèle, la gestion administrative, la préparation des dossiers et la mise en relation des clients avec Maître Y... ou ses suppléantes de Blois et Orléans est assurée quotidiennement par Mme Laurence B..., juriste salariée, diplômée d'un DESS droit et gestion ;Que la société d'avocat indique en outre que cette organisation est mise en place « dans l'attente du recrutement d'un avocat sur place… » (courrier du 25 janvier 2010 au bâtonnier de Bourges) ; qu'il en résulte que l'exercice effectif de l'activité d'avocat est à l'évidence ponctuel, voire discontinu ; que cette discontinuité de l'activité ne tient pas seulement à l'absence physique de l'avocat qui ne peut venir que ponctuellement, comme cela se présenterait s'agissant de la tenue d'un « cabinet secondaire » d'un avocat exerçant à titre individuel ; qu'elle est en outre indiscutable dès lors que les avocats susceptibles de se rendre à Bourges, tant le responsable en titre que ses suppléantes, sont tous inscrits dans des barreaux extérieurs et résident dans des localités situées à plus d'une heure de trajet ; que dans ces conditions, la Selafa Fiducial Sofiral ne peut sérieusement soutenir qu'en recourant aux services d'une personne diplômée en droit seule physiquement présente en permanence dans les locaux, en assurant à distance une responsabilité déontologique et en tenant des rendez-vous ponctuels avec des clients après préparation sur place par le « juriste », elle répond aux exigences d'une « activité effective» d'avocat imposées par la loi ;
1°) ALORS QUE l'activité professionnelle effective que l'avocat disposant d'un bureau secondaire doit y exercer n'implique pas qu'il y soit fréquemment présent ; que, dès lors, en se fondant, pour dire que l'activité professionnelle de la société Fiducial Sofiral dans le bureau secondaire de Bourges n'est pas effective sur la circonstance que l'avocat associé désigné pour gérer ce bureau secondaire ne peut y venir que ponctuellement et sur le fait que, comme ses deux suppléantes, il réside dans une localité située à plus d'une heure de trajet, la cour d'appel a violé l'article 8-1 de la loi du 31 décembre 1971.
2°) ALORS QUE l'avocat à la tête d'un bureau secondaire créé par la société d'avocats dont il est associé hors du siège social de celle-ci n'est pas inscrit au barreau dans le ressort duquel est situé ce bureau secondaire, à la différence de l'avocat qui gère l'établissement créé hors de son siège par une société interbarreaux dont il est associé, qui est nécessairement inscrit au barreau dans le ressort duquel est situé ledit établissement ; que, dès lors, en se fondant également, pour confirmer le refus du conseil de l'Ordre des avocats au barreau de Bourges d'autoriser la société Fiducial Sofiral à ouvrir un bureau secondaire à Bourges, sur la circonstance que l'avocat associé désigné pour gérer le bureau secondaire de Bourges, tout comme ses deux suppléantes, n'est pas inscrit au barreau de Bourges, la cour d'appel, qui a ainsi confondu la notion bureau secondaire et avec celle d'établissement créé par une société interbarreaux, a violé l'article 8-1 de la loi du 31 décembre 1971, ensemble l'article 15 du règlement intérieur national de la profession d'avocat.