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31/10/2012 | FRANCE | N°11-18765

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 octobre 2012, 11-18765


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 4 mars 2011), que Mme X... a exploité une station-service appartenant à la société Thévenin et Ducrot distribution (TDD) en exécution d'un contrat de location-gérance assorti d'une convention de mandat-vente ducroire du 1er avril 1995 au 31 mars 1996, puis en vertu d'un contrat de travail de pompiste encaisseur du 1er avril 1996 au 31 décembre 1997, puis à nouveau dans le cadre d'une location-gérance assortie d'un mandat de vente, cette dernière relation ayant pris

fin à son initiative le 31 décembre 2001 ; qu'elle a saisi la juridi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 4 mars 2011), que Mme X... a exploité une station-service appartenant à la société Thévenin et Ducrot distribution (TDD) en exécution d'un contrat de location-gérance assorti d'une convention de mandat-vente ducroire du 1er avril 1995 au 31 mars 1996, puis en vertu d'un contrat de travail de pompiste encaisseur du 1er avril 1996 au 31 décembre 1997, puis à nouveau dans le cadre d'une location-gérance assortie d'un mandat de vente, cette dernière relation ayant pris fin à son initiative le 31 décembre 2001 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale de demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 781-1-2° du code du travail alors applicable ; que par arrêt du 22 mars 2006, la chambre sociale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société TDD formé contre un arrêt de la cour d'appel de Besançon du 23 mars 2004 qui, statuant sur contredit, avait décidé que l'article précité du code du travail était applicable et que la juridiction prud'homale était compétente pour statuer sur les demandes de Mme X... ; que par arrêt du 16 février 2012, la chambre sociale a rejeté le pourvoi formé par la société TDD contre l'arrêt du 8 septembre 2009 par lequel la cour d'appel de Besançon a statué sur certaines des demandes de Mme X... et sursis a statuer sur d'autres demandes, une expertise étant ordonnée ; que la cour d'appel a statué sur ces dernières demandes par un arrêt du 4 mars 2011 ;

Sur les premier et troisième moyens :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces moyens, qui ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour défaut d'affiliation au régime général de retraite du 1er avril 1995 au 1er mars 1996, alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation de l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite et de régler les cotisations qui en découlent était, à la date d'introduction de l'instance, soumise à la prescription trentenaire ; que la demande de Mme X..., qui tendait à la condamnation de la société Thevenin et Ducrot à l'indemniser d'une perte de droits à la retraite qu'elle supporterait, à partir de son 67ème anniversaire, lors de la liquidation de sa pension, trouvait sa cause dans un manquement de l'employeur à cette obligation ; qu'elle n'était pas atteinte par la prescription quinquennale des salaires ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ;

2°/ qu'en déclarant " éventuel sinon hypothétique " un préjudice évalué sur la base de l'âge légal de départ à la retraite de l'assujettie, et de l'espérance de vie moyenne dont elle pouvait se prévaloir, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant estimé, par une appréciation souveraine, que l'existence d'un préjudice n'était pas établie, le moyen, qui critique un motif surabondant, est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour Mme X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts pour défaut d'inscription à l'assurance chômage ;

AUX MOTIFS QUE " sur les indemnités dues au titre de la rupture du contrat de travail … s'agissant de la réparation du préjudice résultant, pour Madame X..., de la perte de son emploi, celui-ci doit être évalué en considération du fait qu'elle a été privée de toute indemnisation au titre du chômage pendant le temps nécessaire à la recherche d'un nouvel emploi, mais également du montant du salaire qu'elle aurait pu continuer à percevoir si la Société Thevenin et Ducrot l'avait rémunérée conformément à ses obligations légales et conventionnelles ;

QUE compte tenu de son âge, de la date de la rupture des relations contractuelles (39 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (7 ans), du montant de sa rémunération moyenne mensuelle, telle que reconstituée par l'expert eu égard à sa qualification et à la durée du travail fourni (4 248, 23 €) et de ses possibilités de réinsertion professionnelle, il y a lieu de lui allouer en réparation de son préjudice une indemnité de 38 000 € toutes causes confondues et de la débouter du surplus de ses demandes à ce titre, tendant au versement de deux indemnités distinctes " ;

1°) ALORS QUE l'indemnité due au salarié en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, qui ne peut être inférieure à la rémunération brute du salarié pendant les six derniers mois précédant la rupture, et sanctionne la faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de résiliation unilatérale du contrat de travail, ne se confond pas avec le revenu de remplacement servi par l'Assedic, avec lequel elle peut se cumuler, ni avec le droit du salarié à obtenir réparation du préjudice causé par la perte de ce revenu en conséquence de la faute distincte commise par l'employeur qui n'a pas procédé à son inscription à l'assurance chômage et au paiement des cotisations correspondantes ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles L. 1235-3 et L. 5421-1 du Code du travail ;

2°) ALORS en toute hypothèse QUE l'expert avait évalué à 27 893, 44 € le montant minimum de l'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse due à Madame X... en application de l'article L. 1235-3 du Code du travail et chiffré à 30 809 € le montant des revenus de remplacement que la salariée, qui n'avait pas retrouvée d'emploi, aurait perçus de l'assurance chômage si elle y avait été régulièrement inscrite ; qu'en lui allouant au titre de ces deux préjudices distincts une indemnité globale de 38 000 € la Cour d'appel a violé derechef les textes susvisés.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour défaut d'affiliation au régime général de retraite du 1er avril 1995 au 1er mars 1996 ;

AUX MOTIFS QUE " Madame X... soutient à l'appui de cette demande que la prescription quinquennale en matière de salaires ne peut lui être opposée concernant le préjudice subi par elle du fait de sa non immatriculation au régime général des salariés, celui-ci étant soumis à la prescription trentenaire selon un arrêt de la Cour de cassation du 28 mai 2008 ; qu'il résulte certes de cet arrêt que l'obligation de l'employeur d'affilier ses salariés à un régime de retraite et de régler les cotisations qui en découlent est soumise à la prescription trentenaire ;

QUE ce principe a toutefois été énoncé à propos d'un cas d'espèce tout à fait différent, concernant un salarié détaché à l'étranger qui demandait la condamnation de l'employeur à régulariser sa situation au regard du régime de retraite de base de la sécurité sociale française et du régime de retraite complémentaire des salariés, au titre de salaires qui lui avaient été versés par l'employeur ; que pour sa part, Madame X... a été régulièrement affiliée, pour la période du 1er avril 1995 au 31 mars 1996 à un régime obligatoire de sécurité sociale en qualité d'exploitante d'un fonds de commerce et a acquis des droits à pension de retraite correspondant à la durée d'assurance (4 trimestres) et aux revenus perçus par elle ; qu'elle a ensuite été affiliée à compter du 1er avril 1996 au régime des salariés ;

QUE le préjudice dont elle demande réparation ne découle pas d'une absence d'affiliation à un régime de retraite obligatoire mais de ce que l'intégralité de la rémunération qu'elle aurait dû percevoir pendant la période en cause ne sera pas prise en considération pour le calcul de sa retraite ; que ce préjudice est la conséquence directe de l'application de la prescription quinquennale en matière de salaires, qui lui a interdit toute demande de rappel de salaires susceptible de donner lieu au versement de cotisations sociales au titre de la période en cause ; que le préjudice dont elle fait état revêt au surplus un caractère purement éventuel sinon hypothétique en ce qu'il est évalué sur la base de 17 années d'espérance de vie après un départ à la retraite à taux plein à 67 ans ; qu'il y a lieu de rejeter sa demande " ;

1°) ALORS QUE l'obligation de l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite et de régler les cotisations qui en découlent était, à la date d'introduction de l'instance, soumise à la prescription trentenaire ; que la demande de Madame X..., qui tendait à la condamnation de la Société Thevenin et Ducrot à l'indemniser d'une perte de droits à la retraite qu'elle supporterait, à partir de son 67ème anniversaire, lors de la liquidation de sa pension, trouvait sa cause dans un manquement de l'employeur à cette obligation ; qu'elle n'était pas atteinte par la prescription quinquennale des salaires ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du Code du travail ;

2°) ALORS QU'en déclarant " éventuel sinon hypothétique " un préjudice évalué sur la base de l'âge légal de départ à la retraite de l'assujettie, et de l'espérance de vie moyenne dont elle pouvait se prévaloir, la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Madame X... de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil ;

AUX MOTIFS QUE " en vertu de l'article 1153 alinéa 3 du Code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance ;

QUE Madame X... soutient que la Société Thevenin et Ducrot a délibérément violé la loi du travail qu'elle savait applicable à ses exploitants de station service, que les sommes importantes qu'elle aurait dû percevoir en contrepartie du travail fourni pour le compte de ladite société lui ont fait gravement défaut et l'ont contrainte avec son mari à solliciter des crédits bancaires à compter de 2005, à l'origine de frais financiers pour un montant de 68 700 €, frais non compensés par le versement des intérêts au taux légal ;

QUE la situation ainsi décrite ne caractérise pas un préjudice indépendant du retard de paiement, réparé par les intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l'alinéa 1er de l'article 1153 du Code civil ; qu'il convient en conséquence de rejeter la demande " ;

ALORS QUE constitue un préjudice indépendant du simple retard, et que ne répare pas l'allocation des intérêts moratoires, l'obligation dans laquelle s'est trouvé le créancier d'emprunter à des conditions onéreuses et d'exposer des frais financiers élevés pour compenser l'absence de trésorerie causée par la résistance du débiteur ; qu'en l'espèce l'exposante, qui n'avait pas retrouvé d'emploi après la rupture illicite de la relation de travail, avait fait valoir et justifié que la mauvaise foi de la Société Thevenin et Ducrot qui s'était délibérément et en toute connaissance de cause soustraite à ses obligations légales l'avait contrainte, ainsi que son mari, à recourir à des crédits bancaires coûteux pour faire face aux charges de la vie courante ; qu'en la déboutant de sa demande en paiement d'intérêts compensatoires sur l'affirmation de ce que " la situation ainsi décrite ne caractérise pas un préjudice indépendant du retard de paiement, réparé par les intérêts au taux légal ", la Cour d'appel a violé l'article 1153 alinéa 4 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-18765
Date de la décision : 31/10/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 04 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 oct. 2012, pourvoi n°11-18765


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP de Chaisemartin et Courjon

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.18765
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