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31/10/2012 | FRANCE | N°11-17695

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 octobre 2012, 11-17695


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er novembre 2007 en qualité de consultant par la société Sonia Y... création et diffusion de modèles ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 10 avril 2008 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de M. X... sans cause réelle e

t sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que les écarts de langage dont se re...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 1er novembre 2007 en qualité de consultant par la société Sonia Y... création et diffusion de modèles ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 10 avril 2008 ; que contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :
1°/ que les écarts de langage dont se rend régulièrement coupable un cadre de direction sont de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que si les propos désobligeants du salarié peuvent le cas échéant perdre leur caractère fautif lorsqu'ils s'inscrivent dans un milieu professionnel où la familiarité est coutumière, encore faut-il que cette familiarité soit réciproque ; qu'en estimant que l'utilisation par M. X... de sobriquets pour désigner certaines collaboratrices de l'entreprise n'était pas fautive, au motif que « c'est dans le contexte du secteur de la mode qu'intervient la société Sonia Y..., où la familiarité, l'originalité, et la décontraction dans les rapports entre les salariés semblent un mode de relation habituel », sans constater cependant que cette familiarité était réciproque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
2°/ qu'en raison de leur position, les cadres et notamment les cadres supérieurs se voient imposer une obligation de loyauté et de réserve renforcée ; que dans ses conclusions d'appel, la société exposante rappelait l'existence de différents épisodes caractérisant la volonté de M. X... de se soustraire délibérément à l'obligation de loyauté rappelée dans son contrat de travail, cette insubordination devenant manifeste lorsque le salarié a évoqué la création d'une fondation destinée à écarter Mme Nathalie Y... de la présidence de la société Sonia Y... CDM, au motif « qu'il ne pouvait y avoir deux patrons dans une entreprise » ; qu'en estimant que ces circonstances ne manifestaient aucune déloyauté de la part de M. X... qui était fondé « à juste titre à soutenir les analyses qu'il avait effectuées et pour lesquelles il a été engagé », la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante dès lors qu'elle ne prenait en considération ni le pouvoir de direction de l'employeur, ni le lien de subordination dans lequel se trouve le salarié, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, a retenu que la familiarité était un mode de relation habituel dans l'entreprise et que le grief tiré d'une attitude déplacée du salarié n'était pas établi ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, qui a retenu que le fait pour le salarié, au regard des responsabilités de l'intéressé, engagé en qualité de directeur général pour mettre en oeuvre les mesures de rationalisation de la distribution qu'il avait préconisées et qui avaient été avalisées par son employeur, d'avoir fait part des difficultés rencontrées dans l'exercice de ses missions et de son désaccord avec Mme Y... ne caractérisait pas un manquement à son devoir de loyauté, a légalement justifié sa décision ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnité contractuelle de licenciement, l'arrêt retient qu'à la date de son licenciement M. X... n'avait que cinq mois d'ancienneté de sorte qu'il ne pouvait prétendre à bénéficier de la clause contractuelle insérée dans son contrat ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le contrat de travail stipulait qu'en cas de rupture du contrat à l'initiative de la société pour quelque cause que ce soit, à l'exclusion d'un congédiement pour faute grave ou lourde, la société verserait au salarié, en sus de l'indemnité conventionnelle éventuellement due, une indemnité forfaitaire de six mois de rémunération brute si la rupture intervenait dans les vingt-quatre mois qui suivent la date d'effet du contrat, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis de la clause litigieuse, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande d'indemnité contractuelle de licenciement, l'arrêt rendu le 16 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Sonia Y...- Création et diffusion de modèles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sonia Y...- Création et diffusion de modèles et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi principal
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande de paiement de la somme de 250. 000 € à titre d'indemnité contractuelle de rupture ;
AUX MOTIFS QUE « à la date de son licenciement Monsieur X... avait cinq mois d'ancienneté, la mission précédemment effectuée ne pouvant être prise en compte ; qu'il ne peut donc prétendre au regard de son ancienneté à bénéficier de la clause contractuelle insérée dans son contrat » ;
ALORS, D'UNE PART, QUE selon le contrat de travail du 30 octobre 2007 « en cas de rupture du présent contrat, à l'initiative de la société, pour quelque cause que ce soit-à l'exception d'un congédiement pour faute grave ou lourde-la société vous versera, en sus de l'indemnité conventionnelle éventuellement due, une indemnité forfaitaire définie comme suit :- si la rupture précitée intervient dans les vingt quatre mois qui suivent la date d'effet de votre contrat : six mois de rémunération brute ;- à partir de la troisième année de prise d'effet de votre contrat, cette indemnité sera portée à 12 mois de rémunération brute (…) » ; que le versement de cette indemnité contractuelle de rupture n'est pas conditionné à une ancienneté minimale du salarié au sein de la Société Sonia Y... CDM ; qu'en décidant néanmoins que n'ayant que 5 mois d'ancienneté à la date de son licenciement Monsieur X... ne pouvait prétendre au paiement de cette indemnité contractuelle de rupture, la cour d'appel a dès lors dénaturé le contrat de travail du 30 octobre 2007 en violation du principe de l'interdiction faite au juge de dénaturer les écrits produits devant lui et de l'article 1134 du code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en écartant la demande de paiement de l'indemnité contractuelle de rupture prévue dans le contrat de travail du 30 octobre 2007, qui s'élève en l'absence de faute grave ou lourde caractérisée à 6 mois de salaire lorsque la rupture intervient dans les 24 mois qui suivent la date d'effet du contrat, la cour d'appel a méconnu ledit contrat de travail et a violé les articles 1134 du code civil et L. 1221-1 du code du travail ;
ALORS, DE TROISIEME PART ET A TITRE SUBSIDIAIRE, QUE l'engagement de la Société Sonia Y... CDM à verser une indemnité contractuelle de rupture à Monsieur X... constituait une contrepartie à l'exécution d'une obligation et non une sanction, de sorte qu'elle ne pouvait être qualifiée de clause pénale ; qu'à supposer même qu'elle ait implicitement entendu minorer le montant de l'indemnité contractuelle de rupture prévue par le contrat du 30 octobre 2007 sur le fondement de l'article 1152 du code civil, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi cette indemnité contractuelle constituait une clause pénale, a donc privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
ALORS, DE QUATRIEME PART ET A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QU'en toute hypothèse le juge qui entend modérer le montant d'une clause pénale est tenu de caractériser en quoi il est manifestement excessif ; qu'en minorant l'indemnité contractuelle de rupture sans caractériser l'excès manifeste en résultant, qui ne pouvait se déduire de la seule ancienneté de 5 mois du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil ;
ALORS, DE CINQUIEME PART ET A TITRE PLUS SUBSIDIAIRE, QUE le juge ne peut réduire la clause pénale en deçà du préjudice réellement subi ; qu'en décidant qu'aucune somme ne devait être allouée au salarié au titre de l'indemnité contractuelle, sans constater que celui-ci n'avait subi aucun préjudice, la cour d'appel a derechef privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil. Moyen produit par Me Balat, avocat aux Conseils, pour la société Sonia Y...- Création et diffusion de modèles, demanderesse au pourvoi incident

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement intervenu était sans cause réelle et sérieuse et d'avoir condamné la société Sonia Y... CDM, à ce titre, à payer diverses sommes à M. François X... ;
AUX MOTIFS QUE, sur l'attitude déplacée de M. X..., des salariés se seraient plaints de l'attitude de M. X... auprès du médecin du travail ; qu'aucune preuve n'est rapportée de ces faits qui présenteraient s'ils étaient établis un caractère de gravité certain ; que par contre, en alléguant un tel grief sans en apporter la preuve, c'est bien une atteinte à l'honneur et à la considération de M. X... qui est indiscutablement portée à ce dernier ; que l'utilisation de sobriquets entre les personnes au sein de la société ne peut également être retenue ; que c'est dans le contexte du secteur de la mode qu'intervient la société Sonia Y..., où la familiarité, l'originalité et la décontraction dans les rapports entre les salariés semblent un mode de relation habituel, confirmé par la lecture des messages échangés entre les différentes personnes de la société, et produits aux débats ; que toutes les attestations produites visant à établir ce grief ont un caractère subjectif, et ne sont pas de nature à justifier une faute grave, ou un motif réel et sérieux ; qu'il en va ainsi notamment des attestations de Mme Z..., Mme A..., Mme B..., Mme C..., qui toutes relatent des comportement de M. X... qu'elles désapprouvent la plupart du temps en raison de la résistance de ce dernier ou de l'exercice de son pouvoir hiérarchique ; que ces attestations sont notamment contredites par des attestations qui louent le respect du directeur général à l'égard de ses collaborateurs ; qu'il en est ainsi notamment de Mme D... sa collaboratrice directe, de Mme E..., ancienne responsable commerciale France et Europe de la marque Sonia Y..., de M. F..., responsable commercial au sein de la société ; que face à des témoignages aussi contradictoires, force est de constater que les personnes qui attestent pour la société sont encore en poste et dans un lien de subordination hiérarchique et juridique avec l'employeur ; que dès lors, en l'état contradictoire des pièces versées à l'appui de ce grief, il convient de rire qu'il est inopérant et de confirmer l'analyse des premiers juges ;
ET AUX MOTIFS QUE, sur le manque de loyauté, la société produit aux débats notamment les attestations de Mme G..., de M. H... qui établissent que M. X... a fait part de ses difficultés à diriger l'entreprise et de son idée de créer une fondation qui pourrait occuper Mme Sonia Y... car il estimait qu'il ne pouvait y avoir deux patrons dans une entreprise ; qu'il est constant que l'audit réalisé par M. X... a démontré les faiblesses de la structure de commercialisation des produits de la marque et les décisions qui s'imposaient ; qu'à la suite de cet audit et en raison des qualités de ses analyses, il a été engagé en qualité de directeur général et que lorsqu'il a souhaité mettre en place des mesures de rationalisation de la distribution, Mme Y... s'y est opposée ; que dès lors, il est constant que la loyauté ne peut en aucun cas être confondue avec la servilité, et que M. X... a continué à juste titre à soutenir les analyses qu'il avait effectuées et pour lesquelles il a été engagé ; qu'en matière de loyauté, force est de constater que Mme Y... qui a demandé à M. X... de licencier M. I... au motif que ce dernier aurait établi des procurations sans limitation, s'est servi ensuite de cet argument dans la lettre de licenciement alors qu'elle savait pertinemment que M. X... n'avait aucune responsabilité dans cette situation ; que M. F... atteste clairement que le management dans cette société familiale se résumait à être pour ou contre Mme Y... ; que M. X... a pu en sa qualité de directeur général être en désaccord avec la propriétaire de la société, sur les politiques menées notamment à l'égard de la création des boutiques et alors que sur ce point elle avait avalisé ses analyses elle n'a pas hésité à lui reprocher de mettre un frein à cette politique ; que le manque de loyauté dans ce contexte ne peut être apprécié ; que M. X... a été engagé afin de remettre de l'ordre dans la société, et que lorsqu'il a tenté de mettre en oeuvre la politique qu'il avait préconisée et acceptée par Mme Y..., cela lui a été ensuite reproché ; que rien dans les propos de M. X..., au regard de la situation de la société, des incohérences du management, des pratiques constatées, ne peut être considéré comme injurieux ou diffamatoire à l'égard de Mme Sonia Y... ; que la presse a relaté les conditions de départ des divers salariés masculins de la société et leur remplacement par Nathalie Y... qui peu à peu a pris tous les pouvoirs dans la société et ce malgré son inexpérience, et qu'elle a évincé les cadres dirigeants pour prendre seule la direction de cette dernière ; que c'est au regard de tous ces éléments qu'il convient de dire que le licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse ;
ALORS, D'UNE PART, QUE les écarts de langage dont se rend régulièrement coupable un cadre de direction sont de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; que si les propos désobligeants du salarié peuvent le cas échéant perdre leur caractère fautif lorsqu'ils s'inscrivent dans un milieu professionnel où la familiarité est coutumière, encore faut-il que cette familiarité soit réciproque ; qu'en estimant que l'utilisation par M. X... de sobriquets pour désigner certaines collaboratrices de l'entreprise n'était pas fautive, au motif que « c'est dans le contexte du secteur de la mode qu'intervient la société Sonia Y..., où la familiarité, l'originalité, et la décontraction dans les rapports entre les salariés semblent un mode de relation habituel » (arrêt attaqué, p. 4 § 4), sans constater cependant que cette familiarité était réciproque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail ;
ALORS, D'AUTRE PART, QU'en raison de leur position, les cadres et notamment les cadres supérieurs se voient imposer une obligation de loyauté et de réserve renforcée ; que dans ses conclusions d'appel (p. 12 à 15), la société exposante rappelait l'existence de différents épisodes caractérisant la volonté de M. X... de se soustraire délibérément à l'obligation de loyauté rappelée dans son contrat de travail, cette insubordination devenant manifeste lorsque le salarié a évoqué la création d'une fondation destinée à écarter Mme Nathalie Y... de la présidence de la société Sonia Y... CDM, au motif « qu'il ne pouvait y avoir deux patrons dans une entreprise » (arrêt attaqué, p. 4 § 10) ; qu'en estimant que ces circonstances ne manifestaient aucune déloyauté de la part de M. X... qui était fondé « à juste titre à soutenir les analyses qu'il avait effectuées et pour lesquelles il a été engagé » (arrêt attaqué, p. 4 in fine), la cour d'appel, qui s'est déterminée par une motivation inopérante dès lors qu'elle ne prenait en considération ni le pouvoir de direction de l'employeur, ni le lien de subordination dans lequel se trouve le salarié, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-17695
Date de la décision : 31/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 mars 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 oct. 2012, pourvoi n°11-17695


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Célice, Blancpain et Soltner

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.17695
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