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31/10/2012 | FRANCE | N°11-16988

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 octobre 2012, 11-16988


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 5 octobre 2000 par la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable (la société Fiduciaire) en qualité d'assistant comptable et promu en janvier 2003 chef du bureau de l'agence de Beaumont de Lomagne, a démissionné le 26 septembre 2006 à effet du 30 décembre suivant ; qu'il a créé la société Delt @ expertise et ouvert son cabinet d'expert-comptable à Beaumont de Lomagne le 2 janvier

2007 ; que la société Fiduciaire a saisi la juridiction prud'homale d'une de...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 5 octobre 2000 par la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable (la société Fiduciaire) en qualité d'assistant comptable et promu en janvier 2003 chef du bureau de l'agence de Beaumont de Lomagne, a démissionné le 26 septembre 2006 à effet du 30 décembre suivant ; qu'il a créé la société Delt @ expertise et ouvert son cabinet d'expert-comptable à Beaumont de Lomagne le 2 janvier 2007 ; que la société Fiduciaire a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de dommages-intérêts pour concurrence déloyale à l'encontre de son ancien salarié ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que la société Fiduciaire a reçu de trente-sept clients des lettres de résiliation entre le 16 octobre et le 31 décembre 2006, c'est-à-dire alors que M. X... était en cours d'exécution de son préavis, dont dix-sept avant qu'ils n'aient été avisés par l'employeur de son départ ; que ces courriers étaient rédigés de manière similaire, n'omettant jamais de mentionner la date à laquelle leurs auteurs souhaitaient voir la résiliation prendre effet, généralement le 1er octobre 2006, date antérieure à l'envoi de leur courrier, ou le 31 décembre 2006 ; qu'en outre un rapprochement entre le relevé des appels téléphoniques émis depuis l'agence d'octobre à décembre 2006 et ces lettres de résiliation révélait que dix-sept de ces clients avaient envoyé leur lettre de résiliation le jour où ils avaient reçu un appel téléphonique de l'agence ; que d'autres clients avaient adressé leur lettre quelques jours après un appel de l'agence ; que très rares étaient ceux qui avaient avancé un élément d'insatisfaction pour justifier leur décision ; que l'ensemble de ces éléments démontrait suffisamment que ce départ groupé et précipité de clients résultait pour partie d'agissements déloyaux de M. X... qui a usé des moyens mis à sa disposition par son employeur pour informer et inciter les clients de la société Fiduciaire à le rejoindre sans délai dans sa nouvelle activité ;
Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs ne suffisant pas à caractériser des actes effectifs de concurrence déloyale commis par le salarié avant le terme de son contrat de travail, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;
Condamne la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable et la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. X...

Le pourvoi fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que M. Thierry X... avait commis à l'égard de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable des actes de concurrence déloyale, D'AVOIR condamné M. Thierry X... à payer à la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi et D'AVOIR débouté M. Thierry X... de sa demande tenant à la condamnation de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable à lui payer des dommages et intérêts ;
AUX MOTIFS QU'« en l'absence de clause de non concurrence dûment régularisée, M. X... était libre de créer un cabinet directement concurrent à celui de son ancien employeur, sous réserve d'exercer son activité de façon loyale ; ayant l'expiration de son contrat de travail, il ne lui était pas interdit d'accomplir des actes préparatoires à sa future activité concurrente, à condition de ne pas manquer à l'obligation de loyauté contractuelle envers son employeur ; il ne pouvait ainsi utiliser les moyens mis à sa disposition par ce dernier pour favoriser sa future installation ;/ c'est à la Sa Fiduciaire nationale d'expertise comptable qui invoque un manquement à l'obligation de loyauté de son salarié constitutive d'une concurrence déloyale d'en rapporter la preuve et d'établir le préjudice éventuellement subi du fait de ces agissements ;/ … Il ressort … de la durée du parcours professionnel de M. X... au sein de l'agence Fiducial, de sa forte implication, non contestée, dans le milieu local dont il est issu, de la nature même de l'activité d'expert-comptable nécessitant une relation de confiance, qu'il a pu nouer des relations étroites avec les clients de sorte qu'il n'est pas anormal que bon nombre d'entre eux aient pu spontanément choisir de le suivre alors de son départ de l'entreprise. La Sa Fiduciaire nationale d'expertise comptable a elle-même prévenu la clientèle du départ de son salarié par courrier du 13 décembre 2006, et l'information donnée, selon laquelle M. X... serait remplacé par une expert-comptable stagiaire, certes de troisième année, a pu susciter quelques craintes chez les clients./ Il apparaît cependant que la Sa Fiduciaire nationale d'expertise comptable a reçu de ses clients 37 lettres de résiliation entre le 16 octobre et le 31 décembre 2006, c'est-à-dire alors que M. X... était en cours d'exécution de son préavis, dont 17 avant qu'ils n'aient été avisés par l'employeur de son départ. Ces courriers sont rédigés sur un mode similaire, n'omettent jamais de mentionner la date à laquelle leurs auteurs souhaitent voir la résiliation prendre effet (généralement le 1er octobre 2006, date antérieure à l'envoi de leur courrier, ou le 31 décembre 2006). En outre, un rapprochement entre le relevé des appels téléphoniques émis depuis l'agence Fiducial d'octobre à décembre 2006 et ces lettres de résiliation révèle que 17 de ces clients ont envoyé leur lettre de résiliation le jour où ils ont reçu un appel téléphonique de l'agence. Il s'agit des clients suivants : Dalla Barba, Latapie, Bmgb, Rieuner, Magnau, Hamon, Viladelmas, Bedouch (plusieurs dossiers), Rouet, Roujous, Antoniollo, Gourmelon, Pascolini, Saint-Cricq, Valette, Bonnevigne, Py. D'autres, tel M. Y..., ont adressé leur lettre quelques jours après un appel de l'agence. Très rares (3 seulement) sont ceux qui ont avancé de façon laconique un élément d'insatisfaction pour justifier leur décision./ L'ensemble de ces éléments démontre suffisamment que ce départ groupé et précipité de clients résulte pour partie d'agissements déloyaux de M. X..., qui a usé des moyens mis à sa disposition par son employeur pour informer et inciter les clients de l'agence Fiducial à le rejoindre sans délai dans sa nouvelle activité./ … Enfin, la Sa Fiduciaire nationale d'expertise comptable se prévaut d'informations obtenues en exécution de l'ordonnance sur requête du 2 octobre 2007, par constant d'huissier du 11 octobre 2007, démontrant, par rapprochement avec son propre relevé d'appels téléphoniques, que des prospects contactés téléphoniquement depuis l'agence Fiducial par M. X... durant l'exécution de son préavis sont devenus directement clients de sa société l'Eurl Delt @ expertise en 2007./ … L'arrêt ayant refusé de rétracter cette ordonnance est en revanche frappé d'un pourvoi qui, s'il n'est pas suspensif, fait planer une incertitude sur le bien fondé de l'ordonnance et la validité du constat./ En toute hypothèse, il demeure un comportement fautif de M. X... durant l'exécution de son contrat de travail qui a favorisé et précipité un départ de la clientèle de la Sa Fiduciaire nationale d'expertise comptable à son profit, comportement caractérisant une concurrence déloyale./ Pour les motifs déjà exposés, et particulièrement celui de l'attachement de clients à la personne qui s'est chargée de leur dossier, dans le contexte de cette agence située en milieu rural, avec un salarié originaire de la région, l'attitude fautive de M. X... n'est que très partiellement à l'origine de l'importante perte de chiffre d'affaires subie par la Sa Fiduciaire nationale d'expertise comptable qui a ensuite fermé l'agence./ La Cour dispose des éléments lui permettant d'évaluer à 40 000 € le montant du préjudice subi par l'appelante./ La demande en dommages-intérêts présentée par M. X... pour les divers préjudices qu'ont pu lui occasionner les actions en justice engagée par la Sa Fiduciaire nationale d'expertise comptable ne peut qu'être rejetée, étant au surplus observé que les instances pénales se sont déjà prononcées sur les conséquences de l'action engagée auprès d'elles par cette société » (cf., arrêt attaqué, p. 3 à 5) ;
ALORS QUE, de première part, le fait pour un salarié, qui n'est pas soumis envers son employeur par une obligation de non-concurrence postérieurement au terme de son contrat de travail, de préparer l'exercice d'une activité concurrente n'est pas fautif s'il n'accomplit pas d'acte effectif de concurrence avant le terme du contrat de travail ; que, s'il ne s'accompagne d'aucun acte de démarchage, le simple fait pour un salarié d'informer la clientèle de son employeur de son départ prochain de l'entreprise ne constitue pas un acte effectif de concurrence ; qu'en se bornant, dès lors, à énoncer, pour considérer que M. Thierry X... avait, pendant la durée de son préavis, incité, en utilisant les moyens mis à sa disposition par son employeur, les clients de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable à le rejoindre sans délai dans sa nouvelle activité et favorisé et précipité le départ de cette clientèle à son profit et pour en déduire que M. Thierry X... avait commis à l'égard de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable des actes de concurrence déloyale, que la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable avait reçu de ses clients 37 lettres de résiliation entre le 16 octobre et le 31 décembre 2006, c'est-à-dire pendant la période au cours de laquelle M. Thierry X... exécutait son préavis, dont 17 avant que les clients n'aient été informés par la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable du départ de M. Thierry X..., que ces lettres étaient rédigées sur un mode similaire et n'omettaient pas de mentionner la date à laquelle leurs auteurs souhaitaient voir la résiliation prendre effet, qu'un rapprochement entre le relevé des appels téléphoniques émis depuis l'agence de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable du mois d'octobre au mois de décembre 2006 et ces lettres de résiliation révélait que 17 de ces clients avaient envoyé leur lettre de résiliation le jour où ils avaient reçu un appel téléphonique de l'agence et que d'autres avaient adressé leur lettre de résiliation quelques jours après un tel appel et que trois seulement de ces mêmes clients avaient avancé de façon laconique un élément d'insatisfaction pour justifier leur décision, quand elle relevait qu'il ressortait de la durée du parcours professionnel de M. Thierry X... au sein de l'agence de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable où il était employé, de sa forte implication, non contestée, dans un milieu local dont il était issu, de la nature même de l'activité d'expert-comptable nécessitant une relation de confiance que M. Thierry X... avait pu nouer des relations étroites avec les clients de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable et qu'il n'était en conséquence pas anormal que bon nombre d'entre eux aient spontanément choisi de le suivre lors de son départ de l'entreprise, quand, dès lors, l'information donnée par un membre de l'agence de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable du départ prochain de M. Thierry X... de l'entreprise pouvait, à elle seule, expliquer l'attitude des clients de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable et quand, en conséquence, les circonstances qu'elle avait relevées étaient, à elles seules, impropres à caractériser que M. Thierry X... avait, pendant la période au cours de laquelle il avait exécuté son préavis, fautivement accompli un acte effectif de concurrence déloyale, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail ;
ALORS QUE, de seconde part, l'existence d'actes constitutifs de concurrence déloyale ne saurait se déduire de simples présomptions ; qu'en énonçant, dès lors, pour considérer que M. Thierry X... avait commis à l'égard de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable des actes de concurrence déloyale, que la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable avait reçu de ses clients 37 lettres de résiliation entre le 16 octobre et le 31 décembre 2006, c'est-à-dire pendant la période au cours de laquelle M. Thierry X... exécutait son préavis, dont 17 avant que les clients n'aient été informés par la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable du départ de M. Thierry X..., que ces lettres étaient rédigés sur un mode similaire et n'omettaient pas de mentionner la date à laquelle leurs auteurs souhaitaient voir la résiliation prendre effet, qu'un rapprochement entre le relevé des appels téléphoniques émis depuis l'agence de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable du mois d'octobre au mois de décembre 2006 et ces lettres de résiliation révélait que 17 de ces clients avaient envoyé leur lettre de résiliation le jour où ils avaient reçu un appel téléphonique de l'agence et que d'autres avaient adressé leur lettre de résiliation quelques jours après un tel appel, que trois seulement de ces mêmes clients avaient avancé de façon laconique un élément d'insatisfaction pour justifier leur décision et que l'ensemble des éléments démontrait suffisamment que ce départ groupé et précipité de clients résultait pour partie d'agissements déloyaux de M. Thierry X..., tenant à ce que celui-ci a usé des moyens mis à sa disposition par son employeur pour informer et inciter les clients de l'agence de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable à le rejoindre sans délai dans sa nouvelle activité et a favorisé et précité un départ de la clientèle de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable à son profit, quand, en se déterminant de la sorte, elle considérait que les circonstances qu'elle a relevées faisaient présumer que M. Thierry X..., avait usé des moyens mis à sa disposition par son employeur pour informer et inciter les clients de l'agence de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable à le rejoindre sans délai dans sa nouvelle activité et avait favorisé et précité un départ de la clientèle de la société Fiduciaire nationale d'expertise comptable à son profit et quand, dès lors, elle déduisait l'existence d'actes de concurrence déloyale commis par M. Thierry X... de simples présomptions, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article L. 1222-1 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-16988
Date de la décision : 31/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 25 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 oct. 2012, pourvoi n°11-16988


Composition du Tribunal
Président : M. Linden (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Le Bret-Desaché, SCP Yves et Blaise Capron

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.16988
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