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31/10/2012 | FRANCE | N°11-16985

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 octobre 2012, 11-16985


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 13 juillet 2007 par la société JRM, qui exploite un restaurant à Bandol, en qualité de chef de cuisine, que le 17 décembre à son retour d'un arrêt de travail, son employeur l'a convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 24 décembre, puis l'a licencié le 28 décembre pour insuffisance professionnelle ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes pour dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et o

btenir le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 13 juillet 2007 par la société JRM, qui exploite un restaurant à Bandol, en qualité de chef de cuisine, que le 17 décembre à son retour d'un arrêt de travail, son employeur l'a convoqué à un entretien préalable à une mesure de licenciement, fixé au 24 décembre, puis l'a licencié le 28 décembre pour insuffisance professionnelle ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de demandes pour dire ce licenciement sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement de diverses sommes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, alors, selon le moyen :
1°/ que le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs imputables à ce salarié ; qu'en retenant qu'il importait peu qu'aucun reproche n'ait été adressé à M. X... pendant sa période d'essai en ce que l'employeur n'était pas présent physiquement dans le restaurant en raison de son état de santé durant cette période, outre que le responsable du restaurant indiquait n'avoir pas voulu avertir immédiatement l'employeur pour permettre à ce nouveau chef de cuisine de " s'intégrer à l'équipe " et de " trouver ses repères ", quand le licenciement était ainsi intervenu après la période d'essai pour une cause qui était connue au cours de cette période, de sorte que l'insuffisance professionnelle ne pouvait être avérée, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
2°/ que le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs imputables à ce salarié ; qu'en toute hypothèse, en se déterminant de la sorte, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la pratique de ce restaurant qui consistait, lorsqu'un chef de cuisine ne donnait pas toute satisfaction, de s'en défaire systématiquement à l'issue de la période d'essai, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;
Mais attendu que la cour d'appel a estimé que l'insuffisance professionnelle du salarié était caractérisée ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article L. 3171-4 du code du travail ;
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'heures supplémentaires repos compensateurs, heures de nuit et congés l'arrêt retient que le salarié, employé à temps complet pour un horaire mensuel de 169 heures, se borne à communiquer un tableau manuscrit manifestement établi a posteriori, récapitulant les heures supplémentaires effectuées selon lui chaque semaine pendant les mois de juillet et août 2007 et présentant le décompte des sommes dont il réclame le paiement,- un calendrier du second semestre 2007, édité le 22 janvier 2008, soit après la rupture du contrat de travail, sur lequel il a indiqué les matinées et les soirées travaillées, ainsi que les matinées de repos ; qu'à défaut d'un quelconque témoignage ou écrit contemporain de la période de travail, ces seuls éléments, établis unilatéralement par le salarié après la rupture de son contrat de travail et s'analysant comme le simple chiffrage de ses prétentions, ne suffisent pas à étayer la demande ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le salarié avait produit un décompte des heures qu'il prétendait avoir réalisées auquel l'employeur pouvait répondre, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires repos compensateurs, heures de nuit et congés, l'arrêt rendu le 8 juin 2010, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne la société JRM aux dépens ;
Vu l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, condamne la société JRM à payer à la SCP Laugier et Caston la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Laugier et Caston, avocat aux Conseils, pour M. X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Monsieur X... justifié par une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, d'AVOIR débouté l'intéressé de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive ;
AUX MOTIFS QUE, selon l'article L. 122-14-3 devenu L. 1235-1 du Code du travail, en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que si un doute subsiste, il profite au salarié ; que l'insuffisance professionnelle du salarié, qui n'est pas fautive, constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle repose sur des faits précis, objectivement vérifiables ; qu'en l'espèce, convoqué le 17 décembre 2007 à un entretien préalable au licenciement fixé au 24 décembre 2007, Monsieur X... a été licencié par lettre du 28 décembre 2007, ainsi motivée : « (…) nous sommes au regret de vous informer de notre décision de vous licencier pour incompétence. Vous n'avez pas la capacité d'assumer le poste de chef de cuisine » ; que pour preuve de l'incompétence de son salarié, s'analysant en une insuffisance professionnelle, l'employeur verse plusieurs attestations :- Monsieur Z..., responsable du restaurant, fait état de « plats ratés, trop cuits », de « sauces insipides », de « paëllas immangeables », d'un « entretien de cuisine plus que précaire », d'une mauvaise gestion des commandes (« en double, ou même en triple », voire défaillantes),- Mademoiselle A..., second de cuisine, atteste de même que le comportement et le travail de Monsieur X... « n'étaient pas dignes d'un chef de cuisine », que sa cuisine était « mauvaise, soit pas assez cuite, soit trop cuite, mal assaisonnée », que « c'était la même chose pour le repas du personnel, voire pire », et que de « grosses quantités (…) passaient à la poubelle »,- Mademoiselle Y..., serveuse, témoigne non seulement d'un manque de sociabilité du chef de cuisine, peu compatible avec ses fonctions de responsable d'une équipe, mais aussi de nombreuses erreurs techniques : « mauvaise cuisson, erreur de garniture, poisson fade et sans saveur », « sa paëlla était tout sauf une traditionnelle paëlla comme on peut en manger dans n'importe quelle brasserie de la côte : riz trop cuit, viandes cuites dans l'eau du cuiseur à pâtes, aucun assaisonnement, aucune épice à part un riz jaune fluo », « lasagnes aux fruits de mer » avec « du saumon et du mérou avec de la crème » en guise de fruits de mer (« autrement dit, rien à voir avec ce qui était indiqué sur la carte », un « client très mécontent (…) explication de William (...) je les ai faits à ma manière »),- Monsieur B..., pizzaïolo, confirme que la « qualité de (la) cuisine (du chef) n'était pas bonne » et que beaucoup de clients s'en plaignaient ; que, face à ces témoignages circonstanciés et concordants, le salarié se borne à faire valoir qu'ils émanent d'employés du restaurant sous lien de subordination avec l'employeur, sans s'expliquer précisément sur les faits ainsi rapportés, ni produire aucun élément susceptible de justifier de sa compétence, de sa formation, de son parcours professionnel et de la satisfaction éventuelle d'un ou plusieurs autres employeurs ; qu'il objecte de manière tout aussi inopérante que son contrat de travail prévoyait une période d'essai d'un mois durant laquelle l'employeur aurait pu déceler sa prétendue incompétence, alors que :- ce dernier, qui n'était pas présent physiquement dans le restaurant en raison de son état de santé durant cette saison estivale, indique avoir recueilli les confidences de ses salariés après la saison, et plus encore lors de l'arrêt de travail du chef de cuisine,- le responsable du restaurant confirme qu'il n'a pas voulu avertir immédiatement l'employeur pour permettre au nouveau chef de cuisine de « s'intégrer à l'équipe » et de « trouver ses repères »,- l'insuffisance professionnelle n'étant pas fautive, l'employeur a pu décider d'attendre le retour de son salarié avant d'engager la procédure de licenciement, sans être enfermé dans un quelconque délai de prescription, laquelle n'est d'ailleurs pas invoquée en l'espèce ; qu'ainsi établie, l'insuffisance professionnelle du salarié constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ; qu'en conséquence, le jugement qui a considéré ce licenciement injustifié, aux motifs que la rupture était intervenue le jour même de la reprise du travail du salarié et que l'incompétence présumée de ce dernier aurait pu être décelée par l'employeur durant la période d'essai, sera réformé (arrêt, p. 3 et 4) ;
1°) ALORS QUE le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs imputables à ce salarié ; qu'en retenant qu'il importait peu qu'aucun reproche n'ait été adressé à Monsieur X... pendant sa période d'essai en ce que l'employeur n'était pas présent physiquement dans le restaurant en raison de son état de santé durant cette période, outre que le responsable du restaurant indiquait n'avoir pas voulu avertir immédiatement l'employeur pour permettre à ce nouveau chef de cuisine de « s'intégrer à l'équipe » et de « trouver ses repères », quand le licenciement était ainsi intervenu après la période d'essai pour une cause qui était connue au cours de cette période, de sorte que l'insuffisance professionnelle ne pouvait être avérée, la Cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail ;
2°) ALORS QUE le licenciement pour une cause inhérente à la personne du salarié doit être fondé sur des éléments objectifs imputables à ce salarié ; qu'en toute hypothèse, en se déterminant de la sorte, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la pratique de ce restaurant qui consistait, lorsqu'un chef de cuisine ne donnait pas toute satisfaction, de s'en défaire systématiquement à l'issue de la période d'essai, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes relatives aux heures supplémentaires, repos compensateurs, heures de nuit et congés payés y afférents ;
AUX MOTIFS QUE, sur les heures supplémentaires et les repos compensateurs, s'il résulte de l'article L. 212-1-1, devenu L. 3171-4, du Code du travail que la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'en l'espèce, outre le compte rendu de l'entretien préalable au licenciement établi par son conseiller, rapportant ses simples affirmations selon lesquelles, en juillet et août 2007, il avait travaillé 7 jours sur 7 de 9h30 à 14h30 et de 18h00 à 0h30, hormis deux matinées de repos par semaine, le salarié, employé à temps complet pour un horaire mensuel de 169 heures, se borne à communiquer :- un tableau manuscrit manifestement établi a posteriori, récapitulant les heures supplémentaires effectuées selon lui chaque semaine pendant les mois de juillet et août 2007 et présentant le décompte des sommes dont il réclame le paiement,- un calendrier du second semestre 2007, édité le 22 janvier 2008, soit après la rupture du contrat de travail, sur lequel il a indiqué les matinées et les soirées travaillées, ainsi que les matinées de repos ; qu'à défaut d'un quelconque témoignage ou écrit contemporain de la période de travail, ces seuls éléments, établis unilatéralement par le salarié après la rupture de son contrat de travail et s'analysant comme le simple chiffrage de ses prétentions, ne suffisent pas à étayer la demande ; que le jugement sera réformé en ce qu'il a fait droit à cette réclamation, aux motifs qu'il appartenait à l'employeur d'imposer au salarié l'utilisation du badge qui lui avait été remis lors de son embauche afin d'éviter toute contestation sur les horaires réalisés, alors que, s'il incombe à l'employeur de justifier les horaires effectivement réalisés par son salarié, il appartient préalablement au salarié de fournir des éléments de nature à étayer sa demande (arrêt, p. 5 et 6) ;
1°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant au juge ses propres éléments ; que le juge ne peut rejeter la demande aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de celle-ci ; qu'en retenant, pour rejeter les demandes relatives aux heures supplémentaires, repos compensateurs, et congés payés y afférents, que les éléments fournis par Monsieur X... ne suffisaient pas à étayer ses prétentions s'agissant d'éléments établis unilatéralement par l'intéressé après la rupture de son contrat de travail, quand le salarié avait, de la sorte, produit des éléments de preuve auquel l'employeur pouvait répondre, la Cour d'appel a violé l'article L. 3171-4 du Code du travail ;
et AUX MOTIFS QUE, sur les heures de nuit, selon les dispositions de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants, est considéré comme « travailleur de nuit » celui qui accomplit, entre 22h00 et 7h00, soit au moins 3 heures de travail effectif, selon un horaire habituel, au moins 2 fois par semaine, soit au moins 280 heures de travail effectif sur l'année civile (salarié d'un établissement permanent), soit 70 heures par trimestre civil (établissements saisonniers ou salarié saisonnier d'un établissement permanent) ; qu'en l'espèce, le salarié, qui terminait son service à 22h30, selon son horaire contractuel, et qui a été débouté de sa demande à titre d'heures supplémentaires, ne remplit pas les conditions lui ouvrant droit aux compensations conventionnelles ; que le jugement qui a fait droit à la demande de ce chef sera réformé et le salarié en sera débouté (arrêt, p. 6) ;
2°) ALORS QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant au juge ses propres éléments ; que le juge ne peut rejeter la demande aux motifs que les éléments produits par le salarié ne prouvent pas le bien-fondé de celle-ci ; qu'en écartant les demandes relatives aux heures de nuit et congés payés y afférents, en tant que Monsieur X... terminait son service à 22h30, selon son horaire contractuel, et avait été débouté de ses prétentions au titre des heures supplémentaires, quand le salarié avait, de la même manière, produit des éléments de preuve auquel l'employeur pouvait répondre, la Cour d'appel a encore violé l'article L. 3171-4 du Code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-16985
Date de la décision : 31/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 08 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 oct. 2012, pourvoi n°11-16985


Composition du Tribunal
Président : M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Laugier et Caston

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.16985
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