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31/10/2012 | FRANCE | N°11-16092

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 31 octobre 2012, 11-16092


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1333-1 du code du travail ;
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé par la société Ego Boniface aux droits de laquelle est venue la société Calberson Hainaut, le 6 mars 1985 et exerçant en dernier lieu les fonctions d'agent commercial s'est vu notifier, le 28 février 2008, une mise à pied disciplinaire d'une durée de trois jours ; qu'il a été licencié au motif de son insu

ffisance de résultats traduisant une insuffisance professionnelle ; qu'il a sa...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 1333-1 du code du travail ;
Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X..., engagé par la société Ego Boniface aux droits de laquelle est venue la société Calberson Hainaut, le 6 mars 1985 et exerçant en dernier lieu les fonctions d'agent commercial s'est vu notifier, le 28 février 2008, une mise à pied disciplinaire d'une durée de trois jours ; qu'il a été licencié au motif de son insuffisance de résultats traduisant une insuffisance professionnelle ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;
Attendu que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a relevé que la lettre de licenciement pour insuffisance professionnelle développait, à l'exclusion de tout autre, les griefs figurant déjà dans la lettre de mise à pied ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de licenciement vise une dégradation des résultats commerciaux à l'échéance du premier semestre 2008, nécessairement postérieure à la lettre notifiant la mise à pied en date du 28 février 2008, la cour d'appel a dénaturé la lettre de licenciement ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 février 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Val express.
UNIQUE MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'AVOIR dit et jugé que le licenciement de Monsieur Thierry X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR, en conséquence, condamné la société CALBERSON HAINAUT à lui payer la somme de 60.000 € avec les intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé de cette décision ainsi qu'à rembourser à l'institution pôle emploi les allocations de chômage versées au salarié ensuite de son licenciement dans la limite de six mois, et à verser au salarié la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « sur la mise à pied du 28 février 2008 : cette sanction disciplinaire a été motivée par « une insuffisance importante de résultats d'acquisition commerciale depuis deux ans par rapport aux objectifs fixés, à savoir : moins 15 % cumulés pour l'année 2006 et moins 26, 46 % cumulés pour l'année 2007, ceci en dépit des courriers l'informant de l'inquiétude de la direction, « de l'assistance et de l'accompagnement de ses supérieurs hiérarchiques », ainsi que de la « mise à disposition de matériel important (PC portable- assistante Géocom et documentations diverses »), les acquisitions de janvier 2008 semblant « amplifier la tendance » et nourrir l'inquiétude de sa hiérarchie quant à sa capacité à réaliser ses objectifs ; à l'appui de sa demande d'annulation, l'appelant fait valoir que l'insuffisance de ses résultats étaient la conséquence de la politique de l'entreprise et du caractère irréaliste des objectifs qui lui avaient été assignés, alors que l'intimée fait plaider qu'il s'agissait, pour elle, d'alerter plus fermement son collaborateur sur les conséquences de son inaction ; l'insuffisance de résultats ne constituant pas, en elle-même, une faute disciplinaire et aucune faute de cette nature n'étant invoquée par l'employeur, la mise à pied doit être annulée par application de l'article L.1333-2 du Code du travail ; en conséquence, il y a lieu de condamner la société CALBERSON HAINAUT au paiement du salaire que Monsieur X... aurait dû percevoir du 10 au 12 mars inclus, ainsi que des congés payés correspondants ; sur le bien-fondé du licenciement : cette mesure (le licenciement) est la conséquence, selon la lettre du 2 octobre 2008, d'une « insuffisance de résultats récurrente (traduisant) une insuffisance professionnelle que l'employeur caractérise de la manière suivante : « votre activité commerciale du 1er semestre 2008 peut être synthétisée comme suit : - Reporting résultats : votre objectif était au 30.06 de 102 KF pour une réalisation de 37 KF soit un retrad de – 64, 12 %¨ ; ces réalisations représentent 26 ouvertures de compte pour un CA mensuel moyen de 237 € ; l'analyse par régime d'activité fait apparaître un retard significatif dans tous les produits : messagerie : 10 K€ de réalisation pour 28 K€ d'objectif, express : 3 K€ de réalisation pour 15 K€ d'objectif, affrètement : 11 K€ de réalisation pour 17 K€ d'objectif ; euro first : 1 K€ de réalisation pour 22 K€ d'objectif, lots régionaux : 0 € de réalisation pour 12 K€ d'objectif, douane : 1 K€ de réalisation pour 4 K€ d'objectif, logistique : 0 € de réalisation pour 4 K€ d'objectif ; ces chiffres ne font que de se dégrader puisque vos résultats à fin août font apparaître un retard de près de – de 70 % (53 K€ de réalisation pour un objectif de 175 K€) ; malheureusement, la médiocrité de cette performance s'inscrit dans la continuité d'une dégradation constante de vos résultats commerciaux depuis plusieurs années : exercice 2006 : vos objectifs tous régime d'activité confondus étaient de 300 K€ pour une réalisation de 255 K€ soit un retard de - 15 % ; au cours de l'année, à plusieurs reprises nous vous avons fait part de notre inquiétude sur la non réalisation de vos objectifs (v. nos courriers des 21/04/06, 27/07/06, 27/11/06 et 14/12/06) ; pour l'exercice 2007, la direction a souhaité que les objectifs commerciaux soient fixés par régimes d'activité ; vos résultats ont été les suivants : messagerie : objectif de 70 K€ pour une réalisation de 84 K€ soit + 21 %, express : objectif de 105 K€ pour une réalisation de 21 K€ soit – 80 %, affrètement : objectif de 70 K€ pour une réalisation de 133 K€ soit + 90 %, euro first : objectif 53 K€ pour une réalisation de 2 K€ soit – 96 %, activités diverses : objectif 52 K€ pour une réalisation de 17 K€ soit – 68 % ; en cumul, toute activité confondue, vous avez accusé un retard de 93 K€ soit – 26, 46 € ; la médiocrité de vos résultats vous est directement imputable ainsi qu'en attestent les résultats enregistrés par vos collègues placés dans les mêmes conditions de travail qui ont, pour leur part, atteint leurs objectifs au cours des mêmes périodes ; année 2006 : Monsieur Franck Y... : réalisé 326 K€ pour un objectif de 300 K€, Monsieur Thierry Z... : réalisé 409 K€ pour un objectif de 300 K€, Monsieur Arnaud A... : réalisé 100 K€ pour un objectif de 150 K€, le retard enregistré étant dû à la mission complémentaire d'affréteur qui (lui) a été confiée pendant six mois ; année 2007 : Monsieur Franck Y... : réalisé 356 K€ pour un objectif de 300 K€, Monsieur Thierry Z... : réalisé 409K€ pour un objectif de 300 K€, Monsieur Arnaud A... : réalisé 100 K€ pour un objectif de 150 K€ (résultats arrêtés au 30.06 pour cause de mutation au 59 France Express Valenciennes ; Monsieur Arnaud A... : réalisé 362K€ pour un objectif de 350 K€ ; suite aux difficultés que vous rencontriez sur votre secteur (Belgique) et à votre demande, nous vous avons attribué au début du second semestre 2007 le secteur de votre collègue M. Z... qui était à l'époque en pleine réussite ; de plus, au cours de ces années, nous avons mis à votre disposition les ressources nécessaires pour vous aider à améliorer vos résultats : fourniture d'un PC portable, formation au logiciel commercial Geodis « Géocom », formation aux techniques de vente « Gilles C... », constitution de nouveaux tarifs accompagnés d'une nouvelle carte de délai (plan de transport plus performant), le soutien de votre responsable commercial, la disponibilité importante d'une assistante commerciale ; ces aménagements n'ont strictement rien changé à votre niveau de performance ; pour sa défense, Thierry X... soutient en premier lieu que son insuffisance de résultats ayant été sanctionnée par la mise à pied prononcée à son encontre le 28 février, la règle non bis idem interdit à l'employeur de prononcer une nouvelle sanction pour le même motif ; l'annulation des sanctions antérieures ne fait pas obstacle à l'application de cette règle en vertu de laquelle ne peuvent être retenus, pour caractériser l'insuffisance professionnelle alléguée, que les faits postérieurs à ceux mentionnés dans la lettre du 28 février 2008 (ceux mentionnés dans la lettre d'avertissement ayant une nature différente) ; l'employeur fait plaider que Thierry X..., qui a bénéficié d'un accompagnement managérial de son activité comprenant notamment un suivi personnalisé à des échéances plus brèves que celles de ses collègues, de la mise à disposition d'une assistante et à partir du 21 avril 2006, d'un plan d'action personnalisé qu'il s'est abstenu de mettre en application, n'a pas atteint ses objectifs, à l'inverse des autres commerciaux, il ne fait cependant état d'aucun fait postérieur au 1er février 2008 ; la lettre de licenciement ayant repris, en les développant, les griefs figurant dans la mise à pied à l'exclusion de tout autre, il y a lieu de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; compte - tenu notamment de l'âge (47 ans) et de l'ancienneté (23 ans et 7 mois) du salarié à la date de la rupture, du fait qu'il est toujours au chômage, il y a lieu de lui allouer, sur la base d'une rémunération de l'ordre de 2500 € au cours de sa dernière année d'activité, une somme de 60.000 € en application de l'article L.1235-3 du Code du travail et de faire d'office application de l'article L.1253-4 du même Code » ;
1) ALORS QUE la règle « non bis in idem » interdit seulement à l'employeur de prononcer une nouvelle sanction pour le même motif ; qu'en l'espèce, le salarié avait fait l'objet d'une mise à pied en février 2008, annulée par le juge en présence d'une simple insuffisance professionnelle non fautive reprochée au salarié, puis d'un licenciement pour insuffisance professionnelle caractérisée par une baisse constante de ses résultats ; qu'en reprochant à l'employeur, dans la lettre de licenciement, de s'être borné à reprendre les griefs d'insuffisance professionnelle déjà énoncés dans la lettre de mise à pied, à l'exclusion de tout autre, et de ne faire état d'aucun fait postérieur au 1er février 2008, la Cour d'appel a violé les articles L.1235-1, L.1235-3 et L.1333-1 du Code du travail ;
2) ALORS, subsidiairement, QUE les juges ne peuvent dénaturer la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; qu'en l'espèce, la lettre de mise à pied du 28 février 2008 reprochait au salarié une insuffisance de résultats sur les exercices 2006 et 2007, outre des chiffres inquiétants sur janvier 2008 ; que la lettre de licenciement du 2 octobre 2008 visait quant à elle le bilan de l'activité du salarié au 1er semestre 2008 faisant apparaître un retard à fin août de près de 70 %, et énonçait que la médiocrité des résultats s'inscrivait dans la continuité des mauvaises performances déjà constatées en 2006 et 2007 ; qu'en relevant que la lettre de licenciement reprenait les griefs figurant déjà dans la lettre de mise à pied, à l'exclusion de tout autre, et que l'employeur ne faisait état d'aucun fait postérieur au 1er février 2008, la Cour d'appel a violé l'article L.1232-6 du Code du travail ;


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11-16092
Date de la décision : 31/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 18 février 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 31 oct. 2012, pourvoi n°11-16092


Composition du Tribunal
Président : M. Blatman (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.16092
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