LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu la connexité, joint les pourvois n°s T 11-15.999 à X 11-16.003 ;
Attendu, selon les jugements attaqués rendus en dernier ressort, que le 20 juin 2009 a été conclu, au sein de l'unité économique et sociale Vindemia, un accord prévoyant l'attribution aux salariés dont les vêtements de travail sont fournis par l'employeur, de deux barils de lessive par trimestre d'une valeur de 6,95 euros ; que Mme X... et quatre autres salariées de la société Sodexmar, exploitant des magasins sous l'enseigne "Jumbo Score", ont saisi la juridiction prud'homale pour obtenir le remboursement, pour la période antérieure, des frais d'entretien de leurs vêtements professionnels et le paiement de dommages-intérêts pour rupture d'égalité salariale et pour préjudices moral et financier en faisant valoir qu'antérieurement à l'entrée en vigueur de l'accord, ils ont été exclus de l'avantage précédemment attribué à leurs salariés par certaines entités du groupe Vindemia et consistant en l'octroi d'un baril de lessive par mois pour l'entretien des tenues de travail ;
Sur le second moyen :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le premier moyen :
Vu le principe "à travail égal, salaire égal" ;
Attendu que ce principe ne s'applique pas lorsque des salariés qui revendiquent le bénéfice d'un droit ou d'un avantage n'appartiennent pas à l'entreprise au sein de laquelle ce droit ou cet avantage est reconnu en vertu d'un accord collectif, d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur ;
Attendu que pour condamner la société Sodexmar à payer à chacun des salariés une somme à titre de dommages-intérêts pour inégalité de traitement, les jugements énoncent que celle-ci reconnaît qu'au sein du groupe Vindemia, des salariés ont bénéficié de la prise en charge par l'employeur des frais d'entretien des tenues de travail ; que seul le personnel de "Jumbo Score" n'a pas bénéficié pas de cet avantage ;
Qu'en statuant ainsi, le conseil de prud'hommes a violé le principe susvisé ;
Vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils ont condamné la société Sem Sodexmar à payer à chacun des salariés la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour violation du principe d'égalité de traitement, les jugements rendus le 7 septembre 2010, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Saint-Pierre ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute les salariés de leur demande au titre de l'inégalité de traitement ;
Condamne les salariés aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Sem Sodexmar ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des jugements partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un octobre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour la société Sem Sodexmar.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF aux jugements attaqués d'avoir dit qu'il y avait discrimination syndicale et condamné la Sodexmar à payer aux salariés demandeurs des sommes à titre de dommages et intérêts pour discrimination salariale et de dommages et intérêts pour préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE selon les articles L. 3221-2 et L. 3221-2 du Code du Travail l'employeur est tenu de respecter l'égalité de traitement, pour un travail de valeur égal entre tous les salariés ; que l'employeur reconnaît appliquer les frais d'entretien des tenues de travail aux autres salariés du groupe Vindémia ; que seul le personnel de Jumbo Score ne bénéficie pas des frais d'entretien des tenues de travail par rapport aux autres salariés du groupe Vindémia ; que l'employeur a failli à ses obligations de prise en charge des frais d'entretien des vêtements du personnel ; qu'en conséquence, il y a discrimination salariale ;
ALORS QUE le principe « à travail égal, salaire égal » ne s'applique qu'aux salariés d'un même employeur et non à des salariés d'entreprises distinctes, quand bien même celles-ci feraient partie d'un même groupe de sociétés ; que dès lors, en jugeant qu'il y avait eu rupture d'égalité salariale entre salariés employés par des entreprises distinctes d'un groupe de sociétés, le Conseil de prud'hommes a méconnu, par fausse application, le principe « à travail égal, salaire égal » et les articles L. 2261-22 et L. 2271-1 du Code du travail.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF aux jugements attaqués d'avoir condamné la Sodexmar à payer aux salariés demandeurs des sommes à titre de frais d'entretien des tenues de travail, de dommages et intérêts pour discrimination salariale et de dommages et intérêts pour préjudice subi ;
AUX MOTIFS QUE sur les frais d'entretien des tenues de travail, l'employeur fournit à l'ensemble du personnel, des tenues vestimentaires ; que les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs selon l'article L. 4122-2 du Code du travail ; que l'employeur est tenu de supporter les frais d'entretien des vêtements de travail lorsqu'il impose le port du vêtement ; que les salariés n'ont jamais reçu de frais d'entretien ; que la règle retenue par le Protocole d'accord du 20/06/09 est de deux barils de lessive par trimestre, soit huit barils par an (soit la somme de 8 barils de lessive par an x 6€ = 48€ par an x 5 ans = 260,00 euros) ; que sur les dommages et intérêts pour discrimination salariale, l'employeur a failli à ses obligations de prise en charge des frais d'entretien des vêtements du personnel ; que les salariés demandent réparation pour cette discrimination salariale ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande pour la somme de 1.500 € ; que sur les préjudices moral et financier subis, que les salariés se disent affectés sur le plan moral du fait que leur employeur les a laissés dans l'ignorance de cet avantage ; que le manque à gagner financier leur est accordé pour les cinq dernières années, alors que leur ancienneté dans l'entreprise sont supérieures à 5 ans ; que le préjudice moral est démontré ; que le demandeur a subi un préjudice financier ; qu'en conséquence, il y a lieu de leur allouer une somme au titre des dommages et intérêts pour préjudices moral et financier subis ;
ALORS, D'UNE PART, QUE la réparation d'un dommage, qui doit être intégrale, ne peut excéder le montant du préjudice ; qu'en l'espèce, le Conseil de prud'hommes a indemnisé à deux reprises, sous deux chefs différents, le même préjudice correspondant aux frais occasionnés par l'entretien des vêtements de travail à savoir au titre de la discrimination salariale et au titre des frais d'entretien des vêtements de travail ; qu'en statuant de la sorte, il a violé l'article 1149 du Code civil ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE le fait « d'avoir été laissé dans l'ignorance d'un avantage » ne saurait à lui seul constituer un préjudice moral, qui correspond à des souffrances psychiques et aux troubles qui y sont associés ; qu'en justifiant l'allocation de dommages et intérêts au titre du préjudice moral par un fait qui n'était pas de nature à caractériser celui-ci, le Conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1149 du Code civil.