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30/10/2012 | FRANCE | N°11-20591;11-21846

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 30 octobre 2012, 11-20591 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 11-20. 591 et n° Y 11-21. 846 qui attaquent le même arrêt ;
Statuant tant sur les pourvois principaux formés par la société Le Crédit coopératif et les sociétés MMA IARD et assurances mutuelles que sur le pourvoi incident relevé par M. X... et la Société d'études comptables et fiscales :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., dirigeant des sociétés du groupe Tutrice, a organisé, à partir de l'une de ces sociétés, la société SA Tutrice, aya

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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° J 11-20. 591 et n° Y 11-21. 846 qui attaquent le même arrêt ;
Statuant tant sur les pourvois principaux formés par la société Le Crédit coopératif et les sociétés MMA IARD et assurances mutuelles que sur le pourvoi incident relevé par M. X... et la Société d'études comptables et fiscales :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y..., dirigeant des sociétés du groupe Tutrice, a organisé, à partir de l'une de ces sociétés, la société SA Tutrice, ayant pour activité la vente à l'exportation de véhicules automobiles, une escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), permettant d'obtenir un crédit de TVA fictif ; qu'au moyen d'une cession de créances professionnelles, ce crédit était mobilisé auprès de la Banque de l'entreprise, devenue la société Le Crédit coopératif, qui faisait l'avance de son montant en compte courant et en demandait le remboursement à l'État ; que, par des décisions définitives des juridictions répressives, M. Y... a été condamné pour escroquerie envers l'Etat, tandis que M. X..., dirigeant de la Société d'études comptables et fiscales (SECF), expert-comptable de la société Y..., et M. Z..., son commissaire aux comptes, étaient condamnés pour complicité par fourniture de moyens, le premier pour avoir attesté de la conformité et de la sincérité de comptes dont le caractère fictif ne pouvait lui échapper, le second pour avoir, en connaissance de cause et sur plusieurs exercices, certifié ces comptes ; qu'après ouverture des procédures collectives des sociétés du groupe Tutrice les 7 et 27 janvier 2000, la société Le Crédit coopératif, non remboursée de ses avances des mois d'octobre et novembre 1999, a déclaré sa créance à ce titre et assigné en responsabilité MM. Z... et X... ainsi que la SECF, en appelant également à la cause Les Mutuelles du Mans (MMA), assureur de leur responsabilité professionnelle ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° J 11-20. 591 :
Attendu que le Crédit coopératif fait grief à l'arrêt d'avoir réduit de 40 pour cent l'indemnisation de son préjudice par la SECF et M. X..., alors, selon le moyen :
1°/ que le banquier n'est tenu d'une obligation de vigilance qu'à l'égard d'une opération présentant une anomalie apparente ; que la cour d'appel a relevé que le Crédit coopératif ne procédait au versement des avances à la société Y... " qu'après réception de l'attestation mensuelle de l'expert-comptable dans laquelle il reprenait le montant du crédit de TVA " ; que les mouvements sur les comptes de la société Y... ne pouvaient être considérés comme anormaux puisque la banque connaissait l'origine des fonds, dont le caractère apparemment normal résultait notamment des attestations établies par le comptable ; qu'en considérant néanmoins qu'en effectuant les opérations prétendument anormales avant la découverte de l'escroquerie, le Crédit coopératif avait commis une faute, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
2°/ que le Crédit coopératif avait fait valoir que le banquier ne peut refuser d'exécuter un ordre de virement par débit d'un compte présentant un solde disponible et suffisant ; qu'en délaissant purement et simplement ce moyen dirimant, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que l'indemnisation due par l'auteur d'une faute pénale intentionnelle ne saurait être limitée du fait d'un manquement à un simple devoir de surveillance de la victime ; qu'en l'espèce, M. X... et la SECF ont été déclarés par le juge pénal complices d'une escroquerie au préjudice de la banque ; qu'en considérant que le prétendu défaut de surveillance du Crédit coopératif avait contribué à son préjudice à hauteur de 40 %, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'en présence d'une infraction intentionnelle d'atteinte aux biens, l'interdiction d'opposer au demandeur en réparation un partage de responsabilité, malgré sa négligence, ne s'applique que si ce demandeur est victime de l'infraction et si la réduction de son indemnisation aurait pour effet de permettre à l'auteur d'en conserver un profit quelconque ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt que le Crédit coopératif n'a pas, au sens de l'article 2, alinéa 1er, du code de procédure pénale, souffert personnellement et directement du dommage causé par l'escroquerie et qu'il n'a pas allégué qu'il résulterait de cette infraction un profit quelconque pour M. X..., de sorte que la négligence du Crédit coopératif pouvait être prise en considération pour réduire son indemnisation ;
Attendu, en second lieu, que l'arrêt relève que, le jour même du versement des avances de crédit de TVA ou quelques jours seulement après, le Crédit coopératif a exécuté des ordres de virement pour un montant global de 8 513 321, 06 francs (1 297 847 43 euros) pour créditer un compte à l'étranger, sans que ces opérations correspondent à l'activité " export " de la société Y..., et a exécuté un ordre de retrait en espèces de 900 000 francs (137 204, 12 euros) ; que l'arrêt retient encore que, par leur importance et leur exécution dans un temps rapproché du versement des avances, ces mouvements auraient dû attirer l'attention du Crédit coopératif par leur caractère anormal ; que, sans être tenue de répondre aux conclusions évoquées par la deuxième branche, rendues inopérantes par ses constatations et appréciations, la cour d'appel a pu en déduire que le Crédit coopératif avait manqué à son obligation de vigilance, le privant d'une possibilité de récupérer une partie de son avance, et réduire, en conséquence, et dans la proportion qu'elle a souverainement fixée, son indemnisation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° Y 11-21. 846 :
Attendu que les MMA font grief à l'arrêt de les avoir condamnées à garantir la responsabilité de M. X... et de la SECF envers le Crédit coopératif, alors, selon le moyen :
1°/ que la faute intentionnelle, au sens de l'article L. 113-1 du code des assurances, suppose seulement la volonté de causer le dommage et non celle de nuire à une personne identifiée ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'une faute intentionnelle commise par M. X... que seul le Trésor public avait été victime de l'escroquerie bien qu'elle ait elle-même relevé que le juge pénal avait jugé qu'" en établissant les comptes annuels, les déclarations mensuelles de chiffre d'affaires taxable et les attestations mensuelles de crédit de TVA adressées à la banque, (permettant) ainsi la réalisation des escroqueries visés à la prévention ", M. X... s'était rendu coupable de complicité d'escroquerie ce dont il s'évinçait qu'il avait recherché la remise de sommes indues, ce qui suffit à caractériser la volonté de faire perdre ses sommes, et donc l'existence d'une faute intentionnelle, sans qu'importe l'identité de la personne devant supporter au final la perte des sommes détournées, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
2°/ que l'escroquerie vise la remise de sommes au préjudice du remettant ou d'un tiers ; qu'en affirmant que la condamnation de M. X... pour complicité d'escroquerie n'impliquait pas la volonté de causer le dommage subi par le Crédit coopératif dès lors que cette infraction ne concernait que le Trésor public, seule victime de l'infraction, bien qu'elle ait relevé que le juge pénal avait jugé qu'" en établissant les comptes annuels, les déclarations mensuelles de chiffre d'affaires taxable et les attestations mensuelles de crédit de TVA adressées à la banque, (permettant) ainsi la réalisation des escroqueries visés à la prévention ", M. X... s'était rendu coupable de complicité d'escroquerie ce qui impliquait la volonté de provoquer une remise préjudiciable quelle qu'en fût la victime, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil, ensemble le principe d'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 313-1 du code pénal ;
3°/ que la faute intentionnelle suppose seulement que son auteur ait eu la volonté de causer le dommage sans exiger que la réalisation de celui-ci en ait constitué le mobile ; qu'en relevant pour écarter la faute intentionnelle de M. X... qu'il s'était rendu coupable de complicité d'escroquerie au détriment du seul Trésor public, quand l'identité de la victime importait peu dès lors que la volonté de causer le dommage à une personne déterminée n'est pas exigée pour caractériser une faute intentionnelle, la cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du code des assurances ;
Mais attendu que la faute intentionnelle, qui exclut, par application des dispositions de l'article L. 113-1, alinéa 2, du code des assurances, la garantie de l'assureur est celle par laquelle l'assuré a eu l'intention de causer le dommage tel qu'il est survenu ; qu'ayant relevé que l'expert-comptable avait eu pour seule intention de fournir à la société Y... les moyens d'escroquer l'État, tandis que le préjudice du Crédit coopératif résultait, au contraire, de l'impossibilité pour lui de se faire rembourser par l'État le crédit de TVA indu, la cour d'appel, par une appréciation souveraine de l'intention de l'assuré, a estimé que celle-ci n'était pas caractérisée par rapport au dommage tel qu'il est survenu ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen du pourvoi n° J 11-20. 591 et le moyen unique du pourvoi incident de M. X... et de la SECF, rédigés en termes similaires, réunis :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que, pour décider que les MMA ne devaient leur garantie que dans la limite d'un seul plafond, l'arrêt, après avoir relevé qu'un plafond de garantie d'un montant de 3 500 000 francs (533 571, 56 euros) est prévu par sinistre et par assuré, retient qu'au sein de la SECF, M. X... avait été seul en charge de la mission d'expertise comptable confiée par la société Y..., de sorte qu'il devait être considéré comme l'unique assuré ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que le contrat d'assurance stipulait qu'ont la qualité d'assurés le sociétaire des MMA, souscripteur de la police, c'est-à-dire la SECF, et tout expert-comptable travaillant pour elle et ne percevant aucun honoraire à titre personnel, tel M. X..., et qu'elle les condamnait in solidum, ce dont il résultait que chacun avait la qualité d'assuré, fût-ce en raison d'un même dommage et d'une même faute, la cour d'appel a méconnu la loi du contrat ;
Et sur le premier moyen du pourvoi n° J 11-20. 591 :
Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article L. 621-39 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable, pour défaut de qualité, l'action individuelle du Crédit coopératif à l'encontre de M. Z..., commissaire aux comptes, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que celui-ci, par la certification générale des comptes qui lui est reprochée, a déterminé l'ensemble des créanciers à poursuivre leurs relations avec la société Y..., de sorte que le préjudice éprouvé par le Crédit coopératif n'est pas distinct de celui subi par les autres créanciers ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'intervention du commissaire aux comptes avait déterminé l'octroi d'une avance dont le remboursement par l'État était impossible, ce qui constituait un préjudice propre à l'établissement de crédit cessionnaire de la créance fictive de crédit de TVA, la cour d'appel, en ne tirant pas les conséquences légales de ces constatations, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action du Crédit coopératif à l'encontre de M. Z... et décidé que la garantie des Mutuelles du Mans assurances n'était due que dans la limite de la somme de 533 571, 56 euros, l'arrêt rendu le 14 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Le Crédit coopératif et des sociétés MMA IARD et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente octobre deux mille douze.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

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Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL n° J 11-20. 591 par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Le Crédit coopératif.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR déclaré le Crédit coopératif irrecevable en son action en responsabilité formée à l'encontre de Monsieur Z..., commissaire aux comptes, pénalement condamné pour complicité d'escroquerie et non-révélation de faits délictueux ;
AUX MOTIFS PROPRES QU': « après avoir rappelé qu'il peut être difficile de distinguer ce qui relève du préjudice collectif ou du préjudice personnel, le Crédit coopératif expose que « la question peut être résolue selon que le patrimoine du tiers est ou non de nature à constituer le gage de l'ensemble des créanciers » ; qu'en « dépit des procédures collectives ouvertes à l'encontre de la société Y... et de Monsieur Y..., il n'y a pas eu d'extension de ces procédures à l'encontre de Monsieur Z..., pas davantage n'existe-t-il d'action en comblement de passif à son encontre ; que son patrimoine personnel et/ ou personnel ne peut donc servir de gage à l'ensemble des créanciers de la société Y..., que c'est d'ailleurs ce que l'instance pénale a décidé puisque la cour d'appel de Paris a condamné solidairement Messieurs X... et Z... à payer à l'Etat français conjointement et solidairement avec Monsieur Y... une somme de plus de 90 millions d'euros à titre de dommages et intérêts, qu'à cette occasion il n'a pu être valablement opposé à l'Etat français l'existence de la procédure collective qui affectait la société Y... pour s'opposer à la condamnation des deux professionnels du chiffre, que c'est donc par une nouvelle erreur de droit que le tribunal de grande instance de Cambrai a retenu qu'il ne justifiait pas d'un préjudice spécial et distinct » ; qu'au travers de ce seul développement, le Crédit coopératif n'apporte aucun argument utile de nature à remettre en cause la motivation pertinente du premier juge que la cour adopte sur l'inexistence d'un préjudice personnel distinct » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE : « le Crédit coopératif reproche à Monsieur Z..., commissaire aux comptes, d'avoir certifié sans réserve les comptes annuels de la société Y..., comptes sur le fondement desquels la banque aurait accordé ses avances. Il apparaît toutefois, que les comptes annuels, documents portés à la connaissance de tous, intéressent l'ensemble des créanciers. Il ressort par ailleurs du rapport Natio Consultant que, sans le concours des profits dégagés par l'export, le groupe Y... aurait enregistré des pertes en 1996 de sorte qu'il aurait été en cessation de paiements. Le jugement du tribunal de grande instance de Péronne du 11 avril 2001 indique, également, qu'il a été démontré que les sommes que Monsieur Y... a pu obtenir du Trésor Public n'ont pas été uniquement utilisées en faveur des entreprises dont Monsieur Y... avait la direction, mais ont également été dépensées à des fins exclusivement personnelles. Le rapport Lavergne précise enfin que ces sommes ont notamment permis de financer les pertes à hauteur de 408 millions de francs et les prélèvements de Monsieur Y... à hauteur de 76 millions de francs. Il ne paraît, dès lors, pas sérieusement contestable que les comptes inexacts certifiés par Monsieur Z... ont pu déterminer l'ensemble des cocontractants à poursuivre leurs relations avec la société tutrice alors que celle-ci n'était plus solvable. L'ensemble des créanciers ayant été victime des agissements de Monsieur Z..., le Crédit coopératif ne justifie pas d'un préjudice personnel et distinct » ;
ALORS 1°/ QUE : présente un caractère personnel et distinct de celui de l'ensemble des créanciers, le préjudice qui n'est pas directement lié à l'ouverture de la procédure collective et qui ne résulte pas de la défaillance débiteur ; qu'en l'espèce, la société Y... a cédé au Crédit coopératif les créances qu'elle détenait à l'encontre de l'administration fiscale ; que ces créances s'étant par la suite avérées fictives, l'administration fiscale en a refusé le paiement à la banque ; que le préjudice ainsi réalisé, qui provient de l'escroquerie commise par le cédant et de sa dissimulation par le commissaire aux comptes de ce dernier, est personnel au banquier cessionnaire puisque lui seul a souffert du non-remboursement des avances consenties à la société Y... ; qu'en décidant au contraire que ce préjudice est commun à l'ensemble des créanciers de la procédure collective, ultérieurement ouverte à l'égard de la société Y..., pour en déduire que l'action en responsabilité contre le commissaire aux comptes ne pouvait être exercée que par les organes de la procédure et non par le Crédit coopératif, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L. 622-4 et L. 621-39 du code de commerce ;
ALORS 2°/ QUE : une faute peut causer plusieurs préjudices, l'un commun à un ensemble de victimes, l'autre propre à une autre victime ; qu'en l'espèce, la faute reprochée au commissaire aux comptes consiste à avoir certifié les comptes de la société Y..., ce qui a permis d'une part, de dissimuler le caractère fictif des créances cédées au Crédit coopératif et d'autre part, selon les juges du fond, d'inciter l'ensemble des co-contractants de la société à maintenir leur relation avec celles-ci ; qu'en déduisant l'absence de préjudice individuel subi par le Crédit coopératif du seul fait que la faute à l'origine de ce dommage aurait par ailleurs causé un préjudice à la collectivité des créanciers de la société tutrice, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble les articles L 622-4 et L 621-39 du code de commerce ;
ALORS 3°/ QUE : les juges du fond ont constaté, d'une part, que c'est en raison de la découverte de l'escroquerie que l'administration fiscale a interrompu le remboursement des « crédits de TVA » à la banque (cf. arrêt, p. 3, al. 7) et, d'autre part, que la cour d'appel de Paris, statuant en matière correctionnelle, a retenu que Monsieur Z... avait permis la réalisation de l'escroquerie par Monsieur Y... en certifiant les comptes (cf. arrêt, p. 4, al. 1er) ; qu'en considérant néanmoins que « les comptes inexacts certifiés par Monsieur Z... ont pu déterminer l'ensemble des cocontractants à poursuivre leurs relations avec la société Y... alors que celle-ci n'était plus solvable », causant ainsi un préjudice à l'ensemble des créanciers et non un préjudice propre au Crédit coopératif, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation de l'article 1382 du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR limité la condamnation in solidum de Monsieur X... et de la SECF au profit du Crédit coopératif à la somme de 1. 829. 388, 20 € ;
AUX MOTIFS QU': « Le Crédit coopératif a procédé, après réception de l'attestation du 8 novembre 1999 à trois virements du compte TVA n°... de la SA Tutrice sur le compte courant de la SA Tutrice n°... d'un montant de 2. 310. 000 francs le 10 novembre 1999, de 3. 000. 000 francs le 18 novembre 1999 et de 13. 670. 000 francs le 22 novembre 1999, puis à réception de l'attestation du 8 décembre 1999 à un virement de 1. 020. 000 francs le 10 décembre 1999, soit la somme totale de 3. 048. 980, 34 €. C'est à juste titre qu'Etienne X... et la SECF soutiennent que le Crédit coopératif a commis des fautes qui ont également contribué à son préjudice. Il ressort des pièces produites qu'à la date des 25 novembre 1999 et du 10 décembre 1999, la banque a viré du compte de la société Y...
... au profit d'un compte suisse, deux sommes de 3. 501. 546, 73 francs et 5. 011. 774, 33 francs. En outre, un retrait d'espèces de 900. 000 francs a été effectué sur le même compte à la date du 25 novembre 1999. De tels virements portant sur de très gros montants effectués avec les fonds provenant des avances qu'elle avait consenti dans un délai très proche du versement desdites avances à destination d'un compte à l'étranger, associés à un retrait d'espèces très important, pour un montant cumulé de 9. 413. 321, 06 francs ne sauraient être regardées comme des opérations usuelles qui permettraient au Crédit coopératif de se retrancher derrière son devoir de non-ingérence. La banque ne démontre pas en effet, ne procédant sur ce point que par voie d'allégations, que de telles opérations s'inscrivaient dans le cadre de l'activité export de la société Y.... Dans ces conditions, le Crédit coopératif qui a accédé à de telles demandes qui présentaient un caractère anormal de la part de la SA Tutrice, a failli à son devoir de vigilance. La cour estime, au vu des éléments dont elle dispose, que le Crédit coopératif a contribué à son préjudice à hauteur de 40 %. Le Crédit coopératif doit donc être indemnisé à hauteur de la somme de 1. 829. 388, 20 € » ;
ALORS 1°/ QUE : le banquier n'est tenu d'une obligation de vigilance qu'à l'égard d'une opération présentant une anomalie apparente ; que la cour d'appel a relevé que le Crédit coopératif ne procédait au versement des avances à la société Y... « qu'après réception de l'attestation mensuelle de l'expert-comptable dans laquelle il reprenait le montant du crédit de TVA » ; que les mouvements sur les comptes de la société Y... ne pouvaient être considérés comme anormaux puisque la banque connaissait l'origine des fonds, dont le caractère apparemment normal résultait notamment des attestations établies par le comptable ; qu'en considérant néanmoins qu'en effectuant les opérations prétendument anormales avant la découverte de l'escroquerie, le Crédit coopératif avait commis une faute, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
ALORS 2°/ QUE : le Crédit coopératif avait fait valoir que le banquier ne peut refuser d'exécuter un ordre de virement par débit d'un compte présentant un solde disponible et suffisant ; qu'en délaissant purement et simplement ce moyen dirimant, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS 3°/ QUE : l'indemnisation due par l'auteur d'une faute pénale intentionnelle ne saurait être limitée du fait d'un manquement à un simple devoir de surveillance de la victime ; qu'en l'espèce, Monsieur X... et la SECF ont été déclarés par le juge pénal complices d'une escroquerie au préjudice de la banque ; qu'en considérant que le prétendu défaut de surveillance du Crédit coopératif avait contribué à son préjudice à hauteur de 40 %, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'AVOIR limité la condamnation de la SA MMA à garantir Monsieur X... et la SECF au profit du Crédit coopératif à hauteur de 533. 571, 56 € ;
AUX MOTIFS QU': « contrat d'assurance, la SECF et Etienne X... ont la qualité d'assurés. La SA MMA oppose à. Etienne X... et à la SECF une non-garantie, invoquant les dispositions de l'article L 113-1 du code des assurances aux termes desquelles " l'assureur ne répond pas des pertes et dommages venant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ". Il a déjà été rappelé que par arrêt définitif de la cour d'appel de Paris du 20 septembre 2005, Etienne X... a été condamné pour s'être à Péronne rendu complice des escroqueries commises par Alain Y... au préjudice du Trésor Public et donc de l'Etat. Il y a toutefois une autonomie de la faute intentionnelle au sens de l'article susvisé par rapport à l'infraction pénale. En effet, la faute intentionnelle au sens de ce texte, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction. Or à supposer qu'Etienne X... ait recherché les conséquences dommageables de l'infraction, elles ne concernent que le Trésor Public, seule victime de l'infraction. C'est lui en effet qui s'est acquitté le temps de l'escroquerie, auprès de la banque, des remboursements de " crédits de TVA " cédés à cette dernière par la SA Tutrice. Ce n'est qu'en raison de la cessation du paiement à la banque par le Trésor Public des " crédits de TVA " relatifs aux mois d'octobre et novembre 1999 consécutivement à la découverte de l'escroquerie-soit à partir du moment où elle cesse-que la banque va subir un dommage. Dans ces conditions, la garantie de la compagnie d'assurance est due. C'est à juste titre que la SA MMA soutient que le montant de sa garantie est de 533. 571, 56 euros, et non pas de 1. 067. 143, 12 euros comme l'ont retenu les premiers juges, s'agissant du montant, déduction faite de la franchise, dû par sinistre et par assuré, seul en l'espèce Etienne X... ayant eu en charge le dossier. La SA MMA sera donc condamnée à garantir Etienne X... et la SECF de la condamnation prononcée à leur encontre au profit du Crédit coopératif à hauteur de 533. 571, 56 euros » ;
ALORS QUE : la cour d'appel a constaté que le plafond s'appliquait par sinistre et par assuré, que Monsieur X... et la SECF avaient la qualité d'assurés et que ceux-ci étaient condamnés in solidum au bénéfice du Crédit coopératif ; qu'en considérant néanmoins que le montant de sa garantie est de 533. 571, 56 euros, et non pas de 1. 067. 143, 12 euros comme l'avaient retenu les premiers juges, s'agissant du montant, déduction faite de la franchise, dû par sinistre et par assuré, au prétexte qu'en l'espèce, seul Etienne X... a eu en charge le dossier, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du code civil. Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL n° Y 11-21. 846 par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la société Mutuelles du Mans assurances IARD et la société Mutuelles du Mans assurances IARD, assurances mutuelles.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné les MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à garantir Monsieur Etienne X... et la Société d'Etudes Comptables et Fiscales de la condamnation prononcée à leur encontre au profit du Crédit Coopératif à hauteur de 533. 571, 56 euros ;
AUX MOTIFS QUE la SECF, sociétaire, a souscrit auprès de la SA MMA Iard, assureur, un contrat d'assurance garantissant, notamment sa responsabilité civile professionnelle ; qu'aux termes de conditions générales du contrat d'assurance, la SECF et Etienne X... ont la qualité d'assurés ; que la société MMA IARD oppose à Etienne X... et à la SECF une non-garantie, invoquant les dispositions de l'article L. 113-1 du Code des assurances aux termes desquelles « l'assureur ne répond pas des pertes et dommages venant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré » ; qu'il a déjà été rappelé que par arrêt définitif de la Cour d'appel de Paris du 20 septembre 2005, Etienne X... a été condamné pour s'être à Péronne rendu complice des escroqueries commises par Alain Y... au préjudice du Trésor Public et donc de l'Etat ; qu'il y a toutefois autonomie de la faute intentionnelle au sens de l'article susvisé par rapport à l'infraction pénale ; qu'en effet, la faute intentionnelle au sens de ce texte, qui implique la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, n'exclut de la garantie due par l'assureur à l'assuré, condamné pénalement, que le dommage que cet assuré a recherché en commettant l'infraction ; qu'à supposer qu'Etienne X... ait recherché les conséquences dommageables de l'infraction, elle ne concernent que le Trésor Public, seule victime de l'infraction ; que c'est lui, en effet, qui s'est acquitté le temps de l'escroquerie, auprès de la banque, des remboursements de « crédits de TVA » cédés à cette dernière par la SA Y... ; que ce n'est qu'en raison de la cessation des paiements à la Banque par le Trésor Public des « crédits de TVA » relatifs aux mois d'octobre et novembre 1999 consécutivement à la découverte de l'escroquerie – soit à partir du moment où elle cesse – que la banque va subir un dommage ; que dans ces conditions, la garantie de la compagnie d'assurance est due ;
1°) ALORS QUE la faute intentionnelle, au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances, suppose seulement la volonté de causer le dommage et non celle de nuire à une personne identifiée ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'une faute intentionnelle commise par Monsieur X..., que seul le Trésor Public avait été victime de l'escroquerie bien qu'elle ait elle-même relevé que le juge pénal avait jugé qu'« en établissant les comptes annuels, les déclarations mensuelles de chiffre d'affaires taxable et les attestations mensuelles de crédit de TVA adressées à la banque, (permettant) ainsi la réalisation des escroqueries visés à la prévention », Monsieur X... s'était rendu coupable de complicité d'escroquerie ce dont il s'évinçait qu'il avait recherché la remise de sommes indues, ce qui suffit à caractériser la volonté de faire perdre ses sommes, et donc l'existence d'une faute intentionnelle, sans qu'importe l'identité de la personne devant supporter au final la perte des sommes détournées, la Cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du Code des assurances ;
2°) ALORS QUE l'escroquerie vise la remise de sommes au préjudice du remettant ou d'un tiers ; qu'en affirmant que la condamnation de Monsieur X... pour complicité d'escroquerie n'impliquait pas la volonté de causer le dommage subi par le CREDIT COOPERATIF dès lors que cette infraction ne concernait que le Trésor Public, seule victime de l'infraction, bien qu'elle ait relevé que le juge pénal avait jugé qu'« en établissant les comptes annuels, les déclarations mensuelles de chiffre d'affaires taxable et les attestations mensuelles de crédit de TVA adressées à la banque, (permettant) ainsi la réalisation des escroqueries visés à la prévention », Monsieur X... s'était rendu coupable de complicité d'escroquerie ce qui impliquait la volonté de provoquer une remise préjudiciable quelle qu'en fût la victime, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil, ensemble le principe d'autorité absolue de la chose jugée au pénal sur le civil et l'article 313-1 du Code pénal ;
3°) ALORS QUE la faute intentionnelle suppose seulement que son auteur ait eu la volonté de causer le dommage sans exiger que la réalisation de celui-ci en ait constitué le mobile ; qu'en relevant pour écarter la faute intentionnelle de Monsieur X... qu'il s'était rendu coupable de complicité d'escroquerie au détriment du seul Trésor Public, quand l'identité de la victime importait peu dès lors que la volonté de causer le dommage à une personne déterminée n'est pas exigée pour caractériser une faute intentionnelle, la Cour d'appel a violé l'article L. 113-1 du Code des assurances. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour la Société d'études comptables et fiscales et M. X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité la condamnation de la SA MMA IARD à garantir Etienne X... et la société d'Etudes comptables et Fiscales de la condamnation prononcée à leur encontre au profit du Crédit coopératif à la somme de 533. 571, 56 euros,
AUX MOTIFS QUE " c'est à juste titre que la SA MMA soutient que le montant de sa garantie est de 533. 571, 56 euros, et non pas de 1. 067. 143, 12 euros comme l'ont retenu les premiers juges, s'agissant du montant, déduction faite de la franchise, dû par sinistre et par assuré, seul en l'espèce Etienne X... ayant eu en charge le dossier " (arrêt p. 13) ;
ALORS QU'aux termes du contrat d'assurance souscrit par la SECF auprès de la compagnie MMA, ont la qualité d'assurés le sociétaire et les experts-comptables, personnes physiques, travaillant pour le compte du sociétaire et ne percevant aucun honoraire à titre personnel (conditions générales article 2) tandis que la garantie s'applique par sinistre et par assuré (article 6 p. 7) ; qu'ayant constaté qu'aux termes du contrat d'assurance, M. Etienne X... et la SECF avaient tous deux la qualité d'assurés, et considéré que chacun d'eux avait engagé sa responsabilité propre, si bien qu'elle les avait condamnés in solidum au profit du Crédit coopératif, la Cour d'appel, en limitant la garantie de la compagnie MMA au montant dû pour un seul assuré, M. X..., n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations au regard de l'article 1134 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-20591;11-21846
Date de la décision : 30/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 14 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 30 oct. 2012, pourvoi n°11-20591;11-21846


Composition du Tribunal
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Peignot, Garreau et Bauer-Violas, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.20591
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