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25/10/2012 | FRANCE | N°11-21993

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 25 octobre 2012, 11-21993


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 706-14 du code de procédure pénale ;
Attendu que ce texte ne prévoit que l'indemnisation de la victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant ; que cette énumération est limitative et que la qualification retenue par le juge répressif s'impose au juge de l'indemnisation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un tribunal correctionnel

a condamné M. X... du chef du délit de recel d'un véhicule volé et revendu ...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 706-14 du code de procédure pénale ;
Attendu que ce texte ne prévoit que l'indemnisation de la victime d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien lui appartenant ; que cette énumération est limitative et que la qualification retenue par le juge répressif s'impose au juge de l'indemnisation ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'un tribunal correctionnel a condamné M. X... du chef du délit de recel d'un véhicule volé et revendu à Mme Y... ; que celle-ci ne s'est pas constituée partie civile devant la juridiction pénale ; que par requête du 10 janvier 2010, Mme Y... a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI) d'une demande en réparation de ses préjudice matériel et moral ;
Attendu que pour dire que Mme Y... avait été victime d'une escroquerie qui ouvrait droit à indemnisation sur le fondement de l'article 706-14 du code de procédure pénale et condamner en conséquence le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI) à lui verser une certaine somme en réparation de son préjudice, l'arrêt retient qu'elle avait été victime d'une escroquerie plutôt que d'un simple recel de vol qui aurait été suivi de la transmission de l'objet à une personne de bonne foi ; que l'action de M. X... s'analyse plutôt comme une escroquerie que constitue le fait de tromper une personne physique et de la déterminer à son préjudice à lui remettre des fonds soit par l'usage d'une fausse qualité, celle de propriétaire, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses en portant un numéro de châssis faux sur une automobile et en présentant une carte grise d'un autre véhicule ; que l'escroquerie ou le recel de délit sont deux infractions qui sanctionnent la violation d'intérêts distincts et comportent des éléments constitutifs différents qui font qu'au regard de Mme Y... celle-ci est parfaitement fondée à rechercher M. X... du chef d'escroquerie tout aussi bien qu'une autre partie civile avait pu, du chef de recel, se constituer partie civile contre M. X..., dès lors que les éléments constitutifs de chacun de ces délits sont différents ; que c'est à bon droit, par une analyse exacte des faits, que la CIVI a décidé que Mme Y..., victime d'une escroquerie, pouvait réclamer indemnisation de la part du FGTI sans que les faits d'escroqueries aient été jugés ;
Qu'en statuant ainsi , alors que les faits volontaires présentant le caractère matériel d'une infraction, cause du dommage, avaient été qualifiés de recel par la juridiction pénale, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS ;
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 21 avril 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute Mme Y... de sa demande d'indemnisation ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme Magali Y... avait été victime d'une escroquerie qui ouvrait droit à indemnisation sur le fondement de l'article 706-14 du code de procédure pénale, d'avoir, dès lors, déclaré recevable sa demande d'indemnisation sur ce fondement, et d'avoir, en conséquence, condamné le Fonds de garantie à lui verser la somme de 2.300 € en réparation de son préjudice ;
Aux motifs propres que « Mme Y... a donc été victime d'une escroquerie plutôt que d'un simple recel de vol qui aurait été suivi de la transmission de l'objet à une personne de bonne foi ; que le Fonds de garantie objecte qu'une des parties civiles de M. X... a obtenu satisfaction alors qu'il s'était constitué partie civile du chef de recel ; qu'il n'a en fait nulle contradiction entre ces deux éléments ; qu'en effet, si l'article 706-14 prévoit que toutes personnes victimes d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds, d'une destruction ou d'une dégradation d'un bien lui appartenant peut en cas de défaut de réparation demander une indemnité à la Commission d'indemnisation des victimes, il n'en demeure pas moins que si le recel de vol s'analyse comme le fait de détenir ou de transmettre une chose ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit ; l'action de M. X..., au regard de Mme Y..., s'analyse plutôt comme une escroquerie qui constitue le fait soit par l'usage d'une fausse qualité, celle de propriétaire, soit par l'emploi de manoeuvres frauduleuses en portant un numéro de châssis faux sur une automobile et en présentant une carte grise d'un autre véhicule afin de tromper une personne physique et de la déterminer à son préjudice à lui remettre des fonds à savoir 2.300 € ; que l'escroquerie ou le recel de délit sont deux infractions qui sanctionnent la violation d'intérêts distincts et comportent des éléments constitutifs différents qui font qu'au regard de Mme Y... celle-ci est parfaitement fondée à rechercher M. X... du chef d'escroquerie tout aussi bien qu'une autre partie civile avait pu du chef de recel se constituer partie civile contre M. X... dès lors que les éléments constitutifs de chacun de ces délits sont différents ne serait-ce que par la violation d'intérêt distinct et d'éléments constitutifs qui sont différents ; que c'est donc à bon droit, par une analyse exacte des faits dont Mme Y... a été la victime, que la Commission a décidé que Mme Y..., victime d'une escroquerie, pouvait réclamer indemnisation de la part du Fonds de garantie sans que les faits d'escroqueries aient été jugés ; qu'en dehors du grief tiré du fait que Mme Y... était victime d'un recel et donc d'une escroquerie, le Fonds de garantie ne lui oppose pas d'autres arguments pour refuser son indemnisation ; qu'il y a donc lieu de confirmer purement et simplement la décision déférée ;» (arrêt attaqué, pages 3 et 4) ;
Et aux motifs adoptés que la demande formée par Mme Y... a pour fondement l'article 706-14 du code de procédure pénale, et non l'article 706-3 du CPP comme celle-ci l'a indiqué par erreur ; que cet article ouvre sous certaines conditions droit à indemnisation aux victimes de quelques infractions énumérées de manière limitative, telle que l'escroquerie ; que le recel n'est par contre pas inclus dans cette liste et ne peut ouvrir droit à indemnisation ; que les faits dont Mme Y... a été victime constituent d'évidence une escroquerie puisque M. X... a déterminé celle-ci à acquérir un véhicule en la trompant sur l'origine de ce véhicule par l'emploi de manoeuvres frauduleuses, à savoir en refrappant le numéro de série sur le châssis et en lui présentant les papiers d'un autre véhicule ; que l'examen de la décision rendue par le tribunal correctionnel montre que le Ministère public s'est abstenu de poursuivre les faits d'escroquerie ainsi commis par M. X... au préjudice de Mme Y... et s'est limité à poursuivre les faits de recel de vol de véhicule commis par M. X... au préjudice de M. Z... ; que le tribunal s'est, en ce qui le concerne, limité à statuer sur les faits dont il était saisi, à savoir les faits de recel et non ceux d'escroquerie ; qu'en conséquence, contrairement à ce que sous-tend la position du Fonds de garanti, il n'y a pas en l'espèce conflit de qualifications mais absence de poursuites de certaines des infractions imputables à M. X... ; que la loi n'exige pas que les faits constitutifs de l'infraction aient fait l'objet de poursuites pénales pour ouvrir droit à indemnisation devant la CIVI ; que Mme Y... peut donc obtenir réparation de l'escroquerie dont elle a été victime sous réserve de justifier qu'elle réunit les conditions prévues à l'article 706-14 du code de procédure pénale (jugement de la commission d'indemnisation, page 3) ;
Alors qu' aux termes de l'énumération limitative de l'article 706-14 du code de procédure pénale, peuvent seules prétendre à être indemnisées sur le fondement de ce texte les victimes d'un vol, d'une escroquerie, d'un abus de confiance, d'une extorsion de fonds ou d'une destruction, d'une dégradation ou d'une détérioration d'un bien leur appartenant ; que la qualification retenue par le juge répressif s'impose au juge de l'indemnisation ; que pour accueillir la demande d'indemnisation de Mme Y..., fondée sur l'article 706-14 du code de procédure pénale, l'arrêt attaqué énonce, par motifs propres et adoptés, que si les faits dont elle a été victime ont donné lieu à la condamnation de M. X... du chef de recel, son action, au regard de Mme Y..., s'analyse plutôt comme une escroquerie ; qu'en statuant ainsi lorsque la qualification de recel retenue par la juridiction répressive s'imposait au juge de l'indemnisation, la cour d'appel a violé l'article 706-14 du code de procédure pénale.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 11-21993
Date de la décision : 25/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 21 avril 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 25 oct. 2012, pourvoi n°11-21993


Composition du Tribunal
Président : M. Bizot (conseiller le plus ancien non empêché, faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Ancel, Couturier-Heller et Meier-Bourdeau, SCP Delaporte, Briard et Trichet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.21993
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